Albert Libertad

Partageons le passé pour mieux inventer l'avenir...

Albert Libertad

Messagede BlackJoker le Lun 26 Oct 2009 14:19

Extraits de l"L'Anarchie" lors du premier numéro sorti le 13 avril 1905.

"Résignés, regardez, je crache sur vos idoles, je crache sur Dieu, je crache sur la Patrie, je crache sur le Christ, je crache sur les Drapeaux, je crache sur le Capital et sur le Veau d'Or, je crache sur les Lois et sur les Codes, sur les Symboles et les Religions : ce sont des hochets, je m’en moque, je m’en ris...

Ils ne sont rien que par vous, quittez-les et ils se brisent en miettes. Vous êtes donc une force, ô résignés, de ces forces qui s’ignorent mais qui n’en sont pas moins des forces, et je ne peux pas cracher sur vous, je ne peux que vous haïr… ou vous aimer.

Par dessus tous mes désirs, j’ai celui de vous voir secouer votre résignation dans un réveil terrible de Vie. Il n’y a pas de Paradis futur, il n’y a pas d’avenir, il n’y a que le présent.
Vivons nous ! La Résignation, c’est la mort.
La Révolte, c’est la vie...
"

Je cherche une biographie et quelques textes du culte de la charogne à mettre en extrait ici.
BlackJoker
 

Re: Albert Libertad

Messagede Alayn le Mer 28 Oct 2009 10:08

Bonjour ! Bah... tu peux en trouver pas mal déjà dans le Monde Libertaire, l'hebdo de la Fédération Anarchiste, sur le site de "L'En Dehors", etc...

Salutations Anarchistes !
"La liberté des autres étend la mienne à l'infini"
Michel BAKOUNINE
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Re: Albert Libertad

Messagede BlackJoker le Mer 28 Oct 2009 23:23

"Le Bétail patriotique"

"A la caserne ! A la caserne !
Va, gars de vingt ans, mécanicien ou professeur, maçon ou dessinateur, étends-toi sur le lit…
…sur le lit de Procuste.
Tu es trop petit…on va t’allonger.
Tu est trop grand…on va te raccourcir.
Ici, c’est la caserne…on n’y fait pas le malin, on n’y crâne pas…tous égaux, tous frères…
Frères en quoi ? En bêtise et en obéissance, parbleu.
Ah ! ah ! ton individu, ta tête, ta forme ! ce qu’on s’en fout. Tes sentiments, tes goûts, tes penchants, à vau-l’eau.
C’est pour la patrie…qu’on te dit.
Tu n’es plus un homme, tu es un mouton. Tu es à la caserne pour servir la patrie. Tu ne sais pas ce que c’est, tant pis pour toi. D’ailleurs tu n’as pas besoin de le savoir. Tu n’as qu’à obéir.

Tête droite. Tête gauche. Les mains dans le rang. Repos. Mange ! Bois ! Dors !
Ah ! tu parles de ton initiative, de ta volonté. Connais pas, ici, il n’y a que la discipline.
Quoi ! Que dis-tu ? Que l’on t’a appris à raisonner, à discuter à te former un jugement sur les hommes et les choses ? Ici, on la boucle, on le ferme. Tu n’as, tu ne dois avoir d’autres préoccupations, d’autres jugements que ceux de tes chefs.
Tu ne veux, tu ne peux suivre que ceux dont tu as reconnu la compétence après expérience ? Pas de blague ici, mon petit. Tu as un moyen mécanique pour savoir à qui obéir…Compte les filaments d’or qui sont sur la manche d’un dolman.

Qu’as-tu donc encore ? On t’a appris à ne pas avoir d’idole, à ne rien adorer ? N’importe, courbe ton corps, baise le sol, suis respectueusement, c’est le symbole de la patrie, l’idole du XXe siècle, l’icône démocratique. Ça mon ami, c’est la forme républicaine de l’étendard de Jeanne d’Arc.
Allons, dépose ton esprit, ton intelligence, ta volonté à la porte…Tu es du bétail…on ne te demande que de la laine…
Entre…et ne pense plus.
A la caserne ! A la caserne !

L’armée, disais-je dernièrement, n’est pas dressée en face de l’ennemi de l’extérieur ; l’armée n’est pas dressée en face de l’ennemi de l’intérieur ; l’armée est dressée en face de nous-même ; en face de notre volonté, de notre « moi ».
L’armée, c’est la revanche de la foule contre l’individu, du nombre contre l’unité.
L’armée ce n’est pas l’école du crime ; l’armée ce n’est pas l’école de la débauche, ou si elle est tout cela, c’est bien le moindre de ses défauts ; l’armée c’est l’école de la veulerie, c’est l’école de l’émasculation.

Malgré la famille, malgré l’école, malgré l’atelier, il reste un peu de sa personnalité en chaque homme ; de temps en temps des mouvements de réaction se produisent contre le milieu. L’armée, dont la caserne est le local, vient achever l’annihilation de l’individu.
L’homme de vingt ans a cette virilité généreuse qui lui permet de s’employer au développement d’une idée. Il n’a pas les entraves de l’habitude, les affadissements du foyer, le poids des années. Il peut pousser sa logique jusqu’à la révolte. Il a, en lui, la sève prête à faire éclater les bourgeons et éclore les fleurs.
Au détour de la route, on lui tend le traquenard de la patrie, le piège de l’armée, la souricière de la caserne.
Alors, toutes les facultés sont enrayées. Il ne faut plus penser. Il ne faut plus lire. Il ne faut plus écrire. En aucun cas il ne faut avoir de volonté.
Depuis la pointe des cheveux jusqu’à celle des pieds, tout votre corps appartient à l’armée. Vous ne choisissez plus la coiffure ni la chaussure qui vous plaît. Vous ne portez plus le vêtement ample ou erré à la taille. Vous ne vous couchez plus à l’heure de votre sommeil…Il y a une chaussure, une coiffure, un vêtement d’ordonnance. Le pain se fait en des fournées communes et l’heure de votre repos est fixée depuis des ans.
Qu’est cela ? affaire d’endurance !

Mais voilà pire… dans la rue vous ne parlez pas à qui vous voulez ! Vous n’entrez pas dans le local qui vous plaît ! Vous ne lisez pas la feuille qui vous intéresse ! Vos fréquentations, vos rendez-vous et vos lectures aussi sont d’ordonnance !
Et si par hasard vous êtes pris de troubles sexuels, il y a le bordel des soldats et celui des officiers, comme il y a aussi des lieux différents pour s’alcooliser.

Tout est réglé, tout est prévu. L’individu est assassiné. L’initiative est morte.
La caserne est l’étable du bétail patriotique. Il sort de là un troupeau qui est prêt à former le bétail électoral.
L’armée est l’instrument redoutable dressé par les gouvernements contre les individus ; la caserne est la canalisation des forces humaines de tous au profit de quelques-uns.
On y entre homme, on y devient soldat, on en sort citoyen."

Albert Libertad, dans L’anarchie, 26 Octobre 1905.

D'autres textes ici => http://www.non-fides.fr/spip.php?auteur69

Il y en a d'autres touchants dans le Culte de la charogne, comme "Légende de noel" , "ultime bonté" , "le verbe" etc, mais pas trouvé sur le net pour l'instant.
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Re: Albert Libertad

Messagede Pia le Jeu 29 Oct 2009 22:22

J'ai entendue dire qu'un recueil était en préparation pour bientôt chez un éditeur nommé "Ravage Éditions" je crois.
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Re: Albert Libertad

Messagede BlackJoker le Sam 19 Déc 2009 01:09

Ça y est je l'ai trouvé.

source:
http://fr.wikisource.org/wiki/La_l%C3%A ... 0_(ou_plus)

La légende de Noël Dédiée aux petits-enfants de l’an 3000 (ou plus)

"Il était une fois, il y a bien longtemps de cela, vers l’an 1900, un gros amas de pierres et de boue que les naturels d’alors appelaient Paris. C’était la capitale d’un pays favorisé par un climat tempéré et où les céréales, les vignobles, les plus beaux fruits poussaient en abondance. En s’approchant de ces amas de pierres, vainquant les odeurs pestilentielles qui _ s’en dégageaient, on le voyait sillonné de voies de toute sortes : les unes larges, bondées de belles maisons ; les autres, étroites, avec, de chaque côté, rangées et serrées, des maisons aux allures de souricières. Ce jour-là, l’année se terminait ; c’était fête par cette ville, mais la nature paraissait bouder et la neige tombait à gros flocons. Malgré cela, tout le long des rues, les magasins jetaient des flots de lumière et les yeux étaient attirés par des amas de victuailles bizarrement achalandés.

Les promeneurs, les acheteurs étaient nombreux : les uns, recouverts de chaudes fourrures, allaient riant béats, se moquant de la froidure ; les autres, au contraire, marchaient craintivement, ils étaient recouverts de loques, au travers desquelles se dessinaient leurs os ou se montraient leur chair.

De temps en temps, les seconds prenaient devers les premiers des attitudes suppliantes, que vous ne connaissez pas, chers enfants, mais qui consistaient à tendre la main en prononçant des paroles sans suite, d’un ton dolent. Ils demandaient l’aumône, c’est-à-dire qu’ils priaient les heureux de leur donner une part de leur superflu afin de pouvoir acquérir du nécessaire pour eux et leurs enfants. Les trois quarts des bien-vêtus passaient indifférents ; d’autres, parcimonieusement, cherchaient en leur poche la plus petite offrande pour leur donner.

Quand les loqueteux se montraient trop entreprenants, des hommes habillés tous de même sorte, bien chaudement, les rudoyaient et les chassaient des larges voies ; quelquefois même ils les emmenaient après leur avoir mis des chaînes aux mains. Et il y avait, en même temps, si peu d’humanité, si peu de respect de la dignité humaine, que les gens bien vêtus faisaient cercle et jetaient des lazzis aux pauvres hères ainsi traités, et que les mal-vêtus courbaient la tête, effaçaient leurs épaules, tâchant de faire oublier leur crime d’être pauvres en acquiesçant aux actes des hommes en uniforme.

Ces derniers s’appelaient des agents de la force publique, on les entretenait gros et gras ; ils avaient mission de défendre les bien-vêtus, les bien-nourris, contre les loqueteux, les miséreux. Ils étaient, ce qui vous étonnera, de cette classe si malheureuse. Mais nous causons beaucoup sans entrer dans le sujet. Une femme était perdue dans cette foule. La souffrance se lisait sur ses traits, et la misère sur les pauvres hardes qui la recouvraient. Mais en l’examinant, on la sentais jeune, on la voyait belle. Mainte fois sa main avait dessiné le geste de l’aumône, jamais elle n’avait eu la force de terminer. Une fierté dernière rayonnait en ses yeux, tout son être se révoltait contre l’avilissement, la supplication.

Souvent déjà des bien-vêtus l’avaient coudoyée et lui avaient jeté des appels grossiers et, comme elle s’attardait devant un étalage garni de mets succulents et tentateurs, elle sentit dans son cou l’haleine chaude d’un homme qui lui soufflait : « Si tu veux monter, la chambre et la pièce ronde. » C’est à peine, chers enfants, si vous osez comprendre ces paroles, tant elles vous paraissent surprenantes. La dignité de la femme, son libre choix, en ces temps barbares, n’étaient pas plus respectés que la dignité et la liberté humaine. La beauté, la grâce, la jeunesse des femmes pauvres étaient achetées par les bien-vêtus, les riches. Nul de leurs goûts n’était respecté et les plus vieux, les plus laids à fourrures avaient, presque pour un morceau de pain, les plus jeunes et les plus jolies femmes.

On affectait alors une plus grande morale et une grande pudeur et nos unions libres de maintenant étaient fort bannies : l’amour se faisait toujours par intermédiaires, ou se vendait en des marchés spéciaux. Notre pauvre inconnue rougit, se retourna. L’homme était vieux, il était laid, des yeux enfoncés dans la graisse de ses joues, deux ou trois mentons, un gros ventre…Ô sa jeunesse à ce vieillard, à ce laid jouisseur. Elle hésita, puis parut sur son beau visage une contraction, elle haussa les épaules... elle accepta.

Elle suivit l’homme dans un hôtel, en quelque rue voisine de la grande artère. Et dans une chambre banale où se sentaient les ruts vénaux, elle vendit son corps aux caresses bestiales du passant. Satisfait, l’homme s’en allait à d’autres plaisirs. Elle devant l’hôtel, regardait la « pièce ronde » comme égarée, puis elle se ressaisit. L’acte qu’elle venait de commettre, c’était pour ce métal. Ce métal, c’était du pain pour l’enfant qui avait faim ; ce métal c’était du charbon, pour l’enfant qui avait froid…pour son enfant, là-bas, dans la mansarde.

Elle entra en coup de vent, dans un magasin où s’étalait le pain doré sous toutes ses formes. Des servantes qui s’empressaient près des bien-vêtus, la dévisagèrent soupçonneusement : « Une livre de pain, s’il vous plait. » Car le pain, chers enfants, cette indispensable nourriture, se vendait ainsi que tout. On la servit et, heureuse d’avoir du pain à elle, la pauvresse, elle jeta la pièce sur le comptoir. Elle rendit un son mat…Une voix méchante disait : « fausse, il faut pas nous la faire, ma petite. » Des mains brutales lui arrachaient le pain et la poussaient dehors. Elle compris : elle avait été volée, trompée. Le sacrifice dernier de la mère pour l’enfant avait été inutile. Des injures venaient à sa bouche contre le goulu qui avait mangé sa chair, respiré sa jeunesse, sans vouloir lui laisser une bride de son bien-être. Mais sa tête vite se courba, de grosses larmes coulèrent le long de ses joues ; découragée, lasse, elle prit le chemin des voies étroites, des maisons noires, laissant loin derrière elle le quartier de luxe et de pléthore.

Et, dans la plus étroite rue, devant la plus noire maison, elle s’arrêta, elle suivit une longue allée, monta l’escalier, et, tout en haut, retenant sa respiration, doucement elle ouvrit la porte de se chambre. Ô l’affreuse mansarde, ô le noir taudis. Par terre un matelas sur lequel deux ou trois sacs étaient jetés, tout près une table aux planches mal jointes, un fourneau dont les trois trous béants semblaient jeter du froid, une malle grise en un coin et c’était tout. Un jour blafard se glissait par une lucarne dont la vitre cassée laissait souffler la bise. C’était tout, disions-nous ? Non. Dans un coin, jetant presque une note gaie, un berceau. Dans ce berceau tout l’amour maternel se dessinait vainqueur ; des milles riens embellissaient ce nid. Un enfant de cinq ou six ans y reposait.

Le premier regard de la femme fut pour lui. Hélas !elle rentrait comme elle était partie, les mains vides, pas de pain, pas de bois, c’était la mort, l’inévitable mort. Sa mort, celle du chérubin, de cet avenir. Ses yeux ruisselèrent de larmes, elle s’approcha à pas lent du berceau. Ô ironie, l’enfant en son rêve, souriait à la vue de quelque lointain paradis, du vôtre, ô chers enfants. Alors, elle retint son souffle, mais un désir de baiser cette chair innocente, cette chair de sa chair, naquit, impérieux, et elle posa ses lèvres sur le front de l’enfant.

Celui-ci ouvrit lentement ses grands yeux encore plein de joie extatique, les jeta sur sa mère en larmes, sur la table vide, sur le poêle éteint, et tout triste : « Ô maman !ce n’était qu’un rêve…mais quel beau rêve ! Nous n’avions plus faim…Nous n’avions plus froid…jamais. »

Albert Libertad

ps: je recherche actuellement une biographie ( s'il en existe une ) de Libertad, si certains en connaissent une en particulier qui tient la route qu'ils n'hésitent pas à en parler.
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Re: Albert Libertad

Messagede barcelone36 le Sam 19 Déc 2009 01:56

et un formidable hommage par l'entarteur dans "Aaltra" de Delépine et Kervern...
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Re: Albert Libertad

Messagede BlackJoker le Sam 19 Déc 2009 12:22

Oui.
J'ai chopé et vu ce film,il est pas mal j'ai trouvé.
Par contre il me manque la fin du générique final ( et donc l'hommage à Libertad) ce qui est dommage.
BlackJoker
 

Re: Albert Libertad

Messagede skum le Sam 19 Déc 2009 17:56

En parlant de l'Entarteur, il cite dans son Anthologie de la subversion carabinée, un texte de André Colomer faisant l'apologie de Libertad : Le Roman des bandits tragiques. Il y aussi un chapitre sur Libertad, avec notamment les textes La grève des gestes inutiles , Lettre à un juge d'instruction et Suicidons le suicide !. L'anthologie est consultable sur http://books.google.be/
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Re: Albert Libertad

Messagede skum le Sam 19 Déc 2009 18:46

j'ignore si ils sont repris dans Le Culte de la charogne mais bon...

Suicidons le Suicide !

[Pour les quelques mots en italique voir http://soif.blogsome.com/2006/02/11/sui ... e-suicide/]

Devant les fatigues de la lutte combien ferment les yeux, croisent les bras, s’arrêtent, impuissants et découragés. Combien, et des meilleurs, sont tant lassés qu’ils quittent la vie, ne la trouvant pas digne d’être vécue. Quelques théories à la mode et la neurasthénie aidant, des hommes considèrent la mort comme la suprême libération. Contre ces hommes, la société sort des arguments-clichés. On parle du but moral de la vie; - on n’a pas le droit de se tuer; - les douleurs morales doivent être supportées courageusement; - l’homme a des devoirs; - le suicide est une lâcheté; - le partant est un égoïste; etc, toutes phrases à tendances religieuses (…)

Qu’est donc le suicide ?

Le suicide est l’acte final d’une série de gestes que nous faisons tous plus ou moins selon que nous réagissons contre le milieu ou que le milieu réagit contre nous. Tous les jours nous nous suicidons partiellement. Je me suicide lorsque je consens à demeurer dans un local où le soleil ne pénètre jamais, dans une chambre dont le cube d’air est si restreint que je suis comme étouffé à mon lever.

Je me suicide lorsque je fais des heures d’un travail absorbant une quantité d’énergie que je ne saurais récupérer, ou des heures de travail que je sais inutile.

Je me suicide lorsque je ne contente pas mon estomac par la quantité et la qualité d’aliments qui me sont nécessaires.

Je me suicide chaque fois que je consens à obéir à des hommes et à des lois qui m’oppriment.

Je me suicide lorsque je porte à un individu par le geste du vote le droit de me gouverner pendant quatre ans.

Je me suicide quand je demande la permission d’aimer à maire ou prêtre.

Je me suicide lorsque je ne reprends pas ma liberté d’amant ou d’amante sitôt la période d’amour passée.

Le suicide complet n’est que l’acte final de l’impuissance de réagir contre le milieu. Les actes dont je viens de parler sont des suicides partiels, ils n’en sont pas moins des suicides. C’est parce que je n’ai pas la force de réagir contre la société que j’habite un local sans soleil ou sans air, que je ne mange pas à ma faim ou à mon goût, que je suis soldat ou électeur, que j’acoquine mon amour à des lois ou des durées. Les ouvriers, tous les jours, suicident leur cerveau en le laissant dans l’inaction, en ne le faisant pas vivre, comme ils suicident en eux les goûts de peinture, de sculpture, de musique à la satisfaction desquels tendent nos individus en réaction contre la cacophonie qui les entoure.

Il ne saurait être question, à propos du suicide, de droit ou de devoir, de lâcheté ou de courage : c’est un problème purement matériel de puissance ou de non puissance. On entend dire : « Le suicide est un droit chez l’homme lorsqu’il constitue un besoin. - On ne peut enlever aux prolétaires ce droit de vie et de mort ». Droit!?! Besoin!?! Comment peut-on causer de son droit de ne respirer qu’à moitié, c’est-à-dire de suicider une grande partie de molécules favorables à sa santé au profit de molécules défavorables; de son droit d’obéir, c’est-à-dire de suicider sa volonté; de son droit d’aimer toujours une telle femme désignée par la loi ou choisie par le désir d’une époque, c’est-à-dire de suicider tous les désirs d’une époque à venir?

l ne me vient pas à l’idée de condamner ces suicides partiels pas plus que le suicide définitif, mais je trouve douloureusement comique d’appeler droit ou besoin cet effacement du faible devant le fort sans avoir tout essayé. Ce ne sont que des excuses données à soi-même. Tous les suicides sont des imbécillités, le suicide total plus que les autres, puisque dans les premiers on peut avoir l’idée de se reprendre. Il semble qu’arrivée l’heure de la disparition de l’individu, toute l’énergie pourrait se condenser en un seul point pour tâcher de réagir contre le milieu, même dans l’aléa de un pour mille d’échouer dans cet effort. Cela semble encore plus nécessaire et naturel pour peu qu’on laisse des personnes affectionnées derrière soi. Pour cette portion de soi, cette part d’énergie vous subsistant, ne peut-on tenter une gigantesque lutte où, quelque inégal que soit le combat, le colosse Autorité est toujours ébranlé ? La crainte de la mort - de la disparition complète de sa forme humaine - rejetée, on peut engager la lutte avec d’autant plus de force. (…)

« Alors, diront-ils, nous ne partirons qu’à notre heure, et notre heure, c’est dès maintenant. » Oui, mais parce qu’ils envisagent leur défaite à l’avance; résignés ils n’ont pas développé leurs tissus en vue de la résistance, ils n’ont pas fait d’effort pour réagir contre l’enlisement sale du milieu. Inconscients de leur beauté, de leur force, ils ajoutent à la force objective de l’obstacle toute la force subjective de leur acceptation.

Comme les résignés aux suicides partiels, ils se résignent au grand suicide. Ils sont mangés par le milieu avide de leur chair, désireux d’écraser toute énergie qui promet. Leur erreur est de croire disparaître par leur volonté, de choisir leur heure, alors qu’ils meurent écrasés impitoyablement par la canaillerie des uns, la veulerie des autres.

Dans un local infecté par les germes mauvais du typhus, de la tuberculose, je ne songe pas à me faire disparaître pour éviter la maladie, mais bien plutôt à y faire entrer le jour et à y jeter un désinfectant sans crainte de tuer des milliers de microbes. Dans la société actuelle empuantie par les ordures conventionnelles de propriété, de patrie, de religion, de famille, par l’ignorance, écrasé par les forces gouvernementales et l’inertie des gouvernés, je ne veux pas non plus disparaître mais y faire entrer le soleil de la vérité, y jeter un désinfectant, la purifier par n’importe quel moyen.

Même après la mort, j’aurais encore le désir de changer mon corps en phénol ou en picrate pour assainir l’humanité. Et si je suis écrasé dans cet effort, je ne me serai pas effacé, j’aurai réagi contre le milieu, j’aurai vécu peu mais intensément, j’aurai peut-être ouvert la brèche par où passeront des énergies pareilles à la mienne. Non la vie n’est pas mauvaise, mais les conditions dans lesquelles nous la vivons. Donc ne nous en prenons pas à elle, mais à ces conditions : changeons-les. il faut vivre, désirer vivre encore plus. N’acceptons même plus de suicides partiels.

Soyons désireux de connaître toutes les jouissances, tous les bonheurs, toutes les sensations. Ne soyons résignés à aucune diminution de notre moi. Soyons les affamés de vie que les désirs font sortir de la turpitude, de la veulerie et assimilons la terre à notre idéal de beauté. Que nos vouloirs s’unissent, magnifiques, et enfin nous connaîtrons la Joie de Vivre en son absolu.

Aimons la Vie.


Libertad était un camarade ! par Gaétano Manfrédonia => http://increvablesanarchistes.org/artic ... bertad.htm
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Re: Albert Libertad

Messagede Pia le Sam 19 Déc 2009 19:19

une vingtaine de textes de Libertad sont en attente de publication sur la base de données anarchistes. ils sont publiés au compte goutte.
http://www.non-fides.fr/spip.php?action ... _auteur=69
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Re: Albert Libertad

Messagede conan le Sam 19 Déc 2009 20:58

Je kiffe, mais à un point ! :aime: :clap:
Libertad n'est pas mort ! :D
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Re: Albert Libertad

Messagede BlackJoker le Dim 20 Déc 2009 00:58

Ton lien ne marche pas chez moi Pia.
les autres?
Tu voulais mettre cette page je présume !? http://www.non-fides.fr/?_Albert-Libertad_

sinon s'il n'y a pas de biographie sur lui bah c'est un grand gâchis à mon sens.
Je vais me renseigner d'avantage là dessus.
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Re: Albert Libertad

Messagede skum le Dim 20 Déc 2009 02:05

peut-être as-tu déjà cherché sur le site du CIRA... sinon ben j'ai trouvé un titre d'une fantomatique brochure

Titre : Albert Libertad : son tempérament, ses idées, son œuvre
Type de document : texte imprimé
Auteurs : André LORULOT; LIBERTAD
Editeur : L'Idée libre
Année de publication : ca 1917
Importance : 16 p.
Format : 22 cm
Note générale : Publié à Saint-Etienne ?
Langues : Français (fre)
Catégories : INDIVIDUALISME
Permalink : http://www.cira.ch/catalogue/index.php? ... y&id=10744
Mention de responsabilité : André Lorulot



1912
2- Libertad, Albert 1875-1908. - Le Travail antisocial et les mouvements inutiles.
[Romainville ?] : Idée libre [abonnement à la Librairie internationaliste].
ca1912. - 36 p. ; 18 cm. aCCFr
Première édition :
Éd. de l’Anarchie, Paris, 1909, 40 p. CCFr

1916
16- Lorulot, André. - Albert Libertad. Son tempérament, ses idées, son œuvre.
Paris : Idée libre, 1916?. - 18 p.

http://lanarchiviste.blogspot.com/2009/ ... -1916.html
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Re: Albert Libertad

Messagede Pia le Lun 21 Déc 2009 16:23

BlackJoker a écrit:Ton lien ne marche pas chez moi Pia.
les autres?
Tu voulais mettre cette page je présume !? http://www.non-fides.fr/?_Albert-Libertad_


wep!
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Re: Albert Libertad

Messagede Pia le Dim 27 Déc 2009 00:59

Image

Affiche trouvée sur les murs de Paris, fin 2009.
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Re: Albert Libertad

Messagede Miaoû le Mer 30 Déc 2009 02:03

Pia, pourrais-tu redimensionner l'affiche que tu as mise stp ? J'arrive pas à la lire intégralement (une partie de l'affiche est masquée côté droit). Ou alors je suis définitivement un bolos en informatique... :idea:
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Re: Albert Libertad

Messagede Pia le Mer 30 Déc 2009 02:24

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Re: Albert Libertad

Messagede skum le Mer 30 Déc 2009 02:24

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Re: Albert Libertad

Messagede conan le Mer 30 Déc 2009 03:02

Elle déchire cette affiche !
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Re: Albert Libertad

Messagede Pia le Mer 30 Déc 2009 05:53

ceux qui aiment, tirez-en et collez les. c'est du A3 (pas cher).
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