Un regard noir

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Re: Un regard noir

Messagede Lehning le Ven 1 Jan 2016 17:08

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Messagede Lehning le Ven 1 Jan 2016 17:13

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Messagede frigouret le Ven 1 Jan 2016 17:23

Très bien cette rubrique, félicitations.
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Messagede Lehning le Ven 1 Jan 2016 17:26

Des trois organisations, l'UA, fondée les 14 et 15 novembre 1920, était la plus forte numériquement avec environ 2000 adhérents. Son organe de presse était le Libertaire. Synthésiste, elle ne fermait ses portes à aucune tendance de l'anarchie. Elle était à forte prédominance communiste anarchiste et d'un ouvriérisme mal disposé envers les courants individualistes peu portés à prendre acte des nécessités qu'impose à chacun la vie en société. Elle restait ouverte à des alliances circonstancielles avec d'autres formations de gauche. Les plate-formistes, bien qu'ils aient perdus la bataille de l'organisation, étaient présents dans la tendance FCL et se maintenaient à des postes responsables. Syndicalement, elle considérait que les anarchistes pouvaient militer utilement dans la CGT malgré son réformisme.
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Messagede Lehning le Ven 1 Jan 2016 21:08

La deuxième organisation spécifique, la FAF, fondée lors du Congrès de Toulouse les 15 et 16 août 1936, comptait environ 500 militants. Ses organes de presse furent l'Espagne antifasciste, puis l'Espagne nouvelle et Terre Libre. Synthésiste et ouverte aux individualistes, cette organisation était résolument révolutionnaire. Son ouvriérisme était plus tempéré que celui de l'UA et d'une intransigeance plus importante en ce qui consiste les alliances circonstancielles avec des formations non-libertaires. Au point de vue syndical, elle était très proche de la CGT-SR. Sa création n'eut aucun effet sur l'UA puisqu'elle était constituée exclusivement de groupes qui avaient été autonomes avant de s'affilier à la FAF. Ses positions radicales pendant la guerre d'Espagne provoqueront son isolement. La CGT-SR était la composante anarcho-syndicale.
Sa constitution en 1926 ne fut pas accueillie avec enthousiasme par le milieu anarchiste à cause de la personnalité considérée comme trop rigide de Pierre Besnard. Ses positions dans son organe de presse le Combat syndicaliste ne manquaient pas de lucidité et de justesse. Elle prit ses distances avec la FAF à partir de 1937 à cause de la guerre d'Espagne. Elle a compté jusqu'à environ 4000 membres répartis dans une trentaine d'unions régionales. A la différence des militants de l'UA, ils considéraient le syndicat, organisation de classe, comme supérieur à tout rassemblement politique fût-il anarchiste.

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Messagede Lehning le Sam 2 Jan 2016 18:29

Enfin, dans les organisations annexes, le plus important, avec un effectif avoisinant les 500 militants était celle des jeunesses libertaires, la FNJL, avec comme organe Le Révolté -cinq numéros de 1937 à 1938- sous la gérance de Tixier qui était proche de la FAF et syndicalement de la CGT-SR.

:drapA:
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Messagede Lehning le Dim 3 Jan 2016 15:29

Avant la Seconde Guerre mondiale, les organisations les plus impliquées dans le mouvement ouvrier, se sont trouvées confrontées à d'importants problèmes qui s'entremêlèrent comme ceux de la division syndicale et du problème organisationnel autour de l'affrontement plate-forme/synthèse, ensuite la position face au Front populaire, la polémique sur l'évolution de la guerre d'Espagne et l'attitude face au pacifisme et à l'entrée en guerre.

[Jean Maîtron, Le Mouvement anarchiste en France, tome II de 1914 à nos jours, op.cit., pp. 33, 34 et archives J. Maîtron, fond anarchisme, carton 6, structure du mouvement anarchiste entre 1900 et 1945.]
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Messagede Lehning le Dim 3 Jan 2016 17:53

Division syndicale et affrontement plate-forme/synthèse


Après la révolution d'octobre 1917, l'avènement de "la patrie des travailleurs" créa un espoir fou qui aveugla de nombreux militants révolutionnaires et entraîna au sein de la Confédération générale du travail une majorité d'adhésions au Parti communiste français. La CGT bascula progressivement entre les mains du PCF. Dans les années 1920, les militants de l'Union anarchiste, la principale composante de la mouvance anarchiste, se trouvaient devant plusieurs choix syndicaux, qui seront à l'origine de vives polémiques: soit rester à la CGT réformiste de Léon Jouhaux, aller à la CGT-U (1921) où les communistes devenaient maîtres après avoir rallié les syndicalistes purs de Pierre Monatte ou adhérer à la CGT-SR (1926) qui, avec Pierre Besnard, cherchait à maintenir, dans le mouvement ouvrier, un syndicalisme d'action directe, indépendant des partis et de l'Etat. La majorité adhéra à la CGT-U, puis lors de la réunification de mars 1936 à la CGT, et s'éloigna des camarades anarcho-syndicalistes restés à la CGT-SR. Ce syndicat très marginal ne réunira qu'un petit nombre de convaincus et le chiffre des adhérents restera très faible.
Certains anarchistes l'appelèrent par dérision la "CGT-Sans Rien". Dans la même période, les anarchistes russes réfugiés en France et plus particulièrement Archinov et Makhno, provoquèrent avec leur "plate-forme" organisationnelle, une polémique qui débuta en 1925 et resurgit encore de nos jours.
Comme l'écrit G. Manfredonia:

"Ainsi, en dépit des attentes de leurs promoteurs, non seulement le débat plate-forme/synthèse ne contribua pas à la réalisation de l'unité du mouvement, mais il va accroître davantage le confusionnisme dans les rangs des libertaires et donc, en définitive, gêner le travail de révision nécessaire des positions anarchistes traditionnelles que pourtant la situation imposait. Pour avoir oublié qu'il ne s'agissait que de deux propositions parmi tant d'autres, le débat va de surcroît rapidement se figer et provoquer des cassures qui entraîneront une très grave crise du mouvement anarchiste français ; crise qui n'a jamais été véritablement surmontée encore aujourd'hui et dont le confusionnisme organisationnel et idéologique de la Fédération anarchiste actuelle, sorte de monstre hybride mi-plate-formiste mi-synthésiste, en est l'exemple le plus frappant."

[Gaetano Manfredonia, "Le débat plate-forme ou synthèse", Itinéraire, n° 13, Voline, 1995.]

Photos: Pierre Monatte ; Piotr Archinov et Nestor Makhno:
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Messagede Lehning le Dim 3 Jan 2016 18:53

Au delà de la FA proprement dite, les problèmes organisationnels de la mouvance anarchiste contemporaine furent traversés par le binôme plateforme/synthèse. Ce débat, inscrit dans la bolchevisation de la Russie, fut la marque d'une crise d'identité de l'anarchisme social face à lui-même et au "marxisme-léninisme". Dans ces discussions théoriques, confuses et agitées par l'intransigeance des protagonistes, les plate-formistes, pour qui la véritable tendance anarchiste est le seul communisme-libertaire, s'opposèrent aux partisans de la synthèse. Il y a, cependant, deux types de synthèse.

Celle écrite en réponse dès 1927, par Vsevolod Mikhaïlovitch Eichenbaum dit Voline, est philosophique ; ses "trois idées maîtresses" afin d'"unir le mouvement", sont l'admission des principes "syndicaliste", "communiste" et "individualiste" dans le but "de la révolution sociale". Elle servira de base à Sébastien Faure pour, en 1928, préciser comme projet à sa tendance de "combiner les trois courants: anarcho-syndicalisme, communisme libertaire et individualisme anarchiste" sur la base de thèses générales mûrement réfléchies et sciemment adoptées. Cette polémique eut surtout des répercussions sur l'organisation de l'UA. En 1926, face à la menace accrue de scission que faisait planer l'affrontement entre plate-formistes et synthésistes au congrès d'Orléans, un manifeste affirma que "le communisme est la seule forme de société" et l'UA deviendra l'UAC, l'Union anarchiste communiste. Loin de resserrer les rangs, ce manifeste d'Orléans allait rendre plus sensible aux partisans d'une organisation structurée l'incompatibilité de ces positions. Ainsi, le congrès de Paris, en 1927, vit triompher les plate-formistes. Le courant majoritaire deviendra l'UACR (communiste révolutionnaire) qui durera jusqu'en 1930. Le courant minoritaire scissionniste fonda avec Sébastien Faure l'AFA (Association des fédéralistes anarchistes), qui durera jusqu'au congrès d'unité de Paris en 1934. En 1934, au congrès de Paris, l'UACR reprendra le sigle d'UA, ce qui signifiait l'abandon des méthodes révolutionnaires, le communisme envisagé comme obligatoire au lendemain de la révolution, ainsi que le choix des modalités de versements pour les adhérents. Ces mesures entraînèrent une scission et la création de la FCL (Fédération communiste libertaire), soucieuse de plus d'homogénéité organisationnelle et tactique. L'in des principaux militants fondateurs, en fut Charles Cortvrint sous le pseudonyme de Charles Ridel (plus tard, Louis Mercier-Vega). Cela lui valut d'être poursuivi d'une haine tenace par Louis Lecoin. Elle reprendra sa place au sein de l'UA en 1936 pour continuer à coexister en tant que tendance. Enfin, c'est en août 1936, à Toulouse, que se constitua, la Fédération anarchiste de langue française (FAF) en réaction à l'UA qu'elle ne trouvait pas assez synthésiste - dans le sens que lui donnait Voline.

[Jean Maîtron, Le Mouvement anarchiste en France, tome II, op. cit.]

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Messagede Lehning le Lun 4 Jan 2016 20:57

Le Front populaire:
une victoire à la Pyrrhus


Au début de 1936, le prolétariat battu en Allemagne et en Italie par l'arrivée du nazisme et du fascisme n'a pas encore dit son dernier mot. Il garde encore son potentiel de lutte autant en France qu'en Espagne. En France, l'élan unitaire qui suivit la journée du 6 février avait montré la détermination des masses à s'opposer au fascisme et révélé aux travailleurs, leur propre capacité de mobilisation. Surtout elle avait permis de voir se réaliser à nouveau l'unité syndicale par la fusion de la CGT à la CGT-U au congrès de Toulouse en mars 1936. Cette unité avait été préconisée par les responsables de l'UA et correspondait à une exigence réellement ressentie par la base en dépit des manœuvres politiciennes. Même la CGT-SR qui, depuis sa création en 1926, n'avait pas cessé de dénoncer l'impossibilité d'un redressement des centrales réformistes ou staliniennes, se trouva affectée au point qu'une moitié de ses militants allèrent rejoindre à cet effet les rangs des unitaires. Mais pour que cette unité syndicale donne ses fruits, il fallait que la masse des travailleurs se détache des ornières politiciennes et parlementaires, ce qui nécessitait de répudier le programme et la stratégie de collaboration de classe préconisée par les partis du Front populaire. Il fallait donc se mobiliser et la tenue des élections législatives d'avril 1936 fut l'occasion pour les anarchistes de développer une importante campagne abstentionniste. La victoire électorale du Front populaire ne modifia pas leur attitude et le Libertaire titrait: "La victoire du Front populaire n'est pas la défaite de la bourgeoisie." [ Le Libertaire, n° 494, 1er mai 1936.] Léon Blum lui-même, avant même la constitution de son gouvernement, s'était empressé de rassurer la bourgeoisie en faisant acte d'allégeance à son encontre. Il restait à savoir comme le dit Sébastien Faure, si les "pauvres bougres" se contenteraient de "ce piètre résultat". [Sébastien Faure, "Mauvais départ", Le Libertaire, n° 496, 15 mai 1936.] La riposte ouvrière ne se fit pas attendre et dépassa tout espoir en donnant vie à un mouvement revendicatif d'une ampleur encore inconnue jusque-là en France. Sans attendre la réalisation des promesses électorales, la classe ouvrière passait à l'action en inaugurant un nouveau type de grève "sur le tas" qui bousculait le pouvoir patronal dans les usines. Ce mouvement imprévu répondait aux vœux exprimés par les anarchistes et fut accueilli d'une manière enthousiaste par la presse libertaire. "Saluons la magnifique aurore qui se lève", titrait le Combat syndicaliste du 5 juin organe de la CGT-SR. Au-delà de cette grandiloquence de circonstance, les anarchistes ont conscience de la portée et de la signification de l'agitation et là où ils étaient présents, ils oeuvrèrent pour que le mouvement ne s'arrête pas en chemin, mais pour que les ouvriers se mettent à faire tourner les usines occupées pour leur propre compte. On connaît la suite des évènements. Les dirigeants de la CGT et les nouveaux responsables politiques s'empressèrent de conclure les accords globaux avec le patronat. Les accords Matignon étaient signés le 7 juin et le 12, Maurice Thorez prononçait la fameuse phrase: "Il faut savoir terminer une grève", tandis que le gouvernement faisait approuver un certain nombre de mesures sociales dont les conventions collectives, les congés payés et la semaine de 40 heures. Malgré des tentatives de poursuivre de-ci delà le mouvement, l'élan était brisé et la situation reprise en main par le gouvernement. Les accords Matignon furent ressentis comme une trahison et la presse libertaire se fit l'écho de cette colère envers les saboteurs de l'action ouvrière. Dans Le Libertaire, Jean Ribeyron écrira:

"L'espoir est brisé pour les uns, le danger écarté pour les autres, une occasion pour émanciper le travail a peut-être été perdue."

[Jean Ribeyron, "Les travailleurs continuent la lutte avec énergie", Le Libertaire, n° 500, 12 juin 1936 ; voir aussi le recueil d'articles parus dans Les cahiers du vent du ch'min, 1936 à travers Le Libertaire, 1986.]
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Messagede Lehning le Mer 6 Jan 2016 22:05

La racine même de toute action ultérieure avait été détruite et les anarchistes se posaient la question de savoir si le mouvement des occupations aurait pu déboucher sur une agitation révolutionnaire ? Les militants de l'époque soulignèrent que la manière subite dont on mit fin au mouvement empêcha les travailleurs de remporter une victoire beaucoup plus décisive et plus nette, même si elle n'aurait pas débouché directement sur une révolution sociale. Car, pour les anarchistes, le mouvement des grèves s'achevait sur une victoire tronquée certes, mais une victoire quand même. Par exemple, dans le Combat syndicaliste on écrira carrément c'est un "succès triomphal, éclatant et sans précédent".

"Pour la première fois dans l'histoire, tout un peuple de travailleurs s'est levé en face de tout le patronat qui l'opprime et lui impose sa volonté. Il s'agissait ne l'oublions pas de la plus grande victoire du prolétariat français sur le plan revendicatif. Il leur rappelle aussi de rester vigilants quant à l'application des mesures annoncées et s'élève contre l'excès de confiance envers le gouvernement de Front populaire."

[ Le Combat syndicaliste, n° 161, 19 juin 1936.]
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Messagede Lehning le Mer 6 Jan 2016 22:24

Le Combat syndicaliste écrivait encore:

"Contestant à la fois le droit de propriété et le principe d'autorité, les ouvriers ont revendiqué la possession des moyens de production qui sont leur moyen de travail ; pour un moment, ils ont tari la source du profit et exercé leur droit d'occupation, en attendant de prouver leur capacité d'organisation et de gestion.
Enfin, ils ont démontré la valeur de l'action directe."


[ Le Combat syndicaliste, n° 159, 5 juin 1936.]
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Messagede Lehning le Sam 9 Jan 2016 20:17

Pour les anarchistes, les évènements de juin sont perçus non comme un aboutissement, mais comme la "première étape" d'un mouvement qui devrait s'étendre pour aboutir à la révolution sociale. Certains militants furent plus intransigeants à l'exemple de Henri Bouyé qui écrit dans son témoignage:

"Sans vouloir être sévère avec les nôtres et si l'on est soucieux d'objectivité on ne peut qu'affirmer qu'en pareille circonstance notre mouvement ne s'est pas montré à la hauteur.
Il faut dire qu'il y avait dans ses rangs plus de phraseurs, [...] que de gens disposés à l'engagement dans les luttes sociales. [...] C'est l'époque où il était amplement démontré que la tentative de synthèse [...] proposée depuis plusieurs années par Sébastien Faure était un échec."


[Henri Bouyé, témoignage dans 1886... 1936 et quelques autres anniversaires, Bulletin du CIRA de Marseille n° 26, 27, 1986, p. 59.]
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Messagede Lehning le Sam 9 Jan 2016 20:53

Et, dans le prolongement de cette critique, les militants mécontents et critiques des actions de l'UA et de la CGT-SR se réuniront autour de personnalités comme Voline et André Prudhommeaux et tiendront à Toulouse, les 15 et 16 août 1936, le premier congrès de la Fédération Anarchiste de langue française. Les avertissements de la CGT-SR sur le rôle "anti-ouvrier" du Front populaire se confirment de septembre 1936 à mars 1937: les acquis des luttes sont rognés progressivement sous la pression concertée du gouvernement et des patrons. Le coup de grâce est porté en janvier 1937 par l'annonce du "temps de pause" des réformes sociales. "L'heure est à la reddition totale" conclut le Combat syndicaliste. Les anarchistes mirent beaucoup d'espoir dans la reprise de l'action ouvrière mais malheureusement la deuxième vague n'a pas eu lieu, ce fut la guerre. [Gaetano Manfredonia, "1936: Face au Fascisme et à la révolution", Les Œillets rouges, n° 1, 1986 et Jérémie Berthuin, La CGT-SR et la Révolution espagnole, éd. CNT-Région parisienne, 2000.] Comme le rappellera Nicolas Faucier [Nicolas Faucier, "Nous avons tant aimé la révolution, des militants parlent", Les Œillets rouges, n° 2, 1987.]:

"Ce sont les ouvriers, indépendamment des politiciens parlementaires et gouvernementaux, qui ont précipité les dirigeants du patronat affolés, apeurés par les menaces révolutionnaires, chez Léon Blum, implorant de ménager une entrevue avec les responsables ouvriers en vue de négocier les conditions rapides d'une reprise du travail. Au surplus, il faut préciser que ni les 40 heures ni les congés payés ne figuraient au programme du Front populaire. C'est sous la pression des grévistes que les réformes furent votées. C'est l'action directe des ouvriers qui a triomphé des palinodies des politiciens."

Photos: André Prudhommeaux ; Nicolas Faucier:
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Messagede Protesta le Dim 10 Jan 2016 19:49

CGT-SR et Révolution Espagnole?? Il est recent ce bouquin?
"Salut Carmela, je suis chez FIAT! Je vais bien... Si,Si, nous pouvons parler tranquillement, c'est Agnelli qui paye!"
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Messagede Lehning le Lun 11 Jan 2016 19:28

Bonsoir !

Il date de 2000.

Salutations Anarchistes !
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Messagede Lehning le Mer 13 Jan 2016 18:46

La guerre d'Espagne, polémique entre anarchistes français face à la FAI

C'est d'Espagne que vint la reprise de la lutte sociale et c'est vers l'Espagne révolutionnaire que se tourneront tous les regards des anarchistes français. De 1936 à 1939, la révolution et la guerre civile espagnole auront sur la mouvance anarchiste française une répercussion contradictoire. Tout d'abord, les libertaires reçurent avec enthousiasme la nouvelle de l'insurrection populaire et les organisations les plus impliquées dans le mouvement ouvrier, l'UA, la FAF et la CGT-SR soutinrent et aidèrent de leur mieux, avec un dévouement identique leurs camarades espagnols. Dès juillet 1936, des militants anarchistes français partirent pour l'Espagne. On les retrouve sur le front dans la colonne Durruti ou la colonne Ortiz ou à l'arrière pour des tâches importantes de liaisons, bien avant que soit lancée l'idée des Brigades internationales. Les anarchistes français n'ont pas hésité sur la nature de la guerre: c'est "le choc dramatique entre [...] l'Espagne des palais et châteaux et celle des taudis et chaumières, entre l'Espagne oisive et parasitaire et l'Espagne qui travaille et produit tout, entre l'Espagne des privilégiés et celle des déshérités" écrira Sébastien Faure, cette lutte que mènent les anarchistes espagnols est "la nôtre".

[ Le Libertaire, 31 juillet et 25 septembre 1936.]

Photo: Antonio Ortiz:
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Messagede Lehning le Mer 13 Jan 2016 19:40

Ensuite, l'époque du Front populaire espagnol et son évolution dans la guerre provoqua des désaccords idéologiques et tactiques profonds, ainsi que des conflits radicaux entraînant chez les anarchistes français de graves dissensions dont l'effet leur fut néfaste. Sous l'impulsion de la CNT-FAI et les auspices de l'UA, de la FAF et de la CGT-SR, se créa en août 1936 un Comité anarcho-syndicaliste pour la défense et la libération du prolétariat espagnol (CASDLPE) avec comme secrétaire Pierre Besnard. On ne doit pas oublier le rôle important joué par ce comité. Il a permis l'organisation de meetings, la collecte d'argent, de vêtements, de nourritures et de tabac pour le front ainsi que l'aide apportée aux familles de militants partis se battre. Malgré les discordes le CASDLPE poursuivit son travail avec les comités créés plus tard, comme la Solidarité internationale antifasciste (S.I.A.) et L'Espagne libre, jusqu'à la fin de la guerre d'Espagne. Pendant l'automne 1936, l'UA poussa sa collaboration du "Front antifasciste" avec les trotskistes et la frange révolutionnaire du Parti socialiste.
Encouragée par la CNT-FAI et le SIA nouvellement créé par elle, l'élargissement du mouvement de solidarité conduit à la création du "Comité pour l'Espagne libre", mais à l'exclusion de la FAF et de la CGT-SR qui étaient en désaccord avec des alliances circonstancielles avec des formations non libertaires.
Le comble fut l'organisation par les militants de l'UA d'un grand meeting de solidarité au Vél d'Hiv de Paris le 23 octobre 1936 dans lequel Léon Jouhaux de la CGT réformiste prit la parole. Le lendemain, un congrès du CASDLPE provoqua l'exclusion de l'UA en votant contre la création d'"un front élargi" car "ceux qui réalisent une telle liaison cessent, à notre sens, ipso facto, d'être des anarchistes." [ L'Espagne antifasciste, n° 18, 7 novembre 1937.] La CNT-FAI face à cette situation va tenter, par la tenue d'un congrès à Lyon, les 14 et 15 novembre 1936, de proposer à l'UA, la FAF et la CGT-SR une nouvelle organisation anarchiste qui rassemblerait tous les libertaires français. Le projet n'aboutira pas. Les principaux points de désaccord étaient la question de la collaboration avec des groupements socialistes non anarchistes et ensuite les critiques faites à l'encontre de la CNT-FAI d'accepter:

"la participation au gouvernement, la collaboration avec les partis politiques, la militarisation des masses, le penchant étatiste qui a porté un coup à l'anarchisme international."
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Messagede Lehning le Ven 15 Jan 2016 01:45

André Prudhommeaux et Voline sont les militants de la FAF qui expriment avec le plus de force ce courant contestataire et critique dans des publications comme, tout d'abord L'Espagne antifasciste puis ensuite en alternance dans l'Espagne nouvelle ou Terre libre. La tension entre l'UA d'un côté et la CGT-SR et la FAF de l'autre, est atteinte lors du meeting organisé par l'UA, le 18 juin 1937, où outre des "camarades ministres" comme Federica Montseny et Garcia Oliver, est également appelé à intervenir, Marcel Cachin du PCF. Ce meeting donna lieu à des affrontements physiques violents entre service d'ordre de l'UA et membres de la CGT-SR et de la FAF. Jusqu'à la fin de la guerre civile les militants de ses organisations vont se vouer une rancune tenace. Pendant la première semaine de mai 1937, les affrontements de Barcelone, qui opposèrent les militants ouvriers de la CNT-FAI aux forces de la réaction stalino-policière, transformèrent rapidement la victoire de rue des premiers en coup d'arrêt porté à la révolution. En France, ce fut sans doute Prudhommeaux qui sut se faire l'interprète le plus lucide du dilemme entre guerre et révolution. Il s'efforça toujours de concevoir les évènements d'Espagne "sous l'angle de la révolution sociale internationale" et de mettre l'accent sur le caractère insurrectionnel, expropriateur, socialiste et libertaire de l'action des masses espagnoles afin de "cristalliser autour d'elles le mouvement de renouveau spirituel et organique du prolétariat mondial."

[ L'Espagne nouvelle, n° 33, 34, décembre 1937.]

Photos: Federica Montseny ; André Prudhommeaux:
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Re: Un regard noir

Messagede Lehning le Ven 15 Jan 2016 02:21

Dans le Combat syndicaliste, Alexandre Schapiro et Pierre Besnard dénoncèrent eux aussi l'attitude des ministres libertaires pendant les évènements de mai 1937. Leurs appels au calme, leur refus "de répondre aux provocations" a, en fait, saboté le réveil populaire. Besnard estime qu'au contraire la direction de la CNT-FAI aurait dû renforcer le mouvement initié par la base. Pour Alexandre Schapiro et la CGT-SR l'inquiétude fait place désormais à la désillusion. La situation est tout autre.
La ligne stratégique défendue par la CNT était jusqu'ici celle du compromis, elle devient, au fur et à mesure, celle d'un parti de gouvernement et enfin, ce qui est un comble pour des anarcho-syndicalistes, une force contre-révolutionnaire dans une alliance dominée de plus en plus par les communistes. Au mois de juin 1937, la FAF avait publié dans Terre libre son attaque la plus violente de la CNT-FAI:

"Non ! La parole n'est plus à ceux qui ont fait avorter le nouveau 19 juillet des travailleurs espagnols (les évènements de mai à Barcelone) ; elle est aux combattants de la révolution [...]: aux jeunes libertaires et aux militants de base de la FAI ; aux Amis de Durruti et aux miliciens du front ; aux masses prolétariennes et paysans de la CNT [...] aux véritables combattants antifascistes qui ne veulent pas sacrifier [...] la vraie liberté du peuple. La parole est à la véritable CNT-FAI, non pas aux indécis, aux lâches, non pas aux faussaires, aux renégats ou aux traîtres !"

[ L'Espagne nouvelle, n° 62, février 1939.]

Photos: Alexandre Schapiro ; les "ministres libertaires" avec de gauche à droite Jaime Aiguade, Federica Montseny et Juan Garcia Oliver:
Fichiers joints
Sacha_Schapiro.jpg
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