de Lehning le Jeu 27 Oct 2016 03:37
Le mouvement "L'Insurgé" de Lyon
Des militants syndicalistes révolutionnaires ou anarcho-syndicalistes de l'enseignement tendance Ecole émancipée et de la CGT-SR, des membres de la Révolution prolétarienne ainsi que des syndicalistes de la majorité CGT de l'enseignement, de Syndicats, des centristes de la CGT, vont dès 1942 entrer dans les réseaux de la Résistance ouvrière et particulièrement dans le mouvement de "L'Insurgé" de Lyon appuyé par un journal clandestin du même titre, organisé par Gabriel Fugère, dit Sauvaget [Marie-Gabriel Fugère, né à Toulon-sur-Artoux (Saône-et-Loire) en 1900, mort à Lyon en 1963, chef monteur en électromécanique, militant syndicaliste socialiste il fut secrétaire fédéral du PSOP de Rhône-et-Loire en 1938, membre de la gauche prolétarienne et l'organisateur du mouvement de résistance "L'Insurgé". Après son arrestation à Montpellier, il fut déporté à Buchenwald pendant un an et quatre mois. A son retour, il fonda "les amis de L'Insurgé" dans l'union fraternelle de la Résistance. Voir Maitron.], avec l'aide de nombreux camarades du Parti socialiste ouvrier et paysan (PSOP). A leur propre activité propagandiste, l'imprimeur du mouvement s'occupait de faire paraître Libération-Sud, ainsi que quelques exemplaires du Populaire clandestins. Sur le terrain, L'Insurgé prôna l'articulation entre lutte des usines et celle des maquis. Mais en dehors de la parution de journaux, l'activité de ce mouvement resta modeste. Ses modes d'intervention combinaient des habitudes héritées du mouvement ouvrier et des pratiques directement issues de la guerre. Il diffusa des tracts appelant à la grève générale ou contre le départ des ouvriers en Allemagne, incendia le fichier de l'inspection du travail, se spécialisa dans les faux papiers grâce à un graveur "psopiste" de Clermont-Ferrand et organisa des sabotages à l'usine LMT sur le matériel radio ou aux établissements Zénith sur des carburateurs. Il mettra sur pied un centre à Annecy en liaison avec les maquis de Haute-Savoie. Les relations étaient bonnes avec les autres mouvements de Résistance et en particulier Combat. [Au sujet de L'Insurgé, voir Jacques Kergoat, Marceau Pivert, socialiste de gauche, "Les liaisons avec l'Insurgé," pp. 192-195, dans le Maitron, les notices de M. Moissonier sur Fugère, de J. Lorcin, et J. Maitron sur Duperray, de R. Lemarquis sur Valière.] Des contacts précaires existaient avec la "résistance libertaire" parisienne. Le groupe initiateur ne tarda pas à s'étoffer et à rayonner. Plusieurs noyaux furent implantés, à l'aide de militants "psopistes" à Trévoux, Bourg et Miribel dans l'Ain, ainsi qu'à Annecy, Avignon, Grenoble et Clermont-Ferrand où il existait une liaison avec le groupe du Bulletin Ouvrier de Gilles Martinet. Deux de ces groupes nous intéressent plus particulièrement, celui de Saint-Etienne et de la Loire, qui étaient composés de syndicalistes révolutionnaires (SR) comme Jean Duperray [Jean Duperray né à Coutouvre (Loire) en 1910, instituteur, militant syndicaliste révolutionnaire de la Loire tendance Révolution prolétarienne et Voix syndicaliste de la Loire, il milita à l'UL et l'UD CGT de la Loire en 1933-34. Compagnon de route de la philosophe Simone Weil, il fut délégué suppléant au congrès de Paris et actif sympathisant de la CNT-FAI pendant la guerre d'Espagne, il fut membre de la S.I.A. et du comité de défense Garnier-David en 1938.
Il milita en tant que syndicaliste minoritaire oppositionnel et défendit ses positions lors du 3° Congrès départemental CGT. Il fut membre du conseil syndical du SNI. Jusqu'à la déclaration de la guerre en 1939, il participa aux actions de toutes les tendances syndicales, anarcho-syndicalistes, libertaires et socialistes de gauche qui, tentaient de concilier le pacifisme révolutionnaire ouvrier, le soutien à l'Espagne révolutionnaire et la lutte antifasciste et antinazie. A la Libération, il jouera un rôle capital dans la reconstitution des sections SNI qu'il a contribué à maintenir clandestinement et ensuite celles de la FEN de la Loire. Il appartiendra au bureau de l'UD CGT jusqu'à la scission.
Après sa retraite, prise en 1965, il se consacra à partir de 1970 à l'écriture de façon éclectique: études sociales, romans populaires, films, chansons... Voir Maitron.], René Garand [René, Simon Gatand, né à Rive-de-Gier (Loire) en 1912 et mort à Lyon en 1944, fut rédacteur au Peuple syndicaliste, membre du SNI et à la tendance syndicaliste révolutionnaire de La Voix syndicaliste de la Loire où il milite avec Duperray. Voir Maitron.], Joseph Bogoni [Joseph Bogoni fut un militant antifasciste du Parti maximaliste italien. Il publia avec Gilles Martinet, ancien membre du PC, et Pierre Bernard du PSOP, le Bulletin ouvrier qui fusionnera avec L'Insurgé. Voir Kergoat, Marceau Pivert, socialiste de gauche.], de syndicalistes révolutionnaires de l'Ecole émancipée comme Julien Godard, Jean Giry et d'anarchistes comme Antoine Salis, un ancien de l'UA, militant de la fédération des aveugles civils ou Auguste Rivollier (dit Philibert), un anarcho-syndicaliste, membre de l'Union anarchiste-communiste (UAC) stéphanoise [Julien Godard, instituteur fut militant syndicaliste révolutionnaire de la Loire, Jean Giry né à la Fouillouse (Loire) en 1912, mort en 1969, instituteur il milita à la Bourse du travail, participa aux occupations d'usines en 1936, aux cercles d'études et collèges de Firminy, Saint-Etienne, Saint-Chamond, Rive-de-Gier. Militant pacifiste et syndicaliste révolutionnaire, il collabora à La Voix syndicaliste et fut militant actif du mouvement L'Insurgé où il collabora à la presse clandestine, participa à des parachutages d'armes.
Après la Libération, il fut l'un des reconstructeurs du SNI de la Loire.
Il milita ensuite à la FEN, à la MGEN, au comité d'actions laïques et participa au MSUD (Mouvement pour un syndicalisme uni et démocratique). Antoine Salis fut le secrétaire du groupe anarchiste-communiste de Saint-Etienne à sa création en 1925 et délégué en 1924, 1925, 1926, aux congrès de l'UA devenue, en 1926, l'UAC et Auguste Rivollier (dit Philibert), ouvrier verrier, militant anarcho-syndicaliste de la Loire, membre du groupe anarchiste-communiste arrêté pour avoir appartenu à la Résistance stéphanoise, mourra en déportation à Neuengamme en 1945. Voir le Maitron (source L'Insurgé et U. Thévenon).] et celui de Montpellier autour de Marcel Valière [Marcel, Henri Valière, né à Sète (Hérault) en 1915 et mort à Montpellier en 1973, instituteur ; il fut secrétaire général de la Fédération unitaire de l'enseignement en 1935, puis responsable de la tendance Ecole émancipée. Pendant la guerre d'Espagne, il soutient l'action de la CNT-FAI et du POUM et s'élèvera contre l'assassinat d'Andres Nin par le NKVD. Au moment de Munich, Valiére se trouvera avec les "Pacifistes révolutionnaires" organisés dès le 5 juin 1938 avec d'autres "syndicalistes lutte de classe" et qui marquaient leurs divergences avec les "Pacifistes intégraux" partisans de la politique de paix de Daladier au sein du CSAG. A la suite de son action dans la Résistance, après la Libération, il jouera un rôle essentiel comme secrétaire du SNI de l'Hérault et fut signataire avec Bonissel de la motion d'orientation du S.N.I. en 1948. Lors de la scission de la CGT-FO, sa position et ses options allaient avoir un rôle déterminant dans la naissance de la FEN. Il aura aussi une action importante au sein de l'Ecole émancipée et fut également responsable mutualiste à la MGEN. Voir Maitron et Olivier Vanhée, "Une redéfinition de la tendance historique du syndicalisme révolutionnaire dans l'enseignement et pratique et orientation de l'Ecole émancipée à l'épreuve de l'éclatement du champ syndical enseignant: 1991-2001" (travail dans le cadre de l'IEP, 2001).], un syndicaliste révolutionnaire pacifiste, responsable de l'Ecole émancipée et de Louis Trégano du PSOP, tous deux membres du Comité régional Languedoc-Roussillon. En outre, L'Insurgé put s'appuyer sur une filière d'évasion par l'Espagne vers le Portugal, le Maroc, Gibraltar ou Londres, et formée par des militants espagnols du Parti ouvrier d'unification marxiste (POUM), le groupe Martin dirigé par Josep Rovira.
[Josep Rovira fut le représentant du POUM au comité des milices, chargé de calmer les rivalités et divergences des miliciens au Front, puis il fut le chef de l'état-major des unités du POUM à Siétamo et enfin commandant de la 29° division qui comprenait les 128° et 129° Brigades. Après la persécution du POUM par le NKVD, et la victoire de Franco, il fut interné dans les camps français. Le POUM se divisera en deux groupes l'un s'appela le Mouvement socialiste de Catalogne (MSC) et l'autre, dont fait partie Rovira, restera fidèle à son nom. En 1939, il est domicilié à Lyon où il rencontra Fugére. Pendant l'Occupation, il fut donc le responsable du groupe Martin, formé de poumistes et filière d'évasion vers Londres par l'Espagne, en liaison avec L'Insurgé et le service d'espionnage anglais, français et polonais.
Voir le Maitron, notice Fugère, Victor Alba, Histoire du POUM, éd. Ivrea, pp. 236, 238-239, René Grando, Jacques Queralt, Xavier Febrés, Camps du mépris, des chemins de l'exil à ceux de la Résistance, 1939-1945, éd. El trabucaire, p. 155.]
Photo: Marie-Gabriel Fugère:
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