Le « Courant syndicaliste révolutionnaire » est-il anti-anarchiste ?
mardi 29 septembre 2015, par Eric Vilain http://monde-nouveau.net/spip.php?article355
Deux textes écrits par le « Courant syndicaliste révolutionnaire » (CSR) ont attiré mon attention à cause du discours que tient ce courant par rapport à l’anarchisme et l’anarcho-syndicalisme :
♦ « La CFDT et le syndicalisme révolutionnaire » ;
♦ « Histoire de l’Internationale syndicale rouge » ;
J’ai ensuite lu un troisième texte :
S’y ajoute un troisième texte :
♦ « L’anarcho-syndicalisme contre le Front Unique », qui ne dit rien de nouveau sur le fond par rapport aux deux premiers textes que je mentionne, mais qui confirme mes premières impressions : le CSR est clairement anti-anarchiste et anti-anarcho-syndicaliste.
Cela dit, on a parfaitement le droit d’être anti-anar, et de le dire. Cela relève d’un simple débat d’idées. Mais l’argumentaire du rédacteur de ces textes révèle une invraisemblable manipulation des faits, la mauvaise foi et la déformation. Et aussi une incroyable tendance à récupérer des mouvements comme étant « syndicalistes révolutionnaires », alors qu’ils n’ont absolument rien à y voir.
L’argumentaire de notre théoricien du « SR », comme il dit, se fonde sur :
– la négation du caractère répressif du gouvernement communiste en Russie, répression qui s’est exercée contre le mouvement ouvrier dès 1918. (rappelons que la Tchéka a été fondée dès décembre 1917), et atteignant un pic en 1921 avec la répression de l’insurrection de Kronstadt et du mouvement makhnoviste. Avec l’interdiction des tendances au 10e congrès du parti, toute démocratie à l’intérieur du parti est brisée. À l’extérieur, cela faisait longtemps qu’elle l’était.
– L’affirmation que l’Internationale syndicale rouge, le pendant syndical de l’Internationale communiste, était une organisation syndicaliste révolutionnaire, indépendante de l’Internationale communiste, et qu’elle aurait pu constituer une alternative au gouvernement bolchevik jusqu’en 1928.
– La condamnation du retrait des anarcho-syndicalistes de l’Internationale syndicale rouge pour fonder l’AIT à Berlin en 1922, retrait qui serait motivé par des erreurs d’analyses et par opportunisme et non comme conséquence d’une analyse de la nature répressive et anti-ouvrière de l’Etat russe.
– La condamnation du refus des anarchistes à adhérer à la politique du « front uni » décidée par l’Internationale communiste et imposée aux partis communistes adhérents, laquelle politique impliquait entre autres choses la participation des partis adhérents à l’Internationale aux élections et la constitution de fractions communistes dans les organisations syndicales pour en prendre le contrôle.
la suite au format .pdf ici http://monde-nouveau.net/IMG/pdf/Le_Courant_syndicaliste_revolutionnaire_est-il_anti-a.pdf
Salut Bajotierra,
Je vois que le sujet a été supprimé mais je vais te répondre quand même,
"N'est pas une fin en soi* (oui y a quelques fautes, c'était un texte sorti uniquement sur support papier de la revue CSR que j'ai retapé ensuite ).
"Tu affirmes que l'anarchisme n'est pas une fin tout en étant un projet , quelle est la différence ?
Comment une composante non anarchiste peut elle participer a élaborer des outils anarchistes ?"
Le texte n'est pas de moi mais a été validé collectivement en réponse à l'époque. Personnellement j'aurai dis ça autrement car effectivement je comprends qu'il y ai une petite interrogation, je vais donc tenter de rectifier avec mes mots à moi (et c'est pas gagner car sur un forum un propos peut très vite être mal compris et interprété autrement)
Je me lance, un peu d'indulgence
L'anarchisme est une philosophie et son problème c'est qu'il y a presque autant d'anarchismes qu'il y a d'anarchistes (on peut voir des débats passionnés au sein même de courants anarchistes hégémoniques ou à l'intérieur des différentes organisations anarchistes, la plupart étant elle-mêmes le produit de scission avec d'autres sur l'interprétation et les moyens d'arriver à l'anarchisme). L'anarchisme veut la liberté de l'individu dans l'organisation sociale. A partir de là viennent les débats sur la mesure et la place de cette liberté de l'individu: la liberté individuelle au dessus du collectif comme étant réellement absolue ? Ou bien le collectif épanoui dans la concertation mutuelle permet l'épanouissement individuelle et donc la liberté ?
Le projet est là, l'anarchisme (la liberté de l'individu), mais rien n'est réellement tranché concernant son rapport avec autrui ou dans un cadre collectif. Ce qui nous amène à dire que, l'organisation anarchiste, elle, n'est pas une fin en soi, au sens où l'organisation anarchiste s'est déjà constituée sur l'interprétation de l'anarchisme. Par fin en soi, on entend l'avènement de l'anarchisme.
Un exemple, quand je vois des autocollants ou des signatures disant que la FA est une organisation révolutionnaire, je ne suis pas d'accord. La FA est une organisation composée d'individus révolutionnaires, la nuances est là. Etant une organisation de synthèse, la FA aurait très vite un soucis interne (entre ses courants) dans ce qui est de la prise de décision urgente dans un processus révolutionnaire et de transition. Pour moi l'intérêt d'une organisation comme la FA c'est qu'elle a le mérite de sauvegarder le capital (excusez du mot ) culturel du mouvement anarchiste. Mais elle n'est pas une fin en soi, elle n'est pas une organisation révolutionnaire (avec une stratégie bien définie et des outils adéquats préparés et validés à l'avance), elle n'est pas capable d'aboutir au projet dont elle se réclame. A cause de quoi ? De l'idéologie. Les organisations politiques pensent que l'idéologie guide les hommes... sauf que l'histoire n'est pas écrite par les idées mais par l'action, par la pratique, aussi beaucoup par les symboles et les mythes qui résultent de ces pratiques. On ne touche pas les masses par les idéologies, encore moins par les interprétations. En plus clair et plus simple, mon avis sur ce qui plombe l'anarchisme aujourd'hui c'est de considérer que seule l'organisation politique anarchiste va mener à l'anarchisme.
Le syndicalisme révolutionnaire est le seul composant du Socialisme (au sens authentique et noble) et du mouvement ouvrier révolutionnaire a ne pas avoir d'idéologie mais un but, et ce but s'accomplira par la pratique. L'idéologie issue de la pratique et non l'inverse. Le syndicalisme révolutionnaire est aux idéologies politiques ce que la laïcité est aux religions.
Au contraire, nous pensons dans les CSR (et c'est ce qui a fait la force d'attraction du syndicalisme révolutionnaire historique), qu'on peut avoir des pratiques anarchistes sans se revendiquer anarchiste. Le but n'est pas d'arriver à une société "anarchiste" où tout le monde est anarchiste et conscient d'être anarchiste, mais d'arriver à un système où chacun a sa place (ce qui est la même chose à l'exception que ce dernier n'est pas tenu par la limite d'une étiquette idéologique). Le principal n'est pas l'idéologie ou le fait de rajouter du noir à son drapeau, ou le fait d'accoler "libertaire" derrière chaque mot qui relève de la société humaine, ou de signer des A cerclés sur chaque tracts et affiches, mais la pratique. La pratique qui amène un changement, une amélioration aussi minim soit-elle dans le quotidien de quelqu'un décuplera ton audience auprès de cette personne 10 fois plus qu'un discours politique ou historique ou une affiche ou un tract. C'est ce qui est bien dans le syndicalisme, il y a un potentiel révolutionnaire, un potentiel de diffusion d'idées qui n'est pas exploité ou très mal exploité, alors que toutes les organisations politiques d'extrême-gauche et libertaires sont verrouillées et tricards publiquement.
J'ai vu des anarchistes beaucoup plus autoritaires que des marxistes et des gens lambda beaucoup plus libertaires dans les pratiques sans même en avoir conscience que des militants anarchistes formés à l'autogestion et la démocratie de base. Notre constat c'est qu'historiquement, les idées libertaires ont eu le plus d'impact auprès des masses lorsque les anarchistes se sont impliqués dans le syndicalisme. Cet exemple historique là prouve qu'une composante non-anarchiste (en tout cas non revendiqué comme tel) peut élaborer des outils anarchistes et avoir un bien meilleur résultat pour ce qui est de toucher les masses. Un outil concret: la charte d'amiens. C'est d'ailleurs l'attrait pour la charte d'Amiens et le goût de pouvoir avoir une dimension de masse qui a fait que la majorité des anarchistes impliqués dans le syndicalisme n'ont pas suivi l'anarcho-syndicalisme.
Voilà je sais pas si j'ai été clair."
LA CHARTE D’AMIENS EST MORTE...
La « charte d’Amiens » est le nom du texte adopté lors du congrès de la CGT en octobre 1906. C’est depuis et de façon invariable devenu le texte de référence des syndicalistes révolutionnaires.
La charte d’Amiens est morte... très jeune. Elle n’avait qu’à peine 8 ans.
Depuis, se revendiquer de la charte d’Amiens, c’est se revendiquer d’un mythe. Certains « anarchistes » et autres « syndicalistes révolutionnaires » essayent régulièrement de réanimer le cadavre ? Quel peut bien être leur intérêt dans cette entreprise ?
Un texte de compromis historique ?
Les syndicalistes révolutionnaires oublient souvent de rappeler que ce texte est avant tout un texte de compromis entre les tendances anarchistes et réformistes (parlementaristes) de la CGT. Si, pour faire plaisir aux premiers, la Charte établit le principe de grève générale expropriatrice il assure surtout une bienveillante neutralité du syndicat envers les partis politiques qui, pour reprendre les termes de la Charte « en dehors et à côté, peuvent poursuivre en toute liberté la transformation sociale ». Alors que la CGT « apolitique » ne se donnera jamais les moyens de donner vie au principe de grève générale, les partis politiques sauront utiliser toute leur « liberté » ainsi garantie pour renforcer leur pouvoir sur le dos des travailleurs.
La neutralité politique à vécu ...
Dès 1922, à la re-création de l’AIT, l’apolitisme de la Charte d’Amiens était dénoncé pour ce qu’il était : une trahison contre la classe ouvrière, qui, sous couvert de « neutralité » consistait en fait à subordonner les travailleurs aux intérêts des partis politiques, dont il était évident après les épisodes de l’Union sacrée en 14, de la contre révolution en Allemagne et de la contre révolution bolchevique qu’ils étaient en opposition totale.
Nous ressortir la Charte d’Amiens aujourd’hui n’est pas anodin. Alors que tout le monde constate la perte de la mémoire militante et le règne de la confusion spectaculaire, on réexhume opportunément la vieille momie syndicaliste révolutionnaire, comptant ainsi nous refourguer sous les bandelettes quelques cadavres politiques décomposés depuis la chute du mur de Berlin. Cette régression permet en effet de trouver « normal » et « naturel » la collaboration avec des organisations politiques, voire d’ouvrir l’organisation « syndicaliste révolutionnaire » aux militants des partis et organisations politiques. Cela permet de créer des proximités (qui a dit des connivences ?) dans l’objectif d’une hypothétique refondation syndicale avec d’autres forces d’extrême gauche voire de gauche ... (cf. l’article sur le réveil des chats noirs de Politis http://www.politis.fr/article1293.html)
Syndicats vs classe
Aujourd’hui, il est temps d’en finir définitivement avec ces conceptions héritées d’un passé mythique. La Chartes d’Amiens clamait, et la Charte de Paris de la CNT avec elle - que « le syndicat, aujourd’hui groupement de résistance, sera, dans l’avenir, le groupement de production et de répartition, base de la réorganisation sociale ». Ce projet, rien moins que totalitaire - du Grand Syndicat s’apparente à celui du Parti unique ... Il s’agit d’une énième avant garde, dont on sait comment cela finit ...
Aujourd’hui, 100 ans après, la CGT et ses avatars sont devenus les partenaires obligés de l’Etat pour construire le spectacle de la contestation inutile. Quand au "mouvement anarchiste" il est partagé entre ceux qui vendent de l’anarchisme mais qui proclament ne pas être anarchistes et ceux qui défendent encore un projet de société.
Ce projet de société c’est le communisme anarchiste. Ce projet, qui rejoint l’anarchisme ouvrier globaliste de la FORA, appelle à un dépassement du syndicalisme. En effet, le syndicalisme étant un mode d’organisation dont la forme est structurée par le capitalisme (comme une empreinte en creux), il ne peut abolir le capitalisme sous peine de s’abolir lui-même. Donc s’il venait à gérer la société future, il reproduirait fatalement le capitalisme, les structures ayant toujours tendance à privilégier leur propre survie. (cf. à ce propos les textes sur la résistance au travail en Espagne révolutionnaire parus sur le site http://mondialisme.org)
Cette réflexion, mêlée et enrichie avec d’autres apports convergents (communisme de conseil, situationnisme, etc ...) amène aujourd’hui des syndicats CNT AIT à développer le concept d’autonomie populaire.
On est donc ici bien loin de la Charte d’Amiens ou de Paris et des statuts actuels de la CNT. Certes, on peut décréter le texte obsolète et donc aboli. Mais est ce bien important ? Ce qui compte, c’est le processus d’élaboration d’un nouveau référentiel anarchosyndicaliste idéologique et pratique, adapté à la réalité sociale actuelle. Ce processus doit être ouvert tout en étant cohérent, pour être opérationnel. Il doit se nourrir des réflexions et des expériences pratiques de tous ceux qui souhaitent y participer (la participation n’étant pas fondée sur un label ou l’appartenance - ou non - à une organisation - mais sur une volonté constructive et un minimum de clarté tant sur les objectifs que sur les moyens et sur leur articulation).
Tiré du bulletin Espoir numéro 4
(au passage, la CGT SR ne se réclamait de la Chartes d’Amiens que pour la dépasser. les textes de Besnard sur la création de la CGT SR sont sans équivoque à ce sujet. L’AIT s’est recréée en 1922 à berlin précisémént sur le rejet de la Charte d’Amiens, de sa fausse autonomie vis à vis des partis qui leur reconnait pourtant un rôle dans la transformation sociale, à côté des syndicat. Contre cette position a-politique, l’anarcosyndicalisme se définit par l’anti-politisme : non les partis politiques ne contribuent pas à l’émancipation, oui ce sont des organismes qui font partis du pouvoir étatico-capitaliste que nous visons à détruire. A ce titre, ils doivent donc être combattus sans relache en tant qu’ennemis des travailleurs.)
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