de conan le Mar 25 Mai 2010 13:20
Une organisation n'a pas pour tare principale de se faire réprimer par le pouvoir, et la clandestinité ne préserve pas de ça, bien au contraire dirais-je. Les keufs sont tout autant investis dans les orgas classiques que dans les collectifs informels. En fait, j'ai même plutôt tendance à penser que la culture de la clandestinité attire aussi le poucave et le renifleur...
Le débat ne porte pas plus sur "l'efficacité" : une organisation n'est pas forcément plus "efficace" qu'un réseau "informel" ; certes, elle oeuvre à diffuser les idées et les pratiques avec des outils plus costauds. Mais elle peut aussi, à force, ne plus se spécialiser que dans la vue des choses au lieu de leur prise en main réelle, et la relégation de l'action directe à des lendemains qui chanteront peut rapidement devenir celle des surlendemains qui déchantent. La meilleure propagande est toujours celle des actes et de la propagation de ce qui marche concrètement en termes de luttes et d'alternatives.
A mon avis, la vraie différence, c'est l'exigence dans le respect des individus. Et là, je crois qu'il y a du bon et du mauvais dans la critique de l'organisation en général. Parce qu'il y a organisation et organisations. Je suis très critique de l'organisation en général. Mais je serais curieux de trouver un collectif autre que l'orga où je suis, ayant des fonctionnements clairement posés, me garantissant le maximum de potentiel collectif avec le respect radical de l'individu. Perso, j'ai pas trouvé mieux que les principes de fonctionnement de l'orga où je me trouve, pour me garantir de ne jamais me faire contraindre tout en me permettant de rencontrer un max de monde pour agir, et ce non dans la décision globale mais dans la libre association. Bien sûr, ça nécessite de savoir dire non, parce que des chefaillons et des autoritaires, y'en a partout y compris et surtout chez les anars ! Mais il y a des garanties écrites et pratiques, connues de tou-te-s et ça, ça me semble essentiel. Si on me montre mieux, j'irai sans problème, mais pour l'instant, l'expérience a plutôt tendance à me confirmer que je me suis pas planté. A chacun-e de faire son expérience. mais quand j'entends dire que mon orga est une orga de gauche ou autoritaire, j'ai en général pas trop de difficulté à questionner en retour les modes d'organisation des gens qui formulent ce genre d'affirmations péremptoires.
car les individus dans l'"informel" s'organisent aussi, et leur dialogue et leurs actions nécessitent des décisions collectives et des rapports humains très concrets, et très organisés. Mais le problème, quand on est dans une contractualité tacite et des usages affinitaire, c'est que les gens "nouvaux", les gens intéressés, les gens du "dehors", seront forcément relégués à la périphérie de la décision, de façon inégalitaire. L'opacité sous-tendue par ce mode d'organisation, dans son rythme temporel et ses modes de décision, ne préserve absolument pas de la possibilité de recréer un avant-gardisme élitiste, et de l'autoritarisme de fait, tout à fait comparable à la société actuelle. Les propos parfois tenus par des "inorgas" sur tout ce qui n'est pas "inorga" est assez éloquent à ce sujet, sur le mépris des individus en général. Avec une idéologie et des fonctionnement qui vont "de soi", parce qu'une poignée de gens font ainsi.
Perso, je déteste tout autant donner des directives et des ordres que de me sentir roulé par une organisation informelle de chefaillons grimés en radikaux, imposant des agendas et des décisions tombées d'on ne sait où, auxquelles on n'a pas pu prendre part. Donc pour moi y'a pas moyen de me mettre dans un collectif "informel", jusqu'à ce qu'on me redonne assez confiance mais je pense qu'il va falloir beaucoup de temps ^^
Je pense que l'organisation, à condition d'être libertaire, a un intérêt essentiel : élaborer ici et maintenant, ensemble, dans le respect de tous les individus, des fonctionnements clairs et lisibles garantissant à tou-te-s la liberté et la lutte contre la contrainte et l'autorité, où qu'elle se dissimule.
Contrairement à d'autres "révolutionnaires" à qui l'autorité et le mépris des individus ne semble poser aucun problème, genre capitalos, blanquistes, marxistes et autres apologues du sang qui coule pour le bonheur de l'humanité, chez les anars, les moyens sont indissociables des fins, puisque les fins ne sont rien d'autre que d'élaborer des rapports humains précisément débarrassés de l'exclusion, de l'exploitation, de l'autoritarisme et des spécialistes de tout poil.
Dans une organisation "formelle", j'aime le principe que poser clairement les formes est essentiel... pour aller au fond des choses. Elle est aussi et surtout là, la révolution. La radicalité, aller aux racines, c'est pas la surenchère dans le spectacle contestataire. C'est la contestation individuelle et collective de l'autorité dans les rapports humains eux-mêmes, et la promotion de fonctionnements permettant l'égalité réelle dans la prise de décision.
A chacun-e de faire son expérience...
"L'anarchie, c'est la victoire de l'esprit sur la certitude" Georges Henein