Oukaze de la CGT contre un militant libertaire

Oukaze de la CGT contre un militant libertaire

Messagede vroum le Mar 15 Fév 2011 13:24

Un hommage devait être rendu à Rouen au militant anarcho-syndicaliste Jules Durand

Les militants NPA au sein de la CGT ont refusé l'intervention programmée d'un militant havrais de la CNT, Patrice Rannou, auteur de plusieurs livres sur Jules Durand.

Par ailleurs, le NPA qui tente depuis plusieurs années une OPA sur les idées libertaires a publié dans son hebdo un article sur deux pages en hommage à Jules Durand, article qui gomme l'activité anarchiste et anarcho-syndicaliste de Jules Durand.

Au sortir d'un congrès chaotique, le NPA semble avoir besoin de nouveaux Working class heroes quitte à user de la manipulation historique et du chantage.

Dimanche 13 février 2011

http://www.cnt-f.org/cnt76/spip.php?article462

Interdit de parole par un oukaze de la CGT

Le Comité pour la Défense des Libertés Fondamentales (CDLF) de Rouen a eu l’excellente idée de prévoir un hommage à Jules Durand (1880-1926), le mercredi 16 février 2011, en organisant un rassemblement au Palais de Justice de Rouen et une conférence à la Halle aux Toiles.

Le 31 janvier, un camarade du CDLF avait sollicité un syndicaliste libertaire du Havre pour intervenir lors de l’initiative précitée. Le camarade en question a écrit une brochure aux Editions CNT-RP sur la machination dont a été victime Jules Durand et il a déjà effectué plusieurs interventions sur « L’Affaire Durand ». Ce militant est Président du Groupe d’Etudes Sociales au Havre et est syndiqué à la CNT.

Puis à Rouen, s’est tenue une réunion du CDLF, le 8 février 2011. Etaient présents à cette réunion : Alternative Libertaire, CGT-UD, CGT Précaires et privés d’emploi, CNT, Collectif des sans papiers (2), Emancipation, Europe Ecologie/les Verts, FASE, FSU, Gauche Unitaire, MJCF, NPA, Solidaires, Syndicat de la Justice Administrative, Syndicat de la Magistrature. Invités : RESF et un membre du Secours Catholique qui accompagne les sans papiers Excusés : CFDT-SGEN, CREAL, SUD-Education

Pour cette initiative du 16 février (http://www.lemague.net/dyn/spip.php?article7540), le déroulement initialement prévu était le suivant : 17H : Rassemblement devant le Palais de Justice. Trois prises de parole Courtes voire quatre :
- Pourquoi le CDLF a appelé à une initiative à Rouen, après celle du Havre.
- Intervention d’un représentant de l’UD-CGT
- Intervention d’un représentant de la CNT.
- Une quatrième, si présence d’un descendant de Jules Durand.

Projets et initiatives :
- Collages et accrochages d’affichettes (imitation plaque de rue, sur fond bleu) rebaptisant la place « Place Jules Durand ».
- Cortège par les voies piétonnes pour se rendre à la salle de la Halle aux toiles.
- 18H-20H : conférence avec des intervenants syndicaux de Rouen et du Havre dont le camarade du Groupe d’Etudes Sociales du Havre.

A cette réunion, personne n’a soulevé la moindre objection pour la participation de qui que ce soit. Voilà pour planter le décor.

Jeudi 10 février, coup de théâtre, un article paru sur « Le Post » (http://www.lepost.fr/article/2011/02/10/2401147_hommage-au-syndicaliste-revolutionnaire-jules-durand-a-rouen.html) met le feu aux poudres. Ce journal (considéré comme libertaire par la CGT) retrace les diverses manifestations qui se sont déroulées notamment au Havre à propos de « L’Affaire Durand » (http://www.lemague.net/dyn/spip.php?article3921)et indique qu’il y aura une prise de parole d’un syndicaliste de la CNT du Havre. Aussitôt, la CGT intervient auprès du CDLF lui intimant l’ordre de ne pas donner la parole au camarade de la CNT du Havre sous couvert de fallacieux arguments.

Le responsable du CDLF, n’assumant pas le conflit avec la CGT, s’exécute et demande au camarade de la CNT du Havre de ne plus participer à l’hommage à Jules Durand. Il est vrai que la CGT a proposé de se retirer de l’initiative si le CDLF maintenait la sollicitation première du camarade anarcho-syndicaliste havrais ! Cela pourrait être risible s’il ne s’agissait d’un Comité de Défense des Libertés Fondamentales ! La liberté d’expression a ses limites… ! Nous n’entrerons pas dans le fonctionnement du CDLF mais il apparaît plus que curieux qu’une seule organisation puisse imposer son diktat aux autres qui se coucheraient sans rien dire au moindre grognement de chiens de garde du stalinisme.

Alors que les travailleurs subissent de plein fouet la crise économique et les régressions sociales, alors que les salariés plébiscitent l’unité la plus large possible des organisations syndicales, il apparaît que face aux attaques que subit le mouvement ouvrier, quelques sectaires sèment la désunion.

La CNT du Havre entend donc dénoncer les oukazes de la CGT étant entendu que nous faisons bien la part des choses entre les militants de base et la plupart des délégués syndicaux de cette organisation avec lesquels nous entretenons de bons rapports et le quarteron de néostaliniens qui prend des décisions qui ne lui font pas honneur mais qui engagent la réputation de toute l’organisation. Nous en profitons pour remercier l’UL CGT d’Harfleur qui avait signalé la parution de la brochure sur Durand aux Editions de la CNT dans son bulletin. Nous rappelons par ailleurs que Jules Durand était anarchiste dans une CGT qui était à l’époque syndicaliste révolutionnaire et où la plupart des dirigeants syndicaux au Havre étaient aussi des libertaires. Nous aurions pu comprendre que la CGT refuse une intervention d’un militant anarcho-syndicaliste sur un problème d’actualité comme les retraites, où Bernard Thibault, le secrétaire confédéral de la CGT, n’a jamais appelé au retrait du projet de loi sur les retraites…, ce qui aurait occasionné une polémique mais le centenaire de « L’Affaire Durand » !

Nous prenons acte de la force de la CGT qui impose sa volonté aux autres et sa censure mais aussi de sa faiblesse, car finalement, les dirigeants de cette organisation ont toujours peur du formidable vecteur d’émancipation que représente l’anarcho-syndicalisme dans le monde du travail et cela redonne du baume au coeur à tous ceux qui militent et croient à un autre futur !


Communiqué du groupe de Rouen de la FA

le 14 février 2011

Bonjour,

Nous avons appris l’interdiction qui a été formulée à Patrice Rannou de participer, comme il avait été convenu, à la cérémonie conçue à la mémoire de Jules Durand, victime voici 1 siècle de la machination patronale que l’on connaît.

Nous n’acceptons pas ce revirement et exigeons que l’intervention de Patrice soit maintenue, quand bien même elle déplairait à des syndicalistes de la CGT.

Sa connaissance du dossier parle abondamment en sa faveur et nous insistons pour qu’il soit présent à cette manifestation : alors que ce 16 février célèbre la mémoire d’un des plus ardents défenseurs de la classe ouvrière, ce diktat n’honore pas le salut que nous aimerions tous ensemble lui rendre.

Si la CGT refuse la participation de Patrice, qu’elle en tire les conséquences et soit absente de cette manifestation.

Salutations anarchistes

Le groupe de Rouen de la Fédération Anarchiste.


Il y a 100 ans... Hommage à Jules Durand
dimanche 13 février 2011

http://www.npa2009.org/content/il-y-100-ans-hommage-%C3%A0-jules-durand

En 1910, les charbonniers du Havre sont en grève, «contre l’extension du machinisme, contre la vie chère, pour une hausse des salaires et pour le paiement des heures supplémentaires».
Jules Durand, secrétaire du syndicat CGT des charbonniers, est accusé, sur la base de faux témoignages, d’avoir commandité le meurtre d’un jaune parce qu’il est secrétaire du syndicat. Il est condamné à mort. Sa condamnation enflamme les travailleurs du monde entier, une campagne pousse le président de la République à commuer sa peine. Il est élargi de la prison Bonne Nouvelle de Rouen le 16 février 1911, puis innocenté en 1918. Mais il ne retrouve pas sa dignité. Terrassé par l’injustice de sa condamnation, il perd la raison et meurt fou, à l’asile, en 1926.

100 ans après sa libération, un hommage est prévu le 16 février à Rouen.
Jules Durand, victime d’une machination patronale et de la justice de classe
Depuis le début de l’année 1910, les charbonniers du Havre, qui chargent et déchargent le charbon dans les soutes des bateaux, ont de moins en moins de travail. Il sont 700 à 800 réguliers, auxquels s’ajoutent autant de trimardeurs, plus ou moins vagabonds.
La plupart ne travaillent que trois jours par semaine. Embauchés à la journée, payés au rendement, ils gagnent 4 à 4, 50 francs par bordée pour un travail exténuant, dans la poussière de charbon, vivent dans des conditions épouvantables, dans des garnis infects où la tuberculose se propage à un rythme effrayant, avec un alcoolisme terrible (on estime que 90% des charbonniers de l’époque le sont). Ils sont isolés, déclassés.
Le charbon est essentiel pour le port en croissance très forte: en 40 ans, le trafic portuaire a été multiplié par dix. Sans le charbon, pas de bateaux et pas de commerce.
Dans le courant de l’année, le Syndicat des charbonniers se réorganise, chasse les «ivrognes, les incapables», désigne un nouveau bureau, élit un nouveau secrétaire, le seul à s’être proposé, Jules Durand. Pacifiste, membre de la Ligue des droits de l’homme fondée quelques années plus tôt au moment de l’affaire Dreyfus, buveur d’eau militant d’une association anti-alcoolique, auditeur assidu de l’université populaire de la Bourse du travail, il rallie les syndicalistes révolutionnaires de la CGT.
Un an auparavant, le congrès 1909 de la CGT avait vu la victoire des révolutionnaires hostiles à tout compromis avec l’État et le patronat. La CGT se bat pour la grève générale, anime un millier de grèves chaque année.
Autour de Jules Durand, la nouvelle équipe organise la corporation : trois mois après, il y a 400 adhérents parmi les réguliers.
Chantage et provocations
Début août 1910, la situation s’aggrave pour les charbonniers. Déjà l’année précédente, les patrons avaient introduit des «crapauds», qui faisaient le travail d’une douzaine d’hommes. Cette fois-ci, ils introduisent un pont flottant, le Tancarville, avec un système de chaîne à godets qui fait le travail de 150 hommes.
Les revendications sont multiples: augmentation des salaires, réduction du temps de travail, garanties pour assurer la sécurité de l’emploi, installation de douches sur les quais, suppression du fourneau économique (charité économique)…
Malgré les hésitations (le syndicat, jeune, n’a que 5 000 francs en caisse), la grève est votée le 18 août.
Les patrons décident l’épreuve de force : ils veulent éliminer le syndicat. Ils refusent toute négociation et multiplient les provocations. Ils créent de toute pièce une « union corporative antirévolutionnaire » pour lutter contre les anarcho-syndicalistes de la Bourse du travail, qui organise des provocations (attaques de non-grévistes en se faisant passer pour des grévistes). La police est sur les quais, les arrestations pour entrave à la liberté du travail se multiplient.
Les bateaux ne partent pas, sont détournés vers les autres ports européens, les pertes s’accumulent. Les patrons embauchent alors des casseurs de grève (des renards), pour travailler sur le Tancarville. Ils sont payés double (10 francs par jour), nourris et logés sur les bateaux, pour ne pas rencontrer les grévistes.
Les affrontements avec les renards se multiplient, car la situation des grévistes est vite difficile: la caisse de grève ne peut verser que 50 centimes par jour, et le maire refuse les collectes sur la voie publique.
Le 9 septembre, un renard, Louis Dongé, ayant travaillé sans arrêt les 7 et 8 septembre et étant en plus, en état d’ivresse, menace de son revolver quatre charbonniers grévistes non syndiqués, dans un bistro du port. Une bagarre éclate, il est désarmé et roué de coups. Il meurt le lendemain à l’hôpital. Les quatre agresseurs sont arrêtés.
Le patronat se précipite pour casser la grève. La Transat présente dix charbonniers non grévistes qui témoignent (on apprend quelques mois plus tard qu’ils ont tous été achetés) que l’assassinat de Louis Dongé avait été voté par l’assemblée générale, à l’instigation personnelle de Jules Durand, qui l’aurait prémédité et organisé.
Une enquête sommaire est menée sur le port, et le 11 septembre au matin, la police arrête chez eux Jules Durand et les frères Boyer… tous des responsables du Syndicat des charbonniers. Ils sont inculpés pour complicité morale d’assassinat et incarcérés. Trois autres responsables du syndicat sont licenciés au motif d’être « les complices de l’assassin Durand».
La machination est en marche
Le juge d’instruction, fortement appuyé par sa hiérarchie, engage alors une instruction à charge. Les témoins à décharge (dont les quatre agresseurs) ne sont pas écoutés. La police, bien informée par ses indicateurs, met en doute la version officielle. La presse s’acharne contre les syndicalistes.
La CGT organise la solidarité avec Jules Durand, Jean Jaurès tonne dans l’Humanité. Tout au long de l’instruction, l’ambiance dans le pays est surchauffée.
Le président du conseil est alors Aristide Briand, militant vingt ans auparavant au Parti ouvrier français de Jules Guesde, proche du syndicalisme révolutionnaire et défenseur de l’idée de la grève générale. Il adhère ensuite au PS, au côté de Jean Jaurès, puis entre au gouvernement, avec le radical Clémenceau, qui réprime dans le sang les grèves ouvrières. Briand fait adopter en avril 1910 la loi sur les retraites ouvrières et paysannes, combattue par la CGT et la SFIO. Il engage ensuite la discussion sur un projet de loi sur l’impôt progressif sur les revenus, bloqué par le Sénat.
Le 11 octobre 1910, une grève des chemins de fer de l’ouest commence. Le gouvernement la dénonce comme une «entreprise criminelle de violence, de désordre et de sabotage». Briand la casse en mobilisant l’armée pour remplacer les grévistes, et réquisitionne les cheminots.
Le procès
Le procès a lieu en novembre 1910 à la cour d’assises de Rouen. L’avocat général ne fait pas dans la dentelle, il dénonce avec acharnement Jules Durand et obtient sa condamnation à mort, le 25 novembre.
Les frères Boyer sont acquittés et les quatre coupables condamnés l’un à quinze ans de travaux forcés, deux à sept ans, le dernier étant relégué.
À l’annonce du verdict, Jules Durand tombe en syncope, on doit l’emmener. Il reprend connaissance au sein de sa cellule où il est revêtu d’une camisole de force. Dans le couloir de la mort, dans l’isolement total, il ne se déplace qu’enchaîné et le visage recouvert d’une cagoule noire.
Révolte et colère
Au Havre, en solidarité, une grève générale éclate le 28 novembre, paralysant toute la ville. Le comité confédéral appelle à la grève en solidarité et dénonce les responsabilités de la Compagnie générale transatlantique, ainsi que le comportement de l’avocat général. Les gens ont encore à l’esprit l’affaire Dreyfus, la CGT placarde des affiches titrées «ce qui fut fait pour l’officier Dreyfus devrait l’être pour l’ouvrier Durand».
Au niveau international, la solidarité se fait également sentir: Ben Tillet et la Fédération internationale des ports et docks entraînent les mouvements des docks en Angleterre et aux États-Unis. La Ligue des droits de l’homme lance un vaste mouvement de protestation, les parlementaires multiplient les prises de position, jusqu’à l’évêque de Rouen qui défend le syndicaliste!
Face à tout ce mouvement, le président de la République, Armand Fallières, commue le 31 décembre la peine de mort en sept ans de réclusion criminelle. Là encore, de nouvelles protestations éclatent, l’indignation augmente: la commutation en sept ans de prison laisse entendre que Durand est tout de même responsable.
Il faut attendre le 16 février 1911 pour que Durand soit libéré de la prison Bonne Nouvelle de Rouen. Malheureusement, il n’a pas supporté l’accusation, la camisole et l’isolement: il devient «fou» et ne retrouve jamais la raison.
Revenu au Havre, lui le colombophile actif, tue ses pigeons. Sa famille et sa compagne sont obligées de l’interner à l’asile psychiatrique Quatre-Mares à Sotteville-les-Rouen, en avril 1911. Il y meurt le 20 février 1926.
La révision entreprise en 1912 par la Cour de cassation proclame Jules Durand innocent, le 15 juin 1918.
Mais aucun patron du Havre, aucun juge, aucun accusateur rétribué ne fut jamais inquiété. Nous, nous n’oublions pas Jules Durand et son combat !

Lettre de Jules Durand, trois jours après l’annonce de sa condamnation à mort
« 28 novembre 1910

Chers parents,

Après un abattement de quelques jours, la force me revient, car l’innocence est chez moi. Mes accusateurs ont triomphé, mais mon avocat Coty tient dans ses mains et à sa disposition tout ce qui peut démontrer que je suis victime de fausses accusations. J’ai dans moi la preuve... J’ai certainement espoir de voir venir à ma place les menteurs de profession et la justice n’a pas le droit de me condamner ; je le crie à haute voix : c’est une erreur, je le veux bien, mais des hommes devant une pareille erreur sont responsables ; ils ont montré trop peu d’attention au sujet de savoir si, réellement, ce que mes accusateurs disaient était vrai ou faux. Monsieur Genet, gérant, et Geeroms, secrétaire général, Monsieur Fauvel, docteur, et encore une quantité d’honorables personnes qui assistaient à nos réunions ont donc le droit de protester que dans une réunion de 600 personnes, un secrétaire ait fait voter à mains levées la mort de trois personnes dont même je n’avais jamais travaillé avec eux.
Ce n’est pas du parti pris qu’il faut dans un jury, c’est une conscience.
Ma condamnation est arbitraire. Croire à une pareille chose à cette époque que, dans les réunions publiques, des secrétaires auraient le droit de pousser pareille audace de lâcheté. Horreur et ignominie complètes !
Non ce n’est pas de la justice, c’est un parti pris contre la cause syndicaliste et cependant les patrons ont le droit d’appartenir à un syndicat! Pourquoi nous, ouvriers, n’aurions-nous pas le droit de nous syndiquer?
Je vais écrire à mon défenseur. C’est bien embêtant car toutes nos économies vont se trouver mangées; enfin, il y aura bien des personnes de cœur qui connaissent notre situation et savent que je suis victime que de formidables mensonges. Ayons du courage et ne manquons pas d’énergie; surtout vous savez tous mon innocence, elle est prouvée par les frères Boyer, elle sera pour moi. Bonjour chère Julia, on te rendra ton Jules : c’est une affaire de temps, la victime n’en sera que plus belle, mais je t’assure que j’ai reçu un sale coup ; va je reviendrai. Bonjour à tous les amis, à ta mère aussi, unissez-vous et restez tous à vous aimer. Bonjour Julia, car c’est à toi que ma pensée va souvent; oui c’est malheureux, car en ce moment je devrais être en liberté, je suis innocent, tout ce que l’on me reproche n’est qu’un mensonge. Bonjour à Louis et à Corneille, courage et nous serons vainqueurs. Je suis rentré la tête haute et je sortirai de même. Charles, j’ai quelque chose à te dire. Devant les assises, il y a Auguste Leprêtre qui a dit que sur 600 personnes, il n’y en avait qu’une seule qui n’avait pas voté la mort parce que cet homme était sourd. Cela avait-il seulement du bon sens? Ils veulent nous faire croire que s’ils avaient entendu voter la mort des personnes, ils ne l’auraient pas dit: ils ne seraient plus des hommes, car moi j’estime que dans une grève, on a pas toujours le pouvoir de refuser de travailler, la femme et les enfants sont avant tout! Ils auraient du mal à faire dire, car jamais, jamais on aurait fait pareille chose. On ne fait pas tuer un de ses semblables dans le syndicat; on a par habitude de s’aimer tous. Dongé était un homme qui avait le droit d’avoir des idées, nous avions bien les nôtres. C’est l’alcool qui est simplement la cause de tout cela, mais pas Jules Durand.»

Source: Archives départementales de Seine-Maritime, ADSM 1M371 dans un article d’Hélène Rannou «Jules Durand: de la peine de mort à la folie »
Hommage au Havre
Le 25 novembre 2010, en association avec la Ligue des droits de l’homme, le Collectif Jules Durand du Havre et le Théâtre de l’Éphémère, l’intersyndicale havraise CGT-CFDT-FSU-Solidaires, le Syndicat de la magistrature et le Syndicat des avocats de France ont rendu hommage à Jules Durand, «dans le cadre du centenaire du verdict immonde qui avait condamné à mort le syndicaliste révolutionnaire en 1910».
La petite-fille de Jules Durand, Christiane Delpech, déclare «il y a 100 ans, à 7 h 35, tombait sur Jules Durand cette abominable sentence. Je n’imagine pas sa souffrance. La prison avec camisole de force, une cagoule dans le noir, les chevilles attachées…»
La hiérarchie judiciaire a refusé de donner son nom à une salle du palais. Ce qui amène le représentant du Syndicat de la magistrature à déclarer lors de cet hommage: «C’est le signe que manifestement cette affaire reste sensible! Ce qui gêne, ici comme ailleurs, ce qui explique le silence gêné des officiels, c’est le fait que cette affaire s’inscrive historiquement dans un contexte de lutte des classes exacerbée, c’est qu’elle concerne un ouvrier syndicaliste, soutenu par la CGT. Mais, n’en déplaise à certains, il est hors de question de réécrire l’histoire. C’est bien parce qu’il était juif qu’Albert Dreyfus a été condamné. C’est aussi parce qu’il était noir et prônait l’égalité que Nelson Mandela a été condamné. C’est parce qu’ils étaient immigrés italiens et anarchistes que Sacco et Vanzetti ont été condamnés. Et c’est parce qu’il était syndicaliste que Jules Durand a été condamné.
Alors aujourd’hui, si le premier combat pour l’innocence de Jules Durand a été gagné par tous ceux qui se sont mobilisés avant son procès et après sa condamnation à mort, il nous reste à mener le combat contre l’oubli, qui constitue à l’évidence une seconde injustice à l’égard de Jules Durand. »
Extraits de la motion du congrès du Syndicat de la magistrature adoptée à l’unanimité le 28 novembre 2010
Hommage à Jules Durand, victime d’une justice de classe

« Aujourd’hui, cette "affaire Dreyfus de la classe ouvrière " est curieusement peu connue. [...] Le Syndicat de la magistrature, réuni en congrès, tient à rendre hommage à Jules Durand, victime d’une des plus grandes erreurs judiciaires du xxe siècle, et à saluer la justesse de son combat pour la dignité humaine, le respect du droit syndical et la défense des plus démunis. […] Le Syndicat de la magistrature s’engage à soutenir les initiatives nationales et locales visant à perpétuer la mémoire de ce " Dreyfus ouvrier ".
Bibliographie
Alain Scoff, Un nommé Durand, Paris, éditions Jean-Claude Lattès, 1984.
Jean-Pierre Avenel, Vie et folie de Jules Durand, Le Havre, Jean-Pierre Avenel, 1981.
Philippe Huet, Les quais de la colère, Paris, Albin Michel, 2005.
Émile Danoën, L’Affaire Quinot, Un forfait judiciaire, Editions CNT Région parisienne, 2010.
Alain Rustenholz, Les grandes luttes de la France ouvrière, Baume-les-Dames, édition Mathilde Kressmann, collection Les beaux jours, 2008.
Armand Salacrou, Boulevard Durand, Chronique d’un procès oublié, Mayenne, Gallimard, 1980.
Dernière édition par vroum le Mar 15 Fév 2011 16:36, édité 1 fois.
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Re: Oukaze de la CGT contre un militant libertaire

Messagede Alayn le Mar 15 Fév 2011 15:02

Bonjour ! Ok, Ok^^ Pfiou...

Alors, ça va quand même se faire cet hommage et Patrice Rannou va venir ou pas ?

Salutations Anarchistes !
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Re: Oukaze de la CGT contre un militant libertaire

Messagede Nico37 le Dim 6 Mar 2011 00:03

Les stals ont la vie dure : à propos de la manif pour Jules Durand n°1625 (3-9 mars 2011) | Actualités anarchistes

C’est entendu, les syndicalistes de la CNT et les anarchistes ont été exclus de la manifestation du 16 février 2011 à Rouen pour l’initiative « Jules Durand ». L’ami Patrice n’a pas voulu engager la polémique et je le comprends.
À moi de démontrer la manœuvre qui a permis ces exclusions. Tout commence lorsque le Comité de défense des libertés fondamentales (CDLF) demande à la CNT, en tant que syndicat, et à Patrice, au nom du Groupe d’études sociales (GES) du Havre, de participer, à Rouen, à une manifestation et à une conférence sur l’affaire Durand 1. Là-dessus un journaliste faisant son travail d’information commet une bévue : il squeeze le GES et présente comme seul intervenant, côté libertaire, la CNT. À ce stade, le problème pouvait être réglé en quelques coups de téléphone. Mais… il y a un mais : un militant du NPA, inconscience ou calcul, déclare qu’il y a des tensions entre l’UL CGT et la CNT locale. Ni l’une ni l’autre n’ont jamais mis sur la place publique leurs divergences, estimant, du moins côté CNT, qu’il y a mieux à faire dans l’état actuel du mouvement ouvrier et de son émiettement que d’entretenir la polémique. Qu’une tierce partie se permette aujourd’hui de s’immiscer dans un débat qui n’existe pas pose en effet la question : inconscience ou calcul ? Nous ne pouvons pas exclure la deuxième hypothèse car assez curieusement, si la presse du NPA informe sur l’affaire Jules Durand et les diverses commémorations, elle oublie les interventions du GES et de rappeler l’appartenance de Jules Durand au mouvement libertaire. Nous connaissons la prétention de cette organisation politicienne à se présenter comme « libertaire », qualification que, bien sûr, nous lui dénions.
Toujours est-il qu’à partir de là, l’UD76, où règne un anarchophobe bien connu, décrète qu’il est hors de question que Patrice Rannou parle au nom de la CNT le 16 février. Position relayée illico par le secrétaire du CDLF. Là se pose une nouvelle question. Le CDLF est une structure fédérant diverses associations, plutôt qu’un oukase péremptoire, c’est une information qui aurait dû circuler pour que les divers participants prennent une décision. Je suis d’autant plus étonné de ce comportement qu’il est membre d’Alternative libertaire, structure dont les membres doivent pratiquer le fédéralisme en son sein.
À ce point, on pouvait encore espérer une réaction saine des composants du CDLF. C’est alors qu’un nouveau personnage entre en scène. Là, j’ai irrésistiblement pensé au Don Bazile du Barbier de Séville. En trois phrases, il nous montre le coupable par qui le scandale est arrivé : le militant syndicaliste de la CNT. Inutile de répondre à ce genre d’attaque, c’est s’empêtrer dans les rets du manipulateur.
À partir de là, la proposition faite à la CNT de fournir un autre intervenant ne pouvait que se heurter à une fin de non-recevoir de la part de cette dernière entendant rester maîtresse de sa représentation. Ce qui avec l’éviction du GES, donc du mouvement spécifiquement anarchiste, assurait les résidus du stalinisme de la totale mainmise sur la manifestation. Devant les manœuvres de gens qui semblent ne pas être au courant que cela fait plus de vingt ans que le mur de Berlin est tombé, je pense aussi irrésistiblement à un texte de Drumont (je sais, il sent le soufre !) : « Le cadavre social est naturellement plus récalcitrant et moins aisé à enterrer que le cadavre humain. Le cadavre humain va pourrir seul au ventre du cercueil, image régressive de la gestation ; le cadavre social continue de marcher sans qu’on s’aperçoive qu’il est cadavre, jusqu’au jour où le plus léger heurt brise cette survivance factice et montre la cendre au lieu du sang. L’union des hommes crée le mensonge et l’entretient : une société peut cacher longtemps ses lésions mortelles, masquer son agonie, faire croire qu’elle est vivante encore alors qu’elle est morte déjà et qu’il ne reste plus qu’à l’inhumer » (La Fin d’un monde, 1889).
Mais, pour moi, ce qui m’intéresse, ce sont les paragraphes suivants où j’ai souligné quelques phrases d’un adhérent du CDLF sur lesquelles je vais non pas répondre mais amener quelques précisions.
« Car sur le fond, Jules Durand était militant de la CGT. Dans la CGT en 1910, il y avait des anarchistes oui, mais aussi des socialistes réformistes, des socialistes révolutionnaires (ceux qui vont devenir les communistes ensuite), et des militants syndicalistes révolutionnaires. Ce sont ces derniers qui étaient majoritaires au plan national à ce moment. Durand était militant de la Ligue des droits de l’homme et militant d’une ligue anti-alcoolique, mais à ma connaissance pas formellement militant d’une organisation politique anarchiste. Vouloir régler les débats entre organisations syndicales actuelles, débats tout à fait légitimes et normaux, en “s’appropriant” Durand au nom du CDLF, sans nous en prévenir, ne me semble pas correct, et justifie de modifier l’organisation décidée en fonction d’informations incomplètes.
La question pour nous tous, membres du CDLF, n’est pas de défendre telle ou telle option politique vraie ou supposée de Durand, mais de défendre un militant syndical injustement et scandaleusement condamné à la suite d’une machination patronale parce qu’il était militant syndical en grève, et nous pensons que plus cet hommage est large et unitaire sur ce thème des libertés syndicales, mieux c’est ! »
Tout d’abord, s’il s’était un peu informé, il aurait évité un pléonasme : à l’époque, anarchistes et syndicalistes révolutionnaires étaient des synonymes. Des socialistes réformistes, au Havre, il y en eut très peu avant la Première Guerre mondiale. En revanche, il oublie les radicaux influents chez les inscrits maritimes par exemple. Quant à l’affirmation sur les socialistes révolutionnaires « qui vont devenir les communistes ensuite », cette affirmation me chatouille les zygomatiques ! Le POSR (Parti ouvrier socialiste révolutionnaire) fondé par Jean Allemane et qui participa à la fondation de la SFIO en tant que tendance, ancêtre des marxistes-léninistes ? J’en doute fort si l’on regarde le parcours de ses militants après sa dissolution. Au plan havrais, les socialistes les plus connus, Descheerder et François Louis, seront le premier étiqueté socialiste indépendant et l’autre fera corps avec l’USH autonome dans l’entre-deux-guerres. Un des plus imminents militants du POSR, le jeune Léon Blum, sera à Tours en 1920 l’opposant principal à l’adhésion à la 3e Internationale. Les allemanistes étaient par ailleurs antiguesdistes !
Mais où le sinueux et insinuant personnage fait vraiment fort, c’est quand il déclare « qu’il n’était pas formellement militant d’une organisation politique anarchiste ». C’est réduire le militantisme anarchiste au schéma étroit de sa propre vision des choses. De 1900 à 1910, il n’y a au Havre aucun groupe anarchiste structuré, sauf en 1908 où le groupe libertaire se confond avec les dirigeants des principales organisations syndicales ouvrières. Ce qui n’empêche pas la propagande spécifique anarchiste ; en 1905, il y a un débat, rue des Chantiers, animé par Geeroms et Fauny et qui réunit plus de 400 personnes. Dès les premiers numéros de Vérités, qui deviendra l’organe de la Bourse du travail, la présence anarchiste est visible.
Jules Durand n’était pas « carté » dans un « parti anarchiste », la belle affaire ! Pas plus que Fauny, Briollet et Geeroms qui tour à tour assumèrent des responsabilités à la Bourse du travail. Alors lorsqu’un douceâtre personnage nous susurre que « la question n’est pas de telle ou telle option politique vraie ou supposée » et qu’il proclame que « plus cet hommage est large et unitaire sur ce thème des libertés syndicales, mieux c’est », nous constatons que son comportement sectaire va au rebours de ses déclarations.

Jean-Pierre Jacquinot Docker retraité

1. Sur cette affaire, voir Le Monde libertaire, n°1615. (Ndlr.)

P.-S. Le signataire de ces lignes vient de se rappeler qu’il n’est pas « carté » dans un parti. Il ose espérer que personne ne remettra pas en doute sa qualité d’anarchiste.
Nico37
 


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