Notes anti-carcérales

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Notes anti-carcérales

Messagede fabou le Ven 4 Mar 2011 23:50

Ce texte est trés incomplet mais il a le mérite de poser le problème de l'idéologie de la punition.
Sur la punition, il y a l'excellent livre de Catherine Baker : Pourquoi faudrait-il punir ? Sur l'abolition du système pénal

Notes anti-carcérales

La prison, comme toute autre "punition", n'est qu'une vengeance légale, qui ne fait aucune différence avec la vengeance gratuite contre laquelle disent se battre les gens qui lui sont favorables. De plus, la prison n'a jamais empêché la criminalité. La preuve, c'est qu'il y a toujours des meurtres et des viols dont beaucoup se déroulent justement en prison !
Il me semble que nous devons nous défaire de cette idée, somme toute très religieuse, de la "punition" : « vous serez punis pour vos péchés ! »

Partir du postulat qu'il faudrait punir est déjà une erreur et supprimer le concept de punition nous oblige à réfléchir à une autre façon de vivre en commun.
Ce n'est qu'en sortant de ce système binaire de pensée (bien contre mal) qu'on peut appréhender correctement la question de la déviance en collectif.

Pour revenir à l'incarcération, il faut se rappeler le contexte actuel : la plupart des détenus le sont pour des désobéissances envers les règles établies par et pour le système marchand et l'État (vols, drogue, mendicité, racolage, outrage à agent, tapage diurne ou nocturne... etc. La population carcérale est surtout constituée, comme par hasard, de la couche la plus pauvre de la population (personnes issues de l'immigration, roms, SDF, mendiants.
Concernant les viols, la cause principale est l'hétéro-normalité, un des avatars du système patriarcal. Depuis sa naissance, chaque personne se trouve L'homme doit être "viril" (mot cache-sexe pour "dominateur") et la femme doit être douce (mot cache- sexe pour "soumise").
Concernant les meurtres, il s'agit, pour la plupart d’accidents routiers ou de bagarres qui dégénèrent. Il y a bien des meurtres commis à cause de troubles psychologiques mais enfermer ces personnes ne réglera pas les problèmes, bien au contraire, même des gens en bonne santé à leur incarcération en ressortent malades..
Une solution serait que chacun, dans la société, se sente entouré et soutenu et que les individus souffrant
mentalement soient soignés et cela ne peut pas se faire au sein du système marchand qui sépare les individus. Les mouvements de l'anti-psychiatrie ont montré qu'il n'est nul besoin d'enfermer les gens ou d'enrichir l'industrie pharmaceutique pour s'occuper de gens souffrant de maux psychiatriques.

Il ne s'agit évidemment pas de repousser l'idéologie aliénante de la punition/pardon après un hypothétique "grand soir". Il s'agirait là d'une forme de lâcheté doublée d'un optimisme béat, en repoussant toute réflexion pour "l'après", forcément idyllique.

Et ce serait tout autant faire preuve d'une croyance quasireligieuse que de penser qu'un monde sans prison ressemblerait au pays des bisounours, mais force est de constater que malgré l'existence de tout un arsenal punitif/répressif, des crimes se produisent tous les jours, alimentant ainsi l'industrie carcérale, dans laquelle d'autres crimes se produisent aussi.
En somme, c'est dès maintenant, que nous devons lutter contre toutes les oppressions, pour les abattre une par une.

Parce que lutter pour la liberté, c'est commencer à vivre.

Fabien, No Pasaran 12

Article paru dans No Pasaran numéro 82 et dans Et alors numéro 8
fabou
 

Re: Notes anti-carcérales

Messagede fabou le Jeu 5 Mai 2011 22:22

Le droit d’être abolitionnistes

Bonnes gens, comment prétendre que les âges médiévaux sont dépassés ? Le monde persiste dans une préhistoire sauvage et continue cette bassesse d’ériger encore et encore de nouvelles geôles. Et puis voilà que l’enferment décidé par une cour pénale devient soudain insuffisant pour protéger ce vieux monde. La CIA légalise le supplice de la baignoire et l’état invente la rétention de sureté, la prison après la prison. La loi se fait cependant moins sévère pour les possédants en dépénalisant certains délits financiers.

N’en doutez pas : il y a lieu d’avoir honte. Honte d’avoir ainsi raté le tournant de l’abolition. Certes, il y eut des âmes courageuses pour dire combien la surpopulation pénale aggravait encore ce dégradant état de la prison. Il y eut des médecins vaillants qui ont rendu compte de l’ignominie sanitaire de ces lieux clos. Il y eut des chevaliers valeureux pour clamer l’indignité de jugements à l’emporte pièce, de ces procès qui ont brisé des innocents dans ces cachots. Il y eut des voix radiophoniques, des philosophes, des mères de famille pour dénoncer l’aberration des conditions carcérales et l’invraisemblance des longues peines. Oui, des braves, il y en eut.

Mais le premier scandale de la prison, c‘est d’abord son existence. Pour quelques psychopathes, combien d’emprisonnés sont issus de luttes désespérées, de batailles pour la survie, d’insoumissions à des règles obsolètes, de combats sociaux et bien entendu de désobéissances civiles et de résistances politiques. Presque tous les « clochards » ont connu la prison. Pour quelques assassins, combien de réfractaires à la misère du vieux monde ? Prison, rétention, quelque mot que ce soit, la même abjection s’y déroule. Le délinquant est toujours traité en ennemi (1).

Loin de constituer une vérité immuable, la loi est par essence changeante, incertaine et évolue avec les hommes. Il n’y a pas de bonne loi. La loi n’est pas seulement douteuse, mal appliquée, elle constitue toujours une violence du vieux monde pour soumettre les humains. L’état possède le monopole de la violence comme le rappellent les activités policières et Max Weber (2). La prison, comme vengeance sociale, comme punition impersonnelle, s’est peu à peu substituée aux autres tortures car oublier ses ennemis s’est avéré moins dispendieux et moins visiblement cruel. Et puis, on avait brûlé tant de sorcières. Mais la méthode s’est imposée en négatif. Nulle part, le code pénal n’a figuré ce remplacement, il a juste compilé, avec les siècles, l’abolition des autres tortures au profit de cette mise à mort en différé.

L’hésitation des règles organisant le châtiment provient simplement de ce que les hommes n’ont pas le même esprit avec le temps et que la répression des sociétés s’avère toujours trop sévère, trop visiblement vengeresse (3). C’est le lieu de pensée des tyrannies populistes. Aussi, le plus souvent, il faut réduire l’application, composer avec les représailles et appeler des circonstances pour atténuer la peine. En préconisant un arrangement pénal, en sollicitant un avocat, la loi avoue que le détenu est bien aussi une victime de son histoire de vie. En outre, l’indigence des conditions de détention crée une économie souterraine pour échapper aux matons et favorise de troubles associations. En revendiquant son acte, le détenu peut s’imposer dans ce monde fermé, et aucune place ne peut plus être faite au discernement ou au remords. Même lorsque le crime paraît répréhensible, la prison traite sans vergogne la victime et le coupable en se substituant à leur possible réconciliation.

Car la réconciliation reste bien nécessaire, le détenu doit bien s’amender et sortir, à moins de proposer l’horreur d’une réclusion à perpétuité, l’abjection de la chirurgie ou de réintroduire l’assassinat légal. Corriger les agissements qui ont parfois conduit à la sauvagerie barbare (mais le plus souvent il ne s’agit que de répliques à la misère) n’est possible que si le délinquant peut reconnaître sa propre brutalité, que si ce qui la justifie n’est ni l’injustice, ni le malheur. Lorsqu’il y a vraiment une victime, la réconciliation est un pacte entre le délinquant et sa victime, une transaction de la raison. Cette réconciliation a nécessairement lieu. Actuellement, elle est le produit de l’oubli, qui atténue le ressenti de la victime. Nos prisons sont vraiment des oubliettes.
Mais on peut imaginer une réconciliation initiale, un travail de la raison entre êtres humains en réintroduisant le respect et sans nier la culpabilité. Selon le modèle qui a présidé à la réconciliation (4) après les années d’horreur de l’apartheid, de la dictature d’Argentine, du Chili et dans plus de 20 pays, on peut imaginer une réconciliation (5) véritable. Une commission de la vérité rétablissant la raison dans le trouble, parfois ignoble, de l’agissement coupable. La commission d’Afrique du sud a longuement interrogé l’atrocité du racisme, écouté comment la haine de la ségrégation a pu s’inscrire durant des années comme malédiction entre les humains et sans rien exiger d’autres des coupables que la simple vérité, la pure vérité sur leurs actes. Et parler, parler encore. Supprimer l’idéologie sécuritaire de la punition et de la surveillance, c’est inventer un morceau de monde nouveau. De toutes les façons, bien des financiers voleurs, bien des tortionnaires, bien des dictateurs ont échappé à toute sanction, ont même parfois été aidés dans cette évasion légale.

Je n’ai guère que ma sensibilité humaine à opposer, mon savoir reste faible. Mais je l’affirme, oui, il est possible d’abolir ce déshonneur de l’intention carcérale, il est même simplement nécessaire de le faire pour sortir ce vieux monde de cette impasse vengeresse médiévale où il se complait encore. Oui, le progrès n'est que l'accomplissement des utopies, comme le disait Oscar Wilde.
Voilà, pourtant et alors que le Portugal, l’Espagne, la Norvège et Chypre ont aboli la perpétuité, c’est bien cette réconciliation nécessaire que la loi de sureté vient d’anéantir. En cela, on est en train d’éteindre le siècle des lumières…Bonnes gens, l’idéologie punitive, c’est une forme de peste qui s’insinue au fond de nos neurones...

Thierry Lodé
Professeur d’écologie évolutive et militant libertaire.

1.Catherine Backer 2004 Pourquoi faudrait-il punir. Eds Tahin Party
2.Max Weber 1959 Le savant et le politique. Eds Plon,
3.Michel Foucault 1983 Surveiller et punir, Eds Gallimard,
4.P J Salazar (Dir.) 2004 Amnistier l’Apartheid. Travaux de la Commission Vérité et Réconciliation Le Seuil, coll. "L’Ordre Philosophique", 2004, 352p
5.Christian-Nils Robert, 2002 "Au cœur de la prison, le châtiment" sur France Culture.

Et le site : http://abolition.prisons.free.fr

Télécharger la brochure : "Pourquoi sommes-nous contre les prisons ? contre toutes les prisons ?"

Source : http://graindesel.fr.gd/Pour-l-h-abolition-des-prisons.htm
fabou
 


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