L'organisation de l'économie dans une société anarchiste
Motion adoptée au 1er congrès de l'Internationale des Fédérations anarchistes réuni à Carrare les 31 août et 1, 2, 3, 4 et 5 septembre 1968
Motion-étude sur le sixième thème de l'ordre du jour du congrès international anarchiste (Carrare, août-septembre 1968)
Utopie ou réalisme
Il importe de nous poser d'abord la question de principe: est-il nécessaire et opportun de présenter, d'une façon plus ou moins précise, l'organisation de la société à venir ? Les libertaires répondirent toujours par l'affirmative, et tentèrent de scruter l'avenir. Les marxistes, par contre, refusèrent d'aborder le problème, dissimulant leur manque d'idéal et d'imagination derrière un soi-disant matérialisme historique et nous qualifièrent d'utopistes.
En réalité, il n'y a de meilleur réalisme que celui des révolutionnaires qui, en critiquant la société actuelle, avancent une idée précise de celle qui doit la remplacer.
Kropotkine écrivait dans « La science moderne et l'anarchie » « Aucune lutte ne peut avoir de succès, si elle reste inconsciente, si elle ne se rend pas un compte concret, réel, de son but. Aucune destruction de ce qui existe n'est possible, sans que, déjà pendant la période de destruction et des luttes menant à la destruction, on ne se représente mentalement ce qui va prendre la place de ce qu'on veut détruire. On ne peut pas faire une critique théorique de ce qui existe, sans se dessiner déjà dans l'esprit une image plus ou moins nette de ce que l'on voulait voir en lieu et place de ce qui existe. Consciemment ou inconsciemment, l'idéal - la conception du mieux-être - se dessine toujours dans l'esprit de quiconque fait la critique des Institutions existantes »
Révolution sociale et libertaire indispensable
L'organisation de l'économie à orientation et finalité libertaire, ainsi que son développement, nécessitent un changement radical du système capitaliste et du système communiste étatique imprégné des principes marxistes-léninistes. Ce changement implique nécessairement : - abolir et dépasser ces deux systèmes ; - jeter les bases fondamentales de la nouvelle économie et de la société anarchiste ou du vrai socialisme en marche vers celle-ci.
Pas plus la société anarchiste que la société communiste libertaire ne se réaliseront par enchantement en un jour, ni de façon synchronisée sur le plan mondial, à une phase donnée de l'histoire universelle. La révolution ne sera pas au même niveau dans un pays et à plus forte raison dans tous les pays à la fois. Elle ne pourra pas non plus être uniforme, faite sur un type unique, les conditions géographiques, ethniques, démographiques ainsi que l'état de développement de l'industrie, des richesses naturelles, l'existence ou non de matières premières, les possibilités agricoles, la mentalité, la culture... etc., influeront dans les différentes constructions de cette révolution, et cela, malgré l'orientation libertaire. En effet, selon son implantation, en plus des différences possibles déjà notées, le système apparaîtra dans chaque pays sous des aspects multiples et divers, à la recherche Incessante d'une perfection et d'un équilibre harmonieux.
Il n'en reste pas moins que les caractéristiques essentielles de la société anarchiste ainsi que les moyens et procédés pratiques et efficaces pour y arriver, doivent se manifester avec clarté et vigueur - pour avoir prise sur la réalité - des aujourd'hui en vue d'éclosions futures.
Les buts de la nouvelle économie libertaire et de la Société anarchiste doivent être la liberté et le bien-être de tous, dans un milieu d'égalité social et de solidarité humaine.
- Pour les réaliser, l'Etat doit nécessairement disparaître, ainsi que toute dictature, fut-elle transitoire. Il faut supprimer toutes les Institutions autoritaires du capitalisme, de la propriété privée, tous les procédés d'exploitation et d'oppression de l'homme par l'homme, les classes sociales, hiérarchies, privilèges, ainsi que le salariat.
Bien sûr que, malheureusement, la révolution sociale rencontrera des grands obstacles dans un pays, mais elle doit aller Immédiatement au fond des choses, surtout dans le domaine économique. (Elle doit se préoccuper surtout de l'organisation du travail et de la société). Il faut faire passer dans la réalité de tous les jours le maximum de réalisations libertaires donnant ainsi un certain nombre d'idées et d'initiatives importantes qui se développeront par la suite.
Le leitmotiv doit être pain, liberté, habitation, culture et loisirs pour tous.
« De chacun selon ses moyens et à chacun selon ses besoins».
Il faudra détruire tous les obstacles intérieurs qui s'opposeront à la libre organisation de la Société nouvelle. Il ne faudra pas beaucoup compter sur la solidarité révolutionnaire mondiale pour appuyer une révolution dans quelque pays que ce soit, surtout si elle se présente comme anarchiste. Toute aide des blocs mondiaux prédominants sera évidemment un effort de satellisation.
De plus il faut compter sur le fait qu'un changement révolutionnaire profond produit une période de marasme économique, de tâtonnements, de réajustement des structures, tout cela mettant à l'épreuve la capacité révolutionnaire du pays, surtout dans ses qualités à construire.
Assurer l'existence et le libre fonctionnement de la société
Dès le premier moment, il est nécessaire d'assurer la production, l'investissement le ravitaillement, la productivité sans exploiter le producteur, sans le maintenir soumis à des journées de travail épuisantes.
Le triomphe immédiat de la révolution sociale et sa consolidation, dépendra pour beaucoup de la capacité révolutionnaire et libertaire des travailleurs (capacités sociales, économiques, culturelles et idéologiques).
Le facteur essentiel de l'ordre nouveau doit être l'homme libre et conscient de lui-même.
Aucun type d'économie actuelle ne convient à l'anarchisme. Notre finalité est de vivre en liberté et de faire tout pour quo tous -les êtres puissent en jouir, à égalité de conditions. La seule limite étant ce que la terre, la nature et l'effort solidaire des hommes pourront fournir.
Conception de l'anarchisme social
Pour les mêmes raisons, notre conception du socialisme intégral est simple et non exhaustive, ni uniforme dans ses possibilités et modalités pratiques. Et si nos préférences vont vers le communisme libertaire, comme système ouvert et perfectible, nous ne refusons systématiquement - mis à part, bien sûr, les régimes bourgeois et totalitaires - aucun autre mode d'organisation sociale, qui peut être de type mutualiste, collectiviste, coopératif, pourvu qu'ils éliminent toute exploitation de l'homme par l'homme.
La liberté d'expérimenter différents systèmes économiques dans une société en voie de transformation, selon les principes anarchistes, doit être assurée sous condition qu'une planification librement et fédérativement élaborée et -librement consentie, garantit la production des biens nécessaires et le fonctionnement normal des services essentiels, afin de satisfaire les besoins de tous selon les possibilités de l'époque.
Liberté d'expérimentation
L'expérimentation et la coexistence de différents types de socialisation, sont
mutualiste (Proudhon) ;
collectiviste (Bakounine-Mella) ;
communiste (Kropotkine-Malatesta) ;
coopérativiste (non commercialisée).
A n'importe quelle échelle, peut être possible dans le système libertaire à condition de respecter le principe anti-autoritaire qui a pour corollaire l'autonomie, le fédéralisme et la solidarité.
D'un point de vue libertaire, cela est particulièrement logique puisque sa pensée est que Me formes sociales ne doivent pas stagner et qu'aucune structure économique ne peut être considérée comme définitive et immuable.
Créer toujours les conditions optimales pour le plein développement de la personnalité humaine, telle doit être l'orientation et le but de la société anarchiste.
Esquisses sociales et économiques de la pensée libertaire
L'économie ne peut se développer sans base sociale. Les nécessités de la vie en société font que les hommes se voient dans l'obligation de chercher un principe régulateur, pour la rendre au moins compatible. Il faut donc un pacte ou un contrat librement consenti, accepté librement et consciemment, et appliqué de la même manière.
Dans la conception anarchiste - du moins celle qu'admet la base organisatrice par pacte libre - le communisme libertaire est le système le plus adapté au développement d'une société voulant vivre sur les principes précédemment cités.
Base de la nouvelle société : la commune libre
« L'idée de communes indépendantes pour les groupements territoriaux, et de vastes fédérations de métiers pour les groupements par fonctions sociales - les deux s'enchevêtrant et se prêtant appui pour satisfaire les besoins de la société - permit aux anarchistes de concevoir d'une façon concrète, réelle, l'organisation possible d'une société affranchie. Il n'y avait plus qu'à y ajouter les groupements par affinités personnelles - groupements sans nombre, variée à l'infini, de longue durée ou éphémères, surgissant selon les besoins du moment pour tous les buts possibles - groupements que nous voyons déjà surgir dans la société actuelle, en dehors des groupements politiques et professionnels.
Ces trois sortes de groupements, se couvrant comme un réseau les uns les autres, arriveraient ainsi à permettre la satisfaction de tous les besoins sociaux la consommation, la production, et l'échange; les communications, les arrangements sanitaires, l'éducation; la protection mutuelle contre les agressions, l'entr'aide, la défense du territoire; la satisfaction, enfin, des besoins scientifiques, artistiques, littéraires, d'amusement. Le tout - toujours plein de vie et toujours prêt à répondre par des nouvelles adaptations aux nouveaux besoins et aux nouvelles influences du milieu social et intellectuel.
Si une société de ce genre se développait sur un territoire assez large et assez peuplé pour permettre la variété nécessaire des goûts et des besoins, on s'apercevrait bientôt que la contrainte par l'autorité, quelle qu'elle soit, y serait inutile ».
Pierre KROPOTKINE (« La Science Moderne et l'Anarchie »).
La cellule vivante de la nouvelle organisation sociale libertaire, en plus de l'individu, du groupe, de la collectivité, du syndicat, est pour noue, te commune libre.
La commune libre, constituée par tous et par chacun des citoyens, peut jouer un rôle de coordination sociale générale, du point de vue purement administratif, non pas un rôle de pouvoir ou d'institution politique,, mais au contraire de service social, dans le secteur local. Ses fonctions doivent se conformer aux accords et décisions prises par les assemblées communales libres sur assentiment commun. On doit arracher tout autoritarisme et toute bureaucratie de l'organisation communale.
Des fédérations communales et nationales de communes libres pourront se constituer sur le plan général d'un pays ou d'une zone géographique et ethnique déterminée; elles pourront se confédérer internationalement.
La commune ne doit en aucune manière posséder le pouvoir politique; encore moins militaire, celui-ci devant disparaître totalement. Elle ne doit même pas détenir le pouvoir révolutionnaire, Tout pouvoir politique doit être aboli et nul ne doit l'exercer. Il ne doit pas y avoir non plus dans la Commune de propriété économique qui fasse de ses limites géographiques ni de ses bornes historiques un champ clos ou un fief. Toute commune doit être ouverte à la solidarité. Elle doit se pratiquer, la recevoir aussi, se fondant sur le principe qui veut que toute richesse naturelle, crée ou fabriquée, tout produit, outil ou matériel, constituent un patrimoine commun qui reste à la disposition de tous. La jouissance de ce patrimoine n'est réglée que par les normes collectives établies librement et collectivement.
Du syndicat révolutionnaire et de ses fonctions
L'organisme qui dans la société socialiste peut le mieux assurer l'organisation du travail, est le syndicat de caractère syndicaliste révolutionnaire, constitué par les travailleurs libres de l'industrie, de la terre, de la mine, des laboratoires, des centres de recherche, par ceux des branches techniques spécialisées. Les syndicats, groupés par branches d'industrie, en fédérations locales, communales, régionales et internationales, et administrant directement; sous leur contrôle conscient, fabriques, ateliers, exploitations agricoles, mines, chantiers navals, instituts scientifiques et technologiques, sont des organismes capables d'assurer la production de tous les articles et éléments indispensables à la société et à ses composants, en fonction des besoins qui se feront sentir et qui se présenteront, l'objectif poursuivi étant, bien entendu, la création de l'abondance par la participation de chacun à l'effort commun, selon ses forces et ses capacités, sans l'exploitation de personne et sans privilège aucun. Toutes les ressources matérielles, économiques et techniques, les produits manufacturés, les produits agricoles, maritimes, le cheptel, etc., devront être mis à la disposition de tous, par l'intermédiaire des organismes adéquats, pour la distribution, le change et la répartition les plus justes.
Les fédérations de syndicats pourront se former par catégories de production, soit industrielle, agricole, etc., ou par services publics : postes, téléphones; transports et autres.
La révolution sociale, avec la disparition de la bourgeoisie et des structures capitalistes et autoritaires, devra établir un ordre économique nouveau, ordre qu'implique forcément d'autres modalités de travail, des règlements nouveaux des fabrications, des reconversions professionnelles, des spécialités distinctes de production.
Les syndicats par profession ou industrie ne devront disposer d'aucun pouvoir politique; ils ne devront posséder aucune fabrique, machine, aucun produit fabriqué. On ne doit pas laisser germer la propriété corporative dans la société anarchiste ou communiste libertaire.
L'autogestion doit avoir pour travail fondamental d'organiser la meilleure et la plus rationnelle organisation du travail et de la fonction productive, contrôlée par un sentiment élevé de responsabilité Individuelle et professionnelle consciente et volontaire.
Les comités ou commissions d'autogestion de l'usine, de l'entreprise de l'atelier ou de la collectivité productrice, doivent être nommés directement par le personnel même de l'usine; elles doivent être révocables à tout instant et renouvelées fréquemment. On doit débusquer la bureaucratie en tous les endroits où elle peut s'implanter. Il ne faut jamais donner non plus de pouvoir de commandement au personnel technique ou qualifié de la spécialité concernée.
Nous sommes opposés au principe de « tout le pouvoir aux syndicats ; nous nous refusons aussi à donner le commandement à un technicien ou spécialiste chargé de la responsabilité d'une tâche. En effet, celui-ci doit considérer les autres travailleurs sur un plan d'égalité morale et effective, comme homme et producteur, coopérant dans une entreprise commune au service du bien général.
Sur le salaire ou rémunération
Si nous, anarchistes, avons pour but de supprimer l'exploitation de l'homme par l'homme, d'abolir les classes et le salariat, nous ne pouvons, par simple logique de pensée, maintenir un type de salaire et de catégories salariales pour le travail effectué.
Les problèmes posés par la suppression du salariat sont nombreux et variés. Chercher les procédés de rémunération par unité ou spécialité du travail, ne serait pas non plus une solution libertaire et encore moins compatible avec un haut sentiment de justice et de solidarité humaine.
Partant de ce raisonnement, nous sommes partisans de l'application du principe : « de chacun selon ses forces, à chacun selon ses besoins ». Nous considérons en effet que le travail de chacun donne droit à la satisfaction des nécessités personnelles; il permet de se procurer librement ce qui est Indispensable à chaque personne, dans les magasins, coopératives ou centres de distribution.
Le fait d'être travailleur ou producteur - comme les malades, invalides, vieillards ou enfants - donnera et permettra de bénéficier de tous les services communs. La socialisation de ces services, comme ceux de l'habitat, de la santé, des loisirs et des spectacles doit être considérée comme une des formules les plus accessibles pour atteindre ce but.
Chaque être humain valide doit être assuré d'une place, d'un emploi dans l'organisation commune ou collective du travail. Ceci est un droit inaliénable reconnu et établi par la société anarchiste, par la nouvelle organisation sociale communiste libertaire.
Distribution et consommation
L'organisation sociale, que nous détendons et que nous préconisons, ne saurait avoir pour but un bénéfice Industriel ou commercial, monopolisé par un groupe, un clan, une entité ou un organisme quelconque. Elle recherche, au contraire, le bien commun, à l'intérieur de la fédération ou des associations de travailleurs libres et solidaires.
D'un autre côté nous convenons que les formes et les mécanismes économiques de la société anarchiste ne doivent pas s'encastrer dans une armature rigide dans un régime monolithique aux structures inamovibles.
Respectant le principe fondamental de la non-exploitation de l'homme par l'homme, de la communauté des richesses, des biens, des terres, des machines et des produits, tout doit être mis à la disposition de chacun et de tous.
Ainsi le pain, la culture, la liberté ou l'indépendance dans l'union et dans la solidarité, resteront mieux garantis et mieux assurés pour tous.
La distribution générale coordonnée et détaillée de produits agricoles et manufacturés pourra être assurée par les associations ou les fédérations de consommateurs, à partir de magasins d'approvisionnement et de fournitures en gros, dans lesquels les syndicats de production et les collectivités pourront déposer leurs produits.
La distribution au détail, exempte de tout mercantilisme, sera assurée par les coopératives de consommation et par les économats et centres qualifiés.
Organismes de la révolution : les collectivités
Les collectivités de production et même les collectivités mixtes de production et de consommation, surtout dans le domaine agricole, peuvent jouer un rôle important parmi les facteurs efficaces de développement de la nouvelle économie, en tant qu'organismes vitaux fonctionnant sur le principe de la libre coopération dans la nouvelle économie solidaire, sans mercantilisme ni concurrence.
Jusqu'à aujourd'hui, sur le plan expérimental, on peut citer, comme exemple pratique et efficace de la réalisation collectiviste-communiste, les collectivités de type libertaire durent la révolution espagnole; dans une situation donnée de transcendantal réalisme historique, elles se révélèrent être des organismes efficients pour assurer le développement économique d'un pays, surtout lorsqu'elles purent fonctionner do concert avec les syndicats et autres organismes communaux, complémentaires les uns des autres, et taisant face réunis eux besoins économiques et sociaux de la nouvelle société.
Conseils économiques et sociaux
Pour compléter les informations et les actions nécessaires au bon fonctionnement de cette économie, on peut adjoindre à ces collectivités des conseils d'économie sur les plans locaux, régionaux et nationaux. Le tout débouchant sur le conseil général de l'économie nationale fédérée. Ces organismes permettant une organisation plus parfaite, une meilleure coordination des renseignements sur des expériences nouvelles et de plus grandes possibilités pour le développement économique et l'exploitation de nouvelles richesses en commun :
Les conseils économiques n'auraient qu'une mission consultative et de recherche, et non exécutive; - les membres de ces conseils, qui pourraient être appelés conseils sociaux et économiques, seraient désignés à type temporaire et seraient révocables. Ils pourraient être désignés par la commune, les syndicats, les coopératives et centres de consommation, les organismes techniques et culturels.
Les conseils sociaux et économiques pourraient être les suivants : alimentation, habitation.habillement, production, agricoles, mines, pêche, transports, communications presse, librairie, industrie métallurgique et sidérurgie, eau, électricité, forces hydroélectrique et nucléaire, industries chimiques et les diverses branches de la verrerie et céramique, du bols, de la construction, de la santé, de la culture, arts et loisirs, sciences, investigations, techniques, échanges, relations extérieures, importation et exportation. Tous ces conseils formant avec ces diverses ramifications, sans aucun centralisme, un conseil général de coordination et solidarité.
Ce Conseil fonctionnerait par action d'en bas, de la base sur le haut, et n'aurait aucune fonction exécutive.
Il est bien entendu que cette liste de conseils n'est pas exclusive et que selon les besoins des diverses spécialités seront créés les conseils nécessaires; tout cela se faisant d'un commun accord entre les intéressés, directement et sans aucune obligation.
Considérations générales
En ébauchant cette série de formules, nous avons eu pour souci principal d'éviter les influences des réminiscences autoritaires, les tendances centralisatrices et le désir de donner à la liberté, à l'autonomie, un contenu vivant, structuré, fonctionnel, pratique et stimulateur pour un incessant progrès.
Nous prenons comme fondement de la dynamique sociale l'être humain, considéré comme unité autonome associée volontairement à la communauté.
Dans les étapes de réalisation du communisme libertaire, alors que la production n'a pas atteint une cadence suffisante, il y aura lieu évidemment de réaliser l'indispensable régulation de la distribution qui devra être la plus rationnelle et la plus juste possible.
On peut aussi garder, pendant un certain temps, un système de rémunération, mais à condition qu'il soit égalitaire, car sinon les égoïsmes, les inégalités resurgiraient et, à la longue, on tomberait fatalement dans les injustices, les rancunes et recréerait les inégalités.
L'existence de l'argent, si controversée, doit se terminer.Et en établissant un système de bons, on doit éviter la centralisation dans un organisme de type bancaire. Ces bons, émis par la Commune, ne doivent pas avoir une valeur d'acquisition générale.
Il faut éviter l'accumulation, de quelque nature qu'elle soit - accumulation d'une commune, d'une collectivité ou d'une entreprise plus puissante, d'une région plus développée - ainsi que la centralisation et la monopolisation.
Lorsque la nécessité d'un plan économique général se ferait sentir, il ne pourrait se réaliser qu'après accord de toutes les parties intéressées. Car si la volonté générale s'imposait et se manifestait, avec I'omnipotence d'un pouvoir effectif et indiscutable, on créerait de cette manière-là les conditions pouvant alors donner un nouveau régime d'oppression, et la révolte surgirait alors comme réaction
défensive inévitable.
La société doit être comme un organisme vivant dans lequel les cellules, tous les organes accomplissent leurs fonctions, pour assurer la vie. Mais avec la différence essentielle que dans cet organisme social l'homme se manifeste de façon autonome, contribuant par son Individualité à l'enrichir et à le vitaliser et de plus à lui donner conscience avec son intelligence, sa raison et ses connaissances: en lui donnant en plus un développement harmonieux et ascendant.
Loin de nous, l'idée de définir de façon immuable les bases sociales éthiques et économiques de l'anarchisme. Mais nos définitions échappent au moins à un grand danger, en n'utilisant pas le mot politique, à cause des confusions auquel il se prête.
Nous savons bien que l'histoire ne suit pas une ligne ascendante et continue mais qu'elle avance de façon discontinue en résolvant ses contradictions. Les formes sociales et te développement de la pensée humaine se dépassent et se renouvellent ainsi sans arrêt la vie sociale et ses formes.
C'est la propre dialectique de la vie qui crée les germes qui font avancer l'humanité.
Conscients de cela, nous, anarchistes, nous luttons pour toutes les audaces sociales et nous maintenons vivant et actif l'esprit révolutionnaire. Nous ne traçons aucune limite à ce développement.
Proposition adoptée
Le congrès anarchiste adopte, dans le principe, pour la soumettre ensuite à l'avis des fédérations anarchistes des divers pays, la proposition de la nomination d'une commission ou la création d'un Centre international d'études sociales et économiques anarchistes, afin de compiler et de mettre à jour ce qui a été écrit de plus fondamental sur le thème « L'organisation de l'économie dans une société anarchiste ou durant l'étape de transition révolutionnaire vers l'anarchie ». Ainsi on pourrait recueillir les éléments proposés par tes diverses fédérations anarchistes, ceci afin de rechercher les solutions les plus adéquates à la transformation du monde en marche vers la société anarchiste.
Août-septembre 1968.