TRAVAIL, TU PEUX CREVER !!!par Jean Pierre Levaray [1]
(extrait de la brochure publiée aux Editions du Monde Libertaire :
Plus d'un siècle après la Charte d'Amiens... Quelle place des anarchistes dans le monde du travail ?)
« La meilleure façon d'abolir le chômage,
c'est d'abolir le travail et l'argent qui lui sont associés » (AG des chômeurs occupant Jussieu en janvier 1998)
Stéphane Beaud et Michel Pialoux, sociologues et auteurs par ailleurs d'un intéressant
Retour sur la condition ouvrière [2], sont également auteurs d'un texte, « Notes d'observation autour d'une rencontre entre générations ouvrières » [3], pour tenter de « comprendre la décomposition des classes populaires au cours de ces quinze dernières années » dans le livre
La Fabrique de la Haine. Dans cet article, les auteurs semblent découvrir que les jeunes (notamment issus de l'immigration) ne veulent pas devenir ouvriers, sous peine de considérer leurs vies comme foutues : « Nous, on veut dépendre de personne. On veut pas de chef au-dessus de nous qui nous donne des ordres. Nous on veut pas aller travailler en usine, on veut respirer, on veut devenir patron. On ne veut pas être ou rester au bas de l'échelle », dit l'un des jeunes, au cours d'un débat après la représentation de la pièce 501 blues, jouée par cinq ouvrières licenciées de l'usine Levi's de La Bassée, dans le Nord. En regard, les auteurs citent de vieux syndicalistes, ou ces ouvrières licenciées de Levi's, fiers d'avoir travaillé et d'avoir lutté.
Cette dignité, cette fierté du travail, on la revendique lorsqu'on n'a plus de travail, lorsqu'on se fait virer comme des mal-propres. Parce qu'on n'a que sa force de travail à vendre, pour gagner de quoi vivre. Parce que lorsqu'on a usé une partie de sa vie dans l'usine, et qu'on se retrouve, au bout du compte, à la porte, c'est moralement destructeur.
La dignité au travail, on ne la conquiert pas sur des machines, à des houlots débiles, fatigants, usants, sous les ordres des chefs, pour des salaires de misère. La dignité, on la conquiert dans les moments autres : quand on dit non au chef, quand on se met ensemble en grève, ou quand on vole un moment au patron pour s'organiser des moments conviviaux (repas, apéro, belote...) entre collègues.
Le reste, le travail, c'est l'aliénation, le sentiment de perdre sa vie.
Les auteurs de l'article expliquent le désintérêt des jeunes des cités pour le travail par le fait que la résistance ouvrière s'est nettement amoindrie mais aussi et surtout par le culte de l'argent et de l'individualisme des années 80 qui touche aujourd'hui ces cités. Certes, mais ce n'est pas si simple et si nouveau :
Le 20 mars 1998, lors d'une manif parisienne de lycéens, un groupe de « lycéens lucides » diffuse le tract « On arrête tout ! » qui commence ainsi : « Quand nous serons bien vieux, le soir au coin du feu, peut-être prendrons-nous enfin la peine de nous demander ce que nous avons fait de nos vies. Nous découvrirons alors avec horreur le vide profond qui aura rempli nos existences partagées entre un travail lassant et improductif, et la peur de le perdre. » S'en¬suit un texte contre la soumission et l'ennui, appelant à prendre la décision d'arrêter de travailler, pour un changement radical de société et pour ne pas être « condamnés à mener cette existence grise qu'ils nous imposent et que nous ne voulons plus ».
A la même époque, de novembre 1997 à avril 1998, autour d'AC ! et de Comité chômeurs CGT, des occupations d'ANPE ont lieu, des actions de chômeurs et de précaires se multiplient. Chaque jour, sur Paris, des chômeurs, en collectifs ou individuellement, tiennent des AG à la fac de Jussieu. Les débats sont riches et les idées fusent [4], exemple entre mille : « la dignité humaine n'est pas dans le travail salarié, parce que la dignité ne peut s'accommoder ni de l'exploitation, ni de l'exécution de tâches ineptes, et pas davantage de la soumission à une hiérarchie... »
En 1985, en plein mouvement étudiant, des lycéens du technique distribuent un tract, signé par les lascars du LEP électronique, qui s'intitule : « Nous, on n'ira pas à l'usine ».
Le 1er mai 1977, à Rouen, un mystérieux groupe Contre le Génocide par le Travail et Contre la Fatigue et la Détresse dues au Travail distribue un tract, « C'est-y pas l'turbin qui t'use ? » où on peut lire : « Ce temps perdu, tes désirs non réalisés te sont échangés contre un salaire. Cette carotte qu'on te refile pour ta participation à produire des marchandises ne te permet que d'être un consommateur : pas de rendre ta vie passionnante... »
A Paris, en novembre 1973, quelques employés de Elf [5] créent le G.R.A.T. (Groupe de Résistance Au Travail) qui dit : « notre problème véritable est-il de mégoter sur des augmentations de salaire (précieuses mais qui sont bouffées sitôt gagnées) ou de venir à bout de la monotonie du travail salarial, reconduit semaine après semaine, mois après mois, année après année jusqu'à cette retraite « dorée » dans laquelle croupissent tant de personnes âgées, résidus fatigués d'une vie consacrée à la prospérité du capital. » Ils ajoutaient : « Nous sommes de la race, de plus en plus nombreuses, de ceux sur qui le salariat, quelle qu'en soit la forme, pèse d'un poids si lourd qu'il devient intolérable et que toute solution, fût-elle précaire, est préférable à la mort lente par accumulation d'ennui... » [6]
Emile Pouget, lui, considérait la paresse comme forme valable de sabotage, et Léo Malet évoquait, dans sa Trilogie noire, ce milieu d'ouvriers anarchistes pratiquant le sabotage et « piquant des macadams », en simulant des accidents pour être payés sans travailler.
Après la guerre de 14-18, en Italie, il y eut un mouvement de grève à Turin, où l'entreprise n'était pas le bastion à défendre envers et contre tout. Dans le mouvement des occupations, les ouvriers turinois occupaient les usines le jour et la quittaient le soir pour y revenir le lendemain, pour dire qu'ils ne voulaient pas être prisonniers des cadres dans lesquels on les enfermait. Ils se contentaient d'arracher au capital ce qui pouvait l'être mais refusaient le travail et l'usine.
En allant plus loin dans le temps, dans l'ouvrage
La nuit des prolétaires, l'auteur Jacques Rancière, parle de ces « centaines de prolétaires qui ont eu 20 ans aux alentours de 1830 et qui ont décidé, chacun pour leur compte, de ne plus supporter l'insupportable. Non pas la misère, les bas salaires, les logements inconfortables ou la faim toujours proche, mais plus fondamentalement la douleur du temps volé chaque jour à travailler le bois ou le fer, l'humiliante absurdité d'avoir à quémander, jour après jour, ce travail où la vie se perd ». 1830, nous sommes loin des situationnistes qui disaient en 1968 : « Ne travaillez jamais ».
En 1740, un fabricant déclarait : « un abus s'est glissé dans les papeteries qu'il serait très à propos de corriger : c'est qu'outre les fêtes que l'église commande, les compagnons papetiers ont introduit des jours chômés dans le cours de l'année qui ne sont connus que d'eux seuls. »
Ces exemples, parmi tant d'autres, montrent qu'il a toujours existé une résistance au travail individuelle ou collective ; mais la clarification, la théorisation du refus du travail et du droit à la paresse (liées sans être identiques) montre qu'il y a un décalage entre la pratique ouvrière et les théories révolutionnaires, anarchistes ou marxistes. En dehors de quelques théoriciens (Stirner, Lafargue) et courants (les Surréalistes ou les Situationnistes) la majorité des théoriciens socialistes étaient de farouches partisans du travail, dont ils contestaient l'aspect aliéné et aliénant mais pas le principe même.
Les marxistes font même très fort, surtout une fois qu'ils ont pris le pouvoir, Trotski disant que : « animal paresseux, l'homme doit être contraint au travail. » Pour les bolcheviks, le « contrôle ouvrier » n'avait d'autre fonction que de restreindre le pouvoir des bourgeois et de faire participer les ouvriers à la production par l'autodiscipline. Zinoviev allant même jusqu'à dire que les conseils d'usine devaient redistribuer le travail et guider la direction, tandis que Lénine parlait des vertus du taylorisme. Il n'était pas question de remettre en cause le travail. Pourtant, on rapporte que dans les années 30, les ouvriers russes molestaient volontiers les Stakhanovistes, et plusieurs d'entres eux furent mêmes assassinés, en raison de leur adhésion au système d'intensification du travail.
En France, comme dans la plupart des pays du monde, l'intégration des syndicats à l'Etat a été une importante institutionnalisation de la classe ouvrière au sein du capitalisme. Ce sont les insuffisances de réflexions sur le travail qui ont poussé le dogme de la social-démocratie et du Parti Communiste : le travail libérateur, doublé du fétichisme de la production. Ce dogme trouve sa formulation la plus lapidaire dans la formule de Thorez, après la seconde guerre mondiale : « camarades, retroussez vos manches » ou encore dans ce slogan du PCF systématiquement resservi aux mineurs dans les années 50 : « C'est vous qui avez bâti la France ». En 1944, Garin, responsable de la CGT dit : « les ouvriers sont des hommes qui veulent savoir pour qui ils travaillent. Faire en sorte que l'ouvrier se sente chez lui à l'usine, l'associer par les syndicats à la gestion de l'économie, telles sont les réalisations qui commandent la résurrection industrielle de la France. » C'est de cette époque que date cette auto-valorisation des mineurs qui, s'ils avaient obtenu des avantages et quelques gratuités, étaient enfermés dans un corporatisme infantilisant soumis aux diktats de la Direction et victimes de silicoses.
En fait, les sociaux-démocrates et les marxistes n'ont fait que conforter les ouvriers et ouvrières dans leurs rôles de travailleurs et travailleuses, de producteurs et de productrices au sein même du système capitaliste. Il n'a jamais été question de lutte contre le système.
Mais il est facile de citer les marxistes, car chez les anarchistes aussi, on peut se poser des questions. L'exemple de 1936 en Espagne, est intéressant, même si on en a peu parlé :
Outre les communaurés paysannes, de multiples entreprises ont été collectivisées et remises en marche par les travailleurs. Cette période, malheureusement brève, a fait naître des expériences significatives : refus du pourboire pour les garçons de café, qui ne sont pas des domestiques, fin de la circulation de l'argent, instauration d'échanges non marchands entre les productions et les humains. Il s'agissait d'organiser le travail sans les capitalistes et bien davantage d'organiser la vie sociale. Les prolos espagnols aspiraient à vivre libres. Mais la gestion des entreprises ne fut pas aussi démocratique et aussi autogérée qu'on l'aurait souhaitée. C'étaient souvent les militants de la CNT ou de l'UGT qui représentaient l'auto-administration de la production et les ouvriers ne se retrouvaient pas souvent dans cette perspective.
Dans la brochure
Prolétaires et travail : une histoire d'amour ?, l'auteur dit : « la répugnance au travail, une constante de la vie ouvrière espagnole bien avant 1936, s'est poursuivie sous le Front Populaire. Une telle résistance contredit dans les faits le programme (anarcho-syndicaliste, notamment) appelant les ouvriers à s'impliquer dans le fonctionnement de l'atelier et à contrôler non seulement le lieu de travail mais le travail lui-même. Les prolétaires manifestent un intérêt très relatif à participer à des assemblées d'usine ayant pour objet de discuter de la production et de son organisation. Certaines entreprises doivent modifier le jour de réunion et le fixer le jeudi, non plus le dimanche, personne ne voulant y assister un jour férié. » La résistance au travail, elle, continue : en plus des conflits déclarés, les travailleurs refusent le salaire aux pièces, ralentissent les cadences, ne respectent pas les horaires... En février 1937, le syndicat CNT des métallos déplore que trop d'ouvriers abusent des accidents du travail.
Un contrôle tatillon des horaires afin de contrer l'absentéisme est réintroduit, on stigmatise les fainéants, victimes d'influences bourgeoises pernicieuses. En janvier 1938, Solidaridad Obrera publie un article titré « Nous imposons une stricte discipline sur le lieu de travail ». Quant à l'UGT, ils écrivent : « Certains, malheureusement, se sont mépris sur le sens de la lutte héroïque que mène le prolétariat espagnol. Ce ne sont ni des bourgeois, ni des officiers, ni des curés mais des ouvriers, d'authentiques ouvriers, des prolétaires habitués à souffrir de la répression brutale du capitalisme. Leur indiscipline sur le lieu de travail a empêché le fonctionnement normal de la production. Avant, quand le bourgeois payait, il était logique de faire du tort à ses intérêts, de saboter la production et de travailler le moins possible. Mais aujourd'hui, c'est tout à fait différent, la classe ouvrière commence à construire une industrie qui servira de base à la société communiste. »
Voilà, ce n'est pas simple. Il est vrai que cela se situait dans une période difficile et que la guerre menée, en plus des franquistes, par les communistes sur les anarchistes, n'arrangeait pas les choses. Cet exemple renvoie à un exemple plus récent. Le film
Charbons Ardents[7] [8]. Ce film montre comment les mineurs de Tower, au sud du Pays de Galles, ont autogéré leur mine. Et, si l'expérience est intéressante, on y voit aussi que ceux qui sont vraiment investis dans la production et l'avenir de la mine sont les syndicalistes. Les mineurs, au fur et à mesure que le temps passe, boudent les assemblées générales et se fichent complètement de l'avenir du site une fois qu'ils n'y travailleront plus.
***
Nous sommes dans une société fondée sur le travail et nous aspirons à en sortir, pas seulement à abolir le travail salarié mais aussi et surtout à émanciper les humains du travail. Si « l'émancipation des travailleurs sera l'œuvre des travailleurs eux-mêmes », cette émancipation est avant tout une émancipation des contraintes du travail. Le capitalisme est avant tout un rapport social, un rapport d'exploitation et d'aliénation. Le refus du travail salarié c'est donc la forme pratique la plus simple et la plus directe de lutte contre ce rapport social. Il s'exprime collectivement dans la grève, individuellement dans l'absentéisme ou la recherche de temps libre dans le temps de travail [9] .
Après des siècles de dressage, l'homme moderne, tel qu'il est promu, est tout simplement devenu incapable de concevoir une vie au-delà du travail en tant que principe tout puissant, le travail domine non seulement la sphère de l'économie au sens étroit du terme, mais pénètre l'existence sociale jusque dans les pores de la vie quotidienne et de l'existence privée. Le « temps libre » (l'expression évoque déjà la prison) sert lui-même depuis longtemps à consommer des marchandises pour créer ainsi les débouchés nécessaires.
On travaille ainsi pour consommer et la société nous fait consommer pour qu'il y ait du travail. Ça se mord la queue. Notre rythme de vie est d'ailleurs tout entier basé sur ce couple : travail-consommation, avec une vitesse de plus en plus effrénée. Pour ne pas penser sans doute.
TEMOIGNAGEJe me souviens, avant l'usine, élève en C.E.T., nous parlions du travail. Les copains étaient nombreux à se demander ce qu'ils fichaient là. Beaucoup envisageaient autre chose que le travail que nous apprenions. En 1973, lorsque j'ai été embauché, en même temps que beaucoup d'autres jeunes (c'était avant la crise), nous disions tous : « Je reste 2-3 ans, histoire de me faire un peu de fric, et après je me sauve ». Certains sont partis, moi j'ai fait partie de ceux qui sont restés. Parce que le salaire permet de payer un loyer, de faire grandir des enfants et parce qu'il permet de se consoler du temps perdu dans la consommation.
Pourtant, et je vois bien que ce sentiment est partagé par mes collègues, le travail est une douleur. D'autant plus que ça ne s'arrange pas, avec la flexibilité, les plans de restructuration qui se succèdent, la parcellisation du travail, les pertes d'acquis accompagnant le travail (retraite, sécu...), etc.
Quand on voit tous ces collègues qui ne souhaitent qu'une chose, c'est qu'il y ait un nouveau plan « social » pour profiter de départs en pré-retraite ; quand on entend dans les discussions autour de l'apéro rituel des prolos, tous ceux qui rêvent de partir ; quand on sait que les ouvriers essaient, pour la plupart, que leurs enfants échappent à l'usine... Non, le travail n'est pas une valeur qui mobilise les ouvriers.
Il y a quelques temps, sur France 2, un reportage s'intéressait aux licenciées de chez Moulinex, 6 mois après. Une femme disait que maintenant, elle n'avait pas beaucoup d'argent pour vivre, mais qu'elle se voyait mal retravailler et avoir un chef sur son dos.
Les licenciées de chez Levi's, qui ont réussi à devenir intermittentes du spectacle (même si leur salaire est aléatoire), doivent avoir plus de plaisir aujourd'hui en montant sur les planches que lorsqu'elles sortaient de l'usine les mains bleuies d'avoir cousu des jeans toute la journée.
Dans le film
Attention, Danger Travail [10] qui regroupe des documentaires de Pierre Carles, Christophe Coello et Stéphane Goxe, une dizaine de chômeurs et chômeuses racontent pourquoi ils ont décidé de ne plus travailler. Ils expliquent même qu'ils ou elles ont fait le choix de « s'épanouir en dehors du monde du travail, avec peu de ressources mais en disposant de temps à profusion ».
On a redécouvert quelques temps, « la France d'en bas » parce que lors des élections présidentielles de 2002, les ouvrier(e)s se sont abstenu(e)s ou ont voté pour les extrêmes. Bref, n'ont pas suivi le jeu politique habituel. Il en a été de même avec le référendum sur la constitution européenne de 2005. Parce que la classe politique, qui ne rassemble que les classes moyennes et bourgeoises, est complètement déconnectée de ces ouvriers dont les patrons voudraient tellement se débarrasser.
Pour redonner le goût de la politique à la classe ouvrière, il faut proposer, lutter pour une société, un monde, où on repenserait le travail, les machines, la production, la consommation.
Il y a longtemps que la notion d'amour du travail est devenue obsolète. Cette notion fait référence à un travail artisanal, ou en petite manufacture. Aujourd'hui le travail est devenu trop parcellisé et il est illusoire de penser qu'on reviendra en arrière. Ainsi, tout révolutionnaire (et par là même, tout anarchiste) qui ne prend pas en compte le fait que les ouvrier(e)s, mais aussi les jeunes, aspirent à travailler beaucoup moins, voire à ne pas travailler du tout, n'a qu'un cadavre dans la bouche.
Je finirai sur cet extrait du
Manifeste contre le travail du groupe allemand Krisis :
« On reprochera aux ennemis du travail de n'être que des rêveurs. L'histoire aurait prouvé qu'une société qui ne se fonde pas sur les principes de travail, de la contrainte à la performance, de la concurrence libérale et de l'égoïsme individuel ne peut pas fonctionner. Voulez-vous donc prétendre, vous qui faites l'apologie de l'état de choses existant, que la production marchande capitaliste a vraiment donné à la majorité des hommes une vie à peu près acceptable ? Appelez-vous cela « fonctionner », quand c'est justement la croissance vertigineuse des forces productives qui rejette des milliards d'hommes en dehors de l'humanité et que ceux-ci doivent s'estimer heureux de survivre sur des décharges publiques ? Quand des milliards d'autres hommes ne peuvent supporter la vie harassante sous le diktat du travail qu'en s'isolant des autres, qu'en se mortifiant l'esprit et qu'en tombant malades physiquement et mentalement ? Quand le monde est transformé en désert simplement pour que l'argent engendre davantage d'argent ? Soit ! C'est effectivement la façon dont « fonctionne » votre grandiose système du travail. Eh bien, nous ne voulons pas accomplir de tels exploits ! »
NOTES[1][Note de l'Editeur] Dans ce texte, le terme de « salariat » pourrait se substituer à celui de « travail », étant entendu que la souffrance au travail est liée au régime de la propriété privée des moyens de production, et à la coercition exercée à l'encontre des travailleurs par la hiérarchie patronale au service des actionnaires. Dans une autre société, l'activité humaine nécessaire à la vie en collectivité serait vraisemblablement plus courte en durée, et devrait générer, nous l'espérons, moins de mal-être. Cela constituerait alors la fin du « trepaleum ».
[2] Editions Fayard - 1999. Cet ouvrage traite notamment des ouvriers de chez Peugeot.
[3] in
La Fabrique de la Haine : contre les politiques sécuritaires et l'apartheid social, Ed. L'Esprit Frappeur - 2002, cet article est également paru, en version plus courte, dans le Monde Diplomatique de juin 2002, sous le titre « La troisième génération ouvrière »
[4] On peut se reporter au N°1 de « Le lundi au soleil » recueil de textes et de récits du mouvement des chômeurs co-édité par L'Insomniaque ; voir aussi le témoignage de Claude et Laurence sur le mouvement des chômeurs de Rennes dans cet ouvrage.
[5] pas tous jeunes, j'en conviens, puisque l'un d'entre eux, ingénieur d'une quarantaine d'années se fera virer suite à la création de ce groupe.
[6] Cité in
Gilda je t'aime, à bas le travail ! de Jean Pierre Barou, La France sauvage -1975
[7] film de Jean Michel Carré
[8] [Note de l'Editeur] Les mineurs ont racheté des parts de leur usine avec leur indemnité de licenciement et des prêts bancaires. Loin de faire la révolution autogestionnaire, en devenant actionnaires, ils tendent à l'autoexploitation, au productivisme et à la mise en concurrence.
[9] Cf. Le cercle social, « Refus du travail et conseils de travailleurs, au delà d'une contradiction »
[10]
Attention Danger Travail, A. Gonzales et C-P Productions - 2002 (CP productions 9, rue du jeu de ballon 34000 Montpellier).