Retraites : pour en finir avec les illusions de la gauche

Débats politiques, confrontation avec d'autres idéologies politiques...

Retraites : pour en finir avec les illusions de la gauche

Messagede libeludd le Sam 16 Oct 2010 22:14

Bonjour,
Je soumets à votre réflexion un tract diffusé à Grenoble pendant les deux dernières manifestations contre la casse des retraites :

MOUVEMENT RETRAITES :
POUR EN FINIR AVEC LA SOCIETE INDUSTRIELLE
ET LES ILLUSIONS DE LA GAUCHE.


Des millions de personnes dans la rue. Des appels à la grève illimitée. Des ports bloqués depuis deux semaines. Des raffineries en grève annonçant une prochaine pénurie de carburant. Des milliers de lycéens qui bloquent leurs lycées. Le ras-le-bol se généralise et le mouvement contre la réforme des retraites prend de l'importance. Partout se diffuse le sentiment que quelque chose est en train de se jouer.

Ce mouvement, nous en faisons partie, et nous sommes solidaires des personnes en lutte, contre la réforme des retraites, et contre l'exploitation en général. Il est légitime que des personnes qui ont travaillé toutes leur vie refusent de rempiler pour deux années supplémentaires. Ce refus est d'autant plus justifié qu'un partage des richesses détenueds par quelques-uns pourraient permettre à tous d'avoir une vie et une retraite décentes.

Pour autant, une grande partie du discours tenu aujourd'hui par la gauche et par les opposants à la réforme des retraites, nous semble au mieux une impasse, au pire clairement dangereuse. En effet il n'y a pas de lutte possible contre la réforme des retraites sans refuser la robotisation de nos vies, et sans sortir du dogme de la croissance et de l'emploi à tout prix. Ce n'est qu'en prenant ces critiques en compte qu'un mouvement peut émerger avec de vraies perspectives.


Quand les robots rendent l'humain inutile...


Depuis plusieurs dizaines d'années, les machines et les ordinateurs suppriment massivement le travail humain. Grâce aux progrès de la science et de la technologie, et notamment au concours des laboratoires grenoblois de l'INRIA au CEA-Minatec, en passant par STMicroelectronics et IBM, l'accumulation de profit exige moins d'humains à exploiter qu'avant. Plus performants, les robots ont aussi l'immense avantage de ne pas faire grève, et de ne pas avoir besoin de retraite. L'exposition à la gloire de Vaucanson et de l'homme artificiel, qui se tient au musée dauphinois jusqu'au 31 décembre, est là pour nous le faire savoir, qui pose notamment la question « Pourquoi faut-il remplacer l'homme par des machines? »

Le capitalisme ne peut plus créer assez d’emplois pour tous. Après les ouvriers et les employés (de la Poste, de la SNCF, des magasins ou des banques), c'est aux enseignants de devenir obsolètes. L'école elle aussi devient numérique, pour le plus grand bénéfice des multinationales de l'informatique, et tant pis pour l'éducation, et pour la santé mentale des enfants. Il n'est pas jusque dans les service à la personnes où les hommes ne soient remplacés par des robots. En Isère, le programme Empatic offre aux personnes âgées un suivi par la machine : plus besoin de présence humaine grâce aux capteurs électroniques. Vivement la retraite !

...se faire exploiter devient un « privilège »


Les robots nous remplacent donc. Le problème, c'est que nous restons tous plus ou moins contraints de travailler. Sans travail, pas de salaires, et le frigo reste vide. Tous les humains mis au rebut par les machines n'aurons pas assez cotisé pour prétendre à la retraite. Nous en sommes arrivés au stade où pouvoir vendre sa force de travail à une entreprise est devenu un privilège. Mais quel privilège? Les emplois que créent encore péniblement le capitalisme sont de plus en plus vides, et déconnectés de nos besoins fondamentaux, les travailleurs réduits à n'être que les auxilliaires des ordinateurs, des rouages au sein de la machinerie industrielle. Les gains de productivité devant sans cesse augmenter, les personnes qui travaillent doivent travailler toujours plus, toujours plus vite, de manière toujours plus efficace.

Exclus et inutiles, ou exploités et pressurés. Voilà à quoi nous en sommes réduits. Il n'y a pas de solution au problème des retraites ou du chômage sans sortie du capitalisme et de la société industrielle. Combien de temps pensez vous que ce système s'encombrera d'une main d'œuvre inutile?

La solidarité ne repose pas sur la croissance !


Pour justifier la réforme des retraites, la droite nous explique : « il y a aujourd'hui moins de travailleurs actifs, et plus de personnes inactives. Il est donc normal de travailler plus longtemps pour payer les retraites » Ce à quoi les économistes de la gauche et de l'extrême-gauche rétorquent : « Même avec une croissance inférieure à 2%, le produit intérieur brut aura doublé d'ici 40 ans, on pourra donc en consacrer une part plus importante au financement des retraites, sans effort financier supplémentaire de la part des salariés. »

Pour la gauche, le problème est donc uniquement un problème de répartition des fruits (pourris) de la croissance. Comme si les retraites, et donc la solidarité humaine, reposaient sur la croissance économique. Il faut en finir avec l'idéologie de la croissance. Compter sur un doublement de la production d'ici 40 ans est une aberration. Notre environnement ne survivrait pas à un tel désastre écologique. Sans compter la dégradation de la vie en société. Car produire plus, c'est produire toujours plus d'ordinateurs, de télévisions à écrans plats, de téléphones portables, et autres gadgets high-tech qui abrutissent, individualisent et finissent par détruire toute relation véritable entre nous. (Et vous, combien d'amis virtuels avez-vous sur facebook ?)

Il y a des sots métiers

Le second argument de la gauche contre la réforme des retraites, consiste à refuser l'allongement de la durée de cotisation parce qu'il serait un frein à l'emploi des jeunes. Quels emplois? Des emplois qui répondent à quels besoins? Aucune importance. Ce qui compte c'est de leur trouver un emploi.

Il faut sortir de cette logique de l'emploi à tout prix. D'abord parce qu'il n'y a plus de travail pour tous. (voir plus haut) Ensuite parce que cela revient à défendre des emplois qui nuisent au reste de la société. Il n'y a pas de honte à ne pas avoir de « travail » au sens où l'entend cette société, c'est à dire un travail que l'on ne fait que pour l'argent, sans aucune considération pour son contenu.

Il est plus digne de ne pas travailler, plutôt que d'être banquier, militaire, chercheur dans les nanos ou journaliste au daubé. Pour autant, nous ne voulons pas passer notre vie à ne rien faire. Nous voulons un travail choisi, épanouissant, que nous jugeons utile. Nous préférons alors parler d'activité.

Par où commencer ?

Dans un premier temps, s'organiser à la base pour obtenir le retrait de la réforme.
Se défier des centrales syndicales qui nous lâcheront dès qu'elles en auront l'occasion, et des socialistes, qui ne retireront pas la réforme s'ils sont élus en 2012.
Cesser les journées d'action ponctuelles, pour construire un mouvement solide et continu.
Paralyser les centres économiques, scientifiques et politiques.
Profiter de ces luttes pour nous rencontrer, discuter, échanger.
Prendre le temps de réfléchir et de construire des solidarités.
Nous organiser enfin pour empêcher tout retour à la normale. Fermer les usines et les labos qui nous nuisent. Produire collectivement ce dont nous avons besoin pour vivre, sans le concours de la machinerie industrielle.
Rendre inutile ce système qui nous rend inutiles.

Grenoble, le 12 octobre 2010


Groupe LIBELUDD.
Libertaires, Luddites.
libeludd[arobase]laposte[point]net
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Re: Retraites : pour en finir avec les illusions de la gauche

Messagede pit le Sam 16 Oct 2010 23:53

C'est visiblement la branche anticivilisationnelle, non ?
Peux-tu développer un peu çà :
libeludd a écrit:sans le concours de la machinerie industrielle.
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Re: Retraites : pour en finir avec les illusions de la gauche

Messagede Schwàrzlucks le Dim 17 Oct 2010 00:01

Des luddistes plutôt, donc je dirais que ce sont plutôt des partisans d'un travail plus artisanal, que l'on considèrerait comme plus épanouissant de par son savoir-faire pour les travailleurs. (tout du moins selon leur point de vue hein)
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Re: Retraites : pour en finir avec les illusions de la gauche

Messagede libeludd le Dim 17 Oct 2010 11:15

pierot a écrit:C'est visiblement la branche anticivilisationnelle, non ?
Peux-tu développer un peu çà :
libeludd a écrit:sans le concours de la machinerie industrielle.


Bonjour,
Si par branche anticivilisationelle tu entends le mouvement primitiviste, (John Zerzan et cie) alors ce tract n'a rien à voir avec eux. Les primitivistes remettent en cause jusqu'à l'invention de l'écriture, et idéalisent un passé qui n'a jamais existé. C'est un peu le mythe du bon sauvage.

Nous ne pronons aucun retour en arrière. Simplement, nous voulons rompre avec la croyance selon laquelle l'émancipation et l'autonomie naitront automatiquement de la réappropriation des moyens de production. Nous ne voulons pas autogérer la production de téléphones portables, de télévisions, de voitures, de gadget high tech, de junk food. Nous pensons qu'au stade actuel de developpement de la techno-industrie, l'autogestion est devenu impossible. On ne gère pas une centrale nucléaire en assemblée générale. Nous ne voulons pas nous réapproprier des outils de production centralisés, dont l'échelle rend toute décision sur la production impossible, et qui produisent des choses nuisibles. Nous voulons les démanteler, et produire de façon autonome (et non pas autarcique) ce dont nous avons réellement besoin.
Nous ne sommes pas technophobe, au sens ou nous ne rejettons pas tout progrès technique. Cependant, nous voulons questionner la technologie.Nous pensons qu'elle n'est pas neutre au sens où son impact ne dépend pas seulement de ce qu'on en fait, ou de qui la détient. A titre d'exemple, le simple fait de la diffusion massive de l'automobile dans la société transforme radicalement toute cette société : fermeture des petites boutiques de proximités, remplacées par des grandes surfaces, paradoxalement augmentation du temps passé dans les transports, possibilité d'habiter très loin de son lieu de travail... Et cela, que la production des voitures soit autogérée ou capitaliste. (Lire notamment Ivan Illich)
La technologie est donc éminemment politique, puisqu'elle bouleverse nos façons de vivre et d'organiser la société. Elle s'inscrit dans des rapports de pouvoir, et on remarque que presque tout progrès de la technologie est un progrès dans notre soumission.
Pour autant, nous ne refusons pas le recours à la machine. C'est la soumission de l'homme à la machine que nous refusons. L'industrie est cette soumission de l'homme à la machine, l'homme étant réduit à être le suppléant de celle-ci, à se plier à son rythme... Ce que nous appelons société industrielle, c'est l'extension de l'organisation industrielle et de son idéologie (productivisme, rationalisation à outrance, ) à l'ensemble de la société.

Pour info, les luddites sont les briseurs de machine au début de l'industrialisation en Angleterre qui s'opposaient au mode de vie qu'imposait la société industrielle. (soumission à des contremaitres, horaires de travail fixe, augmentation des heures de travail, production de marchandises de basse qualité...). Aujourd'hui, le courant qui critique la technologie, et se réclame parfois du luddisme est souvent désigné sous le nom de néo-luddite. C'est loin de se limiter à une apologie acritique de l'artisanat.

Si ce débat vous intéresse, je vous laisse vous référer aux textes de Pièces et Main d'Oeuvre, et particulièrement à ce texte-ci : http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip ... rticle=111
Un livre d'histoire sur les luddites, facile et agréable à lire : la révolte luddite, de Kirkpatrick Sale (éditions l'échappée)
Vous trouverez aussi beaucoup de choses intéressantes dans la tyrannie technologique, aux éditions l'échappée aussi.

En espérant avoir répondu à vos questions.
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Re: Retraites : pour en finir avec les illusions de la gauche

Messagede fabou le Dim 17 Oct 2010 13:43

Vraiment sympa e tract ! Ca nous change des copier-collés syndicaux !!!!
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Re: Retraites : pour en finir avec les illusions de la gauche

Messagede Antigone le Dim 17 Oct 2010 14:43

C'est même ce genre de tract qu'il faudrait diffuser à des millions d'exemplaires en ce moment.

Oui, la production de valeur provient de plus en plus des machines (le capital fixe) et de moins en moins du travail humain (le capital variable). Le capitalisme en est arrivé à créer du travail inutile à partir de besoins factices juste pour répondre aux exigences du PIB, satisfaire des statistiques, maintenir un système financier absurde. Ça devrait être évident, mais l'idéologie de la croissance et du salariat est si imprégnée dans les esprits que ça ne l'est pas.

Ça rejoint l'article de mondialisme.org que j'ai posté cette semaine ( http://www.mondialisme.org/spip.php?article1552 ) à ceci près que ce tract est beaucoup plus facile à lire.
Ni rouge, ni noir. Révolutionnaire sans drapeau.
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Re: Retraites : pour en finir avec les illusions de la gauche

Messagede filochard le Mar 19 Oct 2010 16:46

Ouais pas mal, c'est le mieux, enfin c'est celui avec lequel "je suis le plus en harmonie", ça sent un peu moins la mort que les autres que j'ai lu. Mais ayant une horreur anticipée pour toute forme de travail, je me serais bien passé de "Pour autant, nous ne voulons pas passer notre vie à ne rien faire." Et aussi, partant de "Nous voulons un travail choisi, épanouissant, que nous jugeons utile. Nous préférons alors parler d'activité", qui dit que NOUS voudrions d'un seul "travail" utile ou d'une seule activité choisie ?

Soit ! Si ce tract pouvait extirper mes amis cheminots du "paradigme" "TOUT TRAVAIL EST UTILE"...

TRAVAIL, TU PEUX CREVER !!!
par Jean Pierre Levaray [1]

(extrait de la brochure publiée aux Editions du Monde Libertaire : Plus d'un siècle après la Charte d'Amiens... Quelle place des anarchistes dans le monde du travail ?)


« La meilleure façon d'abolir le chômage,
c'est d'abolir le travail et l'argent qui lui sont associés »

(AG des chômeurs occupant Jussieu en janvier 1998)


Stéphane Beaud et Michel Pialoux, sociologues et auteurs par ailleurs d'un intéressant Retour sur la condition ouvrière [2], sont également auteurs d'un texte, « Notes d'observation autour d'une rencontre entre générations ouvrières » [3], pour tenter de « comprendre la décomposition des classes populaires au cours de ces quinze dernières années » dans le livre La Fabrique de la Haine. Dans cet article, les auteurs semblent découvrir que les jeunes (notamment issus de l'immigration) ne veulent pas devenir ouvriers, sous peine de considérer leurs vies comme foutues : « Nous, on veut dépendre de personne. On veut pas de chef au-dessus de nous qui nous donne des ordres. Nous on veut pas aller travailler en usine, on veut respirer, on veut devenir patron. On ne veut pas être ou rester au bas de l'échelle », dit l'un des jeunes, au cours d'un débat après la représentation de la pièce 501 blues, jouée par cinq ouvrières licenciées de l'usine Levi's de La Bassée, dans le Nord. En regard, les auteurs citent de vieux syndicalistes, ou ces ouvrières licenciées de Levi's, fiers d'avoir travaillé et d'avoir lutté.

Cette dignité, cette fierté du travail, on la revendique lorsqu'on n'a plus de travail, lorsqu'on se fait virer comme des mal-propres. Parce qu'on n'a que sa force de travail à vendre, pour gagner de quoi vivre. Parce que lorsqu'on a usé une partie de sa vie dans l'usine, et qu'on se retrouve, au bout du compte, à la porte, c'est moralement destructeur.

La dignité au travail, on ne la conquiert pas sur des machines, à des houlots débiles, fatigants, usants, sous les ordres des chefs, pour des salaires de misère. La dignité, on la conquiert dans les moments autres : quand on dit non au chef, quand on se met ensemble en grève, ou quand on vole un moment au patron pour s'organiser des moments conviviaux (repas, apéro, belote...) entre collègues.

Le reste, le travail, c'est l'aliénation, le sentiment de perdre sa vie.

Les auteurs de l'article expliquent le désintérêt des jeunes des cités pour le travail par le fait que la résistance ouvrière s'est nettement amoindrie mais aussi et surtout par le culte de l'argent et de l'individualisme des années 80 qui touche aujourd'hui ces cités. Certes, mais ce n'est pas si simple et si nouveau :

Le 20 mars 1998, lors d'une manif parisienne de lycéens, un groupe de « lycéens lucides » diffuse le tract « On arrête tout ! » qui commence ainsi : « Quand nous serons bien vieux, le soir au coin du feu, peut-être prendrons-nous enfin la peine de nous demander ce que nous avons fait de nos vies. Nous découvrirons alors avec horreur le vide profond qui aura rempli nos existences partagées entre un travail lassant et improductif, et la peur de le perdre. » S'en¬suit un texte contre la soumission et l'ennui, appelant à prendre la décision d'arrêter de travailler, pour un changement radical de société et pour ne pas être « condamnés à mener cette existence grise qu'ils nous imposent et que nous ne voulons plus ».

A la même époque, de novembre 1997 à avril 1998, autour d'AC ! et de Comité chômeurs CGT, des occupations d'ANPE ont lieu, des actions de chômeurs et de précaires se multiplient. Chaque jour, sur Paris, des chômeurs, en collectifs ou individuellement, tiennent des AG à la fac de Jussieu. Les débats sont riches et les idées fusent [4], exemple entre mille : « la dignité humaine n'est pas dans le travail salarié, parce que la dignité ne peut s'accommoder ni de l'exploitation, ni de l'exécution de tâches ineptes, et pas davantage de la soumission à une hiérarchie... »

En 1985, en plein mouvement étudiant, des lycéens du technique distribuent un tract, signé par les lascars du LEP électronique, qui s'intitule : « Nous, on n'ira pas à l'usine ».

Le 1er mai 1977, à Rouen, un mystérieux groupe Contre le Génocide par le Travail et Contre la Fatigue et la Détresse dues au Travail distribue un tract, « C'est-y pas l'turbin qui t'use ? » où on peut lire : « Ce temps perdu, tes désirs non réalisés te sont échangés contre un salaire. Cette carotte qu'on te refile pour ta participation à produire des marchandises ne te permet que d'être un consommateur : pas de rendre ta vie passionnante... »

A Paris, en novembre 1973, quelques employés de Elf [5] créent le G.R.A.T. (Groupe de Résistance Au Travail) qui dit : « notre problème véritable est-il de mégoter sur des augmentations de salaire (précieuses mais qui sont bouffées sitôt gagnées) ou de venir à bout de la monotonie du travail salarial, reconduit semaine après semaine, mois après mois, année après année jusqu'à cette retraite « dorée » dans laquelle croupissent tant de personnes âgées, résidus fatigués d'une vie consacrée à la prospérité du capital. » Ils ajoutaient : « Nous sommes de la race, de plus en plus nombreuses, de ceux sur qui le salariat, quelle qu'en soit la forme, pèse d'un poids si lourd qu'il devient intolérable et que toute solution, fût-elle précaire, est préférable à la mort lente par accumulation d'ennui... » [6]

Emile Pouget, lui, considérait la paresse comme forme valable de sabotage, et Léo Malet évoquait, dans sa Trilogie noire, ce milieu d'ouvriers anarchistes pratiquant le sabotage et « piquant des macadams », en simulant des accidents pour être payés sans travailler.

Après la guerre de 14-18, en Italie, il y eut un mouvement de grève à Turin, où l'entreprise n'était pas le bastion à défendre envers et contre tout. Dans le mouvement des occupations, les ouvriers turinois occupaient les usines le jour et la quittaient le soir pour y revenir le lendemain, pour dire qu'ils ne voulaient pas être prisonniers des cadres dans lesquels on les enfermait. Ils se contentaient d'arracher au capital ce qui pouvait l'être mais refusaient le travail et l'usine.

En allant plus loin dans le temps, dans l'ouvrage La nuit des prolétaires, l'auteur Jacques Rancière, parle de ces « centaines de prolétaires qui ont eu 20 ans aux alentours de 1830 et qui ont décidé, chacun pour leur compte, de ne plus supporter l'insupportable. Non pas la misère, les bas salaires, les logements inconfortables ou la faim toujours proche, mais plus fondamentalement la douleur du temps volé chaque jour à travailler le bois ou le fer, l'humiliante absurdité d'avoir à quémander, jour après jour, ce travail où la vie se perd ». 1830, nous sommes loin des situationnistes qui disaient en 1968 : « Ne travaillez jamais ».

En 1740, un fabricant déclarait : « un abus s'est glissé dans les papeteries qu'il serait très à propos de corriger : c'est qu'outre les fêtes que l'église commande, les compagnons papetiers ont introduit des jours chômés dans le cours de l'année qui ne sont connus que d'eux seuls. »

Ces exemples, parmi tant d'autres, montrent qu'il a toujours existé une résistance au travail individuelle ou collective ; mais la clarification, la théorisation du refus du travail et du droit à la paresse (liées sans être identiques) montre qu'il y a un décalage entre la pratique ouvrière et les théories révolutionnaires, anarchistes ou marxistes. En dehors de quelques théoriciens (Stirner, Lafargue) et courants (les Surréalistes ou les Situationnistes) la majorité des théoriciens socialistes étaient de farouches partisans du travail, dont ils contestaient l'aspect aliéné et aliénant mais pas le principe même.

Les marxistes font même très fort, surtout une fois qu'ils ont pris le pouvoir, Trotski disant que : « animal paresseux, l'homme doit être contraint au travail. » Pour les bolcheviks, le « contrôle ouvrier » n'avait d'autre fonction que de restreindre le pouvoir des bourgeois et de faire participer les ouvriers à la production par l'autodiscipline. Zinoviev allant même jusqu'à dire que les conseils d'usine devaient redistribuer le travail et guider la direction, tandis que Lénine parlait des vertus du taylorisme. Il n'était pas question de remettre en cause le travail. Pourtant, on rapporte que dans les années 30, les ouvriers russes molestaient volontiers les Stakhanovistes, et plusieurs d'entres eux furent mêmes assassinés, en raison de leur adhésion au système d'intensification du travail.

En France, comme dans la plupart des pays du monde, l'intégration des syndicats à l'Etat a été une importante institutionnalisation de la classe ouvrière au sein du capitalisme. Ce sont les insuffisances de réflexions sur le travail qui ont poussé le dogme de la social-démocratie et du Parti Communiste : le travail libérateur, doublé du fétichisme de la production. Ce dogme trouve sa formulation la plus lapidaire dans la formule de Thorez, après la seconde guerre mondiale : « camarades, retroussez vos manches » ou encore dans ce slogan du PCF systématiquement resservi aux mineurs dans les années 50 : « C'est vous qui avez bâti la France ». En 1944, Garin, responsable de la CGT dit : « les ouvriers sont des hommes qui veulent savoir pour qui ils travaillent. Faire en sorte que l'ouvrier se sente chez lui à l'usine, l'associer par les syndicats à la gestion de l'économie, telles sont les réalisations qui commandent la résurrection industrielle de la France. » C'est de cette époque que date cette auto-valorisation des mineurs qui, s'ils avaient obtenu des avantages et quelques gratuités, étaient enfermés dans un corporatisme infantilisant soumis aux diktats de la Direction et victimes de silicoses.

En fait, les sociaux-démocrates et les marxistes n'ont fait que conforter les ouvriers et ouvrières dans leurs rôles de travailleurs et travailleuses, de producteurs et de productrices au sein même du système capitaliste. Il n'a jamais été question de lutte contre le système.

Mais il est facile de citer les marxistes, car chez les anarchistes aussi, on peut se poser des questions. L'exemple de 1936 en Espagne, est intéressant, même si on en a peu parlé :

Outre les communaurés paysannes, de multiples entreprises ont été collectivisées et remises en marche par les travailleurs. Cette période, malheureusement brève, a fait naître des expériences significatives : refus du pourboire pour les garçons de café, qui ne sont pas des domestiques, fin de la circulation de l'argent, instauration d'échanges non marchands entre les productions et les humains. Il s'agissait d'organiser le travail sans les capitalistes et bien davantage d'organiser la vie sociale. Les prolos espagnols aspiraient à vivre libres. Mais la gestion des entreprises ne fut pas aussi démocratique et aussi autogérée qu'on l'aurait souhaitée. C'étaient souvent les militants de la CNT ou de l'UGT qui représentaient l'auto-administration de la production et les ouvriers ne se retrouvaient pas souvent dans cette perspective.

Dans la brochure Prolétaires et travail : une histoire d'amour ?, l'auteur dit : « la répugnance au travail, une constante de la vie ouvrière espagnole bien avant 1936, s'est poursuivie sous le Front Populaire. Une telle résistance contredit dans les faits le programme (anarcho-syndicaliste, notamment) appelant les ouvriers à s'impliquer dans le fonctionnement de l'atelier et à contrôler non seulement le lieu de travail mais le travail lui-même. Les prolétaires manifestent un intérêt très relatif à participer à des assemblées d'usine ayant pour objet de discuter de la production et de son organisation. Certaines entreprises doivent modifier le jour de réunion et le fixer le jeudi, non plus le dimanche, personne ne voulant y assister un jour férié. » La résistance au travail, elle, continue : en plus des conflits déclarés, les travailleurs refusent le salaire aux pièces, ralentissent les cadences, ne respectent pas les horaires... En février 1937, le syndicat CNT des métallos déplore que trop d'ouvriers abusent des accidents du travail.

Un contrôle tatillon des horaires afin de contrer l'absentéisme est réintroduit, on stigmatise les fainéants, victimes d'influences bourgeoises pernicieuses. En janvier 1938, Solidaridad Obrera publie un article titré « Nous imposons une stricte discipline sur le lieu de travail ». Quant à l'UGT, ils écrivent : « Certains, malheureusement, se sont mépris sur le sens de la lutte héroïque que mène le prolétariat espagnol. Ce ne sont ni des bourgeois, ni des officiers, ni des curés mais des ouvriers, d'authentiques ouvriers, des prolétaires habitués à souffrir de la répression brutale du capitalisme. Leur indiscipline sur le lieu de travail a empêché le fonctionnement normal de la production. Avant, quand le bourgeois payait, il était logique de faire du tort à ses intérêts, de saboter la production et de travailler le moins possible. Mais aujourd'hui, c'est tout à fait différent, la classe ouvrière commence à construire une industrie qui servira de base à la société communiste. »

Voilà, ce n'est pas simple. Il est vrai que cela se situait dans une période difficile et que la guerre menée, en plus des franquistes, par les communistes sur les anarchistes, n'arrangeait pas les choses. Cet exemple renvoie à un exemple plus récent. Le film Charbons Ardents[7] [8]. Ce film montre comment les mineurs de Tower, au sud du Pays de Galles, ont autogéré leur mine. Et, si l'expérience est intéressante, on y voit aussi que ceux qui sont vraiment investis dans la production et l'avenir de la mine sont les syndicalistes. Les mineurs, au fur et à mesure que le temps passe, boudent les assemblées générales et se fichent complètement de l'avenir du site une fois qu'ils n'y travailleront plus.

***

Nous sommes dans une société fondée sur le travail et nous aspirons à en sortir, pas seulement à abolir le travail salarié mais aussi et surtout à émanciper les humains du travail. Si « l'émancipation des travailleurs sera l'œuvre des travailleurs eux-mêmes », cette émancipation est avant tout une émancipation des contraintes du travail. Le capitalisme est avant tout un rapport social, un rapport d'exploitation et d'aliénation. Le refus du travail salarié c'est donc la forme pratique la plus simple et la plus directe de lutte contre ce rapport social. Il s'exprime collectivement dans la grève, individuellement dans l'absentéisme ou la recherche de temps libre dans le temps de travail [9] .

Après des siècles de dressage, l'homme moderne, tel qu'il est promu, est tout simplement devenu incapable de concevoir une vie au-delà du travail en tant que principe tout puissant, le travail domine non seulement la sphère de l'économie au sens étroit du terme, mais pénètre l'existence sociale jusque dans les pores de la vie quotidienne et de l'existence privée. Le « temps libre » (l'expression évoque déjà la prison) sert lui-même depuis longtemps à consommer des marchandises pour créer ainsi les débouchés nécessaires.

On travaille ainsi pour consommer et la société nous fait consommer pour qu'il y ait du travail. Ça se mord la queue. Notre rythme de vie est d'ailleurs tout entier basé sur ce couple : travail-consommation, avec une vitesse de plus en plus effrénée. Pour ne pas penser sans doute.

TEMOIGNAGE

Je me souviens, avant l'usine, élève en C.E.T., nous parlions du travail. Les copains étaient nombreux à se demander ce qu'ils fichaient là. Beaucoup envisageaient autre chose que le travail que nous apprenions. En 1973, lorsque j'ai été embauché, en même temps que beaucoup d'autres jeunes (c'était avant la crise), nous disions tous : « Je reste 2-3 ans, histoire de me faire un peu de fric, et après je me sauve ». Certains sont partis, moi j'ai fait partie de ceux qui sont restés. Parce que le salaire permet de payer un loyer, de faire grandir des enfants et parce qu'il permet de se consoler du temps perdu dans la consommation.

Pourtant, et je vois bien que ce sentiment est partagé par mes collègues, le travail est une douleur. D'autant plus que ça ne s'arrange pas, avec la flexibilité, les plans de restructuration qui se succèdent, la parcellisation du travail, les pertes d'acquis accompagnant le travail (retraite, sécu...), etc.

Quand on voit tous ces collègues qui ne souhaitent qu'une chose, c'est qu'il y ait un nouveau plan « social » pour profiter de départs en pré-retraite ; quand on entend dans les discussions autour de l'apéro rituel des prolos, tous ceux qui rêvent de partir ; quand on sait que les ouvriers essaient, pour la plupart, que leurs enfants échappent à l'usine... Non, le travail n'est pas une valeur qui mobilise les ouvriers.

Il y a quelques temps, sur France 2, un reportage s'intéressait aux licenciées de chez Moulinex, 6 mois après. Une femme disait que maintenant, elle n'avait pas beaucoup d'argent pour vivre, mais qu'elle se voyait mal retravailler et avoir un chef sur son dos.

Les licenciées de chez Levi's, qui ont réussi à devenir intermittentes du spectacle (même si leur salaire est aléatoire), doivent avoir plus de plaisir aujourd'hui en montant sur les planches que lorsqu'elles sortaient de l'usine les mains bleuies d'avoir cousu des jeans toute la journée.

Dans le film Attention, Danger Travail [10] qui regroupe des documentaires de Pierre Carles, Christophe Coello et Stéphane Goxe, une dizaine de chômeurs et chômeuses racontent pourquoi ils ont décidé de ne plus travailler. Ils expliquent même qu'ils ou elles ont fait le choix de « s'épanouir en dehors du monde du travail, avec peu de ressources mais en disposant de temps à profusion ».

On a redécouvert quelques temps, « la France d'en bas » parce que lors des élections présidentielles de 2002, les ouvrier(e)s se sont abstenu(e)s ou ont voté pour les extrêmes. Bref, n'ont pas suivi le jeu politique habituel. Il en a été de même avec le référendum sur la constitution européenne de 2005. Parce que la classe politique, qui ne rassemble que les classes moyennes et bourgeoises, est complètement déconnectée de ces ouvriers dont les patrons voudraient tellement se débarrasser.

Pour redonner le goût de la politique à la classe ouvrière, il faut proposer, lutter pour une société, un monde, où on repenserait le travail, les machines, la production, la consommation.

Il y a longtemps que la notion d'amour du travail est devenue obsolète. Cette notion fait référence à un travail artisanal, ou en petite manufacture. Aujourd'hui le travail est devenu trop parcellisé et il est illusoire de penser qu'on reviendra en arrière. Ainsi, tout révolutionnaire (et par là même, tout anarchiste) qui ne prend pas en compte le fait que les ouvrier(e)s, mais aussi les jeunes, aspirent à travailler beaucoup moins, voire à ne pas travailler du tout, n'a qu'un cadavre dans la bouche.

Je finirai sur cet extrait du Manifeste contre le travail du groupe allemand Krisis :

« On reprochera aux ennemis du travail de n'être que des rêveurs. L'histoire aurait prouvé qu'une société qui ne se fonde pas sur les principes de travail, de la contrainte à la performance, de la concurrence libérale et de l'égoïsme individuel ne peut pas fonctionner. Voulez-vous donc prétendre, vous qui faites l'apologie de l'état de choses existant, que la production marchande capitaliste a vraiment donné à la majorité des hommes une vie à peu près acceptable ? Appelez-vous cela « fonctionner », quand c'est justement la croissance vertigineuse des forces productives qui rejette des milliards d'hommes en dehors de l'humanité et que ceux-ci doivent s'estimer heureux de survivre sur des décharges publiques ? Quand des milliards d'autres hommes ne peuvent supporter la vie harassante sous le diktat du travail qu'en s'isolant des autres, qu'en se mortifiant l'esprit et qu'en tombant malades physiquement et mentalement ? Quand le monde est transformé en désert simplement pour que l'argent engendre davantage d'argent ? Soit ! C'est effectivement la façon dont « fonctionne » votre grandiose système du travail. Eh bien, nous ne voulons pas accomplir de tels exploits ! »


NOTES

[1][Note de l'Editeur] Dans ce texte, le terme de « salariat » pourrait se substituer à celui de « travail », étant entendu que la souffrance au travail est liée au régime de la propriété privée des moyens de production, et à la coercition exercée à l'encontre des travailleurs par la hiérarchie patronale au service des actionnaires. Dans une autre société, l'activité humaine nécessaire à la vie en collectivité serait vraisemblablement plus courte en durée, et devrait générer, nous l'espérons, moins de mal-être. Cela constituerait alors la fin du « trepaleum ».
[2] Editions Fayard - 1999. Cet ouvrage traite notamment des ouvriers de chez Peugeot.
[3] in La Fabrique de la Haine : contre les politiques sécuritaires et l'apartheid social, Ed. L'Esprit Frappeur - 2002, cet article est également paru, en version plus courte, dans le Monde Diplomatique de juin 2002, sous le titre « La troisième génération ouvrière »
[4] On peut se reporter au N°1 de « Le lundi au soleil » recueil de textes et de récits du mouvement des chômeurs co-édité par L'Insomniaque ; voir aussi le témoignage de Claude et Laurence sur le mouvement des chômeurs de Rennes dans cet ouvrage.
[5] pas tous jeunes, j'en conviens, puisque l'un d'entre eux, ingénieur d'une quarantaine d'années se fera virer suite à la création de ce groupe.
[6] Cité in Gilda je t'aime, à bas le travail ! de Jean Pierre Barou, La France sauvage -1975
[7] film de Jean Michel Carré
[8] [Note de l'Editeur] Les mineurs ont racheté des parts de leur usine avec leur indemnité de licenciement et des prêts bancaires. Loin de faire la révolution autogestionnaire, en devenant actionnaires, ils tendent à l'autoexploitation, au productivisme et à la mise en concurrence.
[9] Cf. Le cercle social, « Refus du travail et conseils de travailleurs, au delà d'une contradiction »
[10] Attention Danger Travail, A. Gonzales et C-P Productions - 2002 (CP productions 9, rue du jeu de ballon 34000 Montpellier).
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Re: Retraites : pour en finir avec les illusions de la gauche

Messagede filochard le Mar 19 Oct 2010 21:25

Tract remanié rien que pour Antigone :
[Ce tract, est un remaniement sauvage du tract du groupe Libeludd (Libertaires et luddistes) de Grenoble paru le 12 octobre, tract très intéressant mais qui était très limité dans sa critique du travail et du capitalisme. En voici une autre version diffusée lors des manifestations contre la réforme des retraites à Bourges et Orléans (merci à patrice, sébastien et julien pour les précisions apportées). Le tract est suivi ci-dessous (bas de page) d'une courte justification sur la nécessité de ne pas en rester au tract partiellement pertinent de Libeludd, qui montre par plusieurs aspects les limites de la partiellement pertinente critique anti-industrielle.]

Source : http://palim-psao.over-blog.fr/article- ... 35238.html

POUR EN FINIR AVEC LE TRAVAIL, LA SOCIETE INDUSTRIELLE ET LES ILLUSIONS DE LA GAUCHE.

Image

Des millions de personnes dans la rue. Des appels à la grève illimitée. Des ports bloqués depuis deux semaines. Des raffineries en grève annonçant une prochaine pénurie de carburant. Des milliers de lycéens qui bloquent leurs lycées. Le ras-le-bol se généralise et le mouvement contre la réforme des retraites prend de l’importance. Partout se diffuse le sentiment que quelque chose est en train de se jouer. Ce mouvement, nous en faisons partie, et nous sommes solidaires des personnes en lutte, contre la réforme des retraites et l’exploitation. Il est légitime que des personnes qui ont travaillé toute leur vie refusent de rempiler pour deux années supplémentaires.

Pour autant, une grande partie du discours tenu aujourd’hui par la gauche et par les opposants à la réforme des retraites, nous semble au mieux une impasse, au pire clairement dangereuse. En effet il n’y a pas de lutte possible contre la réforme des retraites, sans refuser la robotisation de nos vies, sans refuser le travail tel que nous le connaissons (travail créateur de valeur) et sans sortir du dogme de la croissance et de l’emploi à tout prix. Il n’y a pas non plus de lutte possible sans dénaturaliser la société capitaliste dans laquelle nous vivons et qui nous impose sa richesse économique (l’argent, la valeur, le capital, les marchandises, l’investissement) comme étant normale, naturelle, évidente et ayant soi-disant existé dans toutes les sociétés humaines complexes. De plus la gauche et les syndicats croient à une redistribution moins injuste (moins pour les riches, plus pour les pauvres) de l’argent produit par le sacro-saint travail, défense du travail qu’ils partagent avec Nicolas Sarkozy. Mais cela ne nous fait en rien sortir du capitalisme, puisque la redistribution alternative présupposera une bonne croissance de la valeur capitaliste (donc des profits) en nous pressurant au travail comme des citrons pour faire sortir de nous le jus de la valeur économique. Il faut sortir clairement de cette réalité insupportable que nous vivons qui réduit tout à l’économie. Ce n’est qu’en prenant ces critiques en compte qu’un mouvement peut émerger avec de vraies perspectives.

La crise du capitalisme : Quand les robots rendent l’humain inutile...

TF1 ne nous le dit pas, mais ce que nous appelons le « travail » n’a pas toujours existé. Car le travail ne crée pas naturellement de la valeur comme le prétend la science économique. Le travail tel que nous le connaissons (le travail créateur de valeur) n’existe que dans la société capitaliste présente comme principe d’organisation et de structuration créant une richesse sociale spécifique à cette seule société : la valeur se valorisant infiniment (le capital comme médiation sociale reproduisant l’ensemble de cette société). Dans un cadre de concurrence avec la guerre économique que se livrent les capitaux des entreprises de part le monde pour gagner des parts de marché et faire des profits, la production de valeur incorporée aux marchandises dépendant du travail fourni consiste à augmenter la productivité dans l’appareil de production. Depuis plusieurs dizaines d’années, les machines et les ordinateurs suppriment massivement le travail humain pour tenter d’augmenter au moins provisoirement les profits. Après les ouvriers et les employés (de la Poste, de la SNCF, des magasins ou des banques), c’est aux enseignants de devenir obsolètes. L’école elle aussi devient numérique. Grâce aux progrès de la science et de la technologie, l’accumulation de profit exige moins d’humains à exploiter qu’avant. Pour autant en substituant le travail des humains par le travail des machines, le capitalisme scie la branche (le travail créateur de valeur) sur laquelle il est assis, car en pressurant les salaires et en augmentant le chômage, des millions de gens ne sont plus solvables, et perdent leur pouvoir d’achat. Les marchandises produites incorporent de moins en moins de valeur, phénomène que les capitalistes doivent tenter de compenser en augmentant les volumes de marchandises produites, en nous faisant acheter le plus possible (rôle de la publicité) et en ouvrant de nouveaux marchés. Mais comme de plus en plus d’humains sont ainsi rendus « superflus » pour le capitalisme, la demande s’effondre et c’est la course à l’endettement. Ce mécanisme contradictoire implacable du capitalisme, n’est pas réformable car c’est sa logique même. Le capitalisme ne peut donc plus créer assez d’emplois pour tous. Le capitalisme est donc depuis 40 ans dans une crise généralisée dans les centres capitalistes, il s’effondre et nous pousse avec lui dans la tombe qu’il se creuse tout seul.

...se faire exploiter devient un « privilège »

Les robots nous remplacent donc. Le problème, c’est que nous restons tous plus ou moins contraints de travailler, car le travail créateur de valeur est le lien structurant dans la société capitaliste. Sans travail, pas de salaires, et le frigo reste vide. Tous les humains mis au rebut par les machines n’auront pas assez cotisé pour prétendre à la retraite. Nous en sommes arrivés au stade où pouvoir vendre sa force de travail à une entreprise est devenu un privilège. Mais quel privilège ? Les emplois que créent encore péniblement le capitalisme sont de plus en plus vides, et déconnectés de nos besoins fondamentaux, les travailleurs réduits à n’être que les auxiliaires des ordinateurs, des rouages au sein de la machinerie industrielle. Les gains de productivité devant sans cesse augmenter, les personnes qui travaillent doivent travailler toujours plus, toujours plus vite, de manière toujours plus efficace. Exclus et inutiles, ou exploités et pressurés. Voilà à quoi nous en sommes réduits. Il n’y a pas de solution au problème des retraites ou du chômage sans sortie du capitalisme et de la société industrielle. Combien de temps pensez-vous que ce système s’encombrera d’une main d’œuvre inutile ?

La solidarité ne repose pas sur la croissance !

Pour justifier la réforme des retraites, la droite nous explique : « il y a aujourd’hui moins de travailleurs actifs, et plus de personnes inactives. Il est donc normal de travailler plus longtemps pour payer les retraites » Ce à quoi les économistes de la gauche et de l’extrême-gauche rétorquent : « Même avec une croissance inférieure à 2%, le produit intérieur brut aura doublé d’ici 40 ans, on pourra donc en consacrer une part plus importante au financement des retraites, sans effort financier supplémentaire de la part des salariés. » Pour la gauche, le problème est donc uniquement un problème de répartition des fruits (pourris) de la croissance de la valeur, forme de richesse intrinsèquement capitaliste. Comme si les retraites, et donc la solidarité humaine, reposaient sur la croissance économique. Il faut en finir avec l’idéologie de la croissance. Compter sur un doublement de la production d’ici 40 ans est une aberration. Non seulement le capitalisme est à bout de souffle en venant au terme de sa logique folle et contradictoire, mais notre environnement ne survivrait pas à un tel désastre écologique. Sans compter la dégradation de la vie en société. Car produire plus, c’est produire toujours plus de marchandises, d’ordinateurs, de télévisions à écrans plats, de téléphones portables, et autres gadgets high-tech qui abrutissent, individualisent et finissent par détruire toute relation véritable entre nous. (Et vous, combien d’amis virtuels avez-vous sur facebook ?)

Lycéens et étudiants refusez d’intégrer la machine-travail planétaire !

Le second argument de la gauche contre la réforme des retraites, consiste à refuser l’allongement de la durée de cotisation parce qu’il serait un frein à l’emploi des jeunes. Quels emplois ? Des emplois qui répondent à quels besoins quand le but final est la production de valeur ? Seul compte combien de valeur et d’argent ces emplois auront produit pour la formidable machine à fric dans laquelle les lycéens et étudiant devront trouver leur place. Il faut sortir de cette logique de l’emploi à tout prix. D’abord parce qu’il n’y a plus de travail pour tous. (voir plus haut) Ensuite parce que non seulement cela revient à défendre des emplois qui nuisent au reste de la société, mais que finalement tout travail créateur de valeur fait partie intégrante de la société capitaliste en tant que son noyau et fondement. Il n’y a pas de honte à ne pas avoir de « travail » au sens où l’entend cette société, c’est à dire un travail que l’on ne fait que pour l’argent, sans aucune considération pour son contenu. Il est plus digne de ne pas travailler, plutôt que d’être d’aller dans n’importe quel « taf » pour participer à l’augmentation perpétuelle de la sainte-croissance capitaliste. Remettons en cause notre société sur sa base, le travail créateur de valeur. Pour autant, nous ne voulons pas passer notre vie à ne rien faire. Nous préférons alors parler d’activité en tentant collectivement de sortir de l’économie.

Par où commencer ? Battre en retraite… un débat permanent !

Dans ce monde « à l’envers » qu’est le capitalisme, les choses que le travail fabrique (sous forme de marchandises et de services donc sous forme d’argent et de capital) commandent aux humains et dressent en face de nous comme des divinités barbares qui exigent de nouveaux sacrifices humains. Nous ne sommes que des créatures, des rouages, des supports de ce travail de valorisation économique qui nous dépasse et sur lequel il ne peut plus y avoir aucune maîtrise autre que celle de sortir de cette forme sociale de vie qu’est la vie capitaliste, qu’en dépassant le travail, l’argent, la valeur et la production de marchandises comme formes structurantes de « notre » société. Pour cela dans un premier temps, s’organiser à la base pour obtenir le retrait de la réforme et lutter contre l’administration du désastre capitaliste. Se défier des centrales syndicales qui adorent le Dieu du travail et des partis politiques. Prendre le temps de réfléchir et de construire des solidarités pour repenser une théorie critique du capitalisme. Cesser les journées d’action ponctuelles, pour construire un mouvement solide et continu pour nous rencontrer, discuter, échanger afin d’engager à gauche un débat sur la remise en cause du travail, de l’argent et de la valeur comme formes structurantes de « notre » société. Pour sortir de l’économie ! Nous organiser enfin pour empêcher tout retour à la normale. Paralyser les centres économiques, scientifiques et politiques. Refuser le travail c’est bien, mais le dépasser comme forme structurante de la vie en société c’est mieux ! Produire collectivement ce dont nous avons besoin pur vivre, sans le concours de la machine-travail planétaire et sa production industrielle.

Rendre inutile ce système qui nous rend inutiles.
Dernière édition par filochard le Mer 20 Oct 2010 13:47, édité 1 fois.
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Re: Retraites : pour en finir avec les illusions de la gauche

Messagede filochard le Mar 19 Oct 2010 23:51

libeludd a écrit:Bonjour,
Il est légitime que des personnes qui ont travaillé toutes leur vie refusent de rempiler pour deux années supplémentaires.

J'en connais qui ont travaillé deux ans dans leur vie (voire bcp moins cad pas encore-du tout), autrement dit deux ans de trop. Leur refus du travail sera-t-il compris (et légitimé) par les vieux saucissons qu'il faudrait respecter * d'avoir servi, lubrifié et souvent, parce qu'ils n'avaient pas le choix, applaudi la Machine-Travail-Planétaire pendant 40 ans ou + ?

* si non c'est l'élitisme, le mépris, la haine, Richard Durn, l'insécurité.

Dans la brochure Prolétaires et travail : une histoire d'amour ?, l'auteur dit : « la répugnance au travail, une constante de la vie ouvrière espagnole bien avant 1936, s'est poursuivie sous le Front Populaire. Une telle résistance contredit dans les faits le programme (anarcho-syndicaliste, notamment) appelant les ouvriers à s'impliquer dans le fonctionnement de l'atelier et à contrôler non seulement le lieu de travail mais le travail lui-même. Les prolétaires manifestent un intérêt très relatif à participer à des assemblées d'usine ayant pour objet de discuter de la production et de son organisation. Certaines entreprises doivent modifier le jour de réunion et le fixer le jeudi, non plus le dimanche, personne ne voulant y assister un jour férié. » La résistance au travail, elle, continue : en plus des conflits déclarés, les travailleurs refusent le salaire aux pièces, ralentissent les cadences, ne respectent pas les horaires... En février 1937, le syndicat CNT des métallos déplore que trop d'ouvriers abusent des accidents du travail.

Je signale que l'auteur, enfin les auteurs (faut pas trop en demander à Levaray) de la brochure sont Gilles Dauvé et Karl Nesic (!). Est-ce un "oubli" de Levaray ? ^^

La brochure est disponible en ligne.
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Re: Retraites : pour en finir avec les illusions de la gauche

Messagede filochard le Mer 20 Oct 2010 13:49

A propos du tract initial du groupe Libeludd

Il y a quelques jours ce tract des plus sympathiques est paru sur Indymedia Grenoble : Pour en finir avec la société industrielle et les illusions de la gauche.

Pour autant ce tract comporte des limites importantes, qui sont d'ailleurs celles de la partiellement pertinente mouvance « anti-industrielle » qui reste très vague et très traditionnelle sur la critique du capitalisme. Limite car le texte critique l'industrialisation carrément en prenant la défense du travail qu'ils naturalisent en parlant de « travail humain » rendu inhumain seulement par les machines et les ordinateurs. Ainsi une phrase comme « Depuis plusieurs dizaines d’années, les machines et les ordinateurs suppriment massivement le travail humain », pose question tellement ce « travail humain » semble posé naturellement, de manière évidente et transhistorique. Cette réflexion trop superficielle sur le « travail » qui n'arrive pas à saisir la véritable nature de tout travail dans la formation sociale capitaliste, car tout travail est une invention relativement récente qui a quelques siècles (tout travail c'est-à-dire un travail avec ordinateurs et machines, comme un travail sans ordinateurs et machines, cf. les livres de Postone et Jappe) était aussi celle du texte de Matthieu Amiech et Julien Mattern sur le « Travail mort-vivant » dans la revue n°6 de Notes et Morceaux Choisis. C'est aussi la limite du groupe « Les Amigos de Ludd », la limite des rares réflexions sur le travail du « groupe Oblomoff », ou encore du numéro récent du magazine « Offensive » sur le sens du travail. Critiquant le travail technologisé au nom du « gentil » travail qui serait soit disant pas du « travail abstrait », du travail non socialement auto-médiatisant, comme le gentil travail de l'artisan, du paysan, de l’ouvrier au temps relaté par Gérard Noiriel, etc. Tout cela en prenant appui sur la pensée complètement inaboutie de Hannah Arendt sur le travail. Dans cette perspective les auteurs de ce tract ne peuvent que dire « Nous voulons un travail choisi, épanouissant, que nous jugeons utile. Nous préférons alors parler d’activité », sans aller plus loin pour comprendre la réalité capitaliste irrationnelle dans laquelle nous vivons, et saisir la nécessité de développer une critique radicale du travail, du fétichisme du travail, de la valeur et de l'argent.

Comprenant très imparfaitement la société capitaliste (que l'on réduit à la seule exploitation du surtravail), et renvoyant la nature de la croissance à une simplette « idéologie » (comme les décroissants), idéologie artificielle par rapport à la saine société qui en serait le simple théâtre neutre, les auteurs du tract avouent eux-mêmes que leur critique est inaboutie quand finalement ils se solidarisent des grévistes qui croient encore qu'il existe comme une sorte de « trésor caché » par les capitalistes et qui pourrait être versé au peuple. On peut ainsi être très déçu quand les auteurs écrivent :

« Ce refus est d’autant plus justifié qu’un partage des richesses détenus par quelques uns pourraient permettre à tous d’avoir une vie et une retraite décentes. »

Ces « richesses » qui sont ici naturalisées et ininterrogées, posent évidemment question, car elles sont des marchandises, de l'argent, du capital, bref de la valeur, sous la forme de catégories supposément éternelles (quand on parle des « richesses » de manière aussi générale) saisissant le monde à l'envers des formes sociales capitalistes, que l'on ne saurait radicalement mettre en cause. Ces auteurs veulent redistribuer finalement (selon un mode de distribution autre) ces mêmes catégories pourtant intrinsèquement capitalistes. Comment critiquer alors la croissance économique en soi, si finalement on veut simplement plus de justice et d'équité par un nouveau partage du gâteau de la richesse capitaliste ? Tout mode alternatif de redistribution de la richesse socialement historiquement spécifique à la seule société capitaliste, présuppose la croissance capitaliste.

Il paraissait ainsi évident qu’il fallait poursuivre la critique partiellement très pertinente qu’il y avait dans ce tract et saisir qu'il faut maintenant ne plus se contenter de la critique anti-industrielle, mais renouveler plus amplement une théorie critique radicale du capitalisme (la mention positive à l'éducation actuelle critiquée seulement en cela qu'elle serait envahie par les ordinateurs, poserait aussi question). Allier-rattacher la critique anti-industrielle à la critique de la valeur (wertkritik) en élaboration permanente. Pour autant ce tract est très intéressant. Mais la critique anti-industrielle ne suffit pas.

Clément.

Source : http://palim-psao.over-blog.fr/article- ... 35238.html
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Re: Retraites : pour en finir avec les illusions de la gauche

Messagede Antigone le Mer 20 Oct 2010 18:09

filochard a écrit:Tract remanié rien que pour Antigone

Rien que pour moi ? C'est trop. Merci !

Oui mais ce qui caractérise un tract, c'est qu'il doit se lire en une minute.
Ça doit être épuré.
Ce que tu proposes, c'est bien trop long, trop bavard, trop théorique. Ça ressemble à une base de départ pour une résolution de congrès (...!)

Le tract de Libellud n'est pas parfait. Il est critiquable, mais il faut savoir se détacher de ça. Il faut être conscient que les gens qui lisent un tract ne voient pas le millionnième des critiques que l'on peut en faire et qui, à force de le lire et le relire, finissent par nous crever les yeux.
On ne peut pas en vouloir à un chat de n'avoir que 4 pattes.

filochard a écrit: les auteurs (faut pas trop en demander à Levaray) de la brochure sont Gilles Dauvé et Karl Nesic (!)

Oh je connais bien Karl. Je suis allé plusieurs fois chez lui à Rouen... mais je lui ai toujours préféré son frère Jonasz (plus de recul, mois dogmatique).
Ça fait 30 ans que je ne les ai pas revus. Halalala ! Pff...
Ni rouge, ni noir. Révolutionnaire sans drapeau.
L'Autonomie, ça devrait ressembler à ça
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Re: Retraites : pour en finir avec les illusions de la gauche

Messagede BlackJoker le Mer 20 Oct 2010 18:42

Bon texte je trouve aussi.
Et je rejoins l'avis d'Antigone ( pas son côté nostalgique hein, juste sa réponse à filochard ) , on ne peut pas tout mettre dans un tract. Mais il faut cependant pouvoir dire et expliquer quand même certaines choses, tout en condensant, bref juste milieu à trouver, pas évident.
BlackJoker
 

Re: Retraites : pour en finir avec les illusions de la gauche

Messagede filochard le Mer 20 Oct 2010 20:34

Antigone : Ce n'est pas moi qui propose, ce sont Les inconnus :^^:

Et les auteurs de la brochure Prolétaires et travail... je ne le connais pas disons physiquement, et n'ai ni envie de les connaitre : un des deux (pas celui que tu cites) est reconnu pour négationnisme ; encore que je suis pas complètement imbécile au point de ne pas dissocier oeuvre "théorique" et/ou polémique, comme je disais ya quelques temps à propos de Colletti au sujet des Fils de la nuit (Gimenez)...

Cependant je rejoins ce tu dis (avec BlackJoker), Dieu seul sait que c'est pas facile la "condensation" ! ^^, mais les remarques adressées par Les Inconnus ne sont pas moins importantes, entre autres sur "Depuis plusieurs dizaines d’années, les machines et les ordinateurs suppriment massivement le travail humain". Sans un minimum d'explication, au moins lors d'une AG voire pourquoi pas un Congrès ^^, ça pourrait être mal compris et peut-être rejoindre ce que Semprun disait à propos de la société industrielle, ici critiqué par Trenkle dans le texte "Critique du travail et émancipation sociale":

Capitalisme ou société industrielle ?

C’est une position structurellement proche de ce « pessimisme critique» qu’exprime Jaime Semprun quand il reproche au Manifeste [contre le travail] de rester attaché au fétichisme des forces productives du vieux mouvement ouvrier, pour lui opposer une critique de la société centrée sur une critique de la technologie moderne : « La contradiction fatale à la société marchande (mais peut-être aussi à la civilisation, aux chances d’humanisation qu’elle a amenées au cours de l’histoire), c’est celle qui existe entre ces moyens de production déterminés, c’est-à-dire le “capital fixe scientificisé”, la technologie moderne, d’une part, et d’autre part les nécessités vitales de l’appropriation de la nature, auxquelles aucune société humaine ne saurait se soustraire» (Jaime Semprun, « Notes sur le Manifeste contre le travail », dans Nouvelles de nulle part n° 4, Paris, 2003). Même si Semprun parle ici et là de « société marchande» et de « capitalisme », son analyse n’aborde nulle part la forme sociale spécifique et ses contradictions internes et n’utilise au fond ces notions que comme des synonymes de « société industrielle ». L’origine des horreurs, dévastations et catastrophes de la modernité n’est pas cherchée dans la dynamique autonomisée de la marchandise, de la valeur et du travail, mais directement attribuée à la technologie moderne. Capitalisme = société industrielle, telle est la simple équation établie par Semprun. Aussi l’abolition du capitalisme est-elle pour lui synonyme de suppression de la technologie moderne et de la production industrielle dans sa totalité.

Loin de nous l’idée de contester que la production industrielle moderne naisse en même temps que la socialisation capitaliste et que sa structure même soit capitalistiquement constituée. En ce sens, on peut d’ailleurs dire que la société marchande est la seule société dans l’histoire de l’humanité à mériter le nom de « société industrielle », et c’est pourquoi une critique du capitalisme doit englober une critique du mode de production industriel. Mais présenter les deux concepts comme synonymes est une erreur car, si le capitalisme a donné naissance à la production industrielle et lui a donné sa forme, on ne saurait réduire celui-là à celle-ci. C’est pourquoi on peut certes montrer dans la production industrielle le mouvement autonome fétichiste, les mécanismes de domination et les contradictions internes du système de la production marchande, mais on ne peut pas expliquer le capitalisme par la production industrielle. Et c’est aussi pourquoi le dépassement du capitalisme ne signifie pas l’abolition de la production industrielle tout court, mais la transformation profonde de celle-ci.

Le lien intime entre mode de production capitaliste et production industrielle vient du fait que c’est seulement dans celle-ci que le rapport-capital peut se réaliser pour la première fois comme totalité sociale, ce que Marx s’est longuement employé à montrer dans le Capital. Une formation sociale qui se médiatise à travers la dépense de travail abstrait et qui se trouve par là livrée à la contrainte aveugle de l’accumulation infinie de quantités de valeur abstraite tend nécessairement au développement de méthodes qui reproduisent cette contrainte à une échelle toujours plus grande. Au centre de ce processus se trouve l’accroissement permanent de la production pour la production sous la forme d’un débit croissant de marchandises représentant du « travail mort ». En outre, la production doit satisfaire au critère d’« efficacité », ce qui, en dernière analyse, ne signifie rien d’autre qu’« efficacité-temps ». Ainsi allonge-t-on cette partie de la journée de travail pendant laquelle les forces de travail créent de la survaleur, c’est-à-dire cette part de valeur créée au-delà du coût de reproduction ou de standing des forces de travail et qui sert à l’accumulation de capital. On sait que Marx parle à ce propos d’une « production de survaleur relative », qui ne devient possible que par l’application systématique de la science à la production (le « grand machinisme ») et par la « rationalisation » du procès de production qui l’accompagne. On peut donc effectivement dire que, dans l’industrie moderne, le capital s’est créé un mode de production à son image. C’est en lui que se matérialise et que se concrétise l’« abstraction réelle » de la valeur. Ce mode de production incarné dans des appareillages et des structures d’organisation tangibles et concrètes fait face aux hommes et leur impose la rationalité qui lui est inhérente ainsi que son rythme-temps.

Et cela va plus loin. Dans la mesure où la société marchande s’établit comme totalité, la logique de la « rationalisation » s’étend à tous les domaines sociaux pour modeler complètement la vie quotidienne, la pensée et l’action des hommes modernes. En ce sens, Semprun a raison de parler de la « désertification de la vie » et de caractériser le « logement de masse » et les « grands ensembles » comme étant des « cellules de l’Existenzminimum ». Mais il se trompe quand il en voit l’origine immédiate dans « l’industrie » et les forces productives modernes. Car, même si les contraintes imposées par la valeur et la marchandise ne s’opposent pas à nous comme telles, de manière immédiate, mais sous la forme de choses et de structures sociales matérielles, les premières ne peuvent pas être réduites aux secondes. À l’inverse, il ne faut pas que la critique fasse l’impasse sur ces choses et ces structures et les traite comme si elles étaient socialement « neutres ». Elle doit avoir pour objectif de les analyser comme les représentantes et les matérialisations de la logique marchande et de la valeur et de montrer à travers elles en quoi cette logique est porteuse de puissance répressive et de domination réifiée.

L’identification immédiate (unvermittelt) d’objets matériels et d’une forme sociale traduit, quant à elle, une pensée réifiante qui n’est que l’inversion abstraite du fétichisme des forces productives que professait le marxisme traditionnel. Selon ce dernier, le « développement des forces productives » serait une sorte de loi naturelle de l’histoire, un processus transhistorique que le capitalisme, dans sa « mission historique », aurait certes fortement accéléré mais sans le marquer fondamentalement. En conséquence, les contraintes imposées par le système capitaliste de production et d’industrie (cadences infernales, division du travail extrême, régime de commandement, etc.) n’auraient été rapportées que de manière extérieure aux « rapports de production », qui, dans cette vision restrictive, se réduiraient à la domination de classe, l’exploitation et la recherche du profit. Mais rejeter cette interprétation mécaniste de la contradiction entre forces productives et rapports de production ne signifie pas la tenir pour obsolète. On peut au contraire montrer qu’elle se traduit dans le mode de production industriel moderne lui-même, et cela de deux manières : comme potentialité de crise qui se reproduit à une échelle toujours plus grande ; et en ce que le développement capitaliste engendre certaines possibilités et certains potentiels, tout en entravant leur réalisation, voire en les transformant en forces de destruction.

Cela ne vaut pas seulement pour le procès de production marchande en tant que tel mais également pour ses produits. Même la valeur d’usage se trouve être plus que la simple caractéristique matérielle neutre de « produits » sociaux, formées par la valeur d’échange : le trafic automobile en est un exemple particulièrement éloquent. En tant que système de déplacement d’une société éclatée en individus atomisés et contraints à la mobilité permanente, il est par sa structure matérielle une image fidèle de la logique de la valeur. Pas seulement à cause de son rôle d’avant-garde quand il s’agit de produire des catastrophes climatiques et de dévaster l’espace public. Mais bien plus parce que la circulation automobile reflète de manière paradigmatique le rapport social des sujets civils-bourgeois (bürgerliche Subjekte) comme asocialement sociaux, tout à la fois massifiés et isolés.

Il va donc ainsi presque de soi qu’un « programme des abolitions » ne doit pas viser à « libérer » la « voiture comme valeur d’usage » de son « enveloppe-valeur d’échange », mais à supprimer le trafic automobile comme système social de déplacement (cela n’exclut pas forcément qu’on puisse se servir de voitures à des fins bien particulières). Ce qui, inversement, ne signifie pas qu’une société libérée doive retourner aux chars à bœufs et aux voitures à chevaux. Il s’agira plutôt d’inventer des systèmes de circulation permettant à tout individu d’aller partout où bon lui semble sans détruire ni la nature ni les paysages et sans avoir à se transformer en monade furieuse, coincée dans son tas de ferraille. Lorsque Semprun prétend que le Manifeste tombe dans la croyance « qu’on pourrait retrouver intactes, une fois débarrassées de leur forme capitaliste, valeur d’usage et technique émancipatrice » (ibid.), il s’agit là d’une pure projection de sa part, que rien dans le texte ne confirme. Semprun nous attribue cette position du marxisme traditionnel parce qu’elle lui permet de présenter sa propre manière de voir comme le nec plus ultra de la critique radicale. En fait, la position de Semprun n’est qu’un reflet réducteur de ce même marxisme traditionnel.

Opposer à l’admiration béate devant la technique et la science dont faisait preuve le marxisme traditionnel (celui-ci connaît actuellement une renaissance avec le néo-opéraïsme des Hardt-Negri) un refus tout aussi général n’est que trop facile. Une société libérée devra examiner à chaque fois concrètement la technologie et la science que le capitalisme a engendrées sous une forme fétichiste et largement destructive pour savoir si, et dans quelle mesure, elles pourront ou non être transformées et développées pour le bien de tous (4). Il va de soi que cela implique la décision de ne pas aller au bout de certaines potentialités de la science (ainsi les connaissances scientifiques sur la manipulation génétique) et d’arrêter une part importante de la technologie capitaliste (ainsi de nombreux procédés de l’agriculture industrielle) ou, tout au moins, de l’utiliser de manière très sélective. Donner à ce propos a priori des critères généraux est impossible. Car la libération de la domination impersonnelle et fétichisée de la valeur signifie que les membres de la société cessent d’être soumis à un principe général-abstrait présupposé qui structure leurs décisions d’une façon déterminée et uniforme. Ce sera alors en fonction de divers critères qualitatifs, sensibles et esthétiques qu’ils décideront ce qu’ils acceptent et ce qu’ils refusent. La société dominante, à l’inverse, est contrainte de rationaliser tous les domaines de la société, tant au niveau technologique qu’organisationnel. À cet égard, elle n’a pas le choix, étant soumise au diktat qui commande l’économie de temps et sa densification. À l’opposé, une société d’individus librement associés qui ne se médiatisent pas à travers la production de marchandises et la valorisation de la valeur mais à travers des procédés de communication directe peut décider consciemment où, par exemple, il est raisonnable d’utiliser des robots et autres procédés d’automatisation pour supprimer ou réduire des activités rébarbatives, et où cela n’est pas souhaitable, voire nuisible.

Semprun peut y voir une « incohérence », mais celle-ci réside dans la chose même. Là où il reconnaît, non sans une certaine condescendance, au Manifeste que celui-ci reculerait par endroits devant sa propre vision technofétichiste, qu’on y sentirait une « sorte d’hésitation », il attend une position tranchée qui ne peut exister que quand on résout la contradiction entre forces productives et rapports de production de manière totalement unilatérale, en remplaçant le principe de coercition sociale dominant par un autre principe tout aussi abstrait et général : la suppression indifférenciée de toute production industrielle et de toute technologie moderne. En ce sens, la « radicalité» de Semprun n’est que l’inversion du rigorisme de la société bourgeoise dont il faut se libérer...

NOTE

4. Il ne s’agit pas ici d’affirmer que seul le capitalisme aurait pu engendrer ces potentialités. Cela aurait pu, en principe, se passer d’une autre manière. En ce sens, aucune justification a posteriori arguant de la « mission civilisatrice » du capital n’est nécessaire, comme le fait toujours le matérialisme historique avec son mécaniste optimisme de l’histoire et sa téléologie. Mais il faut néanmoins constater ce fait historique que le capitalisme a engendré certaines potentialités (tout comme d’autres sociétés fétichistes l’avaient fait avant lui), et c’est là la base qu’une libération doit prendre comme point de départ.

Source : http://www.krisis.org/2004/critique-du- ... on-sociale
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Re: Retraites : pour en finir avec les illusions de la gauche

Messagede wayra warmi le Jeu 21 Oct 2010 01:18

filochard a écrit:J'en connais qui ont travaillé deux ans dans leur vie (voire bcp moins cad pas encore-du tout), autrement dit deux ans de trop. Leur refus du travail sera-t-il compris (et légitimé) par les vieux saucissons qu'il faudrait respecter * d'avoir servi, lubrifié et souvent, parce qu'ils n'avaient pas le choix, applaudi la Machine-Travail-Planétaire pendant 40 ans ou + ?
:clap: voilà c'est ça ce que je cherche en vain depuis de semaines, depuis le début du mouvement en cours ... une critique du travail, de la retraite tout ça quoi !!!!! Pourquoi défendre les retraites ? Défendre les acquis sociaux dans l'état depuis quand c'est une priorité pour des libertaires ?
Faut vraiment s'extirper de cette notion de Travail ... Le tripalium c'était un instrument de torture chez les romains, et le mot travail vient de ça, ça fait pas envie vous trouvez pas ?? Regardez le "Volem rien foutre al país" de Pierre Carles, un vrai bijoux ce docu, comme tout ceux de ce réalisateur d'ailleurs :wink:
Impossible n'est pas français. Moi non plus.
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Re: Retraites : pour en finir avec les illusions de la gauche

Messagede Antigone le Jeu 21 Oct 2010 15:44

filochard a écrit:un des deux (pas celui que tu cites) est reconnu pour négationnisme

C'est un peu rapide de dire ça.
Il y a un autre topic "Le militantisme, stade suprème de l'aliénation" où vroum fait un copier/coller qui effleure aussi le sujet à un moment. Je réponds ici mais il faudrait couper parce que je vais faire du hors sujet.

Pour replacer tout ça dans son contexte (fin 70 début 80), il était de bon ton de tout critiquer: le pacifisme, l'antifascisme, la politique, le militantisme, le travail, le quotidien, la valeur et toutes les valeurs de la démocratie.
Au début des années 80, Gilles Dauvé (que j'ai peut-être croisé ??) était à la Banquise. Le numéro 2 de la revue était en grande partie consacré à cette histoire de camps et de chambres à gaz qui a empoisonné l'ultra-gauche depuis un article des bordiguistes datant des années 60 "Auschwitz ou le grand alibi". Ce texte était devenu à la longue une brochure qui faisait un tel tabac qu'elle était constamment rééditée.
Le sujet était devenu à la mode. C'est en 1983 que Barbie sera finalement expulsé en France pour y être jugé. Alors pour se faire connaitre et avoir accès aux colonnes du Monde, certains groupes ou "intellectuels" avaient engagé un débat direct (par correspondances) ou indirect avec Faurisson qui se faisait un plaisir de répondre. La presse bourgeoise faisait monter la sauce. Les "nouveaux philosophes" BHL et Glucksman s'en mêlaient. Quelle publicité ! C'était devenu LE sujet sulfureux par excellence.

Je me souviens qu'à la fête de LO, le stand de PIC avait été assailli par des gens qui avaient confondu la Vieille Taupe et Jeune Taupe (la revue de PIC). J'occupais le stand de Tribune juste à côté. Comme le copain de PIC qui faisait face à la horde qui grossissait répondait sur l'air de la plaisanterie (en tentant d'expliquer que le choix de Jeune Taupe venait d'une blague), le ton est monté. Le problème, c'est que PIC avait écrit sur l'affaire Faurisson. Ca a tourné à l'altercation. Le bruit a couru qu'il y avait des fascistes invités à la fête. Le SO est intervenu. On a vraiment été à deux doigts de se faire tous expulser, lyncher... non mais sérieux. C'est juste pour donner une idée.

Personnellement, je n'en avais rien à foutre de ces histoires de chambres à gaz et cela d'autant que je percevais bien chez certains un goût pour la provocation, histoire de choquer pour choquer.
Mais cette critique de l'antifascisme partait d'une dénonciation réelle du négationnisme démocratique, de l'idée que la démocratie a perpétré, dissimulé et justifié bien d'autres horreurs et "crimes contre l'humanité", et que les horreurs du nazisme l'arrangent bien et sont délibérément montées en épingle pour faire oublier les siennes.
Dans le numéro suivant, la Banquise abordait la Seconde guerre mondiale à partir des bombardements de Dresde et d'Hiroshima. Des centaines de milliers de morts en quelques heures, en quelques secondes. (Je pense que Gilles Dauvé est probablement l'auteur de ces articles non signés.)

Gilles Dauvé "reconnu pour négationnisme": non. Il faut arrêter avec ça, ou alors en parler en sa présence afin qu'il puisse répondre et s'expliquer.
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Re: Retraites : pour en finir avec les illusions de la gauche

Messagede filochard le Jeu 21 Oct 2010 21:03

Intéressant tout ça ! Je signale juste que '"reconnu comme..." c'est selon quelques infos trouvées ici ou là, et je répète ici aussi que je reste vigilant au sujet des Amis de Némésis qui avaient fait de Dauvé un négatio', détraqué la "scission" Krisis... Il est probable que ce soit vrai, que Dauvé soit nég', néanmoins l'inverse n'étant probablement pas faux non plus. Et le coup du faux Monde Diplo', si cela est vrai, je suis plié ^^

Je suis en train de lire la brochure Prolétaires et travail... : quoique c'est pas un scoop c'est un régal, comme certains textes d'un autre infréquentable : l'auteur du mythique Reich, mode d'emploi.

Concernant Le militantisme..., je sais pas ce que Guillon dit dans sa présentation de la réédition 2010. Si il y en a qui l'ont... :siffle:
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