Je lance une sorte de SOS à la cantonade.
En marge d’un travail que je suis en train de faire, j’ai été amené à m’intéresser à Philomène Rozan et aux ovalistes de Lyon.
Philomène Rozan fut une des ovalistes de Lyon qui se mirent en grève en le 21 juin 1869 pour réclamer un salaire de 2 francs par jour au lieu de 1F50, et la journée de 11 heures.
Elles reçoivent le soutien de la section lyonnaise de l’Internaonale qui les aide à constituer un comité de grève. Une collecte de soutien est organisée, des fonds sont récoltés en France, en Belgique, en Angleterre, en Suisse… Les ovalistes tinrent ainsi un mois, répandant la grève dans d’autres ateliers. Elles organisèrent des bureaux de secours, allèrent dans la rue, les cafés. Au bout d’un mois, elles demandèrent d’adhérer à l’AIT. Le 13 juillet, une lettre de Lyon annonce au Conseil général de l’Internationale l’adhésion des ovalistes
C’est sur l’interprétation des faits que je demande vos lumières.
Le Conseil général de l’AIT proposa que Philomène Rozan reçoive un mandat pour participer au congrès de Bâle de l’AIT, mais elle ne se rendit pas au congrès.
A partir de là, on a des interprétations qui me paraissent fantaisistes. En effet, l’absence de Philomène Rozan au congrès de Bâle trouve dans des textes «marxophiles» des explications curieuses et contradictoires.
• Pour certains, c’est la faute de Proudhon :
On trouve cette interprétation sur plusieurs sites : voir également : http://fr.dbpedia.org/page/Ovalistes« Marx accepta (sic) de faire d'une des meneuses, Philomène Rozan, une déléguée au Congrès de Bâle. Proudhon (évidemment) s'y opposa. »
(VOIR : http://gw2.geneanet.org/janieplantevin?lang=es&m=NOTES )
Dans cette simple phrase, il y a deux erreurs, significatives. D’une part Marx n’avait pas le pouvoir d’« autoriser » (sic) les ovalistes à adhérer. La lettre du 13 juillet annonce simplement qu’elles ont adhéré, point barre.
Ensuite il y a peu de chances que Proudhon se soit opposé à la candidature de Philomène Rozan, puisqu’il était mort depuis plusieurs années …
• Pour d’autres, c’était la faute de Bakounine :
« Philomène présidente de la commission des ouvriers et ouvrières ovalistes, pourtant choisie (sic) par Marx pour participer au congrès de l’Internationale à Bâle, n’ira pas à Bâle, suite à une manœuvre de l’anarchiste russe Michel Bakounine qui sera proclamé représentant des ovalistes ! »
(VOIR : http://www.archives-lyon.fr/static/arch ... mesdef.pdf)
Concernant Bakounine, ce genre de manœuvre ne colle pas avec le personnage, mais c’est peut-être là l’illustration de ma partialité aveugle en faveur du révolutionnaire russe. Cependant, on voit mal pourquoi il aurait « manœuvré» pour avoir le mandat des ovalistes dans la mesure où il avait aussi celui des mécaniciens de Naples : il avait donc déjà accès au congrès en tant que délégué.
Il y a peut-être une explication, qui se trouverait dans un récent livre de Mathieu Léonard, L’émancipation des travailleurs (La Fabrique) :
«… les responsables de la section lyonnaise, Palix et Richard, préfèrent garder les mandats de la délégation des ovalistes pour eux-mêmes, ainsi que pour leur ami Bakounine, qui semble croire sincèrement que les demoiselles ovalistes l’ont expressément désigné pour les représenter. Les ovalistes n’iront pas à Bâle et retournent à l’anonymat. »
Et Léonard, citant Auzias et Houel, conclut que le sentiment s’impose d’un «rendez-vous manqué entre le mouvement ouvrier et le mouvement féministe».
Est-ce que quelqu’un aurait des lumières sur cette grave question, en particulier des éléments plus substantiels que de simples affirmations ?
René
PS. J’ai pas l’impression que les biographies de Philomène Rozan courent les rues…