Un regard noir

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Messagede Lehning le Jeu 17 Déc 2015 01:58

De Michel SAHUC. 2009. Editions du Monde libertaire. 13€. ISBN: 9 782915 514117. 150 pages.
Sous-titré: "La mouvance anarchiste française au seuil de la Seconde Guerre mondiale et sous l'occupation nazie (1936-1945)".

C'est bientôt Noël !... Voici pour commencer la 4ième de couv' de cet ouvrage. Et pis, selon mes disponibilités, je retranscrirais ici tout l'ouvrage avec des illustrations ajoutées.
Nous verrons que bien des similitudes avec ce que nous vivons aujourd'hui sont présentes.^^ D'où l'intérêt de l'ouvrage^^.

4ième de couv':

Le rôle et le comportement des anarchistes français pendant la période de la Seconde Guerre mondiale sont, malgré quelques études pionnières, encore mal connus. Les raisons en sont multiples, en particulier parce que toute réaction organisée et structurée avait été impossible dans l'immédiat. Ce fut le comportement individuel des militants que nous devons essentiellement étudier, et pour comprendre cette situation, la physionomie et un bilan de la mouvance anarchiste d'avant-guerre sont nécessaires.

D'autre part, pour les anarchistes, cette période constitue, à tort, un revers, avec le fascisme qui sévit, la défaite de l'Espagne républicaine, l'échec face à la guerre, l'Occupation nazie, la répression, les emprisonnements, la collaboration, etc.

Face à cette adversité, beaucoup semblent oublier les actions de résistance et de reconstruction d'un mouvement anarchiste clandestin, ou du moins ne songent pas à s'attarder sur les traumatismes d'une époque à oublier au détriment de la mémoire de ceux qui ont poursuivi le combat."
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Messagede Lehning le Lun 28 Déc 2015 19:30

La couv' du livre (réalisée par El nino):
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Messagede Lehning le Lun 28 Déc 2015 19:50

Introduction

Note Lehning: Le début de l'introduction est le même que la 4ième de couv'. Je ne le retranscris donc ici pas 1 fois de + puisqu'il est juste 2 messages au-dessus. L'introduction continue ainsi:

A la suite de ces premiers travaux historiques, il est utile de mieux connaître cette époque, dont l'enseignement ne peut que servir de leçon au devenir de l'anarchisme. Il est indispensable d'exorciser les fantômes et les mythes en essayant de relater les faits avec le traitement critique que nécessite tout travail historique. Pour cela, nous jetterons sur les évènements et les idées anarchistes, Un regard noir, celui du militant, qui trouve, confrontée à son incontournable orientation idéologique, la soi-disant objectivité de l'histoire qui, dans son sens absolu, n'existe pas. Ainsi, nous nous proposons à travers une observation à la fois distanciée et honnête, de nous attacher à la confrontation continuelle entre le domaine propre à l'idéologie et celui des faits.
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Messagede Candide le Lun 28 Déc 2015 19:51

Est-ce que ça ne fait pas doublon avec le fil "Anarchistes dans la Résistance" ?
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Messagede Lehning le Lun 28 Déc 2015 20:01

Au préalable, seront exposés les prodromes, en présentant la physionomie et le bilan de la mouvance anarchiste au seuil de la Seconde Guerre mondiale, dans le but de faire le point sur les principaux problèmes qui causèrent son délitement.

Les anarchistes pendant l'Occupation donneront lieu à une étude particulière axée sur les dernières actions, la répression, les compromissions, la collaboration et la résistance des anarchistes en France.

Enfin, une enquête historique sera réalisée aussi bien sur le rôle des militants anarchistes, syndicalistes et espagnols en exil, dans les mouvements de la Résistance officielle, que sur le mouvement libertaire de résistance clandestin.

Ce livre est un essai historique dont le but est de présenter à tous ceux qui s'intéressent à la mouvance libertaire française, du simple curieux au militant, son évolution du seuil de la Seconde Guerre mondiale au début du III° millénaire.

:drapA:
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Messagede Lehning le Lun 28 Déc 2015 20:05

Candide a écrit:Est-ce que ça ne fait pas doublon avec le fil "Anarchistes dans la Résistance" ?
Amicalment


Bonsoir !

Non je ne pense pas puisqu'ici, c'est carrément tout un ouvrage que je vais retranscrire et qui est inédit sur le Net.

Salutations Anarchistes !
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Messagede acratack le Lun 28 Déc 2015 20:55

Bonne idée !
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Messagede Lehning le Lun 28 Déc 2015 22:06

Bonsoir !

Merci Acratack !

Amitiés Anarchistes !
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Messagede Lehning le Lun 28 Déc 2015 23:09

I. PHYSIONOMIE ET BILAN DE LA MOUVANCE ANARCHISTE FRANCAISE AVANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE

La mouvance anarchiste dans les années 1930


Dans les années 1930, il n'existait pas de réelle unité entre les anarchistes français. Il est donc plus judicieux de parler de "mouvance" anarchiste plutôt que de "mouvement anarchiste". D'ailleurs, à cette époque, on parlait de "milieu" anarchiste. En son sein se déclinaient des tendances comme les communistes libertaires plate-formistes de la FCL (Fédération communiste libertaire), les synthésistes plus ouverts vers les individualistes de l'AFA (Association des fédéralistes anarchistes) -le conflit plate-forme/synthèse est abordé dans le chapitre suivant-, remplacée plus tard par la FAF (Fédération anarchiste de langue française), la Fédération des jeunes anarchistes libertaires (FJAL), des individualistes intransigeants de l'En Dehors, les anarcho-syndicalistes de la CGT-SR, les moralistes de la revue Plus loin, sans oublier les groupements satellites comme les pacifistes intégraux de la Patrie humaine, la Libre pensée, les végétariens, les végétaliens et d'autres, ensembles hétéroclites qui n'avaient entre eux que des relations très épisodiques, sympathiques dans certains cas et polémiques dans d'autres. Quant à l'UA (Union anarchiste) qui se voulait, selon les périodes, plus ou moins "synthésiste", les anarchistes-communistes, les anarcho-syndicalistes et certains individualistes anarchistes, cherchaient à y cohabiter comme de simples courants d'idées relevant d'une même théorie.
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Messagede Lehning le Mar 29 Déc 2015 03:04

Juan Garcia Oliver, alors réfugié espagnol en France, écrit de façon polémique dans ses mémoires El eco de los pasos:

"Les anarchistes purs sont intoxiqués par l'influence décadente de l'anarchisme français, poussière de petits groupes: les uns naturistes, d'autres végétariens ou pacifistes, plus les partisans d'un mouvement anarchiste (MOA), les philanthropes anarchistes du Semeur, les éclectiques de Sébastien Faure, les "syndicalistes" suis generis de Pierre Besnard et Gaston Leval (Pierre Piller)."
[Juan Garcia Oliver, El Eco de los pasos, éd. espagnole de Ruedo Iberico, Barcelone, 1978.]

Cette description bien que caricaturale nous indique toutefois l'existence de nombreuses tendances, héritage de la fin du XIX° siècle et du choc du premier conflit mondial.

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Messagede Lehning le Mar 29 Déc 2015 03:42

Néanmoins, l'anarchisme français restait le seul camp à condamner la bourgeoisie face au réformisme, à la collaboration électoraliste et parlementaire des socialismes étatiques. Comme l'écrit Maurice Joyeux:

"Le milieu anarchiste était alors très différent de celui que nous connaissons aujourd'hui. La plupart des militants étaient des ouvriers ou d'anciens ouvriers reconvertis dans le petit commerce, voire l'industrie. Leur culture de base était le certificat d'études.
Mais tous étaient autodidactes avec ce que cela comporte de connaissances approfondies pour certaines matières privilégiées et des lacunes pour d'autres. Il n'y a rien de péjoratif, et tous les militants du mouvement ouvrier se trouvaient dans le même cas.
Ils lisaient beaucoup les classiques du mouvement ouvrier en long, en large, en travers, mais ils ne lisaient que ça. Le caractère de leurs connaissances donnait à ces militants à la fois un sentiment de supériorité envers les travailleurs et d'infériorité envers ceux qui avaient la chance, rare à cette époque, d'avoir reçu une culture classique qui se traduisait par du parchemin."

[Maurice Joyeux, Histoire de la Fédération anarchiste, 1945-1965, éd. groupe Maurice Joyeux, 1997.]

Photo: Maurice Joyeux:
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Messagede Lehning le Mar 29 Déc 2015 04:25

Georges Fontenis dresse de cette période un portrait plutôt sombre. [Georges Fontenis, voir le chapitre V, "Ombre et Lumières", dans l'Autre communisme, éd. Acratie, 1990 ou Changer le monde, éd. Coquelicot/Alternative Libertaire, 2000.] En effet, les ouvriers ont fait place à un nombre important de forains ou de petits entrepreneurs "vivants de petits boulots", voire de combines plus ou moins recommandables comme le "macadam" -escroquerie aux assurances sociales- ou "des pratiques proches du proxénétisme."
D'après lui, ce glissement sociologique avait favorisé "le développement du confusionnisme, de l'humanisme petit-bourgeois, du libéralisme radical au détriment de la notion de classes et de luttes révolutionnaires." Pour expliquer cet état des lieux déplorable, G. Fontenis insiste sur les méfaits de la franc-maçonnerie et de la Ligue des droits de l'homme qui introduisaient en leur sein des "théories fumeuses" et sur l'absence d'analyse qui laissait place à "une pensée philosophique naïve et moraliste, manichéenne [...] où souvent les aspects positifs et négatifs sont mêlés." Il souligne aussi des rapports étroits avec "une certaine libre pensé" qui avait entraîné une "indigence politique" et "un anticléricalisme réducteur". Il en va de même avec "le pacifisme inconsistant qui a conduit plus d'une fois des militants anarchistes à des prises de position et à des conduites aberrantes". Il est certain que la description de Fontenis est un peu exagérée car elle n'est pas neutre et cherche à donner des mobiles aux futures créations de l'Organisation pensée bataille (OPB) et de la Fédération communiste libertaire (FCL).

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Messagede Lehning le Mar 29 Déc 2015 05:21

Dans l'introduction du texte Organisation du Mouvement fédéraliste écrit par Henri Bouyé en 1943, la situation était décrite comme suit:

"Que fut le mouvement fédéraliste jusqu'à ce jour ? Un ramassis de valeurs individuelles très variées ; parfois certaines, souvent discutables, mais à coup sûr n'ayant jamais su se montrer aptes à s'organiser. Les uns limitaient leur champ d'action à l'eugénisme, au néo-malthusianisme, d'autres à l'anti-militarisme, d'autres à la lutte anti-religieuse, d'autres dans le syndicalisme et d'autres enfin dans l'apologie d'un individualisme outrancier capable seulement de satisfaire ou de justifier l'égoïsme des uns et le dilettantisme intellectuel des autres. Dans toutes ces tendances, à l'exception de la dernière, dont les éléments étaient trop souvent d'origine douteuse, on trouvait la lutte contre l'autorité, contre l'Etat. Elles étaient toutes orientées vers une conception nouvelle de la société. La liberté individuelle demeurait leur leitmotiv essentiel. Entre elles toutes, elles constituaient la synthèse qu'est notre idéal ; et cependant elles n'ont jamais su, en s'organisant, en unissant leurs efforts, exprimer ce qu'est cette synthèse et rendre facile pour le public la compréhension de leur idéal commun. Pour obtenir cela, il eût fallu qu'elles s'organisent ; ce qui ne fut jamais fait d'une façon sérieuse. De là le fait regrettable que le mouvement, si mouvement il y eut, n'avait aucune unité de vue sur les multiples problèmes de la vie sociale, n'a pu peser tant sur le plan local, régional, national, qu'international. Les déclarations des uns étaient souvent contredites par les affirmations des autres ; chacun se réclamant de nos principes. Et le public ne nous comprenait pas. On ne nous prenait pas au sérieux, et cela se conçoit. La solidarité elle-même en souffrait."
[Henri Bouyé, Organisation du mouvement fédéraliste. Ce qu'elle fut jusqu'à ce jour, texte pour le Congrès de Toulouse, 1943.]

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Messagede Lehning le Mar 29 Déc 2015 19:13

Bien que ce constat fût rédigé dans le but d'étayer la création d'une structure fédérale, celui-ci renforce-t-il l'analyse de G. Fontenis ? Même si dans les années 1930, des idéologies humanistes comme celle de la Franc-maçonnerie, de la Ligue des droits de l'homme, de la Libre Pensée, du pacifisme ainsi que la composition sociologique des anarchistes ont pu jouer des rôles importants dans l'écueil organisationnel et dans l'absence de théorie, nous pensons que ces problèmes sont avant tout la conséquence de l'histoire même de l'anarchisme en France.
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Messagede Lehning le Mar 29 Déc 2015 21:00

En effet comme l'a démontré Jean Maîtron, la pensée anarchiste française est restée ouverte à tous les courants d'idées. Ainsi, "le refus d'accepter l'autorité sous quelque forme que se soit", en particulier la confusion entre les notions de pouvoir et de domination, le "ni doctrine, ni parti" provoqua un "manque de cohésion doctrinale". Chacun resta libre de la réorganiser selon ses propres réflexions ou les idées à la mode du moment. Ce phénomène, apparu à la suite du terrorisme anarchiste du XIX° siècle, d'abord avec le syndicalisme, les "milieux libres", fut suivi par la pratique de l'illégalisme. Il en résulta de nombreuses "déviations". Celle des individualistes, scientistes et présentéistes intransigeants groupés autour du journal L'Anarchie qui par leurs critiques du syndicalisme et de l'ouvriérisme parfois lumineux quand elle dénonçait l'aliénation du salariat, l'était beaucoup moins lorsqu'ils niaient la notion de "classe sociale" au profit de l'individu. Cela contribuera à faire oublier ou condamner, par des militants anarchistes de milieux différents, la notion de lutte de classes. Il y eut aussi les néo-malthusiens avec la question de la population, l'éducationnisme avec son enseignement intégral, le coopératisme perçu par certains comme un compromis avec le capitalisme, les groupements naturiens avec leurs critiques de la civilisation et parfois leur primitivisme, les végétariens, les végétaliens, l'antimilitarisme, le pacifisme ; toute une multitude de courants et de tendances qui provoquèrent la dispersion et la stagnation de l'anarchisme français.

[Sur la notion de pouvoir, voir l'article de Amadeo Bertolo, "Pouvoir, autorité, domination" dans Le Pouvoir et sa négation, éd. A.C.L., 1984. L'historien italien Nico Berti dans son texte L'Anarchisme dans l'Histoire, mais contre l'Histoire, n'est pas d'accord avec Jean Maîtron lorsqu'il définit l'anti-militarisme, l'éducation anti-autoritaire, les expériences de communes libres, etc., comme "la dispersion en tendances", l'imputant au "manque de cohésion doctrinale de l'anarchisme", pour lui "c'est la manifestation d'une constante homogène à l'intérieur des manifestations pluralistes de l'anarchisme. Celle-ci marquent et confirment justement les limites de superposition "autoritaire" entre mouvement spécifique et classes exploitées, en ce sens que le premier n'impose pas aux secondes un schéma préconstitué -comme c'est le cas, par exemple pour le marxisme- mais en exprime précisément les multiples tendances pour autant que celles-ci sont historiquement révolutionnaires. Mais comme pour être telles ces tendances doivent émerger de façon spontanée et libre, c'est-à-dire de manière autonome. Il y a une coïncidence entre celles-ci et l'anarchisme: coïncidence pratique et théorique parce que ce dernier est également, comme on le sait, pluralité et autonomie." L'approche de Berti n'infirme pas le fait que lorsque la caractéristique d'une tendance prend le pas sur l'anarchisme lui-même ou perd son caractère révolutionnaire, cette tendance ne fait plus partie de l'anarchisme.]

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Messagede Lehning le Mer 30 Déc 2015 02:37

Cette situation fut à l'origine de l'impossibilité de construire la grande organisation anarcho-socialiste et/ou communiste-libertaire que les militants organisationnels, anarcho-syndicalistes, plate-formistes et synthésistes souhaitaient à cette époque. Bien sûr, tout ne fut pas négatif et certaines de ces tendances ont enrichi le débat, spécialement celles relatives à l'efflorescence individualiste de la fin du XIX° siècle. Cependant il faut nous efforcer, ainsi que l'indiquait Jean Maîtron, "de déterminer à quel moment de leurs évolutions ces propagandes cessent d'appartenir à l'histoire du mouvement anarchiste proprement dit."

[Jean Maîtron, Le Mouvement anarchiste en France, tome I, éd. Tel Gallimard, 1992.]
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Messagede Lehning le Mer 30 Déc 2015 02:52

L'impossibilité organisationnelle ainsi que le confusionnisme théorique des années 1930 sont bien l'héritage du morcellement en tendances de l'anarchisme, apparu dès la fin du XIX° siècle, et qui reste toujours présent même aujourd'hui au sein de la mouvance anarchiste française. Il est inhérent à la doctrine tant que cette dernière ne sera pas enfin déterminée par un programme qui associe en toute autonomie des forces différentes autour d'un projet d'administration directe fédéraliste et communiste libertaire.

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Messagede Lehning le Mer 30 Déc 2015 03:15

Face à ces analyses franco-françaises négatives qui tendent à démonter son impuissance organisationnelle, l'historien anglais David Berry a le recul nécessaire, centré sur l'essentiel, pour en avoir une vision positive. [David Berry, L'Anarchisme français et la Révolution espagnole dans le bulletin du CIRA, n° 26/27, 1986, ou Alternative libertaire, brochure Question théorique avec un complément de Georges Fontenis et Le Mouvement anarchiste français (1939-1945), Résistance et Collaboration traduit par Anne Grosjean et Jean-Paul Salles dans la revue Dissidences, n° 12-13, janvier 2003, pp. 41 à 51.] En effet, malgré son statut de minorité, les anarchistes français demeuraient, pendant l'entre deux guerres, mieux organisés et plus nombreux numériquement, particulièrement au milieu et à la fin des années 1930.
Sa majorité s'inscrivait dans la "classe ouvrière travaillant dans l'industrie" et épousait alors deux principaux axes de combat: "l'anti-militarisme révolutionnaire" et "l'internationalisme prolétarien". Leurs analyses sur l'environnement politique de l'époque "étaient sans doute plus incisives et cohérentes" que pour certaines autres organisations d'extrême gauche. De 1936 à 1938, leurs actions furent importantes aussi bien dans "le syndicalisme" que dans "le mouvement pacifiste" et "leurs associations avec la CNT-FAI", pendant la guerre civile d'Espagne, leur apportera un certain "prestige" international.
Comme l'écrit Berry:

"Les organisations qu'ils créèrent pour apporter leur soutien aux révolutionnaires espagnols étaient sans doute une réussite selon leurs propres critères: la SIA (Solidarité internationale antifasciste), par exemple, pouvait s'enorgueillir de 40 000 adhérents."
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Re: Un regard noir

Messagede Lehning le Mer 30 Déc 2015 03:51

Cependant, en 1939, veille de la Seconde Guerre mondiale, les anarchistes français étaient divisés en trois principales organisations structurées, deux spécifiques, l'Union anarchiste (UA) et la Fédération anarchiste de langue française (FAF), et sur le plan syndical la CGT-SR (Syndicaliste révolutionnaire) auxquelles on peut ajouter quatre structures annexes, liées à l'UA, le groupe Jeunesses anarchistes communistes (JAC) autour de son secrétaire René-Antoine Ringenbach dit Ringeas, et de son trésorier Roger Caron, l'Association de synthèse anarchiste (ASA) groupée autour de Fernand Planche, la Fédération des jeunes anarchistes autonomes (FJAA) créée en 1926, par Louis Louvet et la Fédération nationale des jeunesses libertaires (FNJL) animée par Tixier et Gilberte Dawas. A côté, il ne restait que des groupes affinitaires complètement autonomes autour de publications, de journaux édités par des personnalités comme l'En Dehors, journal des individualistes intransigeants d'E. Armand (Ernest Juin), l'Idée libre consacré à la propagande rationaliste et à la libre pensée de André Lorulot (André Roulot), Plus loin, revue d'anarchisme éducationniste du Dr Pierrot (Marc Pierrot) et pour finir à sa marge, la Patrie humaine, organe du pacifisme intégral fondé par Victor Méric.
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Messagede Lehning le Ven 1 Jan 2016 17:04

Photos: Louis Louvet ; Emile Armand:
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