<centre>Visions : L’Économie anarchiste (Chaperon rouge)</centre>
Si l'on peut croire les cravatés dans la télé, on peut penser qu'on entre présentement dans une période de crise économique que ces experts de la cravate annoncent dure. Donc, en bref, nos escrocs de la finance (capitalistes) ont émis trop d'argent qui n'existait pas et nous, qui n'avons qu'un peu d'argent mais de l'argent réelle, devrons manger la claque de leur injustice, payer pour les pots cassés de ces ventrus. Plus qu'à l'habitude dans ces saisons d'incertitudes, on est amené à réfléchir sur l'injustice qui se trame sur la planète de par le système économique capitaliste.
Les anarchistes ont historiquement une idée là-dessus et visent un changement social définitivement anti-capitaliste. En ces temps de crise, voici les réponses de cinq répondant(e)s à la question : Quel est votre vision d'une Économie anarchiste?
1. Chadagova : « L’important, est je pense, de briser les structures aliénantes qui reproduisent l’ordre marchand. On ne pourra bâtir une société libertaire que sur les cendres du capitalisme. Avant de construire, il serait bon de détruire. La révolution doit s’effectuer sur tous les plans : politique, économique, sociale et culturel. ; pour pouvoir faire naître une nouvelle organisation des rapports humains. Concernant l’économie, elle doit être au service de l’homme et restée peu importante dans la vie de la cité. ”…” il faut se dire que l’aménagement de l’économie (et de la société post-révolutionnaire en générale) dépendra fortement des acteurs en présence et de la situation dans laquelle ils seront.
Plus largement, la réappropriation des moyens de production est essentielle, ajouter à cela une organisation populaire chargée de la logistique et on obtient une articulation théorique entre le producteur et le consommateur. La monnaie doit bien évidemment disparaître pour les raisons évoquées précédemment. Toutefois, j’insiste sur le fait que l’économie doit être désacralisée et reléguée au rang de simple instrument. »
2. Chaperon rouge : « Ma vision économique de la vie dans une société anarchiste est pas mal influencé par l'écologie sociale, le fédéralisme, la socialisation et l'autogestion des institutions de services et de production et la gratuité(et gestion plus serrée des trucs rares). Je crois qu'un retour à la terre serait probablement nécessaire. Dimitrios Roussopoulos avance dans Au bout de l'impasse à gauche que pour être soutenables, les villes devraient tourner autour de 30 000 habitant(e)s et pas vraiment plus.
Dans cette démarche de changement, le fédéralisme m'apparaît plus que nécessaire pour donner au niveau social, plus de sens et de perspectives aux initiatives lancées. Aussi, pour permettre aux milieux locaux de se représenter par un/des délégué(e)s à des plus grandes échelles.
Du fait de nous libérer de besoins, l'autonomie doit aussi s'affirmer dans les luttes sociales pour avoir des effets plusqu'individuels dans la société. En même temps, ces expériences d'autonomie peuvent souvent être facilement écrasables (au moment voulu) par les autorités en place. Il m'apparaît qu'il est, pour cette raison, nécessaire d'avoir des mouvements sociaux forts et combatifs pour les soutenir.
La socialisation des services et des produits les rend plus directement attachés à remplir les besoins des individus et groupes de la société. Dans ce but, les prises de décision sont démocratisées entre les individus qui les travailleurs/euses et ceux et celles qui bénéficient de ces services et biens. »
3. Willio : « Il me semble que la question importante sur laquelle il faut réfléchir, car je sais qu'elle divise encore les libertaires, est celle de la monnaie et du rapport à la propriété privée. Ma position là-dessus est connue je crois : je pense qu'une révolution intellectuelle poussée à son terme aboutit à la destruction de la monnaie, en tout cas dans son aspect “propriété privée”. Je m'explique…
Contrairement à ce qu'on voudrait nous faire croire, l'argent n'est pas un moyen, c'est une institution mentale, c'est un état d'esprit. Quand on parle d'argent et quand on dit “j'ai tant d'€”, on se base sur un concept dont il n'est même plus pensable de remettre en cause l'existence tant il est naturel, la propriété privée (et pas que des moyens de production !). On naît avec lui, nos relations sociales sont calquées sur lui, une grande partie de nos actions et la direction même de nos vies l'admettent comme principe fondamental. C'est cette monnaie là qu'il faut abolir, celle qui est la traduction matérielle de la propriété privée, c'est à dire d'un droit à disposer exclusivement d'un bien.
De manière plus pratique, je pense que la production devrait être asservie aux besoins. Pour les produits les plus courants, chacun-e devrait pouvoir se servir librement, avec par exemple une indication de ce qu'il est raisonnable de prendre, comme ça se fait me semble-t-il (à une autre échelle certes) dans les AMAP.
Pour les produits plus rares ou futiles, il est certainement nécessaire de contrôler leur distribution mais ça ne passe pas forcément par l'introduction d'une monnaie, et surtout pas celle qui traduit la propriété privée. C'est donc aussi une large décorrélation entre travail et consommation qui doit être opérée selon moi. »
4. Ken le surveillant : « Je pense que le système capitaliste (quasiment mondial) ne saurait pas être combattu de front. Il serait peut-être plus efficace, selon moi, de créer une sorte de système parallèle (genre respecter les 10 commandements de la décroissance et les approfondir) qui appauvrirait le capital au fur et à mesure de son développement.
L'étude de la force du capitalisme est primordiale pour en connaître les piliers, en étudier les points faibles et les faire s'écrouler. Ne plus avoir recours à l'argent est déjà une énorme avancée et utiliser celui que l'on perçoit (salaire, allocations…), le dépenser de manière rationnelle (faire profiter les producteurs locaux, financer la propagande du nouveau système… → ébauche). Étant de toute façon obligés de faire avec à l'heure qu'il est, pourquoi ne pas placer l'argent dans des banques “citoyennes” (si je ne me trompe pas dans le nom, genre “Triodos”) et faire profiter des élans locaux.
En France, vous avez le système des AMAP qui peut concurrencer les grandes surfaces en ce qui concerne l'alimentation (je ne sais pas ce qu'ils vendent, n'étant pas français). Au début, il faudra utiliser un peu tous les outils mis à notre disposition et en étudier les effets. Membre de Nature et Progrès, je vais tenter de produire mes graines en laissant “monter en fleur” une partie de mes légumes. Plus besoin d'aller me procurer de semences, elles seront autoproduites.
Préférer le réparable au jetable, encore une autre piste. Nos vêtements sont jetés dès l'apparition de la première usure, nos parents les recousaient ou les “rapiécaient” (si je me fais bien comprendre). Tous ces gestes oubliés qui favoriseraient le développement d'un système axé sur le rationnel et non sur l'émotionnel. »
5. Réponse de The koala avenger : « Je suis d'accord avec toi sur certains points, mais justement pas sur la possibilité de construire un système parallèle qui ferait tomber le capitalisme. Justement le capitalisme ne supporte ces systèmes parallèles car ils ne le menacent pas.
Le jour où ces systèmes seront plus menaçants, ils seront détruits (par la force physique - armée -, ou par la justice). Je ne pense pas qu'un système économico-politique qui a engendré le fascisme à un moment où il était menacé de s'effondrer, qui a instauré des dictatures pour préserver ses intérêts, qui n'est pas effrayé par la guerre quand il s'agit de bénéfices commerciaux, se laissera concurrencer par un autre système économico-politique. »
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