Vers un rapprochement entre CCI et CNT-AIT ?

Débats politiques, confrontation avec d'autres idéologies politiques...

Re: Vers un rapprochement entre CCI et CNT-AIT ?

Messagede pit le Mer 14 Juil 2010 13:49

C'est de la manipulation de terme ce que tu fais là, car il n'est pas question de gauche en terme de représentation politique, en terme de partis. Pour nous dire évidemment :
Jacquo a écrit:CQFD. Le projet d'AL est bien de soutenir et développer la gauche.

c'est pitoyable, et malheureusement c'est pratique courante dans votre sphère.

Sur les collectifs, il est où l'enjeu, et qu'est-ce que je dis ?
Il me semble être clair pourtant. D'autre part tu évacues toute la question d'importance sur comment faire front, parce qu'il le faut, quand il le faut. Et localement le Collectif AL 37 s'est retiré dans un premier temps du collectif retraite naissant parce que des militants NPA avaient par le biais de Solidaires contruit une base à minima floue, pour que le PS rentre. Nous avons dénoncé celà, comme les positions du PS, et le fait que l'on puisse partager avec ce parti. Cela à fait du foin dans solidaires, et même au NPA d'ailleurs, et toutes les revendications sont maintenant bien en vues. Le PS n'est pas rentré, et nous y sommes retournés.

Tu opposes deux choses, deux conceptions dirais-tu, ensuite, qui se pratiquent, en tout cas dans mon coin, puisque j'ai dis qu'à trois reprises, et nous* recommencerons évidemment, nous avons lancé des espaces d'auto-organisation et d'unité à la base, de personnes et non d'appareils. Il en a été fait état sur ce forum avec une sorte de répertoriage des initiatives qui se prenaient dans ce sens dans différentes villes. A aucun moment je n'ai vu de militants de la cnt-ait en être. En fait à part se situer dans ce que j'appelle des intentions, comme on le voit là, et l'incantation, la pratique fait en général défaut, et c'est d'ailleurs le trait de caractère commun avec le CCI. A ce sujet, il me semblerait intéressant que tu puisse développer le terme encore revendiqué d'anarcho-syndicaliste dans cette sphère qui justement ne le pratique pas vraiment.

*nous, ramène aux local, et à une partie des libertaires tourangeaux organisés (AL, CGA) ou non (une majorité d'ailleurs), qui arrivent à bosser et construire ensemble. C'est une tradition en touraine, ou il n'y a pas vraiment de culture du sectarisme. Même avec la planète "anarchoïde" et "totoïde" çà ne se tire pas dans les pattes publiquement.
Dernière édition par pit le Mer 14 Juil 2010 15:50, édité 1 fois.
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Re: Vers un rapprochement entre CCI et CNT-AIT ?

Messagede conan le Mer 14 Juil 2010 15:16

Jacquo, "la FA" ne veut pas dire grand chose quand tu attaques un positionnement que tu as pu constater chez certain-e-s de ses adhérents... je suis aussi à la FA, et les positions y sont variées. :wink:
"L'anarchie, c'est la victoire de l'esprit sur la certitude" Georges Henein
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Re: Vers un rapprochement entre CCI et CNT-AIT ?

Messagede Jacquo le Mer 14 Juil 2010 23:46

En effet, c'est vrai qu'à la FA les positions sont très variées voire variables. (les mauvaises langues diront tellement variées même que c'est cela qui l'empêche d'avancer :twisted: ) Bon trêve de plaisanterie, dans cette variété il ya tout de même si ce n'est une constante au moins un position largement partagée par beaucoup il me semble : le fait qu'on puisse participer (que ce soit en tant qu'électeur ou en temps que candidat ou même d'élu) aux élections profesionnelles ... Je me souviens d'ailleurs avec un certain amusement d'avoir collé des affiches pour la campagne "contre toute forme de délégation de pouvoir" lancée pa la FA en 2007 avec des compagnons de la FA qui étaient eux même élus DP dans leur boite.

Quant à Piero, quel maestro ! Tu nies ce qui est, et ce qui n'est pas tu l'inventes. Gerard majax not dead !

Ainsi, c 'est un hacker malicieux qui s'est amusé à pirater le site d'AL pour vous mettre à l'insu de votre plein gré le mot "gauche" dans le manifeste d'AL. Ah le salaud !

D'autre part tu évacues toute la question d'importance sur comment faire front,


Là encore bravo ! Tu ne vois que ce que tu veux voir, tu ne lis que ce que tu veux lire (mais c'est un phénomène psychologique bien connu). Alors STP relis bien ce qui a été écris : je n'évacue pas cette question. Je suis CONTRE l'idée de faire "Front" (de gauche ?).

La dernière fois que la CNT AIT a fait front, c'était en 1936, quand elle est rentrée dans le Front Populaire espagnol. Ca c'est plutôt mal terminé (au cas où tu ne saurais pas, il ya quelques bouquins écrits sur le sujet, tu peux toujours te documenter si tu en as la volonté). Depuis les anarchosyndiclaistes ont essayé d'en tirer un bilan, et il n'est pas spécialement favorable à l'idée de renouveler l'expérience. Mais on peut en parler sur un autre topic si tu souhaites qu'on approfondisse.


A aucun moment je n'ai vu de militants de la cnt-ait en être.


et pour cause ... pas plus que tu ne nous verra au grand prix de Diane, à la fête à Neuneu ou à la foire à la Choucroute de Neuville les mines.



En fait à part se situer dans ce que j'appelle des intentions, comme on le voit là, et l'incantation, la pratique fait en général défaut, et c'est d'ailleurs le trait de caractère commun avec le CCI. A ce sujet, il me semblerait intéressant que tu puisse développer le terme encore revendiqué d'anarcho-syndicaliste dans cette sphère qui justement ne le pratique pas vraiment.


Tu as raison. Je fais mon oeuvre de contrition. Nous ne faisons rien, sommes inexistants, n'agissons jamais et en rien, pauvres lombrics pathétiaues que nous sommes. Tiens ca me donne envie de chanter "montre nous le chemin toi qui le connait si bien". (sinon si tu veux vérifier par toi même, tu peux t'abonner à notre liste de diffusion : http://liste.cnt-ait.info pour être tenu au courant de ce que nous ne faisons pas. Je te rassure, il y a très peu de messages sur cette liste vu notre inactivité, donc ça n'encombrera pas ta boîte mail).

C'est une tradition en touraine, ou il n'y a pas vraiment de culture du sectarisme.

Fontenis est mort ? :twisted:

Même avec la planète "anarchoïde" et "totoïde" çà ne se tire pas dans les pattes publiquement.


tout est dans le publiquement ... Ca en dit publiquement beaucoup. Vois tu , ce que j'apprécie à la CNT AIT, c'est que quand ils ont des choses à dire ils préfèrent les leur dire publiquement plutôt que dans leur dos, pas comme une certaine sphère "libertaire" qui n'est pas sectaire ... publiquement.
Dernière édition par Jacquo le Mer 14 Juil 2010 23:51, édité 1 fois.
Alors tu peux bien te balader sur les forums pour cracher toute ta bile, pour moi ce n'est pas çà qui nous fera avancer, ni avancer le mouvement anarchiste qui peine déja seulement à exister.
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Re: Vers un rapprochement entre CCI et CNT-AIT ?

Messagede Nico37 le Mer 14 Juil 2010 23:51

Qui ça ? Fontenis ? Il est existant depuis 1995 :!: C'est pas plus mal d'ailleurs vu la teneur de ses derniers textes :mrgreen: ...
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Re: Vers un rapprochement entre CCI et CNT-AIT ?

Messagede Jacquo le Mer 14 Juil 2010 23:59

Certes mais il était existant avant. Si on nous parle de tradition, c'est à dire d'un temps long, Fontenis le tourangeau en fait partie ... et il est abondamment cité comme référence traditionnelle militante par AL ... dont il est toujours membre.

Or si il ya bien un monument de sectarisme le plus odieux, c'est quand même bien ses mémoires sur "l'autre communisme" où - un peu comme pierot ici - tous ceux qui ne pensent pas exactement comme lui sont des mous, des vaseux, des pathétiques, des dogmatiques, des parloteurs, des inactifs et j'en passe (il me semble me souvenir que la défunte revue "autonome" (?) Mordicus en avait fait une critique savoureuse en son temps).

C'est un livre édifiant, à lire. Un peu - dans un autre registre - comme terrorisme et communisme de trotsky, pour être vacciné à vie ...
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Re: Vers un rapprochement entre CCI et CNT-AIT ?

Messagede pit le Jeu 15 Juil 2010 00:04

tu fais que çà dans ta vie, toi, c'est clair ! :roll:
Et je passe sur la malhonèteté qui te caractérise. Et t'as bien raison, quand la réalité çà colle pas, autant la travestir. Et tant qu'à faire rajoutes en deux louches du même acabit et çà permet d'échapper à tout débat.

Fontenis, je ne l'ai pas beaucoup vu, il est plutôt retiré. Je n'ai pas toujours été à AL. Et il y a eu souvent des collectifs libertaires unitaires, aujourd'hui une association locale. Je comprend que cela tu as du mal à l'imaginer, le concevoir même dans cette culture du sectarisme qui confine à la caricature.

Allez un effort, expliques ta conception de l'anarcho-syndicalisme et parles nous de ta pratique dans ce domaine. Comme je l'ai un peu dit plus haut je ne suis pas anarcho-syndicaliste, parce que je pense que le syndicat ne se suffit pas en lui même, j'ai par contre des pratiques syndicales et extra-syndicales, et évidemment j'aime bien partager parce que c'est ce qui me fait avancer. N'oublies pas de parler de ce que tu sorts ici en intention sur la question de "l'autonomie ouvrière avec les comités de luttes et autres formes de conseils" dont tu parles plus haut, parce qu'évidemment c'est aussi quelque chose que je voudrais partager.
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Re: Vers un rapprochement entre CCI et CNT-AIT ?

Messagede lucas le Sam 17 Juil 2010 15:02

Au début de ce fil le camarade Antigone dit : « Faut-il n'y voir alors qu'une vulgaire stratégie d'appareils liée à des objectifs propagandistes limités et circonstanciés ou s'agit-il d'une évolution à plus longue vue qui verrait les révolutionnaires mettre leurs forces et leurs moyens en commun pour combattre le capitalisme ? »

Ce que le CCI pense souhaitable c’est que face à la situation actuelle, à la crise mondiale du capitalisme et aux attaques sans précédent contre la classe ouvrière, il y ait une volonté de mettre en commun des forces révolutionnaires avec des éléments qui se réclament du combat contre le capitalisme et qui sont dans une dynamique internationaliste.
Cela ne veut pas dire que nous soyons d’accord sur tout, la question c’est de développer un débat entre internationalistes qui veulent en finir avec le capitalisme. Notre souci c’est de développer un effort de clarification essentiel pour les combats à venir. Un effort de clarification qui doit aller au-delà des querelles de chapelles qui existent tant chez les anarchistes que chez les marxistes.

Voilà pourquoi nous avons répondu favorablement à l’invitation de la section CNT/AIT de Toulouse. Et notre volonté est que ce débat continue, en ce sens pour nous ce fil est également un lieu et un moment de ce débat.

Par ailleurs cette volonté de clarification est exprimée clairement dans le premier article d’une série que le CCI a publié dernièrement :

http://fr.internationalism.org/ri414/ga ... ommun.html

Lucas militant du CCI.
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Re: Vers un rapprochement entre CCI et CNT-AIT ?

Messagede Jacquo le Mar 20 Juil 2010 00:39

Cela ne veut pas dire que nous soyons d’accord sur tout, la question c’est de développer un débat entre internationalistes qui veulent en finir avec le capitalisme.


Est ce que dans cette volonté de débat le CCI inclut des groupes très intéressants comme perspective internationaliste ( ), controverses, ou même des groupes tels que la fraction du CCI, réseau de discussion de paris et autre ?

Il faut en effet élargir le cercle de discussion le plus largement possible. .. (même pierot est le bienvenu :-) )
Alors tu peux bien te balader sur les forums pour cracher toute ta bile, pour moi ce n'est pas çà qui nous fera avancer, ni avancer le mouvement anarchiste qui peine déja seulement à exister.
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Re: Vers un rapprochement entre CCI et CNT-AIT ?

Messagede pit le Mar 20 Juil 2010 02:37

Quand on me sonne...J'ai discuté souvent avec des membres du CCI, et de bien d'autres mouvements et pas que des micro-groupuscules, je ne vis pas dans un bocal comme un poisson. Si tu arrives à rassembler tout ce petit monde dans la même salle (çà peut tenir au fond d'un café) et parvenir à ce qu'il y ait un débat très interessant, et pas sur les virgules des textes saints, ou des appréciations des uns et des autres, à la virgule près selon les saintes écritures qui pour chacun prennent des dimensions différentes, que l'on arrive à parler des luttes autrement qu'en théorie, çà m'interesse, je suis toujours prêt à discuter avec tout le monde, même s'il est un fait que c'est plutôt avec ceux que je croise dans les luttes, dans la pratique, parce qu'au moins il y a un enjeu là. Et à ce propos, tu n'as pas répondu à mes questions.
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Re: Vers un rapprochement entre CCI et CNT-AIT ?

Messagede Antigone le Dim 1 Aoû 2010 09:21

CeMAB - 27 jul 2010
http://www.cemab.be/news/2010/07/9914.php

Gauche communiste et anarchisme internationaliste:
Ce que nous avons en commun...

par le Courant Communiste International

Depuis trois ans environ, certains individus ou groupes anarchistes et le CCI ont fait tomber quelques barrières en osant commencer à discuter de façon ouverte et fraternelle. L’indifférence ou le rejet réciproque, a priori et systématique, de l’anarchisme et du marxisme a fait place à une volonté de discuter, de comprendre les positions de l’autre, de cerner honnêtement les points de convergence et de divergence.

Au Mexique, ce nouvel état d’esprit a permis la rédaction commune d’un tract signé par deux groupes anarchistes (le GSL et le PAM (1)) et une organisation de la Gauche communiste (le CCI). En France, tout récemment, la CNT-AIT de Toulouse a invité le CCI à réaliser un exposé introductif à l’une de ses réunions publiques (2). En Allemagne aussi, des liens commencent à être tissés.

Sur la base de cette dynamique, le CCI a entamé un véritable travail de fond sur la question de l’histoire de l’internationalisme au sein de la mouvance anarchiste. Nous avons ainsi publié au cours de l’année 2009 toute une série d’articles intitulée “Les anarchistes et la guerre” (3). Notre but était de montrer qu’à chaque conflit impérialiste, une partie des anarchistes avait su éviter le piège du nationalisme et défendre l’internationalisme prolétarien. Nous y montrions que ces camarades étaient parvenus à continuer d’œuvrer pour la révolution et le prolétariat international alors qu’autour d’eux se déchaînaient le chauvinisme et la barbarie guerrière.

Quand on connaît l’importance que le CCI attache à l’internationalisme, véritable frontière délimitant les révolutionnaires qui luttent réellement pour l’émancipation de l’humanité de ceux qui trahissent le combat du prolétariat, ces articles étaient à l’évidence non seulement une critique sans concession des anarchistes va-t-en-guerre mais aussi et surtout un salut aux anarchistes internationalistes !

Pourtant, notre intention n’a pas été bien perçue. Cette série a même jeté momentanément un certain froid. D’un côté, des anarchistes y ont vu une attaque en règle contre leur mouvance. De l’autre, des sympathisants de la Gauche communiste et du CCI n’ont pas compris notre volonté de nous “rapprocher des anarchistes” (4).

Au-delà des maladresses contenues dans nos articles et qui ont pu en “braquer” certains (5), ces critiques pourtant apparemment contradictoires ont en fait la même racine. Elles révèlent la difficulté de voir, au-delà des divergences, les éléments essentiels qui rapprochent les révolutionnaires.

Aller au-delà des étiquettes !

Ceux qui se réclament de la lutte pour la révolution sont traditionnellement classés en deux catégories: les marxistes et les anarchistes.
Il y a en effet des divergences très importantes qui les séparent:

- centralisation/fédéralisme;
- matérialisme/idéalisme;
- “période de transition” ou “abolition immédiate de l’Etat”;
- reconnaissance ou dénonciation de la révolution d’Octobre 1917 et du Parti bolchevique.

Toutes ces questions sont effectivement extrêmement importantes. Il est de notre responsabilité de ne pas les esquiver, d’en débattre ouvertement. Mais pour autant, elles ne délimitent pas pour le CCI “deux camps”. Concrètement, notre organisation, qui est marxiste, considère qu’elle lutte pour le prolétariat aux côtés des militants anarchistes internationalistes et face aux Partis “communistes” et maoïstes (se proclamant pourtant eux aussi marxistes). Pourquoi ?

Au sein de la société capitaliste, il existe deux camps fondamentaux: celui de la bourgeoisie et celui de la classe ouvrière. Nous dénonçons et combattons toutes les organisations politiques appartenant au premier. Nous discutons, parfois vivement mais toujours fraternellement, et nous essayons de collaborer avec tous les membres du second. Or, sous la même étiquette “marxiste”, se cachent des organisations authentiquement bourgeoises et réactionnaires. Il en est de même sous l’étiquette “anarchiste” !

Il ne s’agit pas là de pure rhétorique. L’histoire fourmille d’exemples d’organisations “marxistes” ou “anarchistes” jurant la main sur le cœur défendre la cause du prolétariat pour mieux le poignarder dans le dos. La social-démocratie allemande se disait “marxiste” en 1919 en même temps qu’elle assassinait Rosa Luxemburg, Karl Liebknecht et des milliers d’ouvriers. Les partis staliniens ont écrasé dans le sang les insurrections ouvrières de Berlin en 1953 et de Hongrie en 1956 au nom, eux aussi, du “communisme” et du “marxisme” (en fait dans l’intérêt du bloc impérialiste dirigé par l’URSS). En Espagne, en 1937, des dirigeants de la CNT en participant au gouvernement, ont servi de caution aux bourreaux staliniens qui ont massacré et réprimé dans le sang des milliers de révolutionnaires… anarchistes ! Aujourd’hui, en France par exemple, la même dénomination “CNT” recouvre deux organisations anarchistes, une aux positions authentiquement révolutionnaires (CNT-AIT) et une autre purement “réformiste” et réactionnaire (CNT Vignoles (6)).

Repérer les faux amis qui se cachent derrière les “étiquettes” est donc vital.

Mais il ne faut pas tomber dans le piège inverse et se croire seuls au monde, les détenteurs exclusifs de la “vérité révolutionnaire”. Les militants communistes sont aujourd’hui encore peu nombreux et il n’y a rien de plus néfaste que l’isolement. Il faut donc aussi lutter contre la tendance encore trop grande à la défense de “sa chapelle”, de sa “famille” (anarchiste ou marxiste) et contre l’esprit de boutiquier qui n’a rien à faire dans le camp de la classe ouvrière. Les révolutionnaires ne sont pas des concurrents les uns par rapport aux autres. Les divergences, les désaccords, aussi profonds soient-ils, sont une source d’enrichissement pour la conscience de toute la classe ouvrière quand ils sont discutés ouvertement et sincèrement. Créer des liens et débattre à l’échelle internationale est une absolue nécessité.

Mais pour cela, faut il encore savoir distinguer les révolutionnaires (ceux qui défendent la perspective du renversement du capitalisme par le prolétariat) des réactionnaires (ceux qui, d’une façon ou d’une autre, contribuent à la perpétuation de ce système), sans se focaliser sur la seule étiquette “marxisme” ou “anarchisme”.

Ce qui unit les marxistes et les anarchistes internationalistes

Pour le CCI, il existe des critères fondamentaux qui distinguent les organisations bourgeoises et prolétariennes.

Soutenir le combat de la classe ouvrière contre le capitalisme signifie à la fois lutter de façon immédiate contre l’exploitation (lors des grèves, par exemple) et ne jamais perdre de vue l’enjeu historique de ce combat: le renversement de ce système d’exploitation par la révolution. Pour ce faire, une telle organisation ne doit jamais apporter son soutien, de quelque manière que ce soit (même de façon “critique”, par “tactique”, au nom du “moindre mal”…), à un secteur de la bourgeoisie: ni à la bourgeoisie “démocratique” contre la bourgeoisie “fasciste”, ni à la gauche contre la droite, ni à la bourgeoisie palestinienne contre la bourgeoisie israélienne, etc. Une telle politique a deux implications concrètes:

1) Il s’agit de refuser tout soutien électoral, toute collaboration, avec des partis gérants du système capitaliste ou défenseurs de telle ou telle forme de celui-ci (social-démocratie, stalinisme, “chavisme”, etc.) ;

2) Surtout, lors de chaque guerre, il s’agit de maintenir un internationalisme intransigeant, en refusant de choisir entre tel ou tel camp impérialiste. Au cours de la Première Guerre mondiale comme au cours de toutes les guerres impérialistes du xxe siècle, toutes les organisations qui, pour être à la recherche d’un camp à soutenir, ont abandonné le terrain de l’internationalisme, ont en fait trahi la classe ouvrière et ont été définitivement emportés dans le camp de la bourgeoisie (7).

Ces critères, exposés ici très brièvement, expliquent pourquoi le CCI considère certains anarchistes comme des camarades de combat, pourquoi il souhaite discuter et collaborer avec eux alors qu’il dénonce parallèlement avec virulence d’autres organisations anarchistes.

Par exemple, nous collaborons avec le KRAS (section de l’AIT anarcho-syndicaliste en Russie), en publiant et en saluant ses prises de positions internationalistes face à la guerre, notamment celle en Tchétchénie. Le CCI considère ces anarchistes, malgré les divergences, comme faisant authentiquement partie du camp du prolétariat. Ils se démarquent en effet clairement de tous ces anarchistes et de tous ces “communistes” (comme ceux des Partis “communistes” ou maoïstes ou trotskistes) qui défendent en théorie l’internationalisme mais qui s’y opposent en pratique, en défendant lors de chaque guerre un camp belligérant contre un autre. Il ne faut pas oublier qu’en 1914, lors de l’éclatement de la Première Guerre mondiale, et en 1917, lors de la Révolution russe, la plupart des “marxistes” de la social-démocratie étaient du côté de la bourgeoisie contre le prolétariat alors que la CNT espagnole dénonçait la guerre impérialiste et soutenait la révolution ! Lors des mouvements révolutionnaires de la fin des années 1910, les anarchistes et les marxistes œuvrant sincèrement à la cause prolétarienne se sont retrouvés côte à côte dans le combat, malgré leurs désaccords. Dans cette période, il y a même eu un essai de collaboration de grande ampleur entre les révolutionnaires marxistes (les bolcheviks, les spartakistes allemands, les tribunistes hollandais, les abstentionnistes italiens, etc.) qui s’étaient séparés d’une IIe Internationale dégénérescente, et de nombreux groupes qui se réclamaient de l’anarchisme internationaliste. Un exemple de ce processus est le fait qu’une organisation comme la CNT ait envisagé la possibilité, finalement rejetée, de s’intégrer dans la Troisième Internationale (8).

Pour revenir à un exemple plus récent, un peu partout dans le monde face aux événements actuels, il existe des groupes anarchistes et des sections de l’AIT qui non seulement maintiennent une position internationaliste mais aussi luttent pour l’autonomie du prolétariat face à toutes les idéologies et à tous les courants de la bourgeoisie:
– ces anarchistes défendent la lutte directe et massive ainsi que l’auto-organisation en assemblées générales et en Conseils ouvriers;
– ils rejettent toute participation à la mascarade électorale et tout soutien à un quelconque parti politique même prétendument “progressiste” qui participe à cette mascarade.

Autrement dit, ils font leur l’un des principes formulés par la Première Internationale: “L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes.” Ceux-là œuvrent ainsi au combat pour la révolution et une communauté humaine mondiales.

Le CCI appartient au même camp que ces anarchistes internationalistes qui défendent réellement l’autonomie ouvrière ! Oui, nous les considérons comme des camarades avec qui nous souhaitons débattre et collaborer ! Oui, nous pensons également que ces militants anarchistes ont bien plus en commun avec la Gauche communiste qu’avec ceux qui, sous la même étiquette anarchiste, défendent en réalité des positions nationalistes ou “réformistes” et qui sont donc en fait, des défenseurs du capitalisme, des réactionnaires !

Dans le débat qui est peu à peu en train de se développer entre tous les éléments ou groupes révolutionnaires et internationalistes de la planète, il y aura inévitablement des erreurs, des débats vifs et animés, des maladresses, des malentendus et de vrais désaccords Mais les besoins de la lutte du prolétariat contre un capitalisme de plus en plus invivable et barbare, la perspective indispensable de la révolution prolétarienne mondiale, condition pour garantir la survie de l’humanité et de la planète, exigent cet effort. Il s’agit là d’un devoir. Et aujourd’hui qu’émergent à nouveau des minorités prolétariennes révolutionnaires dans de nombreux pays, se réclamant soit du marxisme soit de l’anarchisme (ou qui sont ouverts aux deux), ce devoir de débattre et collaborer doit rencontrer une adhésion déterminée et enthousiaste !

Courant Communiste International

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Les prochains articles de cette série traiteront des questions suivantes:
Sur nos difficultés à débattre et les moyens de les dépasser.
Comment cultiver le débat.

1) Deux organisations anarchistes internationalistes, le GSL – Grupo Socialista Libertario (http://webgsl.wordpress.com/) et le PAM - Proyecto Anarquista Metropolitano (http://proyectoanarquistametropolitano.blogspot.com)

2) Un climat chaleureux a d’ailleurs régné tout au long de cette réunion. Lire le compte-rendu intitulé “Réunion CNT-AIT de Toulouse du 15 avril 2010: vers la constitution d’un creuset de réflexion dans le milieu internationaliste”.

3) “Les anarchistes et la guerre (I)” (RI no 402), “La participation des anarchistes à la Seconde Guerre mondiale (II)” (RI no 403), “De la Seconde Guerre mondiale à aujourd’hui (III)” (RI no 404), “L’internationalisme, une question cruciale (IV)” (RI no 405).

4) En particulier, des camarades ont été dans un premier temps gênés par la réalisation du tract commun GSL-PAM-CCI. Nous avons d’ailleurs essayé d’expliquer notre démarche dans un article en espagnol intitulé : “Quelle est notre attitude face à des camarades qui se réclament de l’anarchisme ?”. Voici le lien sur le site espagnol du CCI : http://es.internationalism.org/node/2715

5) Quelques camarades anarchistes ont en effet souligné à juste titre des maladresses, des formulations imprécises et même des erreurs historiques. Nous y reviendrons prochainement. Nous tenons néanmoins à en rectifier dès à présent deux des plus grossières: – à de multiples reprises, la série “Les anarchistes et la guerre” affirme que la majorité de la mouvance anarchiste a sombré dans le nationalisme lors de la Première Guerre mondiale alors que seule une poignée d’individus parvenait à défendre, au péril de leur vie, la position internationaliste. Les éléments historiques apportés dans le débat par des membres de l’AIT, confirmés par nos recherches, révèlent qu’en réalité une très grande partie des anarchistes se sont dressés contre la guerre dès 1914 (parfois au nom de l’internationalisme ou de l’anationalisme, plus souvent au nom du pacifisme) ;
– L’erreur la plus gênante (et que personne jusqu’à présent n’a soulevée) commise dans cet article concerne l’insurrection de Barcelone en mai 1937. Nous écrivons en effet: “les anarchistes se font complices de la répression par le Front populaire et le gouvernement de Catalogne”. En réalité, ce sont au contraire les militants de la CNT ou de la FAI qui ont constitué la majeure partie des ouvriers insurgés de Barcelone et qui ont été les principales victimes de la répression organisée par les hordes staliniennes ! Il eut été bien plus juste de dénoncer la collaboration à ce massacre de la direction de la CNT plutôt que “des anarchistes”. C’est d’ailleurs le sens de nos positions sur la Guerre d’Espagne, telles qu’elles sont défendues notamment dans l’article “Leçons des évènements d’Espagne” du no 36 de la revue Bilan (novembre 1936).

6) “Vignoles” est le nom de la rue où se situe le local principal de cette organisation syndicaliste révolutionnaire et clairement à l’ extrême gauche du Capital.

7) Des éléments ou groupes ont toutefois pu se dégager d’organisations qui étaient passées dans le camp bourgeois, par exemple la tendance de Munis ou celle qui allait donner “Socialisme ou Barbarie” au sein de la “IVe internationale” trotskiste.

8) Voir “Histoire du mouvement ouvrier: la CNT face à la guerre et à la révolution (1914-1919)”, deuxième article d’une série sur l’histoire de la CNT, dans la Revue internationale no 129.
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Re: Vers un rapprochement entre CCI et CNT-AIT ?

Messagede Antigone le Sam 11 Sep 2010 15:12

Je reproduis la deuxième partie (il y en aura une troisième: "Comment cultiver le débat")
La CNT-AIT est tombée dans un de ces merdiers !...

Gauche communiste et anarchisme internationaliste (2eme partie):
Sur nos difficultés à débattre et les moyens de les dépasser

http://fr.internationalism.org/node/4323

Dans la première partie de cette nouvelle série d'articles, nous avons essayé de montrer que des points d'accord fondamentaux rapprochaient les anarchistes internationalistes et la Gauche communiste. Pour le CCI, sans nier que des divergences importantes existent, l'aspect crucial est que nous défendions tous de façon déterminée l'autonomie ouvrière en refusant "d'apporter [un] soutien, de quelque manière que ce soit (même de façon “critique”, par “tactique”, au nom du “moindre mal”…), à un secteur de la bourgeoisie: ni à la bourgeoisie “démocratique” contre la bourgeoisie “fasciste”; ni à la gauche contre la droite; ni à la bourgeoisie palestinienne contre la bourgeoisie israélienne; etc." Plus concrètement, il s'agit:

1) de refuser tout soutien électoral, toute collaboration, avec des partis gérants du système capitaliste ou défenseurs de telle ou telle forme de celui-ci (social-démocratie, stalinisme, “chavisme”, etc.);

2) de maintenir un internationalisme intransigeant, en refusant de choisir entre tel ou tel camp impérialiste lors de chaque guerre.

Tous ceux qui défendent théoriquement et pratiquement ces positions essentielles doivent avoir conscience d'appartenir à un même camp : celui de la classe ouvrière, celui de la révolution.

Au sein de ce camp, il existe nécessairement des différences d'opinion et de position entre les individus, les groupes, les tendances. C'est en débattant à l'échelle internationale, ouvertement, fraternellement, mais aussi fermement, sans fausse concession, que les révolutionnaires parviendront à participer au mieux au développement général de la conscience prolétarienne. Mais pour ce faire, il leur appartient de comprendre l'origine des difficultés qui, aujourd'hui encore, entravent un tel débat.

Ces difficultés sont le fruit de l'histoire. La vague révolutionnaire qui, à partir de 1917 en Russie et 1918 en Allemagne, a mis fin à la Première Guerre mondiale a été vaincue par la bourgeoisie. C'est alors une terrible contre-révolution qui s'est abattue sur la classe ouvrière de tous les pays et dont les manifestations les plus monstrueuses furent le stalinisme et le nazisme, justement dans les deux pays où le prolétariat avait été à l'avant-garde de la révolution.

Pour les anarchistes, l'établissement, par un parti qui se réclamait du "marxisme", d'une terrifiante dictature policière sur le pays de la révolution d'octobre 1917 a été considéré comme une confirmation des critiques qu'ils avaient depuis longtemps portées contre les conceptions marxistes. A ces conceptions, il était reproché leur "autoritarisme", leur "centralisme", le fait qu'elles n'appellent pas à une abolition immédiate de l'État dès le lendemain de la révolution, le fait qu'elles ne se donnent pas comme valeur cardinale le principe de Liberté. A la fin du 19e siècle, le triomphe du réformisme et du "crétinisme parlementaire" au sein des partis socialistes avait déjà été considéré par les anarchistes comme la confirmation de la validité de leur rejet de toute participation aux élections. C'est un peu la même chose qui s'est produite suite au triomphe du stalinisme. Pour eux, ce régime n'était que la conséquence logique de "l'autoritarisme congénital" du marxisme. En particulier, il y aurait une "continuité" entre la politique de Lénine et celle de Staline, puisque, après tout, la police et la terreur politiques se sont développées alors que le premier était encore vivant et même peu après la révolution.

Évidemment, un des arguments donnés pour illustrer cette "continuité" est le fait que, dès le printemps 1918, certains groupes anarchistes de Russie ont été réprimés, que leur presse a été bâillonnée. Mais l'argument "décisif" est l'écrasement dans le sang de l'insurrection de Kronstadt en mars 1921 par le pouvoir bolchevique, avec Lénine et Trotski à sa tête. L'épisode de Kronstadt est évidemment très significatif puisque les marins et les ouvriers de cette base navale avaient constitué, en octobre 1917, une des avant-gardes de l'insurrection qui avait renversé le gouvernement bourgeois et permis la prise du pouvoir par les soviets (les conseils d'ouvriers et de soldats). Et c'est justement ce secteur parmi les plus avancés de la révolution qui s'est révolté en 1921 avec pour mot d'ordre "le pouvoir aux soviets, sans les partis".

La Gauche communiste face à l'expérience russe
Au sein de la Gauche communiste, il existe un plein accord entre ses différentes tendances sur des points évidemment essentiels :

•la reconnaissance de la nature contre-révolutionnaire et bourgeoise du stalinisme ;

•le refus de toute "défense du bastion ouvrier" qu'aurait constitué l'URSS, et en particulier le rejet de toute participation à la Seconde Guerre mondiale au nom de cette défense (ou de tout autre prétexte) ;

•la caractérisation du système économique et social de l'URSS comme une forme particulière de capitalisme, un capitalisme d'État sous sa forme la plus extrême.

Sur ces trois points décisifs, la Gauche communiste se trouve donc en accord avec les anarchistes internationalistes mais s'oppose totalement au trotskisme qui considère l'État stalinien comme un "État ouvrier dégénéré", les partis "communistes" comme des "partis ouvriers" et qui, dans sa grande majorité, s'est enrôlé dans la Seconde Guerre mondiale (notamment dans les rangs de la Résistance).

En revanche, au sein même de la Gauche communiste, il existe des différences notables dans la compréhension du processus qui a fait déboucher la révolution d'octobre 1917 sur le stalinisme.

Ainsi, le courant de la Gauche hollandaise (les "communistes de conseils" ou "conseillistes") considère que la révolution d'octobre était une révolution bourgeoise ayant pour fonction de remplacer le régime tsariste féodal par un État bourgeois plus adapté au développement d'une économie capitaliste moderne. Le parti bolchevique, qui s'est trouvé à la tête de cette révolution, est lui-même considéré comme un parti bourgeois d'un genre particulier chargé de diriger l'établissement d'un capitalisme d'État, même si ses militants et dirigeants n'en étaient pas vraiment conscients. Ainsi, pour les "conseillistes", il existe bien une continuité entre Lénine et Staline, ce dernier étant, en quelque sorte, "l'exécuteur testamentaire" du premier. En ce sens, il existe une certaine convergence entre les anarchistes et les conseillistes mais ces derniers n'en ont pas pour autant rejeté la référence au marxisme.

L'autre grande tendance de la Gauche communiste, celle qui se rattache à la Gauche communiste d'Italie, considère que la révolution d'octobre et le parti bolchevique avaient une nature prolétarienne. Le cadre dans lequel cette tendance insère la compréhension du triomphe du stalinisme est celui de l'isolement de la révolution en Russie du fait de la défaite des luttes révolutionnaires dans les autres pays, au premier lieu en Allemagne. Avant même la révolution d'octobre, l'ensemble du mouvement ouvrier, et les anarchistes ne faisaient pas exception, considérait que si la révolution ne s'étendait pas à l'échelle mondiale, elle serait vaincue. Le fait historique fondamental qu'a illustré le sort tragique de la révolution russe, c'est que cette défaite n'est pas venue de "l'extérieur" (les armées blanches soutenues par la bourgeoisie mondiale ont été battues) mais de "l'intérieur", par une perte du pouvoir de la classe ouvrière, et notamment de tout contrôle sur l'État qui avait surgi au lendemain de la révolution, ainsi que par la dégénérescence et la trahison du parti qui avait conduit la révolution du fait de son intégration dans cet État.

Dans ce cadre-là, les différents groupes se réclamant de la Gauche italienne ne partagent pas les mêmes analyses sur la politique des bolcheviks au cours des premières années de la révolution. Pour les "bordiguistes", le monopole du pouvoir par un parti politique, l'instauration d'une forme de monolithisme dans ce parti, l'emploi de la terreur et même la répression sanglante du soulèvement de Kronstadt ne sont pas critiquables. Au contraire, aujourd'hui encore ils s'en revendiquent pleinement et pendant très longtemps, dans la mesure où le courant de la Gauche italienne était connu à l'échelle internationale essentiellement à travers le "bordiguisme", celui-ci a servi de repoussoir envers les idées de la Gauche communiste de la part des anarchistes.

Mais le courant de la Gauche italienne ne se réduit pas au bordiguisme. La Fraction de Gauche du parti communiste d'Italie (devenue par la suite Fraction italienne de la Gauche communiste) a entrepris dans les années 30 tout un travail de bilan de l'expérience russe (Bilan était d'ailleurs le nom de sa revue en français). Entre 1945 et 1952, la Gauche communiste de France (qui publiait Internationalisme) a poursuivi ce travail et le courant qui allait constituer en 1975 le CCI a repris ce flambeau dès 1964 au Venezuela et 1968 en France.

Ce courant (et en partie également celui qui se rattache au Partito comunista internazionalista en Italie) considère nécessaire la critique de certains aspects de la politique des bolcheviks dès le lendemain de la révolution. En particulier, beaucoup d'aspects que dénoncent les anarchistes, la prise du pouvoir par un parti, la terreur, et notamment la répression de Kronstadt, sont considérés par notre organisation (à la suite de Bilan et de la GCF) comme des erreurs, voire des fautes, commises par les bolcheviks qui peuvent parfaitement être critiquées dans le cadre du marxisme et même des conceptions de Lénine, notamment celles qui s'expriment dans son ouvrage L'État et la révolution rédigé en 1917. Ces erreurs peuvent s'expliquer par de nombreuses raisons que nous ne pouvons développer ici mais qui font partie du débat général entre la Gauche communiste et les anarchistes internationalistes. Disons simplement que la raison essentielle est le fait que la révolution russe a constitué la première (et unique à ce jour) expérience historique d'une révolution prolétarienne momentanément victorieuse. Mais il appartient aux révolutionnaires de tirer les enseignements de cette expérience comme l'a fait dès les années 1930 Bilan pour qui "la connaissance profonde des cause de la défaite" était une exigence primordiale. "Et cette connaissance ne peut supporter aucun interdit non plus qu'aucun ostracisme. Tirer le bilan des événements d'après guerre, c'est donc établir les conditions pour la victoire du prolétariat dans tous les pays." (Bilan n°1, novembre 1933)

Les anarchistes et la Gauche communiste
Les périodes de contre-révolution ne sont guère favorables à l'unité, ou même à la coopération des forces révolutionnaires. Le désarroi et la dispersion qui affecte l'ensemble de la classe ouvrière se répercute aussi dans les rangs de ses éléments les plus conscients. De la même façon qu'au sein des groupes qui ont rompu avec le stalinisme tout en se réclamant de la révolution d'octobre, le débat n'a pas été facile dès les années 1920 et tout au cours des années 1930, le débat entre anarchistes et Gauche communiste a été particulièrement difficile tout au long de la période de contre-révolution.

Comme on l'a vu plus haut, le fait que le sort de la révolution russe semblait apporter de l'eau au moulin de ses critiques au marxisme, l'attitude dominante au sein du mouvement anarchiste était de rejeter toute discussion avec les marxistes "forcément autoritaires" de la Gauche communiste. Et cela d'autant plus que, dans les années 1930, ce mouvement avait une notoriété bien supérieure à celle des petits groupes de la Gauche communiste, du fait notamment de la place de premier plan occupée par les anarchistes dans le prolétariat d'un pays, l'Espagne, où s'est joué un des événements historiques les plus décisifs de cette période.

Réciproquement, le fait que, d'une façon presque unanime, le mouvement anarchiste ait considéré que les événements d'Espagne constituaient une sorte de confirmation de la validité de ses conceptions, alors que la Gauche communiste y voyait surtout la preuve de leur faillite, a pendant très longtemps constitué un obstacle à une collaboration avec les anarchistes. Il faut cependant relever que Bilan s'est refusé à placer tous les anarchistes dans le même sac et cette revue a publié, lors de son assassinat par le stalinisme en mai 1937, un hommage à l'anarchiste italien Camillo Berneri, qui avait entrepris une critique sans concession de la politique menée par la direction de la CNT espagnole.

Plus significatif encore est le fait que se soit tenue en 1947 une conférence regroupant la Gauche communiste italienne (le groupe de Turin), la Gauche communiste de France, la Gauche hollandaise et… un certain nombre d'anarchistes internationalistes ! L'un d'eux a même présidé cette conférence. Cela montre que, même pendant la contre-révolution, certains militants de la Gauche communiste et de l'anarchisme internationaliste étaient animés d'un véritable esprit d'ouverture, d'une volonté de débattre et d'une capacité à reconnaître les critères fondamentaux qui unissent les révolutionnaires au-delà de leurs divergences !

Ces camarades de 1947 nous donnent là une leçon et un espoir pour l'avenir.
Évidemment, les atrocités commises par le stalinisme au nom, usurpé, du marxisme et du communisme, pèsent encore aujourd'hui. Elles agissent comme un mur émotionnel qui entrave toujours puissamment le débat sincère et la collaboration loyale. “La tradition de toutes les générations mortes [assassinées, NDLR] pèse d'un poids très lourd sur le cerveau des vivants.” (Marx dans le 18-Brumaire de Louis Bonaparte). Ce mur qui nous inhibe ne peut pas être démoli du jour au lendemain. Néanmoins, il commence à se fissurer. Nous devons entretenir le débat qui naît peu à peu sous nos yeux, nous efforcer d'être animés d'un élan fraternel, en gardant toujours en tête que nous essayons tous, sincèrement, d'œuvrer à l'avènement du communisme, d'une société sans classe.

CCI (août 2010)

******************************

La Gauche communiste et l’anarchisme internationaliste (Première partie) : Nous devons discuter et collaborer.
Pour Lénine: "En Europe occidentale, le syndicalisme révolutionnaire est apparu dans de nombreux pays comme le résultat direct et inévitable de l'opportunisme, du réformisme, du crétinisme parlementaire." (Préface à la brochure de Voïnov (Lunatcharski) sur l'attitude du parti envers les syndicats" (1907). Œuvres T.13, p. 175). L'anarchisme qui existait bien avant le syndicalisme révolutionnaire mais qui en est proche, a également bénéficié de cette évolution des partis socialistes.

Il faut noter qu'il a existé en Russie même plusieurs groupes issus du parti bolchevique partageant ces mêmes analyses. Voir à ce sujet notre brochure sur La Gauche communiste en Russie.

En fait, le débat, la coopération et le respect réciproque entre anarchistes internationalistes et communistes n'était pas une chose nouvelle à ce moment-là.

Parmi d'autres exemples, on peut citer ce qu'écrivait l'anarchiste américaine Emma Goldman dans son autobiographie (publiée en 1931, dix ans après Kronstadt):

"… le bolchevisme était une conception sociale portée par l'esprit brillant d'hommes animés par l'ardeur et le courage des martyrs. (…) Il était de la plus grande urgence que les anarchistes et les autres véritables révolutionnaires s'engagent résolument en défense de ces hommes diffamés et de leur cause dans les événements qui se précipitaient en Russie." (Living my life)

Un autre anarchiste très connu, Victor Serge, dans un article rédigé en août 1920, "Les anarchistes et l'expérience de la révolution russe", donne un son de cloche très voisin et, tout en continuant à se réclamer de l'anarchisme et à critiquer certains aspects de la politique du parti bolchevique, continue d'apporter son soutien à ce parti.

D'un autre côté, les bolcheviks ont invité une délégation de la CNT espagnole anarcho-syndicaliste au 2e congrès de l'Internationale communiste. Ils ont pu mener avec elle des débats réellement fraternels et ont invité la CNT à rejoindre l'Internationale.
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Re: Gauche communiste et anarchisme internationaliste

Messagede hocus le Jeu 16 Sep 2010 14:00

J'ai lu le deuxième texte. C'est quoi cette conclusion qui semble dire que le problème c'est "les atrocités du stalinisme". ????

euh, Hello ?

Je crois que la question c'est la nature nécessairement autoritaire et contre-révolutionnaire de tout Etat et de tout gouvernement.

Faut il rappeler aux gens du CCI qui semble aimer citer Marx (ou leur version) que le communisme, même selon lui (je crois bien*) , ce n'est pas seulement une société sans classe, mais AUSSI, une société sans Etat ?

*mais que monsieur Karlos le pense ou pas, ou s'en bât l'oeil, c'est évident de toute manière.
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Re: Gauche communiste et anarchisme internationaliste

Messagede Johan le Jeu 16 Sep 2010 14:15

Cette question est abordée dans le premier texte...

Il est clair que ces textes sont criticables de nombreux points de vue.
Ce que je trouve interressant c'est l'initiative. Ca sort un peu des gueguerres habituelles entre cocos et anars. D'autant plus que les gens du CCI sont parmi les plus ouverts dans la famille communiste.
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Re: Gauche communiste et anarchisme internationaliste

Messagede hocus le Jeu 16 Sep 2010 14:32

Je viens de le lire, j'ai pas trouvé que cette question était vraiment abordé (à part "abolition de l'Etat dès le lendemain (sic ! ? !) de la révolution" )

C'est sans doute positif de voir des "communistes" dire du bien des anarchistes (internationalistes), mais si on veut débattre, faut peut être arrêter de tourner autour du pot ! :)

D'accord, ces textes visaient à mettre en évidence des points communs, etc, mais en abordant pas ce qui fâche, ben ça donne l'impression que ces gens du CCI ont envie d'embrasser l'anarchisme !

Je me demande de qui ils parlent là :
Johan a écrit:Et aujourd’hui qu’émergent à nouveau des minorités prolétariennes révolutionnaires dans de nombreux pays


?
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Re: Gauche communiste et anarchisme internationaliste

Messagede Johan le Jeu 16 Sep 2010 15:10

hocus a écrit:Je me demande de qui ils parlent là :
Johan a écrit:Et aujourd’hui qu’émergent à nouveau des minorités prolétariennes révolutionnaires dans de nombreux pays


?

Je sais pas exactement, mais au hasard...
Les Indiens du Chiapas, Les Mapuches du Chili, sans parler de la Grèce, de l'Argentine, des ouvriers du Bengladesh, etc...
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Re: Gauche communiste et anarchisme internationaliste

Messagede hocus le Jeu 16 Sep 2010 15:39

En fait je me demandais si ils mettraient par exemple les maoistes du népal dans ces "minorités prolétariennes révolutionnaires".
hocus
 

Re: Gauche communiste et anarchisme internationaliste

Messagede L'Unique le Jeu 16 Sep 2010 16:22

Salut,
Mes grands-parents étaient ouvriers. Mes parents étaient maoïste (ma mère) et "stal'" (mon père). Ils ont participé à mai 68 avec toute la ferveur concevable.
Bien qu'ils soient devenus bourgeois et vendus, ils ont eu le temps de m'octroyer une certaine éducation "gauchiste" (un peu à la manière de la vignette de Johan), respectueuse du travail, du pauvre et de l'ouvrier, en me faisant prendre conscience de leur condition "de fait". Je le suis toujours -respectueux- mais beaucoup moins.

Je comprends qu'un paquet de gens sur ce forum se cassent la tête -si ce n'est autre chose- à mettre au point une stratégie révolutionnaire pratique qui permettrait de "mettre à bas l'Etat" et de repartir "sur de nouvelles bases" (même si les deux actions me semblent quelque peu contraires). Je vois pas mal de textes "communistes libertaires", syndicalistes, je zigue-zague entre des histoires de marxo-troxo-je sais pas quoi, j'y comprends rien, si ce n'est que ça ressemble à un nouveau dirigisme social globalisant. La lutte des classes c'est une lutte de masses, et comme en démocratie, les plus nombreux auront forcément raison. Choisis ton camp, camarade, parceque si t'es pas avec nous, nous serons contre toi.
C'était juste mon point de vue, en passant, et je pense qu'il vous apportera rien.
Portez vous bien
Au fait, la CCI c'est la Chambre de Commerce et d'Industrie?
L'Unique
 

Re: Vers un rapprochement entre CCI et CNT-AIT ?

Messagede fu hsang le Jeu 16 Sep 2010 19:35

Pour ma part les positions et les critiques de ceux et celles qui se reclament de la gauche communiste sont tou fait acceptable
apres je ne connais pas les pratiques de ces personnes mmais elles m ont l air assez ouverte ^^(plus que certains anars en tout cas^^
fu hsang
 

Re: Gauche communiste et anarchisme internationaliste

Messagede Johan le Jeu 16 Sep 2010 19:52

hocus a écrit:En fait je me demandais si ils mettraient par exemple les maoistes du népal dans ces "minorités prolétariennes révolutionnaires".

"Concrètement, notre organisation, qui est marxiste, considère qu’elle lutte pour le prolétariat aux côtés des militants anarchistes internationalistes et face aux Partis “communistes” et maoïstes (se proclamant pourtant eux aussi marxistes)."

Ça me parait on ne peut plus clair...
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