1er Congrès de l'IFA - Carrare - 1968 - textes + MP3

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1er Congrès de l'IFA - Carrare - 1968 - textes + MP3

Messagede vroum le Mer 9 Juin 2010 22:03

Adossée à la montagne, dont les flancs déchirés dégueulent de longues traînées de marbre blanc, la cité toscane, perplexe, contemple ses envahisseurs.

(...)

Oui, cette rencontre internationale, qui, à son origine, devait simplement être une confrontation sérieuse et réfléchie, prit un caractère insolite contre la volonté, même des fédérations organisatrices. Ce n’est pas grave.
Gageons que le temps effacera rapidement le souvenir des jeunes gens qui confondent tumulte avec révolution et que Carrare restera, pour l’histoire du mouvement ouvrier, le symbole du renouveau international des anarchistes.


-> Maurice Joyeux



Aux côtés de militants actifs il y a un anarchisme invisible, qui explose en certains individus et s’affirme en certains moments de la vie des sociétés, se révélant dans les cas d’objection de conscience, d’action directe
spontanée, d’anticonformisme, de critique de la bureaucratie des institutions, de l’autorité de l’État, de l’omniprésence des hiérarchies, de l’injustice des lois, de la solidarité envers ceux qui souffrent, etc.

Ces fragments d’anarchisme disséminés par ci, par là, constituent un phénomène révélateur de la présence constante de l’anarchisme dans l’homme, l’actualité des idées anarchistes dans la société, la validité d’une
internationale coopérante, agissante, qui n’a pas besoin du nombre mais de la qualité des militants, qui, par une vie exemplaire dans la vie des groupes et des fédérations servent de pôles d’attraction aux consentements
et aux adhésions pour une action convergente où se forment et se soudent entre elles les forces anarchistes actives dans chaque pays du monde, au-delà fraternellement de toute divergence antérieure, de toute dissension
marginale.


-> Fédération Anarchiste italienne


Extrait du "discours d'ouverture"


La société doit être comme un organisme vivant dans lequel les cellules, tous les organes accomplissent leurs fonctions, pour assurer la vie. Mais avec la différence essentielle que dans cet organisme social l’homme se
manifeste de façon autonome, contribuant par son Individualité à l’enrichir et à le vitaliser et de plus à lui donner conscience avec son intelligence, sa raison et ses connaissances : en lui donnant en plus un développement
harmonieux et ascendant.


-> 1er congrès de l’Internationale des Fédérations Anarchistes

extrait de la " Motion adoptée sur le sixième thème"




=> générique :
************
- Présentation (en français) du 1er congrès de l’Internationale des Fédérations Anarchistes et des 34 organisations participantes issues de 18 contrées

- Umberto Marzocchi (en français) membre de la Fédération Anarchiste italienne, expose les enjeux du congrès

- Guy Malouvier (en français) adhérent de la Fédération Anarchiste française, conte la préhistoire du congrès

- Ouverture du meeting public (en ?)

- Alfonso Failla (en italien) compagnon de la Fédération Anarchiste italienne, décrit la situation sociale

- Masamichi Osawa (en anglais) libertaire de la Fédération Anarchiste japonaise, évoque l'espoir au soleil levant

- Jean-Jacques Lebel (en français) délégué de la Fédération Socialiste Libertaire suisse, dépeint l'impérialité

- Domingo Rojas (en espagnol) fidèle de la Fédération Anarchiste mexicaine et du Mouvement Libertaire cubain en exil, rappelle la faillite du régime cas/triste sous les quolibets des bendits pas manchot

- Maurice Joyeux (en français) artisan infatigable de la Fédération Anarchiste française, dégomme la chienlit marxienne

- Daniel Cohn-Bendit (en français) figure du Mouvement du 22 Mars, observe en grand manitou gauchistant

- Federica Montseny (en espagnol) militante de la Fédération Anarchiste espagnole, cueille la jeunesse

- Michel Cavallier (en français) activiste de la Fédération Anarchiste française, donne lecture de la motion sur l’organisation de l’économie dans une société anarchiste

- Georges Balkanski (en français) cheville ouvrière de l'Union des Anarchistes bulgares en exil, municipalise

- Conclusion provisoire (en doute)

- Fanfare internationale (en humain)



Un cas rare, des voix tues reviennent...
Traçant des routes imaginaires de bœufs et de vaches,
Aux élégances en demi-deuil !

Pour une virée toscane pénarde,
à pied, à cheval, au grand air...

=> C'est dispo au chargement pour écoute en mp3, là :

http://2doc.net/qkmwp

ou

http://www.mediafire.com/?yy2nbzu4ovm
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Re: MP3 1er Congrès de l'IFA - Carrare - 1968

Messagede vroum le Mer 9 Juin 2010 22:19

j'ai l'original en double-vinyl d'époque, c'est un document très rare qui est disponible désormais au format MP3, dommage que la qualité soit limite à certains moments
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Re: MP3 1er Congrès de l'IFA - Carrare - 1968

Messagede Alayn le Jeu 10 Juin 2010 00:12

Bonsoir ! Un compagnon FA creusois a également ces vinyles-collectors ! (qui lui ont été offerts par des anars italiens de passage il y a 1 dizaine d'années chez lui).
J'ai ces enregistrements sur CDs également. ( que nous avons envoyé aux différents CIRAs, Radio-Libertaire, etc... ; j'ai promis d'ailleurs aussi d'en envoyer une copie à CARNUS)

C'est vrai que le son, par contre, par moments, est pas terrible... mais çà reste un document collector !
Salutations Anarchistes !
"La liberté des autres étend la mienne à l'infini"
Michel BAKOUNINE
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Re: 1er Congrès de l'IFA - Carrare - 1968 motions + MP3

Messagede vroum le Lun 13 Sep 2010 15:52

Avec les anarchistes à Carrare, capitale provisoire de la pensée libertaire

Par Maurice Joyeux in Le Monde libertaire - 1968

Adossée à la montagne, dont les flancs déchirés dégueulent de longues traînées de marbre blanc, la cité toscane, perplexe, contemple ses envahisseurs.

Venus de tous les points cardinaux, des hommes se sont donnés rendez-vous à Carrare pour faire le bilan des luttes révolutionnaires dans le monde et construire une internationale qui soit le commun dénominateur des espoirs de ceux qui veulent reconstruire la société à l’endroit.

Sur le trottoir, la population, ravie d’être à pareille fête, entoure les délégués, qui dans toutes les langues et suivant une coutume bien établie, commentent les travaux du congrès international des Fédérations anarchistes au hasard des rencontres. Délégués ou simplement observateurs, appartenant ou pas à la Fédération anarchiste, les Français sont nombreux. La rue Ternaux comme la place de la Sorbonne se sont retrouvées devant la maison commune des anarchistes italiens pour poursuivre un dialogue tumultueux commencé à la terrasse des bistrots du boulevard Saint-Michel ou dans les locaux feutrés et, désuets de la Fédération anarchiste française. Parfois le ton monte jusqu’à étonner nos camarades italiens qui, eux, pourtant…

À vrai dire, à ce congrès, les anarchistes du 22 mars, qui n’appartiennent à aucune organisation et qui rejettent toute organisation (ils se disent un groupe sans groupe), ont l’intention d’y assister pour nous dire qu’il est inutile ; qu’ils ‘le récusent. Chacun connaît la part qu’ont prise les camarades de Nanterre dans les événements de mai et personne d’entre nous n’a cherché soit à la nier, soit à la leur disputer. Mais, même si le printemps fait lever des pousses nouvelles, le mouvement anarchiste révolutionnaire représente autre chose qu’une saison qui disparaît lorsque le frimas courbe les têtes.

C’est ce que nous nous sommes évertués à leur faire comprendre, au cours d’un meeting tumultueux qui, en marge du congrès et, bien que se déroulant devant un public international, fut surtout, une confrontation entre nos deux façons de voir les choses. Que nous a dit Daniel Cohn-Bendit ? En vérité, il nous a fait trois reproches :

Le premier de ces reproches, c’est de nourrir la tribune qu’il récuse. Mais, constatons-le, c’est justement à la tribune qu’il a avancé cette contestation majeure de notre action, ce que d’ailleurs certains auditeurs lui ont fait remarquer, avec ironie.

Le second reproche, c’est de nous être trompés dans le choix de nos méthodes de lutte. C’est peut être vrai ! Il est certain que le bilan de l’action révolutionnaire est une somme de réussites et d’échecs, de- positions justes ou -d’erreurs, d’interprétation des choses dans laquelle les sentiments particuliers, le caractère, le milieu, etc., rentrent au moins en ligne de compte autant que la logique pure. Mais, dans ce domaine, je pense que les camarades du 22 mars, comme nous et comme d’autres d’ailleurs se sont trompés ou se tromperont partiellement dans leurs appréciations comme dans leurs méthodes de lutte. Il apparaît cependant que la diversité de ces formes de combat est une garantie pour l’anarchie de serrer la vérité de plus près. Elle peut être salutaire à la condition qu’elle ne débouche pas sur des luttes de clans sordides et qu’elle se maintienne à la hauteur des discussions passionnées mais fructueuses.

C’est ce qu’en gros nous nous sommes dit en employant parfois les uns et les autres des termes désagréables, mais où n’étaient pas bannis tous les sentiments d’amitié.

D’ailleurs, que la presse ne s’y trompe pas. Dans notre famille, autour de l’héritage paternel, les mots peuvent être aigres, mais il suffit que de l’extérieur un flic s’avance pour mettre la paix, pour qu’avec un bel ensemble nous nous réconcilions pour lui tomber dessus à bras raccourcis.

Mais si le spectacle est dans la rue, la grande salle du congrès, elle-même ne manque pas de couleur. Bien sûr, ces rencontres internationales n’ont pas le pittoresque des meetings. Les difficultés de langage, les différences des niveaux économiques de peuples représentés, la différenciation des structures politiques des cultures donnent aux débats un caractère austère, monotone, qui, d’ailleurs, n’est pas particulier aux assises internationales des anarchistes, mais qui - est le lot, de toutes les rencontres internationales quelles qu’elles soient. C’est ce que nos étudiants, comme la grande presse d’ailleurs, n’ont pas compris ; les uns et les autres étaient là comme au spectacle. C’est ce qui explique qu’ils aient voulu donner à ce congrès l’atmosphère de la rue où ils attendaient, impatients et désœuvrés, les résultats des délibérations.

Avant l’accord final sur les résolutions trois courants s’étaient dessinés parmi les délégués des courants, d’ailleurs, ne dépendaient pas d’états d’esprit ou de manies, mais correspondaient justement aux trois niveaux économiques du monde qui vont de la société à économie embryonnaire .à la société d’économie moderne.

Et, de façon formelle, chacun de ces courants avait raison lorsque les solutions proposées s’appuyaient sur le caractère économique et social du pays qu’il représentait.

Il appartenait à la délégation française de souligner que de toute façon l’évolution conduirait, au moins dans les perspectives, tous les systèmes vers une copie servile de l’économie moderne de consommation. Et qu’il était essentiel, de réexaminer les problèmes théoriques à la lueur de ces réalités concrètes.

Si le congrès fut à la fois studieux, réfléchi, passionné, l’atmosphère de son environnement fut parfois, tumultueuse ; le mérite ou la faute comme on. le voudra, en revint à la presse, à la radio et à la télévision qui firent aux jeunes gens de Nanterre un cortège dont ceux-ci devraient bien se méfier car cette publicité tapageuse risque de leur jouer de vilains, tours. Un peu écœurée, la presse italienne n’a pas caché sa réprobation à Cohn-Bendit et à ses amis dans les longs articles qu’ils ont consacrés au congrès. En vérité, l’attitude de la presse fut curieuse ; pour elle, l’anarchie a deux visages : celui de la bande à Bonnot ou celui de l’exhibitionniste intellectuel qui sont matière à gros tirages. Et, il faut bien dire que certains anarchistes intellectuels, dont les tempes sont grises, mais qui sont restés de vieux étudiants incorrigibles, ont quelque responsabilité en la matière. C’est peut-être ce qui explique l’attitude, disons bizarre, d’un journal comme Combat. Cependant, à Carrare, certains journalistes sérieux se sont aperçus que l’anarchie était justement autre chose. Ils l’ont dit, même s’ils ont ajouté que cet anarchisme-là sérieux et réfléchi était dépassé par la conjoncture. Nous ne leur demandions pas autre chose que de dire la vérité, même si cette vérité n’avait pas leur approbation. Ainsi, les représentants du "Monde" , de l’"Express", de Radio-Luxembourg, de la télévision française ont bien compris notre lassitude et notre colère devant les pitreries de jeunes gens venus chercher en Italie un peu de cette publicité tapageuse qui commence à fatiguer les plus indulgents.

Mais nous n’avions pas, à Carrare, que des journalistes qui exercent leur profession avec sérieux "France-Dimanche-Observateur" avait délégué sur place une demoiselle décidée à tous les sacrifices pour avoir de la copie de première main, si on peut dire. Collée aux talons des jeunes du 22 Mars qui poussaient la complaisance envers elle jusqu’à lui prendre des mains son carnet de travail pour lui faire son reportage, nous la vîmes discuter le l’anarchie avec une compétence à faire pâlir de jalousie la "Commère elle-même". Lorsqu’on pense que ce journal fut, autrefois, celui de Claude Bourdet, on est un peu gêné de le voir tomber si bas. Il est vrai qu’il est, aujourd’hui, la corbeille où se déversent tous les déchets des grands partis de gauche lorsque écoeurés par l’ingratitude des électeurs, ils sont disponibles pour n’importe quoi afin qu’on place leurs noms au bout d’une liste de protestation quelconque ou dans le corps d’un articulet de cinq lignes.

Oui, cette rencontre internationale, qui, à son origine, devait simplement être une confrontation sérieuse et réfléchie, prit un caractère insolite contre la volonté, même des fédérations organisatrices. Ce n’est pas grave. Gageons que le temps effacera rapidement le souvenir des jeunes gens qui confondent tumulte avec révolution et que Carrare restera, pour l’histoire du mouvement ouvrier, le symbole du renouveau international des anarchistes.

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Re: 1er Congrès de l'IFA - Carrare - 1968 motions + MP3

Messagede vroum le Lun 13 Sep 2010 15:53

Le congrès anarchiste international de Carrare

par Michel Cavelier in le Monde libertaire # de septembre 1968

L’idée de réunir un congrès international anarchiste par le biais des fédérations anarchistes a pris naissance chez nos camarades italiens il y a deux ans. Les Bulgares, les Espagnols et la F.A.F. aussitôt contactés décidèrent de mettre sur pied une Commission préparatoire pour réaliser techniquement et matériellement ce congrès, en tenant compte des expériences précédentes. Le dernier congrès, à Londres, en 1958, ne donna pas, il faut l’avouer, les résultats escomptés parce qu’il n’était pas représentatif de mouvements précis et qu’il n’avait aucune unité assez définie pour aboutir à des résultats effectifs. La Commission préparatoire proposa donc un congrès de fédérations anarchistes, organisations qui ont une certaine similitude dans la forme d’action et la définition idéologique, ce qui, dès le départ, permettait d’envisager des travaux plus constructifs que ceux qui avaient eu lieu à Londres. Evidemment, certains groupements anarchistes qui n’appartenaient à aucune fédération exprimèrent leur opposition à ce qu’ils concevaient comme un acte arbitraire. Ces mouvements étaient ceux qui, bien sûr, avaient des formes différentes de celles des F.A, et, on peut penser que l’intérêt d’un congrès ouvert à tous, comme ces groupements le réclamaient, aurait été moindre. Cela ne veut naturellement pas dire que ces différentes formes d’action ne peuvent pas se rejoindre dans des moments précis de lutte et signifie encore moins qu’elles ne soient pas complémentaires, bien au contraire. Seulement, si l’on voulait poser des bases sérieuses de travail il fallait à l’origine une certaine entente ; quitte par la suite à élargir l’Internationale à des tendances qui n’y sont pas pour l’instant représentées.

La Fédération anarchiste française, qui regroupe en son sein plusieurs tendances de l’anarchisme, dont certaines étaient favorables au congrès ouvert à tous, a ainsi résolu le problème ; la délégation française était constituée de deux parties, une première rassemblait les groupes qui préconisent l’organisation et se réclament de la lutte révolutionnaire intégrale, et qui comprenait deux délégués de l’Organisation révolutionnaire anarchiste et un délégué du Groupe libertaire Louise-Michel ; l’autre partie, qui comprenait les groupes opposés au principe du congrès de fédérations et qui avait trois délégués, dont l’un d’eux a pris la parole au début du congrès pour exprimer cette opposition ensuite ils ont adopté la situation d’observateurs, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas participé aux débats, en accord complet avec leur position vis-à-vis de ce congrès.

Le congrès s’est donc tenu à Carrare, cette ville qui sent si bon l’anarchisme organisé par la F.A, italienne, dans une ambiance fraternelle et avec l’intention évidente chez chacun d’y participer effectivement. L’ordre du jour comprenait neuf points qui faisaient le tour de tous les problèmes. Il est paru dans les quatre derniers numéros du Monde libertaire. Ce qu’il faut maintenant, c’est dégager les grandes lignes et voir quelles sont déjà les décisions pratiques et les possibilités à court terme et à long terme. Un point primordial a été tout d’abord une réaffirmation de la tradition révolutionnaire du mouvement anarchiste international qui s’appuie, non pas sur des classes, mais avant tout sur des individus qui désirent mettre en place une société égalitaire qui permette aux hommes de s’épanouir, selon leurs besoins. Dans ce sens le congrès a clairement exprimé la nécessité pour les anarchistes d’être présents dans la lutte ouvrière : " Le congrès estime que les anarchistes, selon leurs possibilités et les caractéristiques des pays où ils se trouvent, doivent s’efforcer d’agir dans le mouvement ouvrier, maintenant des relations fraternelles avec les sections de l’A.I.T., et s’intégrant à elles ou créant, où elles n’existent pas, des sections actives de propagande et d’action libertaire dans les milieux ouvriers susceptibles d’être influencés. " (Extrait de la motion sur le point 2 de l’ordre du jour.) La délégation française a tenu à faire part à tous les délégués de l’intérêt qu’elle porte à définir de nouvelles formes d’action dans le monde ouvrier en tenant compte des nouvelles données économiques et sociales et, notamment, a exprimé son désir de remettre en cause dans son ensemble la notion de classés et de lutte de classes en constatant l’évolution du capitalisme et du mouvement ouvrier.

Cela a mené un rejet catégorique du marxisme comme solution révolutionnaire. Le congrès a formellement déclaré : Il est nécessaire de préciser que l’anarchisme et le marxisme sont complètement opposés et différents dès l’origine, et qu’on ne peut envisager un bon marxisme avec lequel nous pourrions trouver des terrains d’entente et nous allier. L’application actuelle du marxisme n’est pas une déviation, c’est le marxisme dans sa réalité, " Par son absence de nouvelle morale, par son écrasement de l’individu au profit d’une classe privilégiée, le marxisme est incapable d’offrir à l’homme, aux hommes, des solutions viables. " L’anarchisme dans son universalité a une économie, une politique, une morale qui lui sont propres et qui se suffisent. Vouloir mélanger le marxisme et l’anarchisme c’est méconnaître profondément l’anarchisme, en avoir une vue superficielle. " Dans ce sens, nous ne concevons aucune similitude entre l’anarchisme et le marxisme. " (Extrait de la motion sur le point 3.) La délégation française a fortement insisté pour que cette précision soit nette et catégorique. Profitant de cette occasion le délégué mexicain a exprimé son désir de voir compléter l’Encyclopédie anarchiste en langue française.

Ensuite le congrès a abordé le problème de la jeunesse, problème qui préoccupait particulièrement le délégué allemand qui désirait que le congrès prenne une position nette par rapport aux mouvements de jeunes, notamment à la suite des révoltes étudiantes dans le monde. En ce qui concerne ce problème, la délégation française a, dans une étude sur les événements de mai en France, tenté de dresser un tableau des motivations et des conclusions du mouvement de mai, pour information et dans le but de dégager des aspects nouveaux de formes d’action et la réalité politique et sociale en France. Dans la motion, sur ce point, le congrès déclare : " Le débat a aussi mis en évidence la large contribution apportée par la jeunesse étudiante et ouvrière à l’élaboration d’une société plus juste, dans laquelle les rapports entre les individus et les êtres sociaux seraient concrétisés par une interpénétration des connaissances et des exigences nécessaires. Le congrès retient cependant qu’il est nécessaire de souligner que les structures économico-sociales peuvent se servir des aspirations de la jeunesse en les utilisant pour soutenir les institutions verticales ou en les réduisant à un conflit de classes. " Quand le congrès a ensuite abordé le problème de la faim dans le monde, il a tenu à souligner que : " Les anarchistes attirent l’attention sur l’étroite corrélation existant entre les données démographiques et le problème de la faim. " Ils condamnent la prise de position archaïque du pape, recommandent une large diffusion des moyens contraceptifs et insistent sur la nécessité d’une éducation sexuelle et sociale qui permette à l’homme de contrôler sa reproduction. " Puis, dans le point suivant, le congrès a renouvelé l’opposition formelle des anarchistes aux religions et à tout esprit religieux et dénoncé l’influence néfaste des appareils religieux : " Le combat contre les religions entre dans la lutte générale contre l’obscurantisme, l’abêtissement continu de l’homme par les propagandes politiques et publicitaires qui exploitent les meilleures caractéristiques humaines à des fins de profit... Il convient de démonter et d’expliquer les mécanismes d’intoxication et de démontrer la nocivité qu’ont les religions sur les individus. " (Motion sur le point 5.)

Il a été ensuite abordé le problème de l’organisation de l’économie dans une société anarchiste ou durant l’étape de transition révolutionnaire vers l’anarchie. Ce travail a particulièrement, intéressé la délégation espagnole qui y a apporté une très grande contribution. Il est, bien sûr, arbitraire de choisir des extraits, et cela est d’autant plus difficile dans un travail de ce genre, mais nous n’avons pas la place de passer la motion sur ce point dans son entier, ainsi que les autres. Signalons d’ailleurs qu’un livre doit être fait sur ce congrès où toutes les motions seront reprises intégralement. " L’expérimentation et la coexistence de différents types du socialisme sont : - mutualiste (Proudhon) ; - collectiviste (Kropotkine, Mella) ; - communiste (Kropotkine, Malatesta) ; - coopérativiste (non commercialisé). " A n’importe quelle échelle toutes ces expériences sont possibles dans le système libertaire, à condition de respecter le principe anti-autoritaire qui a pour corollaire l’autonomie, le fédéralisme et la solidarité. " " … Loin de nous l’idée de définir de façon immuable les bases sociales, éthiques et économiques de l’anarchisme... Nous savons bien que l’histoire ne suit pas une ligne ascendante et continue mais qu’elle avance de façon discontinue en résolvant ses contradictions. Les formes sociales et le développement de la pensée humaine se dépassent et se renouvellent ainsi sans arrêt la vie sociale et ses formes… Conscients de cela, nous, anarchistes, nous luttons pour toutes les audaces sociales et nous maintenons vivant et actif l’esprit révolutionnaire. Nous ne traçons aucune limite à ne pas franchir dans ce développement. " En conclusion de cette motion, le congrès a retenu la proposition de la délégation espagnole de création d’un centre d’études sociales et économiques anarchiste. Après ces travaux, et conscient de l’importance de ceux-ci, le congrès s’est mis d’accord pour reconnaître l’utilité et même la nécessité de créer une Internationale. Le bureau de cette dernière a été confié à la tendance favorable au principe du congrès de fédérations anarchistes.

La création de cette Internationale fut chaleureusement acceptée par toutes les délégations présentes, de la délégation mexicaine à la délégation japonaise. Le mouvement anarchiste international s’est rendu compte du rôle qu’il avait à jouer à l’échelle mondiale, alors que dans de nombreux pays on sent une crise de civilisation en pleine éclosion. Partout des hommes cherchent des solutions aux problèmes que ni le capitalisme ni le marxisme ne peuvent résoudre. Partout les mouvements anarchistes sentent le besoin d’être informés directement de ce qui se passe dans le monde et de sentir une solidarité effective. Ce congrès risque d’avoir une importance exceptionnelle tant par la qualité des travaux qui ont eu lieu que par les espoirs qu’il porte en lui, il peut être la preuve que le mouvement anarchiste international sort de l’adolescence pour entier dans l’âge adulte, malgré quelques crises de croissance, L’Internationale mise sur pied, résultat concret de ce congrès, doit être la consécration de cette maturité. Le congrès, et cela tenait à cœur à la délégation française, a eu un souci réel d’ouverture vers le monde, d’adaptation aux nouvelles données économiques et sociales, de dynamique révolutionnaire. L’alliance entre l’expérience vécue et la pensée en marche s’est réalisée pour le plus grand bien du mouvement.

Il y eut cependant, durant les deux premiers jours, un dialogue de sourds entre la délégation française et certaines autres à délégations qui nous paraissaient trop se reporter au passé, aussi glorieux soit-il. Aussi avons-nous rédigé une motion dénonçant cette tendance et exprimant notre position vis-à-vis du congrès. En résumé, nous voulions qu’il aille résolument de l’avant. D’autant plus qu’il nous semblait que certains étaient attirés par l’aspect exhibitionniste de quelques jeunes qui s’agitaient à l’extérieur de la salle du congrès ; impressionnés, également par le départ des délégations suisse et anglaise qui venaient de découvrir qu’elles n’étaient pas d’accord sur le principe du congrès à moins qu’elles n’aient eu une idée derrière la tête ?

Voici d’ailleurs le texte intégral de la motion de la délégation française : " La délégation de la Fédération anarchiste française déclare son accord avec la motion lue ce matin par la délégation anglaise, appuyée par la délégation suisse, sur le fond, c’est-à-dire dans la critique du manque d’imagination et d’actualité de ce congrès. Cependant, nous sommes en complet désaccord avec la manière d’agir de ces camarades qui n’ont aucune chance de dépasser leur exhibitionnisme actuel et dont la seule issue qui leur restera sera de se faire accaparer par le marxisme décadent. "Ce congrès, au lieu d’être un congrès d’anarchistes menant une lutte actuelle et désirant s’inscrire dans les nouvelles données économique et politiques, laissant cela aux néomarxistes "cohn-bendistes", a laissé passer la chance qui s’offrait au mouvement anarchiste mondial de jouer le rôle qui lui revient à cause de son refus de s’adapter aux données nouvelles. "Nous pensions que ce congrès serait une ouverture vers le monde, ce n’est qu’une discussion d’anciens militants anarchistes. Cependant, nous continuons de participer aux travaux de ce congrès, car nous croyons toujours à l’efficacité de l’action anarchiste dans l’organisation." (Motion de la tendance organisationnelle de la F.A.F.)

A la suite de cette motion nous sommes tombés d’accord avec toutes les délégations pour repartir sur des bases plus actuelles et aborder les problèmes avec des yeux nouveaux. Grâce à cet échange permanent entre militants chevronnés et jeunes, qui a révélé une fusion et un désir évident de cohésion, la confrontation a débouché sur des possibilités actuelles. Il ne dépend plus qu’aux militants, quels que soient leur âge, leur tendance, qui veulent participer à cette grande entreprise, de faire vivre cet outil international de lutte révolutionnaire en développant les groupes locaux et ainsi les fédérations nationales en formant de plus en plus de militants, en étant partout présents. L’Internationale de fédérations anarchiste existe parce qu’elle était nécessaire au développement des mouvements anarchistes spécifiques. C’est pour vous une raison supplémentaire de croire à la lutte révolutionnaire. Nous tenons à exprimer notre complète satisfaction de la manière dont s’est finalement déroulé ce congrès et à remercier nos camarades italiens qui, malgré des difficultés de tous ordres, ont permis là réalisation et l’aboutissement du congrès international de fédérations anarchistes de Carrare.

Michel Cavelier


Orthographe correcte du nom de l'auteur : Michel CAVALLIER, pour en savoir plus : http://militants-anarchistes.info/spip.php?article706
Dernière édition par vroum le Lun 13 Sep 2010 16:05, édité 1 fois.
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Re: 1er Congrès de l'IFA - Carrare - 1968 motions + MP3

Messagede vroum le Lun 13 Sep 2010 15:54

Discours d'ouverture de la Fédération anarchiste italienne au congrès international des Fédérations anarchistes

Je suis heureux d’exprimer aux délégués des Fédérations Anarchistes Internationales et aux observateurs invités le salut chaleureux et fraternel de la Fédération Anarchiste d’Italie.

La raison principale qui pousse les anarchistes italiens réunis à Carrara en novembre 1965 pour le congrès de la F.A.I. à proposer la convocation d’un congrès Mondial Anarchiste dans cette ville, a été le profond intérêt qu’ils nourrissent pour la diffusion de la propagande anarchiste dans les pays où s’imposent les exigences d’une transformation sociale, exigences auxquelles participent les masses populaires et intellectuelles toujours plus nombreuses et agissantes dont la mentalité se modifie graduellement sous la poussée des événements et de l’esprit critique que les nouvelles expériences déterminent.

Les événements de ces derniers mois - ceux du mai rouge de France où les anarchistes ne furent aucunement spectateurs, mais bien protagonistes avec la jeunesse estudiantine libertaire, et les plus récents encore de la Tchécoslovaquie martyre, rendent actuel ce congrès et prouvent combien il est urgent d’établir des rapports étroits sur le plan international sur lesquels on pourra positivement compter dans le proche avenir. Nous avons suivi avec un intérêt passionné l’organisation de ce congrès dans sa préparation technique et nous nous proposons d’y participer activement afin que les débats et le travail des commissions soient vifs et concrets.

Nous sommes tous plongés dans les problèmes sociaux et nous devons chercher en toute conscience à en tirer des solutions valides et efficaces, une éthique propre à l’essence anarchiste, l’ébauche d’une oeuvre qui met en évidence les principes fondamentaux de l’anarchisme, et à laquelle nous devons toue contribuer.

Nous avons à atteindre un but essentiel : celui de donner à l’anarchisme l’unité et le prestige qui lui sont propres, le droit d’affronter les problèmes et les questions fondamentales ; faire réfléchir l’interlocuteur auquel il s’adresse pour l’éloigner des idéologies et des méthodologies autoritaires, des mythes qui obscurcissent le cerveau, des opportunismes de parti pour le rendre conscient et participant de la lutte que les anarchistes mènent depuis un siècle contre les systèmes autoritaires et hiérarchiques qui consacrent l’exploitation et l’oppression de l’homme par l’homme. Nous devons reconnaître aux mouvements anarchistes de tous les pays ici représentés leur attitude cohérente, de condamnation intransigeante de tout compromis, de lutte contre tous les gouvernements qui ne constituent que la légitimation du privilège, de la raison d’ État et, par là, de l’esclavage de l’homme.

C’est de ce congrès, du débat cordial et de la conclusion de ses travaux, des accords que nous adopterons et accepterons comme engagement de lutte, que devra surgir une force nouvelle de l’anarchisme militant.

Tout abstractisme, tout conflit de tendances devront être mis de côté, afin de pouvoir regarder dans le fond des problèmes, et voir les choses comme elles sont dons les pays respectifs où nous opérons à l’intérieur de nos fédérations.

Nous revendiquons la responsabilité d’initiative qui a eu un succès en déterminant le réveil des activités anarchiques dans chaque parti grâce à l’action des militants des fédérations sollicitées par nous et fait avancer l’organisation de ce congrès.
Nous rappellerons la polémique surgit en un moment très délicat qui enregistrait ici reprise des activités et des contacts internationaux, mais qui heureusement n’a pas influé sur l’organisation du congrès, ne nous a pas isolés, ne nous a pas obligés à manquer à notre tâche, n’a pas rendu impossible cette rencontre internationale.

Notre préoccupation essentielle est de nous battre pour la défense de nos idées et pour le développement de notre propagande par une collaboration internationale plus solide et plus immense.

Nous désirons que cette préoccupation soit comprise et reconnue même de façon différente et autonome, car sans cette reconnaissance notre patrimoine d’idées et d’expérience ne pourra être mis à profit et nous ne pourrions affronter concrètement les institutions sociales dans leurs aspects multiples, tous provenant de source autoritaire du capitalisme et du marxisme.

Il s’avère que les événements de France et de Tchécoslovaquie acquièrent une valeur particulière soit parce -qu’ils se situent au point précis de la lutte entre le vieux et le nouveau monde, soit parce qu’ils obligent à vérifier la maturité et la solidité des idées et de la méthode propre aux anarchistes, contre les idées et les méthodes qui gardent inaltérées les conditions de déséquilibre social entre privilège et misère, entre dominateurs et assujettis, entre classes dirigeantes et classes déshéritées que l’État capitaliste ou marxiste maintient et défend.

La protestation des étudiants a acquis une force énorme parce qu’elle a été organisée avec le consentement populaire qui s’est élargi de façon spontanée entraînant dans son sillage la jeunesse ouvrière, comme en France, en bouleversant violemment l’équilibre des régimes, des vieux partis politiques, des organisations syndicales qui assurent à ces derniers leur immobilisme. Un fait d’une brutalité inouïe, qui rappelle lés invasions nazies et indigne les hommes qui n’ont pas oublié ces sinistres stratagèmes, s’est abattu par les tanks soviétiques.

C’est le destin de toute dictature de tomber à un moment donné de l’histoire dans l’ignominie et la monstruosité. Mais en ce qui concerne la dictature du prolétariat, inventée par le marxisme-léninisme, il n’y a pas eu d’interruption, de moment de pause pour la liberté Elle fut monstrueuse en réprimant dans le sang et la terreur le soviet des marins du Kronstadt et les communautés libertaires d’Ukraine de Makhno ; elle le fut dans l’Espagne républicaine avec l’assassinat des anarchistes et la révolution ; elle le fut encore avec le pacte Molotov Ribentropp en écrasant et en partageant la Pologne ; elle le fut avec l’invasion de la Hongrie en 1956 et l’emploi des chars d’assaut soviétiques contre les travailleurs de Budapest.

Ces monstruosités eurent l’approbation de tous les partis communistes grâce auxquels elles purent avoir lieu aux diverses époques de Lénine à Staline, de Krouchtchev à Brejnev. Les dissensions et la réprobation que manifestent aujourd’hui les partis communistes de France et d’Italie contre l’agression soviétique en Tchécoslovaquie, ne peuvent effacer ces complicités dénoncées par les anarchistes chaque fois qu’elles étaient exercées, tandis qu’elles étaient approuvées et appuyées par les marxistes-léninistes, D’ailleurs la praxis communiste nous a habitués à des prises de position qui répondent seulement à des nécessités stratégiques, tandis qu’elles ne tiennent nullement compte de l’éthique. La base communiste dans cette circonstance également ne donnant pas assez de garantie d’un alignement passif sur les thèses de Moscou et il était donc nécessaire de ne pas créer une nouvelle occasion de rupture. Nous ne croyons pas nous tromper en percevant dans ce calcul politique les motifs réels de l’attitude du P.C.I. et du P.C.F. et la compréhension du Kremlin ne tardera pas à remettre les choses en ordre. Mais c’est précisément dans ces événements qu’on doit mettre à l’épreuve nos capacités, notre aptitude à comprendre et à interpréter les circonstances qui viennent à notre aide, afin de pouvoir abattre tout ce qui est autoritaire policier et inacceptable dans le régime autoritaire et tout ce qui fait partie du processus évolutif, autonome et libertaire, peut influer sur la transformation de la Société ; toute la puissance d’expansion libertaire qui peut être contenue dans les mouvements qui, de différente façon, contribuent à liquider le passé à créer une facture révolutionnaire, nous trouvera unis au moment de la lutte, mais par contre, résolument adversaires si, la lutte conclue, interviennent des prises de position des protagonistes attachés à des solutions autoritaires pour lesquelles il est absolument à exclure que les anarchistes acceptent des compromis.

Nous devons revendiquer un droit à la liberté en termes concrets et irréversibles ; nous devons évaluer la liberté comme facteur immanent de l’action révolutionnaire qui nous pousse à combattre tout dogmatisme idéologique provenant de quelque source que ce soit, de Moscou, de Pékin, de Cuba, en tant qu’opposé aux initiatives et à l’action libertaire.

En cette période historique, d’énormes progrès scientifiques, au moment où l’homme est en train d’atteindre le niveau d’existence encore indéfini, la persistante volonté des adversaires coalisés pour empêcher à tout prix que l’anarchisme entre librement avec son dynamisme dans l’évolution historique d’aujourd’hui et de demain, il faut réaliser un programme historique du travail pour que les initiatives autonomes soient prises librement par les groupes anarchistes et par les fédérations.
Et il y a des données plus encourageantes dans le fait que les défauts et les erreurs que nous pouvons avoir et faire en préférant une tendance à l’autre n’altère pas la dynamique des idées et n’arrête pas la mise en mouvement des forces qui, de l’extérieur viennent à l’anarchisme par sympathie et consentement. La meilleure démonstration nous en vient du fait que les idées de liberté et de lutte pour les conquérir gagnent du terrain dans les secteurs sociaux toujours plus vastes. En nous démontrant que les anarchistes ne sont plus seuls.

Aux côtés de militants actifs il y a un anarchisme invisible, qui explose en certains individus et s’affirme en certains moments de la vie des sociétés, se révélant dans les cas d’objection de conscience, d’action directe spontanée, d’anticonformisme, de critique de la bureaucratie des institutions, de l’autorité de l’État, de l’omniprésence des hiérarchies, de l’injustice des lois, de la solidarité envers ceux qui souffrent, etc. Ces fragments d’anarchisme disséminés par ci, par là, constituent un phénomène révélateur de la présence constante de l’anarchisme dans l’homme, l’actualité des idées anarchistes dans la société, la validité d’une internationale coopérante, agissante, qui n’a pas besoin du nombre mais de la qualité des militants, qui, par une vie exemplaire dans la vie des groupes et des fédérations servent de pôles d’attraction aux consentements et aux adhésions pour une action convergente où se forment et se soudent entre elles les forces anarchistes actives dans chaque pays du monde, au-delà fraternellement de toute divergence antérieure, de toute dissension marginale.

Non corrompus par un esprit autoritaire les anarchistes qui se réunissent à Carrara jouiront des avantages de la coopération et de la solidarité pour fortifier leur conscience et la capacité de développement de leur initiative pour devenir dans les sociétés où ils opèrent, un élément d’agitation et de préparation morale de poussée culturelle et révolutionnaire vers l’avenir que nous voulons réaliser.

Le congrès doit confier à chaque fédération la tâche d’organiser des groupes d’étude en mesure d’affronter les problèmes essentiels à leur source, problèmes particuliers à chaque ambiance sociale ; la réalisation de cette collaboration internationale, sous la directe responsabilité des fédérations anarchistes, doit tenir compte de la configuration particulière ethnique, sociale et psychologique des peuples au sein desquels les anarchistes exercent respectivement leur oeuvre de propagande et de prosélytisme ; elle devra contribuer efficacement à te que les fédérations puissent prendre conscience des obstacles et des exigences quelles devront affronter et de la volonté des anarchistes pour aider à les franchir.
"Prolétaires du monde entier, descendez dans vos propres profondeurs, cherchez-y la vérité, créez-la vous-mêmes ! Vous ne la trouverez nulle part ailleurs." (N. Makhno)
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Messagede vroum le Lun 13 Sep 2010 15:55

Motion sur le point 2 de l'ordre du jour

Les libertaires, le mouvement ouvrier et les organisations ouvrières nationales et internationales


Le congrès, après avoir entendu les diverses motions présentées par les délégués des Fédérations anarchistes réunies au congrès de Carrare, constate qu’à travers les diverses nuances observées, il existe une identité de critère en ce qui concerne la reconnaissance de l’importance décisive du mouvement ouvrier organisé dans la vie sociale et la nécessité de l’imprégner, chaque jour davantage de la conception révolutionnaire de la transformation de la société que représente l’anarchisme.

Il constate ainsi que le mouvement organisé joue un rôle prépondérant dans le développement, et non seulement sous l’aspect des revendications immédiates, mais aussi pour créer, au sein même de la société capitaliste, ce que seront demain des formes révolutionnaires de la société à venir.

Les syndicats furent, en Espagne et dans d’autres pays qui ont traversé des périodes révolutionnaires, les instruments les plus efficaces pour la reconstruction sociale.

Les faits historiques montrent que, même lorsque le syndicalisme se limite à une fonction purement défensive des intérêts de la classe ouvrière, il s’affronte avec le capitalisme et avec l’État et il se voit obligé de faire face à des situations révolutionnaires. Le congrès doit ainsi signaler la situation d’une bonne part du mouvement ouvrier tombé, dans de nombreux pays, dans le corporatisme d’État ou dans des formes les plus aigues du réformisme qui, de fait, a converti les syndicats en instruments de l’État et du capitalisme privé ou étatique. Nous signalons, pour illustrer cette constatation, ce que sont les syndicats en Union soviétique, dans les pays de l’Est, en Espagne, aux États-Unis, dans les diverses républiques d’Amérique latine et dans d’autres pays. A ceci, nous devons ajouter la dépendance où se trouvent de nombreuses centrales syndicales dirigées et dominées, les unes par les partis politiques, les autres par l’Église.
Le congrès déclare que les anarchistes, et même dans les pays où ils parvinrent à créer des organisations anarcho-syndicalistes, n’ont jamais joué dans celles-ci un rôle directeur. Ils travaillent comme ouvriers manuels ou intellectuels au sein des syndicats et tentent de convaincre les travailleurs par la propagande et par l’exemple, les orientant dans un sens révolutionnaire, leur montrant le chemin à suivre pour parvenir à l’émancipation intégrale, en respectant toujours la pleine indépendance des organisations.

Dans ce sens, il faut reconnaître l’oeuvre réalisée par les organisations syndicales en Espagne, en Bulgarie, en Italie, en Argentine, en France (il ne faut pas oublier que la C.G.T. fut fondée par les syndicalistes révolutionnaires) et dans d’autres pays, avant la première guerre mondiale, où l’A.l.T. comptait avec des sections importantes. Aujourd’hui, l’A.I.T. continuatrice de la Première Internationale, quoique amoindrie par la destruction de certaines de ses sections par le fascisme et le totalitarisme, continue de défendre les principes et les tactiques de la Première Internationale, étant la seule organisation de caractère mondial à avoir échappé aux déviations réformistes ou totalitaires.

Le congrès estime que les anarchistes, selon leurs possibilités et les caractéristiques des divers pays où ils se trouvent, doivent s’efforcer d’agir dans le mouvement ouvrier, maintenant des relations fraternelles avec les sections de l’A.I.T. et s’intégrant avec elles ou en créant, où elles n’existent pas, des sections actives de propagande et d’action libertaire dans les milieux ouvriers susceptibles d’être influencés.

Recommande aussi que l’internationale des Fédérations anarchistes maintienne des relations et collabore en actions préalablement concertées avec l’A.I.T.

Le congrès constate, à travers les faits, que seul, lorsque les masses laborieuses, sont réunies en organisations syndicales indépendantes à finalité révolutionnaire, et que seul, lorsque les anarchistes pourront s’appuyer sur l’action ouvrière, il sera possible de transformer la condition sociale des travailleurs et de tous les hommes en général.

Carrare, le 2 septembre 1968
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Messagede vroum le Lun 13 Sep 2010 15:57

Motion sur le point 3 de l'ordre du jour : L'anarchisme et le marxisme à l'épreuve de l'expérience des révolutions du XXième siècle

Motion adoptée au 1er congrès de l'Internationale des Fédérations anarchistes réuni à Carrare les 31 août et 1, 2, 3, 4 et 5 septembre 1968

Préliminaire

Le développement du sujet, tant dans ses aspects analytiques que dans ses aspects critiques nécessiterait un volume et une importance qui déborderaient fatalement les limites requises pour une Etude-Rapportsoumise à discussion et à élaboration collective dans une réunion anarchiste.

Nous nous astreindrons donc à quelques points que nous considérons intéressants et essentiels pour diverses raisons. En plçant le problème de l'anarchisme et du marxisme, et par conséquent du marxisme-léninisme, après analyse, dans le contexte des réalités de notre siècle, de l'expérience des révolutions les plus importantes accomplies en son cours et jusqu'à notre époque, nous essayerons de le fairede la façon la plus objective et sans nous arrêter à des approfondissements de nuances doctrinales, philosophiques et idéologiques.


Le marxisme, de Marx à notre époque, a été présenté par ses exégètes dans diverses interprétations nouvelles avec la prétention de le remettre à flot pour lui permettre de mieux résister à l'usure et aux impacts de la critique.

Le marxisme a été obligé de faire marche arrière en ce qui concerne sa conception mécaniciste, absolue de l'Histoire, fruit en partie de l'abstruse et contradictoire philosophie hégélienne. Il a été obligé de faire des concessions au facteur humain dans l'histoire et au rôle joué par le sens volontariste ; il a dû également orner en le nuançant superficiellement son schéma de l'homo faber et de l'homme nouveau.

Mais, parmi les apports novateurs du marxisme, après l'exégèse de Plekhanov, figurent les copies de ce qui a été appelé « léninisme » qui représente une interprétation encore plus rigide et plus fermée de ce qu'il y a de jacobinisme révolutionnaire dans le marxisme. Si ce dernier, à son origine, accepte encore le dépérissement des formes de l'Etat et jusqu'à sa disparition dans un avenir lointain, le Léninisme malgré certaines réticences théoriques quant au maintien de l'Etat, affirme et consolide l'existence de celui-ci dans des formes « sui-generis » de transition et, en fait, sa permanence. Et dans la dégénérescence stalinienne, la dictature du prolétariat, dans sa manifestation étatique est présentée comme « la forme la plus juste et la plus puissante du pouvoir étatique qui ait jamais existé ».

par principe, l'anarchisme, dans sa négation totale de l'Autorité et de l'Etat, pose une affirmation vitale constante de Liberté et la nécessité de la mise en place d'une société nouvelle basée là-dessus.

Il fait réapparaître l'homme, l'individu libre, comme élément de base et élément vital de la société entretenant à l'intérieur de cette dernière un mouvement de rénovation permanent qui tend constamment à la libérer de toute superstructure qui l'envelopperait, qui serait différente d'elle-même et rendrait son développement difficile.

Il ne fait pas de l'économie une entité mythologique. Il la réduit à la dimension et échelle de l'homme et de la société tels qu'ils peuvent rationnellement être conçus dans leur évolution et leur phase optimale de développement.
L'anarchisme s'insurge contre le déterminisme mécaniciste en tant que moteur de l'histoire. En accordant l'importance qui lui revient au matérialisme historique et philosophique, il soutient la thèse des autonomies essentielles et fonctionnelles, celles de la présence de facteurs quantiques s'opposant ainsi à l'unicité de la pensée, des formes et des structures, ne mettant de point final ni au progrès ni à l'évolution et admettant la spontanéité et les brusques mutations révolutionnaires.
Il affirme que l'autorité ne peut jamais être révolutionnaire. Qu'au contraire, elle est toujours réactionnaire, rétrograde et conservatrice. Que l'on ne peut changer de tyrannies et de chaînes mais quand même bien que les dictatures et les tyrans seraient nouveaux et nouvelles chaînes, les hommes n'en restent pas moins enchaînés.

L'anarchisme c'est l'insurrection et la rébellion permanente et créatrice. Une masse d'énergie rénovatrice ouvrant la voie dans un cheminement progressif, débordant tous les barrages politiques, sociaux, économiques, ethniques, culturels, idéologiques et philosophiques, balayant tous les préjugés et les conventionalismes, secouant toute stagnation et constituant dans un milieu donné une révolution permanente destructrice et constructive de son propre monde, dans une mutation et un épanouissement constant.

Motion incomplète...
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Re: 1er Congrès de l'IFA - Carrare - 1968 motions + MP3

Messagede vroum le Lun 13 Sep 2010 16:01

L'organisation de l'économie dans une société anarchiste

Motion adoptée au 1er congrès de l'Internationale des Fédérations anarchistes réuni à Carrare les 31 août et 1, 2, 3, 4 et 5 septembre 1968

Motion-étude sur le sixième thème de l'ordre du jour du congrès international anarchiste (Carrare, août-septembre 1968)
Utopie ou réalisme


Il importe de nous poser d'abord la question de principe: est-il nécessaire et opportun de présenter, d'une façon plus ou moins précise, l'organisation de la société à venir ? Les libertaires répondirent toujours par l'affirmative, et tentèrent de scruter l'avenir. Les marxistes, par contre, refusèrent d'aborder le problème, dissimulant leur manque d'idéal et d'imagination derrière un soi-disant matérialisme historique et nous qualifièrent d'utopistes.

En réalité, il n'y a de meilleur réalisme que celui des révolutionnaires qui, en critiquant la société actuelle, avancent une idée précise de celle qui doit la remplacer.

Kropotkine écrivait dans « La science moderne et l'anarchie » « Aucune lutte ne peut avoir de succès, si elle reste inconsciente, si elle ne se rend pas un compte concret, réel, de son but. Aucune destruction de ce qui existe n'est possible, sans que, déjà pendant la période de destruction et des luttes menant à la destruction, on ne se représente mentalement ce qui va prendre la place de ce qu'on veut détruire. On ne peut pas faire une critique théorique de ce qui existe, sans se dessiner déjà dans l'esprit une image plus ou moins nette de ce que l'on voulait voir en lieu et place de ce qui existe. Consciemment ou inconsciemment, l'idéal - la conception du mieux-être - se dessine toujours dans l'esprit de quiconque fait la critique des Institutions existantes »

Révolution sociale et libertaire indispensable
L'organisation de l'économie à orientation et finalité libertaire, ainsi que son développement, nécessitent un changement radical du système capitaliste et du système communiste étatique imprégné des principes marxistes-léninistes. Ce changement implique nécessairement : - abolir et dépasser ces deux systèmes ; - jeter les bases fondamentales de la nouvelle économie et de la société anarchiste ou du vrai socialisme en marche vers celle-ci.

Pas plus la société anarchiste que la société communiste libertaire ne se réaliseront par enchantement en un jour, ni de façon synchronisée sur le plan mondial, à une phase donnée de l'histoire universelle. La révolution ne sera pas au même niveau dans un pays et à plus forte raison dans tous les pays à la fois. Elle ne pourra pas non plus être uniforme, faite sur un type unique, les conditions géographiques, ethniques, démographiques ainsi que l'état de développement de l'industrie, des richesses naturelles, l'existence ou non de matières premières, les possibilités agricoles, la mentalité, la culture... etc., influeront dans les différentes constructions de cette révolution, et cela, malgré l'orientation libertaire. En effet, selon son implantation, en plus des différences possibles déjà notées, le système apparaîtra dans chaque pays sous des aspects multiples et divers, à la recherche Incessante d'une perfection et d'un équilibre harmonieux.

Il n'en reste pas moins que les caractéristiques essentielles de la société anarchiste ainsi que les moyens et procédés pratiques et efficaces pour y arriver, doivent se manifester avec clarté et vigueur - pour avoir prise sur la réalité - des aujourd'hui en vue d'éclosions futures.

Les buts de la nouvelle économie libertaire et de la Société anarchiste doivent être la liberté et le bien-être de tous, dans un milieu d'égalité social et de solidarité humaine.

- Pour les réaliser, l'Etat doit nécessairement disparaître, ainsi que toute dictature, fut-elle transitoire. Il faut supprimer toutes les Institutions autoritaires du capitalisme, de la propriété privée, tous les procédés d'exploitation et d'oppression de l'homme par l'homme, les classes sociales, hiérarchies, privilèges, ainsi que le salariat.

Bien sûr que, malheureusement, la révolution sociale rencontrera des grands obstacles dans un pays, mais elle doit aller Immédiatement au fond des choses, surtout dans le domaine économique. (Elle doit se préoccuper surtout de l'organisation du travail et de la société). Il faut faire passer dans la réalité de tous les jours le maximum de réalisations libertaires donnant ainsi un certain nombre d'idées et d'initiatives importantes qui se développeront par la suite.
Le leitmotiv doit être pain, liberté, habitation, culture et loisirs pour tous.

« De chacun selon ses moyens et à chacun selon ses besoins».

Il faudra détruire tous les obstacles intérieurs qui s'opposeront à la libre organisation de la Société nouvelle. Il ne faudra pas beaucoup compter sur la solidarité révolutionnaire mondiale pour appuyer une révolution dans quelque pays que ce soit, surtout si elle se présente comme anarchiste. Toute aide des blocs mondiaux prédominants sera évidemment un effort de satellisation.

De plus il faut compter sur le fait qu'un changement révolutionnaire profond produit une période de marasme économique, de tâtonnements, de réajustement des structures, tout cela mettant à l'épreuve la capacité révolutionnaire du pays, surtout dans ses qualités à construire.

Assurer l'existence et le libre fonctionnement de la société
Dès le premier moment, il est nécessaire d'assurer la production, l'investissement le ravitaillement, la productivité sans exploiter le producteur, sans le maintenir soumis à des journées de travail épuisantes.

Le triomphe immédiat de la révolution sociale et sa consolidation, dépendra pour beaucoup de la capacité révolutionnaire et libertaire des travailleurs (capacités sociales, économiques, culturelles et idéologiques).

Le facteur essentiel de l'ordre nouveau doit être l'homme libre et conscient de lui-même.

Aucun type d'économie actuelle ne convient à l'anarchisme. Notre finalité est de vivre en liberté et de faire tout pour quo tous -les êtres puissent en jouir, à égalité de conditions. La seule limite étant ce que la terre, la nature et l'effort solidaire des hommes pourront fournir.

Conception de l'anarchisme social
Pour les mêmes raisons, notre conception du socialisme intégral est simple et non exhaustive, ni uniforme dans ses possibilités et modalités pratiques. Et si nos préférences vont vers le communisme libertaire, comme système ouvert et perfectible, nous ne refusons systématiquement - mis à part, bien sûr, les régimes bourgeois et totalitaires - aucun autre mode d'organisation sociale, qui peut être de type mutualiste, collectiviste, coopératif, pourvu qu'ils éliminent toute exploitation de l'homme par l'homme.

La liberté d'expérimenter différents systèmes économiques dans une société en voie de transformation, selon les principes anarchistes, doit être assurée sous condition qu'une planification librement et fédérativement élaborée et -librement consentie, garantit la production des biens nécessaires et le fonctionnement normal des services essentiels, afin de satisfaire les besoins de tous selon les possibilités de l'époque.

Liberté d'expérimentation
L'expérimentation et la coexistence de différents types de socialisation, sont
mutualiste (Proudhon) ;
collectiviste (Bakounine-Mella) ;
communiste (Kropotkine-Malatesta) ;
coopérativiste (non commercialisée).

A n'importe quelle échelle, peut être possible dans le système libertaire à condition de respecter le principe anti-autoritaire qui a pour corollaire l'autonomie, le fédéralisme et la solidarité.

D'un point de vue libertaire, cela est particulièrement logique puisque sa pensée est que Me formes sociales ne doivent pas stagner et qu'aucune structure économique ne peut être considérée comme définitive et immuable.

Créer toujours les conditions optimales pour le plein développement de la personnalité humaine, telle doit être l'orientation et le but de la société anarchiste.

Esquisses sociales et économiques de la pensée libertaire
L'économie ne peut se développer sans base sociale. Les nécessités de la vie en société font que les hommes se voient dans l'obligation de chercher un principe régulateur, pour la rendre au moins compatible. Il faut donc un pacte ou un contrat librement consenti, accepté librement et consciemment, et appliqué de la même manière.

Dans la conception anarchiste - du moins celle qu'admet la base organisatrice par pacte libre - le communisme libertaire est le système le plus adapté au développement d'une société voulant vivre sur les principes précédemment cités.
Base de la nouvelle société : la commune libre

« L'idée de communes indépendantes pour les groupements territoriaux, et de vastes fédérations de métiers pour les groupements par fonctions sociales - les deux s'enchevêtrant et se prêtant appui pour satisfaire les besoins de la société - permit aux anarchistes de concevoir d'une façon concrète, réelle, l'organisation possible d'une société affranchie. Il n'y avait plus qu'à y ajouter les groupements par affinités personnelles - groupements sans nombre, variée à l'infini, de longue durée ou éphémères, surgissant selon les besoins du moment pour tous les buts possibles - groupements que nous voyons déjà surgir dans la société actuelle, en dehors des groupements politiques et professionnels.

Ces trois sortes de groupements, se couvrant comme un réseau les uns les autres, arriveraient ainsi à permettre la satisfaction de tous les besoins sociaux la consommation, la production, et l'échange; les communications, les arrangements sanitaires, l'éducation; la protection mutuelle contre les agressions, l'entr'aide, la défense du territoire; la satisfaction, enfin, des besoins scientifiques, artistiques, littéraires, d'amusement. Le tout - toujours plein de vie et toujours prêt à répondre par des nouvelles adaptations aux nouveaux besoins et aux nouvelles influences du milieu social et intellectuel.

Si une société de ce genre se développait sur un territoire assez large et assez peuplé pour permettre la variété nécessaire des goûts et des besoins, on s'apercevrait bientôt que la contrainte par l'autorité, quelle qu'elle soit, y serait inutile ».
Pierre KROPOTKINE (« La Science Moderne et l'Anarchie »).

La cellule vivante de la nouvelle organisation sociale libertaire, en plus de l'individu, du groupe, de la collectivité, du syndicat, est pour noue, te commune libre.

La commune libre, constituée par tous et par chacun des citoyens, peut jouer un rôle de coordination sociale générale, du point de vue purement administratif, non pas un rôle de pouvoir ou d'institution politique,, mais au contraire de service social, dans le secteur local. Ses fonctions doivent se conformer aux accords et décisions prises par les assemblées communales libres sur assentiment commun. On doit arracher tout autoritarisme et toute bureaucratie de l'organisation communale.

Des fédérations communales et nationales de communes libres pourront se constituer sur le plan général d'un pays ou d'une zone géographique et ethnique déterminée; elles pourront se confédérer internationalement.

La commune ne doit en aucune manière posséder le pouvoir politique; encore moins militaire, celui-ci devant disparaître totalement. Elle ne doit même pas détenir le pouvoir révolutionnaire, Tout pouvoir politique doit être aboli et nul ne doit l'exercer. Il ne doit pas y avoir non plus dans la Commune de propriété économique qui fasse de ses limites géographiques ni de ses bornes historiques un champ clos ou un fief. Toute commune doit être ouverte à la solidarité. Elle doit se pratiquer, la recevoir aussi, se fondant sur le principe qui veut que toute richesse naturelle, crée ou fabriquée, tout produit, outil ou matériel, constituent un patrimoine commun qui reste à la disposition de tous. La jouissance de ce patrimoine n'est réglée que par les normes collectives établies librement et collectivement.

Du syndicat révolutionnaire et de ses fonctions
L'organisme qui dans la société socialiste peut le mieux assurer l'organisation du travail, est le syndicat de caractère syndicaliste révolutionnaire, constitué par les travailleurs libres de l'industrie, de la terre, de la mine, des laboratoires, des centres de recherche, par ceux des branches techniques spécialisées. Les syndicats, groupés par branches d'industrie, en fédérations locales, communales, régionales et internationales, et administrant directement; sous leur contrôle conscient, fabriques, ateliers, exploitations agricoles, mines, chantiers navals, instituts scientifiques et technologiques, sont des organismes capables d'assurer la production de tous les articles et éléments indispensables à la société et à ses composants, en fonction des besoins qui se feront sentir et qui se présenteront, l'objectif poursuivi étant, bien entendu, la création de l'abondance par la participation de chacun à l'effort commun, selon ses forces et ses capacités, sans l'exploitation de personne et sans privilège aucun. Toutes les ressources matérielles, économiques et techniques, les produits manufacturés, les produits agricoles, maritimes, le cheptel, etc., devront être mis à la disposition de tous, par l'intermédiaire des organismes adéquats, pour la distribution, le change et la répartition les plus justes.

Les fédérations de syndicats pourront se former par catégories de production, soit industrielle, agricole, etc., ou par services publics : postes, téléphones; transports et autres.

La révolution sociale, avec la disparition de la bourgeoisie et des structures capitalistes et autoritaires, devra établir un ordre économique nouveau, ordre qu'implique forcément d'autres modalités de travail, des règlements nouveaux des fabrications, des reconversions professionnelles, des spécialités distinctes de production.

Les syndicats par profession ou industrie ne devront disposer d'aucun pouvoir politique; ils ne devront posséder aucune fabrique, machine, aucun produit fabriqué. On ne doit pas laisser germer la propriété corporative dans la société anarchiste ou communiste libertaire.

L'autogestion doit avoir pour travail fondamental d'organiser la meilleure et la plus rationnelle organisation du travail et de la fonction productive, contrôlée par un sentiment élevé de responsabilité Individuelle et professionnelle consciente et volontaire.

Les comités ou commissions d'autogestion de l'usine, de l'entreprise de l'atelier ou de la collectivité productrice, doivent être nommés directement par le personnel même de l'usine; elles doivent être révocables à tout instant et renouvelées fréquemment. On doit débusquer la bureaucratie en tous les endroits où elle peut s'implanter. Il ne faut jamais donner non plus de pouvoir de commandement au personnel technique ou qualifié de la spécialité concernée.

Nous sommes opposés au principe de « tout le pouvoir aux syndicats ; nous nous refusons aussi à donner le commandement à un technicien ou spécialiste chargé de la responsabilité d'une tâche. En effet, celui-ci doit considérer les autres travailleurs sur un plan d'égalité morale et effective, comme homme et producteur, coopérant dans une entreprise commune au service du bien général.

Sur le salaire ou rémunération
Si nous, anarchistes, avons pour but de supprimer l'exploitation de l'homme par l'homme, d'abolir les classes et le salariat, nous ne pouvons, par simple logique de pensée, maintenir un type de salaire et de catégories salariales pour le travail effectué.

Les problèmes posés par la suppression du salariat sont nombreux et variés. Chercher les procédés de rémunération par unité ou spécialité du travail, ne serait pas non plus une solution libertaire et encore moins compatible avec un haut sentiment de justice et de solidarité humaine.

Partant de ce raisonnement, nous sommes partisans de l'application du principe : « de chacun selon ses forces, à chacun selon ses besoins ». Nous considérons en effet que le travail de chacun donne droit à la satisfaction des nécessités personnelles; il permet de se procurer librement ce qui est Indispensable à chaque personne, dans les magasins, coopératives ou centres de distribution.

Le fait d'être travailleur ou producteur - comme les malades, invalides, vieillards ou enfants - donnera et permettra de bénéficier de tous les services communs. La socialisation de ces services, comme ceux de l'habitat, de la santé, des loisirs et des spectacles doit être considérée comme une des formules les plus accessibles pour atteindre ce but.

Chaque être humain valide doit être assuré d'une place, d'un emploi dans l'organisation commune ou collective du travail. Ceci est un droit inaliénable reconnu et établi par la société anarchiste, par la nouvelle organisation sociale communiste libertaire.

Distribution et consommation
L'organisation sociale, que nous détendons et que nous préconisons, ne saurait avoir pour but un bénéfice Industriel ou commercial, monopolisé par un groupe, un clan, une entité ou un organisme quelconque. Elle recherche, au contraire, le bien commun, à l'intérieur de la fédération ou des associations de travailleurs libres et solidaires.

D'un autre côté nous convenons que les formes et les mécanismes économiques de la société anarchiste ne doivent pas s'encastrer dans une armature rigide dans un régime monolithique aux structures inamovibles.

Respectant le principe fondamental de la non-exploitation de l'homme par l'homme, de la communauté des richesses, des biens, des terres, des machines et des produits, tout doit être mis à la disposition de chacun et de tous.

Ainsi le pain, la culture, la liberté ou l'indépendance dans l'union et dans la solidarité, resteront mieux garantis et mieux assurés pour tous.

La distribution générale coordonnée et détaillée de produits agricoles et manufacturés pourra être assurée par les associations ou les fédérations de consommateurs, à partir de magasins d'approvisionnement et de fournitures en gros, dans lesquels les syndicats de production et les collectivités pourront déposer leurs produits.

La distribution au détail, exempte de tout mercantilisme, sera assurée par les coopératives de consommation et par les économats et centres qualifiés.

Organismes de la révolution : les collectivités
Les collectivités de production et même les collectivités mixtes de production et de consommation, surtout dans le domaine agricole, peuvent jouer un rôle important parmi les facteurs efficaces de développement de la nouvelle économie, en tant qu'organismes vitaux fonctionnant sur le principe de la libre coopération dans la nouvelle économie solidaire, sans mercantilisme ni concurrence.

Jusqu'à aujourd'hui, sur le plan expérimental, on peut citer, comme exemple pratique et efficace de la réalisation collectiviste-communiste, les collectivités de type libertaire durent la révolution espagnole; dans une situation donnée de transcendantal réalisme historique, elles se révélèrent être des organismes efficients pour assurer le développement économique d'un pays, surtout lorsqu'elles purent fonctionner do concert avec les syndicats et autres organismes communaux, complémentaires les uns des autres, et taisant face réunis eux besoins économiques et sociaux de la nouvelle société.

Conseils économiques et sociaux
Pour compléter les informations et les actions nécessaires au bon fonctionnement de cette économie, on peut adjoindre à ces collectivités des conseils d'économie sur les plans locaux, régionaux et nationaux. Le tout débouchant sur le conseil général de l'économie nationale fédérée. Ces organismes permettant une organisation plus parfaite, une meilleure coordination des renseignements sur des expériences nouvelles et de plus grandes possibilités pour le développement économique et l'exploitation de nouvelles richesses en commun :

Les conseils économiques n'auraient qu'une mission consultative et de recherche, et non exécutive; - les membres de ces conseils, qui pourraient être appelés conseils sociaux et économiques, seraient désignés à type temporaire et seraient révocables. Ils pourraient être désignés par la commune, les syndicats, les coopératives et centres de consommation, les organismes techniques et culturels.

Les conseils sociaux et économiques pourraient être les suivants : alimentation, habitation.habillement, production, agricoles, mines, pêche, transports, communications presse, librairie, industrie métallurgique et sidérurgie, eau, électricité, forces hydroélectrique et nucléaire, industries chimiques et les diverses branches de la verrerie et céramique, du bols, de la construction, de la santé, de la culture, arts et loisirs, sciences, investigations, techniques, échanges, relations extérieures, importation et exportation. Tous ces conseils formant avec ces diverses ramifications, sans aucun centralisme, un conseil général de coordination et solidarité.

Ce Conseil fonctionnerait par action d'en bas, de la base sur le haut, et n'aurait aucune fonction exécutive.

Il est bien entendu que cette liste de conseils n'est pas exclusive et que selon les besoins des diverses spécialités seront créés les conseils nécessaires; tout cela se faisant d'un commun accord entre les intéressés, directement et sans aucune obligation.

Considérations générales
En ébauchant cette série de formules, nous avons eu pour souci principal d'éviter les influences des réminiscences autoritaires, les tendances centralisatrices et le désir de donner à la liberté, à l'autonomie, un contenu vivant, structuré, fonctionnel, pratique et stimulateur pour un incessant progrès.

Nous prenons comme fondement de la dynamique sociale l'être humain, considéré comme unité autonome associée volontairement à la communauté.

Dans les étapes de réalisation du communisme libertaire, alors que la production n'a pas atteint une cadence suffisante, il y aura lieu évidemment de réaliser l'indispensable régulation de la distribution qui devra être la plus rationnelle et la plus juste possible.

On peut aussi garder, pendant un certain temps, un système de rémunération, mais à condition qu'il soit égalitaire, car sinon les égoïsmes, les inégalités resurgiraient et, à la longue, on tomberait fatalement dans les injustices, les rancunes et recréerait les inégalités.

L'existence de l'argent, si controversée, doit se terminer.Et en établissant un système de bons, on doit éviter la centralisation dans un organisme de type bancaire. Ces bons, émis par la Commune, ne doivent pas avoir une valeur d'acquisition générale.

Il faut éviter l'accumulation, de quelque nature qu'elle soit - accumulation d'une commune, d'une collectivité ou d'une entreprise plus puissante, d'une région plus développée - ainsi que la centralisation et la monopolisation.
Lorsque la nécessité d'un plan économique général se ferait sentir, il ne pourrait se réaliser qu'après accord de toutes les parties intéressées. Car si la volonté générale s'imposait et se manifestait, avec I'omnipotence d'un pouvoir effectif et indiscutable, on créerait de cette manière-là les conditions pouvant alors donner un nouveau régime d'oppression, et la révolte surgirait alors comme réaction
défensive inévitable.

La société doit être comme un organisme vivant dans lequel les cellules, tous les organes accomplissent leurs fonctions, pour assurer la vie. Mais avec la différence essentielle que dans cet organisme social l'homme se manifeste de façon autonome, contribuant par son Individualité à l'enrichir et à le vitaliser et de plus à lui donner conscience avec son intelligence, sa raison et ses connaissances: en lui donnant en plus un développement harmonieux et ascendant.
Loin de nous, l'idée de définir de façon immuable les bases sociales éthiques et économiques de l'anarchisme. Mais nos définitions échappent au moins à un grand danger, en n'utilisant pas le mot politique, à cause des confusions auquel il se prête.
Nous savons bien que l'histoire ne suit pas une ligne ascendante et continue mais qu'elle avance de façon discontinue en résolvant ses contradictions. Les formes sociales et te développement de la pensée humaine se dépassent et se renouvellent ainsi sans arrêt la vie sociale et ses formes.

C'est la propre dialectique de la vie qui crée les germes qui font avancer l'humanité.

Conscients de cela, nous, anarchistes, nous luttons pour toutes les audaces sociales et nous maintenons vivant et actif l'esprit révolutionnaire. Nous ne traçons aucune limite à ce développement.

Proposition adoptée

Le congrès anarchiste adopte, dans le principe, pour la soumettre ensuite à l'avis des fédérations anarchistes des divers pays, la proposition de la nomination d'une commission ou la création d'un Centre international d'études sociales et économiques anarchistes, afin de compiler et de mettre à jour ce qui a été écrit de plus fondamental sur le thème « L'organisation de l'économie dans une société anarchiste ou durant l'étape de transition révolutionnaire vers l'anarchie ». Ainsi on pourrait recueillir les éléments proposés par tes diverses fédérations anarchistes, ceci afin de rechercher les solutions les plus adéquates à la transformation du monde en marche vers la société anarchiste.

Août-septembre 1968.
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Messagede vroum le Lun 13 Sep 2010 16:03

Le congrès international de Carrare

par Guy Malouvier in Le Monde libertaire # de 1969

Voici aujourd’hui, presque un an, à l’occasion du dernier congrès national de la Fédération anarchiste française que, sur l’initiative de nos camarades italiens, nous tînmes la réunion constituante, de la Commission préparatoire du congrès international.

A cette première rencontre participaient le secrétaire aux Relations internationales de la "Federazione Anarchica ltaliana", le secrétaire de l’Union des Anarchistes Bulgares en Exil, les délégués des Fédérations anarchistes japonaise et ibérique, un représentant du mouvement libertaire en Belgique, et le secrétaire aux R.I. de la FA. française. Au cours de cette première réunion, nous décidâmes donc de constituer une Commission préparatoire, chargée de prendre contact avec les fédérations de tous les pays, afin de les informer du projet présenté par nos camarades italiens, ainsi que de préparer un ordre du jour, élaboré par tous, et d’assurer la liaison et le dialogue indispensable à la préparation sérieuse de ces assises. L’instrument de liaison de la Commission serait un bulletin périodique, en langue française (dont les textes seraient reproduits dans les bulletins intérieurs de toutes les organisations) où il serait débattu de toutes les questions, et uniquement de celles-ci, intéressant notre congrès. Analysons donc, les résultats obtenus, le chemin parcouru depuis le mois de mai 1966.

Au lendemain de ce premier colloque international, les membres de la Commission préparatoire, désignés par leurs fédérations respectives, se mirent au travail, et publièrent une première circulaire, avisant le mouvement de notre projet. Ce document fut adressé à toutes les organisations libertaires du monde, aux rédactions des périodiques anarchistes, ainsi qu’à un certain nombre de petits groupes ou même d’individus isolés, résidant dans des pays où n’existe aucun mouvement libertaire structuré. La presse anarchiste, dans son ensemble, répondit à notre appel et publia la nouvelle d’un congrès anarchiste international qui pourrait avoir lieu en 1967 ou 1968, à Carrare (Italie). Le secrétariat de la Commission, siégeant à Paris, reçut quelques lettres, constituées par des demandes de renseignements et des adhésions fraternelles à notre projet. Nous publiâmes le matériel intéressant dans le premier numéro du bulletin de la Commission, paru en septembre 1966.

Entre temps, notre camarade John Gill, secrétaire de la C.I.A. de Londres (International Anarchist Commission) s’était joint aux membres de la Commission préparatoire, auxquels il apporta l’expérience de son secrétariat. Pour les camarades qui l’ignoreraient, la C.I.A. était l’organisme de liaisons internationales, qui avait succédé à la C.R.I.A. au congrès international anarchiste de Londres, en 1958. Quelques années après cet ultime congrès, le secrétariat de Londres (pour de multiples raisons) cessa de fonctionner, et l’Internationale anarchiste ne fut plus qu’un souvenir, malgré la tentative malheureuse de la Conférence européenne de Bückeburg (Allemagne) qui tenta de reconstituer un secrétariat provisoire, dont le but principal était justement, la préparation d’un nouveau congrès International.

Dans ce domaine, si important de l’action internationale, on constate donc l’échec répété de toutes les tentatives. (La Commission analysera lucidement les causes de cette faillite, et en retiendra un certain nombre d’enseignements qui détermineront sa prise de position en faveur d’un congrès de fédérations).

Après ces déceptions, la Commission préparatoire du congrès de Carrare devait donc vaincre un certain apathisme, allant jusqu’au désintérêt le plus total, dans certains cas, de militants désabusés, fatigués par ces échecs répétés, désarmés devant cette espèce de fatalité qui semblait s’acharner contre l’Internationale, en rejetant la réalisation dans un lointain et très hypothétique avenir.

L’intérêt ne s’éveilla que très lentement, et nous fûmes parfois, nous aussi, tentés de nous laisser gagner par le désespoir. Cependant, après la parution du numéro 2 de notre bulletin (déc. 1966) et d’une seconde circulaire qui reproduisait l’ordre du jour proposé par la Commission, et où nous demandions des réponses nettes et rapides, des engagements précis et lucides, notre courrier gagna en volume et en qualité. Si bien qu’aujourd’hui, nous sommes certains que notre congrès aura lieu et qu’il sera important pour l’Anarchisme, car, à travers notre correspondance, les militants de tous les pays, dépassant le cadre des luttes locales, nous disent la nécessité d’élaborer, en commun, une ligne d’action, de coordonner nos campagnes, nos activités, d’échanger nos informations et de préparer ensemble notre mouvement à la lutte acharnée qui lui est imposée par le renforcement de l’emprise étatique et par son corollaire, la disparition des dernières libertés et la dégénérescence sociale de l’individu.

Mais, si chacun reconnaît, aujourd’hui, la nécessité de réunir ce congrès, les avis diffèrent quant à sa constitution. Doit-il être la tribune de tous les anarchistes qui désirent exprimer leurs points de vue (comme ce fut le cas, lors des congrès précédents, et l’on a vu le résultat !), ou bien ne doit-il réunir que des délégués responsables, mandatés par leurs fédérations dans le but précis de prendre des engagements qui seront respectés ? La Commission préparatoire, dont plusieurs membres assistèrent aux congrès précédents, a pris, sur ce point, une position très nette elle estime que seul un congrès de Fédérations, c’est-à-dire d’organisations responsables, peut jeter les bases d’une véritable et durable internationale libertaire. Il est désespérant de voir ceux des anarchistes qui ont pourtant l’expérience des fautes passées, continuent de soutenir la forme d’un congrès de tribune, où la rhétorique se substitue à tout travail sérieux, où l’efficacité piétine devant une logomachie de bateleurs ! Ce jugement peut sembler sévère, mais nous ne pouvons plus admettre que nos congrès soient de vastes kermesses internationales où tout le monde discute de tout avec une égale autorité, une égale inconscience, et où, l’ordre du jour épuisé, chacun, auto-satisfait de sa brillante réfutation, repart tranquillement vers d’autres occupations. Il ne s’agit pas là d’une assemblée de travail, mais de la rencontre, fraternelle sans doute, de quelques personnalités venues là pour confronter leurs thèses (et surtout se faire voir, et s’écouter parler !) et qui sont à cent lieues de penser et de vouloir l’unité d’un grand mouvement libertaire international. Il faut donc en finir, et une fois pour toutes avec ce guignol, ce festival d’impuissance, et lui substituer de véritables congrès anarchistes, des séances de travail où des délégations responsables (et non pas n’importe quel anar ( !?) passant par là !), des commissions efficaces, poseront les bases de l’internationale. Voilà notre position, les détracteurs ne sont que des saboteurs camouflés ou à la limite des militants inconscients et irresponsables.

Et, puisqu’il s’agit d’un congrès voulu et organisé par les fédérations, et dont le but est de résoudre les problèmes d’ordre pratique qui se posent à la création d’une Internationale de Fédérations Anarchistes la forme du congrès "ouvert à tous" serait une absurdité, un suicide, une dépense inutile, Il est bien entendu que tous les anarchistes pourront assister aux débats, à titre d’observateurs. En conclusion, c’est donc à chaque fédération d’ouvrir les débats et de permettre à ses adhérents de discuter l’Ordre du jour, et c’est encore à ces fédérations de rédiger la déclaration finale et les prises de positions qui seront remises à leurs délégués.

En ce qui concerne la participation effective d’autres organisations, se réclamant de l’idéal libertaire elles sont toutes (ou presque affiliées à une internationale spécifique) Je ne citerai que l’exemple de la CNT., de la SWF, de la S.A.C., etc. rattachées à l’AIT. (Association Internationale des travailleurs), quant aux groupements de jeunesse (dont certains jeunes ont près de 60 ans !) n’ont-il pas la "Fédération Internationale des Jeunesses Libertaires". Toutes ces organisations pourront, bien entendu envoyer des observateurs au congrès de Carrare. Pour ce qui est maintenant des groupes ou Union de Groupes autonomes étant en majorité des groupes de tendances exclusivement anarchiste-communiste, leur adhésion à une Internationale non spécifiquement anarcho-communiste est impensable. Ils l’ont écrit eux-mêmes et donc le problème de leur participation ne se pose pas. (1)

La Commission préparatoire du congrès de Carrare continue son travail par la publication dune circulaire adressée à tout le mouvement et rendant compte de la dernière réunion du vendredi 7 avril et par la prochaine diffusion du numéro 3 de son bulletin qui présentera un important matériel. Lors de la réunion du 7 avril la date du 30 septembre 1967 a été fixée comme la dernière limite pour envoyer toutes les propositions de modification de l’ordre du jour au Secrétariat de la Commission préparatoire (3 rue Ternaux Paris 11e, France). A cette date, l’Ordre du jour définitif sera arrêté. LE CONGRES INTERNATIONAL AURA LIEU A CARRARE, LA PREMIERE SEMAINE DU MOIS DE SEPTEMBRE 1968.

Après de trop longues années d’hésitation, les fédérations ont décidé de se réunir pour créer leur Internationale, seule cette décision est importante, car elle présage d’un congrès enfin responsable et enfin utile. Voici la liste des organisations qui adhèrent au congrès.

Union des Anarchistes Bulgares en Exil (U.A.B.) · Federsción Anarquista lbérica (F.A.I.) · Fédération Anarchiste Hollandaise · Federazione Anarchica ltaliana (F.A.I.) · Fédération Anarchiste Française (F.A.F.) · Permanence Culturelle Libertaire (Belgique) · Fédération Anarchiste Japonaise · Movimento Libertario Brasileiro (Brésil) · Movimento Libertario Cubano en el exilio (Cuba) · Federación Anarquista Mexicana (Mexique) · Direkte Aktion , Befreiung (Allemagne de l’Ouest). · London Federation of Anarchists (Angleterre) · Federación Libertaria Argentina (Argentine) · Federation of Australian Anarchists (Australie) · Provisional Committee, Anarchist Federation of Britain · International Anarchist Commission (CIA. London) d’autre part, nous prenons contact avec une nouvelle fédération, la Fédération Anarchiste du Québec.

Le secrétaire de la Commission préparatoire du congrès International de Fédérations Anarchistes

Note : "Nous pensons que les anarchistes communistes devraient s’unir d’une manière plus organique sur le plan de leur tendance à l’échelle internationale" (Lettre au mouvement anarchiste international U.G.A.C. 1966.)
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Messagede vroum le Lun 13 Sep 2010 16:16

Extrait de la thèse de GUÉRIN, Cédric. Anarchisme français de 1950 à 1970

Mémoire de Maitrise

Mémoire de Maîtrise : Histoire contemporaine : Lille 3 : 2000, sous la direction de Mr Vandenbussche. Villeneuve d’Ascq : Dactylogramme, 2000. 188 p. ; 30 cm. Bibliogr. p. 181-186

LILLE 3 : Bibliothèque Georges Lefebvre


Vers le congrès international et une nouvelle tendance

Dès 1967, la préparation du congrès international de Carrare donne lieu à de nouvelles critiques traditionnelles au nom de la liberté individuelle et des contraintes liberticides qu’implique toute organisation, contre la structuration des rapports entre militants. “ Réservé ” aux seules Fédérations nationales, le congrès apparaît comme un nouveau ferment de division et d’exclusivité pour les autres anarchistes : “Limiter ce congrès aux fédérations nationales, c’est dessécher la pensée anarchiste et renforcer le mythe de l’organisation unique, pour elle-même. C’est contre cela qu’il faut protester. ”


Au fur et à mesure des mois précédant le congrès se forme une tendance hostile à la constitution d’une internationale des Fédérations anarchistes, sans faire appel aux autres groupes. Dans le même temps, Maurice Fayolle, qui avait annoncé son départ pour finalement rejoindre la nouvelle tendance, déclare ne plus voir dans la FA qu’une liaison de tendances et agir en fonction : “ Je ne considère pas la FA comme une organisation, mais, sinon comme une amicale, selon le terme impropre que j’ai employé, du moins comme un rassemblement hétérogène de camarades se réclamant tous de l’anarchisme. en raison même des profondes divergences qui séparent ses composants, ce rassemblement ne peut admettre ni structures organiques, ni définition idéologique. ” Les adhésions devraient être alors “ non collectives mais strictement individuelles. ” Le Monde libertaire perdrait son caractère actuel d’information pour devenir “ une revue d’études et de confrontations ” et n’aurait plus la mention “ Organe de la Fédération anarchiste ”, “ ce qui ferait penser que la FA soit une organisation, mais plutôt une formule sans confusion possible ”. Les congrès seraient des colloques et ne prendraient plus de décisions, dont le seul objectif serait “ de permettre des confrontations. ” Le but est simple, “ c’est de laisser le terrain libre à une future organisation anarchiste révolutionnaire et à un journal de propagande qui ne soient concurrents ni à la FA ni au Monde libertaire. ”

Maurice Fayolle semble toutefois méfiant face aux éternels problèmes de la FA et émet les conditions nécessaires à l’adhésion : “ Cette future organisation ne serait pas une tendance organisée au sein de la Fédération –l’expérience a prouvé que c’était irréalisable- mais une organisation totalement autonome. ” Il n’oublie pas non plus les difficultés qu’il a dû surmonter depuis dix ans pour imposer ses vues, et appelle dans ce sens une “ confédération ” anarchiste qui ne risquerait pas d’engendrer les mêmes problèmes qui étaient apparus avec l’UGAC, car pour “ les partisans de l’actuelle FA, rien ne s’oppose à ce que (c’est d’ailleurs prévu dans les statuts) la tendance révolutionnaire s’organise et se dote de son journal. En principe, non, en réalité, il y a un obstacle majeur.

Si les anarchistes révolutionnaires créaient leur organisation AVANT que la FA se soit définie clairement comme un rassemblement inorganique de tendances et d’individualités, il y aura inévitablement rivalité entre les deux organisations. ” La première réunion du groupe “ Paris-Banlieue-Sud ” a lieu en octobre 1967, avec la composition suivante : Groupe Eugène Varlin (15ème et 7ème arrondissements), Jules Vallès (13ème et 5ème arrdts), Albert Camus (14ème et 6ème arrdts), Pierre Kropotkine, Durutti de Marseille, groupe de Versailles et plusieurs individualités dans lesquelles on retrouve Maurice Joyeux et Guy Malouvier. Parallèlement, la tendance devient une liaison des anarchistes révolutionnaires de France, qu’ils soient ou non membres de la FA : “ Cette liaison aura pour objectif d’étudier les possibilités de création d’une organisation spécifique anarchiste révolutionnaire structurée sur le double plan idéologique et organisationnel. Cette organisation sera totalement indépendante, mais non séparée de la FA dans la mesure où celle-ci se définira comme une union pluraliste. ”

La définition qu’en donne Maurice Fayolle, dans L’organisation libertaire, bulletin de liaison des anarchistes révolutionnaires, reprend trait pour trait ses analyses : “ Organisation parce que telle est la base immuable et nécessaire de toute action collective, concertée et orientée vers un objectif. Parce qu’il n’y a jamais et qu’il n’y aura jamais d’autres moyens, pour parvenir à des réalisations concrètes que de s’organiser, de se définir et d’orienter les activités dans une direction préalablement élaborée en commun. Anarchiste, parce que nous nous réclamons d’un socialisme antiautoritaire et fédéraliste dont, face à Marx et à Engels, Proudhon et Bakounine définirent les grandes lignes, tout en prophétisant avec une rare clairvoyance le bourbier tyrannique et sanglant où, un siècle plus tard, devait sombrer le socialisme autoritaire. Révolutionnaire, parce qu’on n’a pas trouvé d’autres termes pour d ”finir un changement dans l’ordre des choses et sue nous refusons l’ordre existant. Notre lutte n’a de raison et de sens que dans la perspective d’une transformation radicale des bases mêmes de la société, dans le sens d’un socialisme authentique qui fera de chaque individu un être libre et responsable. ”

Le problème majeur qui se pose à l’anarchisme reste le même : c’est cette tendance qui l’éloigne des luttes révolutionnaires en prônant l’éducation et l’éthique. Michel Cavallier reprend la distinction de Fayolle entre morale et attitude anarchiste, ferment de la stagnation du mouvement : “ Pour certains, l’anarchisme se résume à une manière de vire et l’action-lutte n’est là que pour entretenir une espérance que l’on sait vaine et tenter de se créer un petit monde à part, où grâce à des artifices de toutes sortes on arrive à se persuader que l’on représente quelque chose dans la médiocrité universelle. C’est à l’anarchiste, au sommet de sa montagne, qui indique les sentiers caillouteux qui mènent lui, en évitant que trop de monde y parvienne à la fois de peur que des pieds trop nombreux n’écartent les cailloux du chemin et ne rendent celui-ci moins pénible à l’homme. ”

Les mois qui précèdent l’explosion de mai, voient donc l’esquisse d’une tendance révolutionnaire organisée au sein de la FA, selon les vœux émis par Fayolle dix ans plus tôt. Pourtant, les conditions émises par Fayolle ne sont pas encore précisées dans la FA. Les événements de mai changent la donne et devant l’urgence de la situation, la tendance Organisation Anarchiste Révolutionnaire est consacrée, notamment par la distribution d’un tract signé ORA. L’émergence d’une situation révolutionnaire en France contraint les anarchistes révolutionnaires à précipiter la constitution de leur tendance, sans attendre que la FA se soit déclarée comme une confédération. Dans un deuxième temps, Guy Mallouvier, chargé de la Commission préparatoire au congrès international, appelle une nouvelle fois les militants à faire un choix. A la veille du congrès, son exaspération est à son comble, les discussions autour de Carrare “ m’ont persuadé qu’il était incontestablement profondément utopique d’entreprendre un travail quelconque à l’intérieur des structures actuelles (si l’on peut employer ce terme) de la Fédération anarchiste. Par contre, notre bonne vieille FA est admirablement aménagée pour celui ou ceux qui, investis d’une responsabilité, trouvent agréable ou habile de n’y rien entreprendre, se contentant d’être, comme les statuts le leur demandent, d’hypothétiques boîtes aux lettres. ”

Mallouvier, présent à la première réunion de la tendance “ Paris-Banlieue-Sud ”, s’exaspère devant l’inefficacité évidente de la FA. Sa critique est à mettre dans la même optique que celles émises par la tendance : “ Je crois qu’une révision et une transformation des structures est aujourd’hui, rendue nécessaire par l’évolution des rapports de force à l’intérieur même de notre fédération. Je pense donc qu’il stérile, parce qu’il n’existe pas de terrains d’entente, de solutions signifiant autre chose comme l’immobilisme, la léthargie idéologique et la mort, de poursuivre l’expérience d’une cohabitation illusoire entre les idées que je peux avoir et, par exemple, les armandistes marseillais. ”

Cette prise de position largement en faveur de constitution de tendance organisée trouve, comme les critique depuis 1953, son origine dans la critique de l’humanisme libertaire, cette morale qui contraint les militants et qui sclérose le mouvement : “ Ces crises périodiques sont dues en partie, à un malaise profond, réel, que ressentent presque uniquement les socialistes libertaires, la sensation de s’être fourvoyés au milieu d’humanistes, respectables certes, mais dépourvus de toute dynamique révolutionnaire, qui opposent victorieusement leurs théories pacifico-évolutionnistes et individualistes aux conceptions des révolutionnaires anarchistes, qu’ils traitent au mieux d’utopistes (Bontemps), ou au pire de dictateurs (Armand). ”

Après ces réflexions, il semble qu’une nouvelle fois la FA soit divisée en “ tendances ” opposées sur les méthodes tactiques et organisationnelles. La formation après mai 1968, de deux tendances hostiles et favorables à la participation au congrès de Carrare, renforce les positions entrevues plus haut. La intention d’y participer, les dissensions redoublent. Dans son ensemble, le mouvement international est assez hostile au leader de Nanterre, on ne lui pardonne pas son rôle dirigeant ni les questions embarrassantes qu’il pose au mouvement. La FA convoque ainsi un congrès extraordinaire les 29 et 30 juin 1968. Aussi, adopte-t-on le principe de l’envoi de deux délégations. L’une serait la représentation des groupes favorables au congrès et à l’Internationale ( Guy Mallouvier, Michel Cavallier, Maurice Joyeux), l’autre serait hostile aux dites assises (René Bianco, Aristide Lapeyre). Les membres de la région Paris-Banlieue-Sud se retrouvent parmi les partisans de la participation au congrès international.

Le congrès de Carrare s’ouvre le 31 août 1968. Néanmoins, ce congrès est le fruit du travail d’un certain nombre d’organisations qui n’ont pas participé aux événements de mai (FA ibérique, Union des anarchistes bulgares, FAI). Le mouvement français semble quant à lui s’être cristallisé pendant et après les événements. Une profonde cassure s’est faite entre les éléments traditionnels du mouvement (FA et ORA) et Cohn-Bendit et ses camarades. Chacune de ces tendances estiment avoir joué le rôle “ fondamental ”. Carrare sera le champ clos où vont s’affronter “ spontanéistes ” et “ organisationnels ”. l’élément essentiel de discussion porte dès le début sur la nature du spontanéisme. La polémique essentielle ne surgira pas de ceux qui protestaient au nom de la pureté des principes, mais de ceux qui nient ces mêmes principes. La contestation, incarnée par Daniel Cohn-Bendit, est une contestation globale à l’égard de l’anarchisme institutionnel et traditionnel, et vise à substituer à celui-ci de nouveaux concepts. La rupture qui se produit n’a pas lieu entre organisations, mais entre militants. Si dans un premier temps le but essentiel est d’éviter tout affrontement …physique entre congressistes, Cohn-Bendit arrive ensuite à exposer ses thèses sur le spontanéisme qui caractérise le “ nouvel ” anarchisme : “ Pourquoi nous dresser contre la marche de ce congrès ? Parce qu’il tourne le dos à la spontanéité qui est, selon nous, la clef de la révolution. (…) Nous disons que vous êtes dans l’erreur, car ce n’est pas en vous enfermant, en jetant des exclusives, en poursuivant l’éternel débat entre Bakounine et Marx, que vous ferez avancer la cause de la révolution. Pour nous le problème n’est pas entre marxisme et anarchisme. Il est de découvrir et mettre en œuvre les nouvelles méthodes les plus radicales en vue de la révolution. ”

Les vues de Cohn-Bendit sont rejetées ; cette prise de position démontre un réel antispontanéisme des militants traditionnels, au nom de l’antimarxisme. Pourtant, cette volonté marque dans une certaine mesure le vide idéologique du congrès, à la grande déception de la tendance organisationnelle de la FA : “ Ce congrès, au lieu d’être un congrès d’anarchistes menant une lutte actuelle et désirant s’inscrire dans les nouvelles données économiques et politiques, laissant cela aux néo-marxistes “ cohn-bendistes ”, a laissé passer la chance qui s’offrait au mouvement anarchiste mondial de jouer un rôle qui lui revient à cause de son refus de s’adapter aux données nouvelles. ”

Il n’existe pas de compte-rendu des motions acceptées pendant le congrès. On se basera sur le récit du Monde libertaire. La troisième motion apparaît aux yeux des congressistes comme primordiale : “ Il est nécessaire de préciser que l’anarchisme et le marxisme sont complètement différent et opposés dès l’origine, et qu’on ne peut envisager u bon marxisme avec lequel nous pourrions trouver des terrains d’entente et nous allier. L’application actuelle du marxisme n’est pas une déviation, c’est le marxisme dans sa réalité. Vouloir mélanger l’anarchisme et le marxisme c’est méconnaître profondément l’anarchisme, en avoir une vue superficielle. ” Il paraît inutile de préciser et d’expliquer les motivations et les raisons qui ont conduit la délégation française à insister sur cette motion. Les autres motions concernent la jeunesse, la religion et la faim dans le monde. Le congrès de Carrare est-il un échec ? Il a semblé en tout cas incapable d’une remise en cause de sa tradition et a montré son incapacité à résoudre une situation politique. Mai 1968 et Carrare apparaissent comme le double visage d’un même échec. Le mouvement libertaire rate l’occasion d’une confrontation générale et la possibilité de démontrer l’actualité des ses réflexions.
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Re: 1er Congrès de l'IFA - Carrare - 1968 - textes + MP3

Messagede Alayn le Mar 14 Sep 2010 04:18

Bonsoir !
"... vouloir mélanger le marxisme et l'anarchisme, c'est méconnaître profondément l'anarchisme, en avoir une vue superficielle...".
Cette phrase est excellente et tellement criante de vérité !
Salutations Anarchistes !
"La liberté des autres étend la mienne à l'infini"
Michel BAKOUNINE
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Re: 1er Congrès de l'IFA - Carrare - 1968 - textes + MP3

Messagede vroum le Dim 17 Fév 2013 02:42

Aux côtés de militants actifs il y a un anarchisme invisible, qui explose en
certains individus et s’affirme en certains moments de la vie des sociétés,
se révélant dans les cas d’objection de conscience, d’action directe
spontanée, d’anticonformisme, de critique de la bureaucratie des
institutions, de l’autorité de l’État, de l’omniprésence des hiérarchies, de
l’injustice des lois, de la solidarité envers ceux qui souffrent, etc.


Ces fragments d’anarchisme disséminés par-ci, par-là, constituent un
phénomène révélateur de la présence constante de l’anarchisme dans l’homme,
l’actualité des idées anarchistes dans la société, la validité d’une
internationale coopérante, agissante, qui n’a pas besoin du nombre mais de
la qualité des militants, qui, par une vie exemplaire dans la vie des
groupes et des fédérations servent de pôles d’attraction aux consentements
et aux adhésions pour une action convergente où se forment et se soudent
entre elles les forces anarchistes actives dans chaque pays du monde,
au-delà fraternellement de toute divergence antérieure, de toute dissension
marginale.

-> Fédération Anarchiste italienne

extrait du "discours d'ouverture"



=> accastillage :

***********

http://is.gd/nfZ9Ys

ou

http://archive.org/details/1erCongrsDeLinternationaleDesFdrationsAnarchistes-Carrare1968


# nutriment : mp3 ou ogg

# écoute directe en ligne
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Re: 1er Congrès de l'IFA - Carrare - 1968 - textes + MP3

Messagede vroum le Mar 12 Mai 2015 11:53

vient de paraître aux Editions du Monde libertaire (FA).
1968, Le congrès de Carrare. Création de l'Internationale des Fédérations anarchistes

Le congrès de Carrare est celui qui a fondé l'IFA en 1968.

Ce livre est un document historique. Il contient la transcription
d'interventions enregistrées, les analyses faites par des camarades dans les semaines qui suivirent, des extraits de la presse italienne relatant le congrès... et aussi un CD audio des interventions au congrès avec Georges Balkanski (Bulgarie) ; Michel Cavallier (France-Espagne) ; Daniel Cohn-Bendit (France) ; Alfonso Failla (Italie) ; Maurice Joyeux (France) ; Jean-Jacques Lebel (Suisse) ; Guy Malouvier (France) ; Umberto Marzocchi (Italie) ; Federica Montseny (Espagne) ; Masamichi
Osawa (Japon) ; Domingo Rojas (Mexique).

Le congrès de Carrare : 248 pages + CD audio. 17 €

disponible à la librairie Publico, 145 rue Amelot, 75011 Paris.
http://www.librairie-publico.com/

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