En garde à vue pour avoir reçu un SMS: "C'est un agent SNCF qui a donné l'alerte" le 05/05/2009Info Le Post. Le procureur d'Abbeville dit que "Bouygues Télécom n'a dénoncé personne" et qu'il n'a "pas été influencé par l'affaire Coupat." SMS (photo
d'illustration).
Il ne regrette rien."Il fallait bien vérifier si c'était une blague idiote ou s'il y avait un projet d'acte pouvant engendrer de graves conséquences, voire des morts" nous dit le procureur d'Abbeville Eric Fouard ce mardi matin.
Le 16 avril, un menuisier abbevillois de 29 ans est placé en garde à vue au commissariat d'Abbeville pour "non-dénonciation de crime."
Pourquoi ?Car il a reçu le SMS suivant d'un de ses collègues de travail: "Pour faire dérailler un train, t'as une solution?"
"Celui qui l'a envoyé nous a dit qu'il voulait 'juste déconner'" nous dit le procureur.
Bilan: "Après vérifications, j'ai finalement classé sans suite" nous précise-t-il.
"Mais Bouygues Télécom (qui a ouvert une enquête interne lundi, ndlr) n'a dénoncé personne" tient-il à nous préciser.
Sur Le Post, le procureur d'Abbeville Eric Fouard nous explique "toute l'affaire" :Comment cette histoire à commencé ?"Le 16 avril, un agent de surveillance de la SNCF d'Abbeville, dont le téléphone est en réparation, en récupère un autre, de prêt, à la boutique Bouygues Télécom d'Abbeville. C'est lui qui a donné l'alerte."
Quand prend-il connaissance du SMS ?"Aussitôt. Vers 14h, il met sa puce dans le téléphone, allume l'appareil, et découvre le message suivant, en date du 29 mars, sur la mémoire du téléphone :
'Pour faire dérailler un train, t'as une solution?'."
Comment réagit-il ?"Il se demande dans un premier temps si c'est du lard ou du cochon, puis appelle son chef, qui lui ordonne d'aller en parler à la police. Ce qu'il fait sur le champ. A 15h10, l'agent SNCF est au commissariat d'Abbeville."
Est-ce normal que son chef lui ait ordonné ?"Oui, ce n'est pas critiquable, dans la mesure où tout citoyen qui a connaissance d'un crime potentiel pouvant être évité a le devoir de le signaler."
Comment l'agent SNCF a-t-il été reçu par la police ?"Ils l'ont pris au sérieux. Ils ont demandé à Bouygues Télécom l'identité du client qui était en possession de l'appareil au moment de la réception du SMS.
Sur réquisition judiciaire, donc en toute légalité. Ce que l'opérateur a fait.
Et a bien fait."
C'est là que le menuisier a été mis en garde à vue ?"Oui. Selon Bouygues, à la réception de ce message, c'était ce menuisier qui était en possession de l'appareil. La police le contacte. Et à 17h15 le même jour, il est placé en garde à vue à Abbeville."
Pourquoi le menuisier a-t-il été placé en garde à vue ?"Car seul le placement en garde à vue me permet de réaliser sereinement et correctement les vérifications que j'estimais nécessaires."
Quelles vérifications ?"Je devais localiser la personne qui avait envoyé ce message, voir s'il y avait eu d'autres envois de SMS similaires, perquisitionner les logements du
menuisier et de son collègue qui lui avait envoyé le message, connaître l'environnement de ces deux personnes dont je n'avais jamais entendu parler,..."
Avant de placer son collègue en garde à vue aussi ?"Oui. Le même jour, le 16 avril, à 17h25."
Qui est ce collègue de travail ?"Un collègue de travail du menuisier, intérimaire semble-t-il. Ils font quelquefois les trajets ensemble pour aller travailler, mais ne sont pas des amis proches. Ce collègue lui fait souvent des blagues par SMS. Le menuisier s'en agace d'ailleurs parfois, car ça lui arrive de recevoir des messages dans la nuit."
Comment le collègue a-t-il expliqué l'envoi de ce SMS ?"Il a d'abord dit qu'il 'ne s'en souvenait pas'. Puis qu'il ne voulait 'pas assumer des conneries pareilles.' Et aussi qu'il lui 'arrivait d'envoyer des conneries comme ça'. Et enfin qu'il voulait 'juste déconner.' Il semble aussi que ce SMS, envoyé tard dans la soirée, à 22h44, l'ait été dans un contexte alcoolisé..."
Et vous avez finalement relâché les deux collègues..."Oui. Le lendemain, dans l'après-midi, quand nous avons été certains qu'il s'agissait vraiment d'une plaisanterie."
Avez-vous été influencé par l'affaire Coupat ?"Aucunement. Si ça avait été le cas, j'aurais aussitôt saisi le parquet de Paris et la section antiterroriste. J'avais en revanche en tête des actes de dégradation sur des voies SNCF qui avaient été susceptibles de causer des incidents graves. On a eu des cas de dégradations de ce type, des obstacles posés sur les voies susceptibles de faire dérailler des trains. Rien à voir avec Coupat. Après, il n'est pas impossible que, vu sa profession, l'agent de surveillance SNCF qui a découvert le message y ait été davantage sensibilisé."
Pourquoi Bouygues Télécom a ouvert une enquête interne ?"Je n'en connais pas les raisons précises. Les employés de l'opérateur n'ont pas le droit de consulter les SMS. Mais, s'ils tombent sur un message constituant une infraction pénale, ils se doivent de le dénoncer. Peut-être veulent-ils vérifier si un de leurs employés lit les messages ?"
Les placements en garde à vue étaient donc justifiés ?"Tout à fait. Et j'ai tout vérifié: il n'y a eu aucun vice de procédure. Après, j'ai tout à fait conscience qu'un placement en garde à vue n'a rien d'agréable, qu'il peut être douloureux et difficile. Et on peut penser ce qu'on veut de ce choix de placement, je l'assume."
Contactée par Le Post, la SNCF dit que "l'agent SNCF a été très surpris de découvrir le message et que, compte tenu du contexte actuel et de l'affaire Tarnac, son chef, à qui ila demandé conseil, a préféré être prudent."
Contacté par Le Post, Bouygues Télécom, qui "préfère ne pas communiquer", confirme l'ouverture d'une enquête interne lundi.