Disparition d'André Devriendt

Disparition d'André Devriendt

Messagede vroum le Sam 3 Jan 2015 12:48

André Devriendt militant de la Fédération anarchiste depuis 67 ans est décédé à l'âge de 94 ans

Notre cher camarade ANDRÉ DEVRIENDT est décédé dans la nuit de lundi à mardi 27 décembre 2014.

Image

http://www.filpac-cgt.fr/spip.php?article8925

vendredi 2 janvier 2015
Notre cher camarade ANDRÉ DEVRIENDT est décédé dans la nuit de lundi à mardi 27 décembre 2014.
Ses obsèques auront lieu :

Mardi 6 janvier 2015 à 14 h 30

À l’hôpital Émile Roux de Limeil-Brévannes (94 450) (chambre mortuaire) 1, avenue de Verdun,


Un hommage lui sera rendu à l'amphithéâtre de l'hôpital Emile Roux à Limeil-Brevannes le même jour à 14h30.

DEVRIENDT André

[Dictionnaire des anarchistes] http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/spip.php?article153903&id_mot=28

Né le 9 juillet 1920 à Paris (XIIIe arr.) ; ouvrier sellier puis correcteur d’imprimerie ; militant anarchiste et syndicaliste.

Né de parents belges (flamands) réfugiés en France au début de la Première Guerre mondiale et installés à Alfortville depuis 1920 où ils travaillaient respectivement comme terrassier et blanchisseuse, André Devriendt, après le Certificat d’études, avait suivi deux années de cours complémentaire. Pendant et après la Seconde Guerre mondiale, il étudia l’allemand et la comptabilité, ce qui lui permit d’obtenir un diplôme d’études supérieures d’allemand et un diplôme de correspondancier commercial d’allemand. Il suivit également des cours d’anglais pendant trois ans.

Placé comme sellier garnisseur dans une usine d’automobiles en 1934, il passa son CAP de sellier-garnisseur en 1941. Il participa aux grèves de juin 1936 dans une carrosserie (les établissements Commeinhes) de Saint-Maur-des-Fossés ce qui lui valut d’être licencié à la fin de l’année. Plusieurs fois chômeur, il exerça divers métiers : maçon, entrepreneur, garçon boucher, avant de retrouver du travail dans son métier, chez Simca, à Nanterre, où il fut embauché le... 30 novembre 1938, jour de grève générale. Il ne commença évidemment que le lendemain.

En 1936, Devriendt adhéra au Parti social français du Colonel de La Roque mais le quitta dès l’année suivante, estimant « qu’il n’y avait rien à y faire ». Il expliquait cette adhésion comme une réaction à son milieu et « en raison de l’animosité que me témoignait mon père qui lui-même se déclarait rouge…

Qu’allais-je faire dans cette galère ! Fils d’étrangers, français moi-même de fraîche date (avril 1936) par acte de renonciation à la nationalité belge, ouvrier pauvre et pauvre ouvrier, je n’avais rien de commun avec les membres du PSF composé de petits bourgeois, d’anciens combattants nostalgiques, ultra patriotes, xénophobes et j’en passe. »

La débâcle de 1940 fit qu’il échappa au service militaire. Après l’exode, il reprit son métier dans une usine réquisitionnée par les Allemands. Là, en septembre 1942, pour avoir entraîné tout le personnel de l’usine à la désobéissance à une disposition prise par les Allemands, il fut arrêté et, après interrogatoire à la Kommandantur de Neuilly, incarcéré à la prison du Cherche-Midi pendant trois semaines. Privé de son emploi, Devriendt dut alors partir travailler en Allemagne où il resta jusqu’en juin 1945. Il y rencontra une jeune Hongroise qui devint sa femme et dont il eut deux enfants.

À son retour en France, A. Devriendt retrouva son métier et, après un bref passage au Parti communiste, milita activement au sein du mouvement anarchiste. En mai 1946, sous le nom de Flamand la Simplicité, il fut reçu compagnon sellier-garnisseur à l’Union compagnonnique des devoirs unis, section de Paris. Il devint secrétaire de la section et participa au congrès de Tours en 1957.

C’est en 1947 après « être tombé par hasard sur un exemplaire du Libertaire » que Devriendt adhéra à la Fédération anarchiste et fonda le groupe libertaire d’Enghien-les-Bains, où il habitait 42 boulevard Cottes. En 1951, il remit sur pied le groupe libertaire d’Alfortville dont il fut le secrétaire, comme il le fut du groupe d’Enghien. Pendant les guerres d’Indochine et d’Algérie, il mena une intense activité de propagande anticolonialiste, étant membre du courant minoritaire de la FA favorable au soulèvement algérien.

Lors de la scission au sein de la Fédération anarchiste, en 1950, il ne rejoignit pas la Fédération communiste libertaire, mais participa au contraire à la reconstruction de la Fédération anarchiste et à la fondation de son nouveau journal, le Monde libertaire dont il fut membre du comité de lecture et dont il devint l’administrateur à partir du n°51 (juin 1959). Devriendt prit part à tous les congrès de la Fédération anarchiste de 1951 à 1966. En 1958, il devint permanent au siège de la Fédération anarchiste, 3 rue Ternaux, Paris (XIe). Il ouvrit la librairie, et en assuma toutes les fonctions. Le 31 décembre 1959, en raison de difficultés de trésorerie — en tant que permanent il recevait 600 NF par mois — il quitta la rue Ternaux où il fut remplacé par un camarade travaillant à mi-temps, mais il demeura administrateur du journal jusqu’en 1963 où il fut remplacé par Claude Kottelane*.

En 1960, Devriendt devint correcteur d’imprimerie, entra au Syndicat des correcteurs de Paris CGT où il occupa de nombreux postes de responsabilité : secrétaire du comité d’entreprise à l’imprimerie de Montmartre en 1961, délégué du personnel chez Larousse en 1963, membre du comité syndical du Syndicat des correcteurs en 1965, secrétaire adjoint en 1967, secrétaire en 1968 et 1969, membre de la commission de contrôle du syndicat en 1971, secrétaire adjoint en 1972, secrétaire de février 1973 à février 1977 (date où il dut quitter le secrétariat en raison des dispositions statutaires, comme en février 1970), délégué au congrès de la Fédération française des travailleurs du Livre en 1976, membre du bureau du Comité intersyndical du livre parisien de 1973 à 1977.

En outre, depuis 1960, Devriendt assumait les fonctions de trésorier fondé de pouvoir de l’Association pour la diffusion des philosophies rationalistes, propriétaire des locaux où siègent la Fédération anarchiste et le Monde libertaire.

En 1962 il fut avec Maurice Joyeux* et Joudoux membre du jury d’honneur constiitué pour statuer sur le cas Rassinier*.

De mars 1975 à mars 1977 André Devriendt prit une part active à la grande grève du Parisien Libéré, qui secoua toute la profession du livre et conduisit à des actions spectaculaires comme l’occupation du paquebot France, de la mairie de Saint-Étienne, de multiples interventions sur le Tour de France.

En juin 1977, il devint administrateur bénévole de la Mutuelle générale de la presse et du livre, qui devint Mutuelle Nationale (MNPL). Il fut nommé secrétaire général, fonction qu’il occupa jusqu’en 1984, date à laquelle il devint vice-président. En 1986, il devint rédacteur en chef du nouveau périodique de la MNPL : Le Mutualiste de la presse et du livre, il avait été également membre du comité de gestion du centre médico-pédagogique La Mayotte, géré par le MNPL à Montlignon (Val-d’Oise). Il quitta ses fonction à la MNPL en 1992, arrivé en fin de mandat.

En 1990 et 1993, il fut délégué aux congrès de l’Union fédérale des retraités. En 1992, il représenta l’Union au congrès de la CGT à Montreuil (Seine-Saint-Denis). Il était également le responsable du bulletin Entre Nous, organe des retraités correcteurs.

En mai 1990, il devint directeur du Monde Libertaire en remplacement de Maurice Joyeux, malade. Depuis 1986, il était administrateur de la Caisse de crédit mutuel d’Alfortville (Val-de-Marne).

Fidèle à ses engagements militants de toujours, en 2011, André Devriendt était toujours abonné au Monde libertaire et adhérent de la CGT-correcteurs et à la Fédération anarchiste.


Les articles d'André devriendt dans le Monde libertaire : http://www.monde-libertaire.fr/les-aute ... -devriendt

André Devriendt, directeur du «Monde libertaire», gagne contre Le Pen

http://www.liberation.fr/france/1997/06 ... pen_207918
4 juin 1997

Le tribunal correctionnel de Paris a relaxé hier le directeur du Monde libertaire. Il était poursuivi par Jean-Marie Le Pen pour provocation au meurtre, après un dessin publié le 16 mai 1996 et signé Lasserpe. Ce dessin représentait un homme armant un pistolet. Avec une légende sans nuance: «28% des Français approuvent les idées du Front national, la maladie de la vache folle fait des ravages, faut abattre le troupeau, vite.»

Le tribunal a estimé que le «caractère grotesque et caricatural du message» lui ôtait toute crédibilité.




André Devriendt et Le Monde libertaire relaxés

http://www.monde-libertaire.fr/vie-du-journal/9192-andre-devriendt-et-le-monde-libertaire-relaxes

Le 3 juin dernier, le tribunal correctionnel de Paris a débouté Le Pen et le Front national de leur plainte contre André Devriendt, directeur de notre hebdomadaire le Monde libertaire.

On se souvient que le président du FN avait attaqué notre camarade pour «provocation au meurtre» parce que le M.L., quelques mois auparavant, avait inséré dans ses colonnes un dessin humoristique de Lasserpe.

Cette affirmation du sieur Le Pen contre l'ami Devriendt avait toutes les caractéristiques de la bouffonnerie sinistre, du grand-guignol plutôt, dans sa version saignante. Surtout lorsqu'on sait qu'André, entre 1952 et 1962, dans ces temps de honte pour la République française, colla d'innombrables affiches contre la guerre que la France menait contre les peuples de sa colonie et peignit des «Paix en Algérie» sur bien des murs de Paris et de sa banlieue. L'officier de parachutistes Le Pen, dans le même temps, se livrait à d'autres activités moins humanistes.

En tout cas, la XVIIe Chambre a considéré que le «caractère grotesque et caricatural du message véhiculé» ôtait toute crédibilité à l'accusation. Le Front national et ses conseillers en répression se voient privés là d'une jurisprudence qui leur aurait permis de tenter de juguler encore un peu plus la liberté de la presse.

Mais que nos amis lecteurs ne relâchent pas leur vigilance : le jeudi 12 juin, au même endroit, le directeur du Monde libertaire aura à répondre d'une plainte autrement plus sérieuse que celle déposée par le clown en treillis camouflé du FN. À savoir l'ex-ministre de l'Intérieur, M. Debré, pour, excusez-nous du peu, «injures, diffamation, provocations au meurtre».

Indépendamment (si on ose dire) des questions de personnes et de l'attitude du Parquet, nous allons pouvoir apprécier, sans aucune illusion, hélas ! le sens de la continuité de l'État des camarades ministres socialistes...
Jacky Toublet


Une Guerre coloniale

in le Monde libertaire # 1306 du 6 février 2003 : http://ml.ficedl.info/spip.php?article1254

Cet article d’André Devriendt est paru dans le Magazine libertaire n° 4, (décembre 1984), sous le titre « Deux guerres coloniales, l’Indochine et l’Algérie ». Nous n’en reprenons ici que cette seconde partie.

Contre la guerre

Dès le mois de décembre 1954, Maurice Fayolle signait un article remarquable - il devait en faire, bien d’autres ! - dans Le Monde libertaire intitulé : « De Tunis à Casablanca où mûrissent les fruits de la colère. » Il développait ce qui allait être la position constante de la Fédération anarchiste tout au long de ces huit ans de « pacification » : rejet de la guerre, rejet de l’idéologie religieuse et des mouvements nationalistes. « Peuples nord-africains, vous avez raison de vous insurger contre ceux qui vous asservissent. Mais vous avez tort de le faire sous l’égide d’une nation et d’un fanatisme religieux générateurs de nouvelles servitudes », écrivait Maurice Fayolle.

Le Libertaire, lui, du 4 novembre 1954, titrait : « L’Afrique du Nord : un même peuple en lutte contre l’impérialisme assassin. » La Fédération communiste libertaire évoluera vers un soutien total à l’insurrection algérienne, donc au Front de libération national, ce qui entraîna la désaffection des lecteurs déroutés et de nombreuses saisies du journal. La présentation de candidats communistes libertaires aux élections législatives de janvier 1956, avec l’appui d’André Marty, un des vieux chefs communistes qui s’illustra tristement pendant la guerre civile espagnole, en rupture de ban, sera le coup de grâce, si l’on peut dire...

Pendant huit ans, Le Monde libertaire n’allait pas cesser de combattre contre cette guerre. Les trois « Maurice » : Fayolle, Joyeux, Laisant, d’autres encore, vont dénoncer les tortures, clouer les politiciens au pilori, fustiger l’attitude des socialistes, ce qui entraîna des saisies larvées du journal et son interdiction en Algérie, évidemment !

La Fédération anarchiste, de son côté, ne restait pas inactive. Membre des Forces libres de la paix, qui comprenaient des associations pacifistes, elle participa à la lutte commune et organisa elle-même plusieurs meetings, Au cours d’une de ces réunions, des « anciens d’Indochine » brisèrent le matériel et volèrent la caisse avant d’être expulsés ; à la sortie de la réunion, ils jetèrent d’une voiture deux grenades offensives qui firent quelques blessés, dont deux grièvement.

Des milliers d’affiches, de tracts furent collés, distribués, pendant des nuits entières, ce qui valut plus d’une fois aux militants d’être plaqués au mur, mitraillettes sur le ventre, par des policiers nerveux et racistes, et de passer la nuit dans un commissariat.

Le 13 mai 1958, des généraux, des colonels, des groupes d’extrême droite au service des gros colons qui, pendant des années avaient poussé les pieds-noirs à refuser la moindre réformette en faveur des Algériens musulmans, et les incitaient depuis le début de la guerre à se révolter contre la métropole, s’emparent du siège du gouvernement général. C’est l’insurrection, cette fois, des Français d’Algérie. Le socialiste Guy Mollet va chercher de Gaulle, la IVe République a vécu.

La lutte continue

Sous l’impulsion de Maurice Joyeux, la Fédération anarchiste met sur pied un Comité d’action révolutionnaire auquel adhèrent : le Parti communiste internationaliste (trotskiste), le Syndicat des charpentiers en fer (CGT), le Comité de liaison et d’action pour la démocratie ouvrière. Des tracts, des affiches sont édités ; un meeting est organisé. Le Comité d’action révolutionnaire participera à la manifestation du 28 mai 1958, dernier baroud, où deux cent mille manifestants clamaient leur volonté de s’opposer aux factieux. Les partis de gauche, les syndicats étaient présents. Le Comité d’action révolutionnaire formait un groupe imposant et remarqué, de nombreux membres de diverses organisations étaient venus se joindre à lui.

La Fédération anarchiste tient un congrès extraordinaire à Paris les 24, 25 et 26 mai 1958 et, à l’issue de ses travaux adopte cette motion :

« Le congrès extraordinaire de la Fédération anarchiste, réuni les [...], demande à ses groupes et à ses militants de tout mettre en œuvre pour lutter sans merci contre les fascistes, appuyés par des factions militaires à la faveur d’une guerre absurde que nous n’avons cessé de dénoncer et qu’ils ne veulent pas terminer.

« Il les invite expressément à resserrer leurs contacts avec les comités de résistance locaux les moins politisés et, surtout, à mener une action décidée dans leurs syndicats pour créer les conditions d’une riposte ouvrière immédiate.

« Nos libertés essentielles reposant incontestablement sur le fonctionnement normal et les possibilités d’action des organisations démocratiques, leur défense est pour les libertaires un impératif absolu. »

La Ve République s’installe, la lutte contre la guerre d’Algérie continue, de plus en plus violente. Participent à cette lutte : les communistes, des socialistes, des chrétiens regroupés autour de Témoignage chrétien, de nombreux intellectuels de tout bord, qui s’expriment dans des périodiques comme France-observateur et L’Express, les milieux d’extrême gauche et, naturellement, les libertaires, ceux de la Fédération anarchiste et d’autres, par exemple dans Liberté, de Louis Lecoin qui, en pleine guerre d’Algérie, menait une campagne pour obtenir un statut de l’objection de conscience !

À la librairie du Monde libertaire, 3, rue Ternaux à Paris, on diffusait des publications interdites telles que Lla Question, Pour Djamila Bouhired, La Gangrène, et d’autres encore.

Au début de 1962, le dénouement est proche, mais la violence atteint son paroxysme. Les ultras, qui ont créé l’OAS (Organisation armée secrète) après le putsch avorté des généraux du 21 avril 1961, multiplient les attentats aussi bien en Algérie contre les musulmans qu’en métropole contre tous ceux qui militent pour la fin de la guerre. Ainsi, en mars, le siège du Monde libertaire et sa librairie sont entièrement détruits par une puissante explosion provoquée par l’OAS qui assassine, au cours de ces mois, des dizaines de personnes. Une manifestation contre l’OAS, justement est organisée le 8 février par les syndicats auxquels s’étaient joints le Parti communiste et d’autres organisations. La flicaille, déchaînée, fit neuf morts (Charonne).

Enfin, le 18 mars 1962, sont conclus les accords d’Evian qui mettent fin au conflit...

Débats au sein de la FA

Dans la Fédération anarchiste, un courant largement majoritaire avait adopté une position « classique » : lutte contre la guerre coloniale, la répression, la torture, et renvoi dos à dos des belligérants, le Front de libération nationale algérien et le gouvernement colonialiste français. Un autre courant, dont j’étais, pensait que cette position n’était plus suffisante après quatre années de conflit, même si elle correspondait aux principes libertaires antinationalistes. Nous disions qu’il fallait tenir compte de la réalité si l’on voulait que cette tuerie cesse ; la réalité, c’était que les Algériens musulmans voulaient l’indépendance politique de leur pays et que le FLN représentait pour eux la force qui devait y conduire.

Il nous semblait qu’on ne pouvait pas mettre simplement sur le même plan gouvernement français et ceux qui se battaient pour chasser leurs oppresseurs, même si, finalement, ils ne feraient peut-être que changer une exploitation par une autre. Il est à remarquer qu’il est constant qu’un peuple opprimé par un autre peuple cherche d’abord à se débarrasser de l’occupant étranger avant de s’en prendre ultérieurement à ses propres exploiteurs.

Dans le Bulletin intérieur, n° 37, du 1er mai 1961, je signais un article intitulé : « À propos des 121 », en réponse à notre camarade Hem Day qui avait écrit dans Freedom du 7 janvier 1961 et dans Les Cahiers du pacifisme un article reproduit dans le n° 36 du Bulletin intérieur de la Fédération anarchiste, Hem Day écrivait, entre autres, dans son excellent article :

« Entre cette démocratie française et ce gouvernement d’indépendance nationale, mon choix est impossible, car, pour moi l’équivoque des objectifs reste constant... Alors pourquoi choisirais-je un camp plutôt que l’autre, je n’éprouve point l’envie. »

Je répondis :

« Nous refusons ce dilemme. S’il ne s’agissait que de choisir entre Ferhat Abbas et de Gaulle, il n’y aurait, bien entendu, pas de problème. Nous n’avons pas choisi entre deux gouvernements, nous avons choisi le camp des opprimés en révolte, celui de ceux qui, depuis plus d’un siècle, ont été bafoués, volés, réduits à la misère dans leur propre pays, et sans que cela trouble la conscience du peuple français en général. Nous sommes avec ceux qui ont été "contraints" d’user de la violence... Ils ne sont pas libertaires, ils font une guerre d’indépendance nationale. Et comment pouvait-il en être autrement ? »

Dans ce même numéro du Bulletin intérieur, deux tracts que nous avions diffusés étaient reproduits ; ils explicitaient notre position. L’un était intitulé : « Les anarchistes s’adressent aux révolutionnaires algériens » L’autre : « Au peuple algérien, c’est sa révolution qu’on lui demande de laisser à la porte comme une paire de babouches. »

Je rappelle, pour mémoire, que le manifeste dit des « 121 » était une Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie. Il était signé par 121 personnalités représentant le monde littéraire, médical, syndical... De nombreux jeunes du contingent - envoyés en Algérie par Mendès-France et Mitterrand - ont choisi, en effet l’insoumission. Parmi eux, des libertaires.

C’est surtout au cours du congrès de 1960 de la Fédération anarchiste que la question algérienne donna lieu à débats. À l’issue d’une très longue discussion, le congrès adopta une motion présentée par le groupe d’Alfortville :

« Le groupe d’Alfortville, après examen des conditions qui ont amené la guerre d’Algérie, considère que cette guerre ne pourra se terminer que par la reconnaissance du droit "effectif" aux Algériens de disposer d’eux-mêmes.

» Pense qu’il ne suffit pas aux anarchistes d’exprimer des vœux platoniques sur la fin du conflit ni d’attribuer au FLN les mêmes responsabilités qu’aux Français dans la poursuite des combats.

» Malgré le caractère nationaliste de la rébellion algérienne (caractère qui était inévitable), nous ne pouvons rester absolument neutres. Il faut accentuer notre soutien moral aux combattants, prendre des contacts avec eux partout où cela est possible, ce qui nous permettrait de leur faire comprendre qu’il existe une autre voie que la constitution d’un État bourgeois.

» En conséquence, nous demandons que dans les semaines, les mois à venir, la FA, dans Le Monde libertaire et dans les groupes, engage une vaste campagne pour dénoncer la responsabilité du seul gouvernement français dans cette guerre colonialiste, afin de faire sortir l’opinion publique de son indifférence et de l’amener par une pression puissante à obliger les forces réactionnaires et le gouvernement à capituler. »

Texte publié dans le Bulletin intérieur de la Fédération anarchiste, n° 33 de juillet 1960.

Vingt-quatre mille six cent quatorze tués, dont douze mille trois cent quatre-vingt trois militaires professionnels et du contingent, et trois mille deux cents civils du « maintien de l’ordre ». Cela du côté français. Du côté algérien, des centaines de milliers de tués, des milliers de torturés, des dizaines de villages incendiés. Bilan effroyable, résultat de l’aveuglement, de l’imbécillité, de l’avidité, du racisme de la grande majorité des Français d’Algérie, des militaires, des policiers, des politiciens. Le Parti socialiste, par sa veulerie, en rajouta et, comme la trahison des principes ne paie pas toujours, faillit disparaître de l’échiquier politique.

Ces années furent difficiles pour les militants de la Fédération anarchiste. L’équipée de Suez, la révolution en Hongrie, Cuba. La mort d’Albert Camus. Continuation de la reconstruction de la Fédération anarchiste. Il y avait alors peu de militants, et l’on est rétrospectivement étonné de constater que la Fédération anarchiste fit face à tous ces événements, qu’elle fut de tous les combats.

« Morts en Algérie, morts pour rien », écrivait Fayolle dans Le Monde libertaire de mars 1959. On peut ajouter : « Morts en Indochine, morts pour rien. Morts de toutes les guerres, morts pour rien. »

André Devriendt
"Prolétaires du monde entier, descendez dans vos propres profondeurs, cherchez-y la vérité, créez-la vous-mêmes ! Vous ne la trouverez nulle part ailleurs." (N. Makhno)
Image
Avatar de l’utilisateur
vroum
 
Messages: 6915
Inscription: Mar 22 Juil 2008 23:50
Localisation: sur les rails

Re: Disparition d'André Devriendt

Messagede vroum le Mar 6 Jan 2015 20:27

Décès d’André Devriendt

La Fédération anarchiste a l’immense douleur de vous faire part du décès d’André Devriendt à l’âge de quatre vingt quatorze ans.

Militant anarchiste et syndicaliste il aura été depuis la Libération de tous les combats du mouvement social. A la reconstruction de la FA en 1954, à la responsabilité du Monde libertaire et de Publico comme à la Mutuelle de la presse et au secrétariat du syndicat des correcteurs CGT.

A son épouse, à sa famille nous adressons nos plus sincères condoléances.
"Prolétaires du monde entier, descendez dans vos propres profondeurs, cherchez-y la vérité, créez-la vous-mêmes ! Vous ne la trouverez nulle part ailleurs." (N. Makhno)
Image
Avatar de l’utilisateur
vroum
 
Messages: 6915
Inscription: Mar 22 Juil 2008 23:50
Localisation: sur les rails

Re: Disparition d'André Devriendt

Messagede vroum le Lun 16 Fév 2015 11:55

André Devriendt, en hommage

http://www.monde-libertaire.fr/portraits/17522-andre-devriendt-en-hommage

C’est en fréquentant les assemblées générales du Syndicat des correcteurs dans la première moitié des années 1970 que j’ai connu André Devriendt (1920-2014). Il y exerçait alors la charge de secrétaire. Précis dans ses interventions, l’homme apparaissait discret jusque dans ses emportements. Quand il lui fallait répondre aux diatribes de tel ou tel querelleur de tribune, et ça ne manquait pas, il avait toujours la colère maîtrisée. Comme s’il convenait d’abord, pour lui, de ne jamais se laisser aller à la surenchère verbale. D’aucuns y virent, alors, l’empreinte d’une faiblesse de caractère ; d’autres, comme moi, la marque d’une élégance ou d’une morale, au choix. La suite de l’histoire nous donna, je crois, raison.

Au jusant d’une vague rouge (et noire) qui avait emporté avec elle d’anciennes bienséances et nourri, d’un même mouvement, quelques penchants pour la ferveur démonstrative, le Syndicat des correcteurs s’ouvrit, en ces années de l’après-68, à une nouvelle génération, la mienne, celle qui avait connu son heure de gloire – ou ce qu’elle croyait telle – aux pieds des barricades d’un printemps déjà sublimé. Culturellement, le choc fut parfois rude entre la vieille et la jeune garde militante. D’un côté, on croyait, à tort, avoir tout connu des flux et des reflux de l’illusion lyrique. Il s’en fallait de beaucoup. De l’autre, on s’imaginait, sans rire, avoir enfin atteint le Graal en pénétrant, par la porte dérobée du Livre, une CGT jusqu’alors vouée aux gémonies mais incarnant tout de même « la classe » – celle-là même qui, au moment de l’assaut final, s’était laissé « trahir » par ses dirigeants. En ces temps-là, la pensée était binaire, surtout du côté des jeunes pousses.

Dans ces circonstances quelque peu bousculées, le sage André Devriendt, qui avait alors la cinquantaine et vingt ans de syndicat au compteur, mit son expérience de pragmatique éprouvé au service d’une idée simple. Lui, qui n’avait jamais cru que, même de loin, 68 valait 36, eut l’intelligence de comprendre – assez vite – que, désencombrés de leurs manies gesticulantes, ces « gauchistes » de la dernière averse arrivés au syndicat et confusément libertaires pour certains pourraient, le temps de la décantation venu, s’investir, comme militants, dans la maison. Et c’était là la seule chose qui lui importait. Tout acquis à cette idée, il put compter – et comment ! –, à partir de 1972, date de renouvellement de son mandat de secrétaire, sur la complicité énergique de son adjoint et « fils spirituel » Jacky Toublet (1940-2002), qui, lui, chevauchait à l’aise, en anarcho-syndicaliste conséquent, les deux cultures : celle de l’ancien mouvement ouvrier (la vieille et belle CGT des origines) et celle de 68, versant social évidemment. Les deux hommes, à vrai dire, se complétaient à merveille. De par son âge, son attitude, ses façons, André, l’anarchiste affable, incarnait l’image du père tranquille et fédérateur d’un syndicat très divers dans sa composition. Quant à son jeune et fougueux adjoint, Jacky, qui en était l’exact contraire du point de vue du caractère, il était toujours là, bouillonnant et inspiré, pour porter, chaque fois que nécessaire, le fer en assemblée. André, admiratif, disait de lui qu’il était tout à la fois un « bretteur » et un « fin politique », sa principale vertu tenant pourtant, à ses yeux, à cette capacité qu’il avait de ne jamais franchir, quel qu’en fût l’enjeu, la limite au-delà de laquelle l’unité du syndicat pouvait être menacée. Cette exigence qui ne cessa, en effet, d’inspirer Jacky, même aux moments les plus rugueux de ses futurs mandats de secrétaire, c’est probablement au contact d’André qu’il l’avait acquise.

En ces temps difficilement imaginables aujourd’hui, où, dans la presse parisienne, le rapport des forces était tel que toute revendication, ou presque, se voyait rapidement satisfaite – un arrêt de travail (ou sa simple menace) suffisait à faire plier l’adversaire de classe, comme on ne dit plus –, l’offensive d’Émilien Amaury, patron de choc du Parisien libéré, contre les ouvriers du Livre sonna l’heure de la mobilisation générale. C’était en mars 1975. L’enjeu était clair. Le boutefeu Amaury, cavalier émérite mais par trop présomptueux – la preuve : il mourut des suites d’une chute de cheval (forcément syndiqué) pendant le conflit –, prétendait en finir, à la hussarde, avec le Livre, sa convention collective, ses us et coutumes, ses bureaux de placement et le reste. L’attaque était donc frontale, et c’est frontalement que le Comité intersyndical du Livre parisien (CILP) – où André représentait le syndicat – engagea la résistance avec la ferme volonté de vaincre.

Il est évidemment impossible de retracer ici ce qui fit toute la singularité de cette lutte de longue haleine – vingt-neuf mois tout de même –, mais on ne saurait ignorer que son principal mérite consista sans doute à se réapproprier, avec succès, d’anciennes méthodes d’action directe inventées par la CGT syndicaliste révolutionnaire des origines, celle dont se voulait précisément l’héritier le Syndicat des correcteurs. C’est évidemment dans cette tradition, désapprise depuis trop longtemps par le syndicalisme plan-plan, que s’inscrivirent les multiples assauts « illégalistes » d’un conflit qui en fut assez friand : « rodéos », occupation de Notre-Dame, déversement de dizaines – voire de centaines – de milliers d’exemplaires du Parisien libéré « jaune » sur le bitume de Réaumur ou des Champs-Élysées, interventions sur la Grande Boucle, occupation du paquebot France, etc.

Cette lutte prolongée inaugura aussi, pour un temps du moins, au sein du Livre, un vrai moment démocratique où les procédures délibératives débordèrent, pour une fois, le cadre strict de la seule instance habituellement habilitée à décider de la marche à suivre des affaires, à savoir le Comité inter. Ce fut un temps où les assemblées fleurirent et où les bouches s’ouvrirent. Si l’on ajoute à cela que, durant toute la durée du conflit, deux ans et demi donc, les salaires des travailleurs du Parisien libéré furent pris en charge par leurs confrères de la presse parisienne qui, à cette fin, versaient, chaque mois, 10 à 12 % des leurs à leur syndicat respectif, on aura une idée, même légère, de ce que cette lutte historique engagea de détermination, de constance et d’imagination.

Quand, lors de conversations privées, André évoquait, bien longtemps après les faits, ce conflit du Parisien libéré auquel il s’était tant donné et qui l’avait tant marqué, il avouait parfois, lui le modeste, une vraie fierté : celle d’avoir su y inscrire, à sa place – mais en bonne place –, le Syndicat des correcteurs et, ce faisant, de lui avoir permis de gagner pour longtemps, par son implication militante du moment, le respect des autres catégories du Livre. Et nul ne saurait contester, en effet, que, dans cette lutte, l’engagement actif et déterminé de militants, pour la plupart jeunes, du Syndicat des correcteurs changea du tout au tout l’idée que s’en faisaient les autres catégories du Livre – et plus encore leurs militants communistes, autrement dit ses bataillons les plus disciplinés, mais aussi les moins paresseux quand il fallait « aller au charbon ». C’est donc là, au cœur des nuits de « rodéos » et dans la fraternité des risques solidairement partagés, que la présence constante d’activistes du Syndicat des correcteurs contribua à modifier radicalement la réputation de la collectivité professionnelle et syndicale tout entière, qui passa d’un coup de la catégorie vague d’« anarcho-rigolos » à celle, nettement plus enviable dans la lexicologie viriliste du combat de classe, de « durs à cuire ».

Le Syndicat des correcteurs doit beaucoup à André pour avoir tenu fermement la barre en cette période où – il en convenait aisément – la longueur et l’âpreté du conflit favorisèrent aussi, chez certains adhérents, des comportements peu glorieux. Pour preuve, quelques-uns d’entre eux durent parfois se faire tirer l’oreille pour s’acquitter de leur devoir de solidarité envers les grévistes du Parisien libéré. La justification invoquée par les radins de base relevait toujours du même prétexte : la mainmise des « cocos » sur le mouvement. Ce qui contraria davantage le placide André, c’est que ce discours ne manqua pas d’être relayé par quelques ténors d’assemblée, dont une poignée d’anarchistes historiques du syndicat qui, soudés par un anticommunisme pour le coup réellement primaire, trouvaient des excuses aux grippe-sous. Quand on sait que, par ailleurs, certains militants d’influence de la Fédération anarchiste, à laquelle appartenait André, se gardèrent, de leur côté et pour de petits intérêts de boutique, de condamner les « jaunes » de FO qui faisaient tourner la nouvelle imprimerie d’Amaury implantée à Saint-Ouen, on peut comprendre que la moutarde ait pu lui monter plus d’une fois au nez. Y eut-il, comme l’ont colporté certains camarades bien intentionnés de l’époque, convergence objective entre l’anarcho-syndicaliste André Devriendt et les militants communistes du Livre ? C’est possible, mais, si convergence il y eut, elle était évidemment liée aux circonstances du moment, à la chaleur de la lutte, à la nécessité de l’unité. Ce qui n’est pas discutable, en revanche, c’est que, pour lesdits communistes – on disait « stals », alors –, son adhésion au Parti eût évidemment été saluée comme une belle prise et qu’ils y pensèrent. On en veut pour preuve l’anecdote suivante, que racontait André. C’est Krasucki lui-même, et pas moins, qui, patelin, se chargea de la démarche. La question fut simple : « Et pourquoi ne viendrais-tu pas chez nous ? » ; la réponse d’André aussi : « Pour n’avoir pas à en repartir, Henri. » Et André continua de militer au Livre et à la Fédération anarchiste, ce qui était bien assez pour lui.

Quand sonna l’heure de la fin du conflit, en août 1977, le camarade secrétaire, rotation des mandats obligeant, n’était plus aux affaires depuis mars. Il était retourné à la base et avait repris son labeur de correcteur à la Sirlo-Figaro. Comme tout le monde, il fêta la « victoire ». Deux mois plus tôt, il était devenu administrateur (bénévole) de la Mutuelle de la presse et du livre, institution à laquelle il était très attaché et qu’il servit pendant quinze ans comme secrétaire, vice-président, rédacteur en chef du Mutualiste et membre du centre médico-pédagogique La Mayotte. Par la suite et parallèlement, il s’investit dans la section des retraités du Syndicat des correcteurs, dont il fut, de nombreuses années durant, secrétaire et responsable de son bulletin, Entre nous.

L’anarchisme, André l’avait découvert, comme c’est souvent le cas, à la faveur d’un hasard. Ouvrier sellier-garnisseur, il tomba sur un exemplaire du Libertaire en rénovant l’intérieur d’une bagnole de bourgeois. C’était en 1947. Sitôt lu, le novice, conquis, ressentit l’urgence de se mettre en quête de la bande du quai de Valmy, siège du brûlot. L’accueil fut chaleureux, fraternel, sans complication. Quelques mois après, il fondait le groupe d’Enghien-les-Bains de la Fédération anarchiste, où il résidait, et, plus tard, celui d’Alfortville qui fut, sa vie durant, son port d’attache. Militant sérieux, ponctuel, raisonné, André manifestait peu de goût pour les embrasements dialectiques dont le milieu était friand. Sa nature le portait plutôt à s’impliquer dans les combats qui lui semblaient justes, l’anticolonialisme notamment. Quand, à la faveur d’un conflit interne aux effets dévastateurs, la Fédération cessa, en 1950, d’être « anarchiste » pour devenir « communiste libertaire », André lâcha la proie pour l’ombre, en s’activant, avec d’autres opposants, à reconstruire une nouvelle « fédération anarchiste ». Elle vit le jour en 1953 et se dota d’un organe de presse, Le Monde libertaire, dont André fut l’administrateur de 1959 à 1963. En 1958, il fut nommé permanent de la « librairie générale » du Monde libertaire, dont il avait été l’un des initiateurs et qui ouvrit ses portes 3, rue Ternaux, dans le onzième arrondissement de Paris.

Peut-être est-ce en ces lieux que Louis Louvet (1899-1971), alors secrétaire du Syndicat des correcteurs et animateur de Contre-courant, s’enquit un jour, à sa manière, des aptitudes en matière orthographique du compagnon libraire, puis, rassuré, s’enhardit à lui demander : « Et pourquoi ne deviendrais-tu pas correcteur ? » Ce qu’on tient pour certain, en tout cas, c’est que, ici ou ailleurs, cette question lui fut bien posée, fin 1959, et qu’André s’y laissa prendre. Comme d’autres avant lui et autant après. En novembre 1960, il entrait au syndicat, fut envoyé chez Laugier (Imprimerie Montmartre) – où il exerça trois années durant un mandat de secrétaire du CE –, puis chez Larousse (Montrouge). Entre-temps, il était entré au comité syndical en 1965. Trois ans plus tard, il devenait secrétaire du Syndicat des correcteurs. Juste avant la grande tempête festive d’un printemps étudiant qui fut aussi, surtout, ce qu’on oublie souvent, la plus grande grève ouvrière de notre histoire.

À partir du moment où il accéda à des postes de responsabilité au sein du Syndicat des correcteurs, André s’appliqua, en anarcho-syndicaliste conséquent, à ne pas confondre les genres. Il continua d’être adhérent de la Fédération anarchiste, mais sans mandat. En mai 1990, à soixante-dix ans donc, il accepta, par amitié, de reprendre du service à la Fédération anarchiste, devenant directeur du Monde libertaire en remplacement de Maurice Joyeux, malade. Sept ans plus tard – et pour clore, ou presque, sa mission –, il se vit convoquer devant la XVIIe Chambre du tribunal correctionnel de Paris, ès qualités de responsable de publication, à la suite d’une plainte pour « provocation au meurtre » déposée par un certain Le Pen Jean-Marie, qui n’avait pas apprécié un dessin signé Lasserpe publié dans les colonnes de l’hebdomadaire anarchiste. Informant de sa relaxe dans les colonnes du Monde libertaire du 12 juin 1997, Jacky Toublet s’exprimait ainsi : « Cette affirmation du sieur Le Pen contre l’ami Devriendt avait toutes les caractéristiques de la bouffonnerie sinistre, du grand-guignol plutôt, dans sa version saignante. Surtout lorsqu’on sait qu’André, entre 1952 et 1962, dans ces temps de honte pour la République française, colla d’innombrables affiches contre la guerre que la France menait contre les peuples de sa colonie et peignit des “Paix en Algérie” sur bien des murs de Paris et de sa banlieue. L’officier de parachutistes Le Pen, dans le même temps, se livrait à d’autres activités moins humanistes. »

En ces temps de déshérence où si peu subsiste de notre histoire commune, la noble figure d’André Devriendt devrait rester comme celle d’un homme qui fit lien, qui sut tenir sa place et qui fut capable de transmettre sans heurter. Toujours avec simplicité. « Flamand la Simplicité », c’était d’ailleurs le nom qu’il s’était choisi, en 1946, quand il fut reçu compagnon sellier-garnisseur à l’Union compagnonnique des devoirs unis. « Flamand », parce qu’il était de parents belges originaires de Flandre. « Simplicité », parce qu’il y voyait une qualité devant être cultivée avec constance. Cette même constance qu’il mit à être un syndicaliste subtil et un anarchiste conséquent. Un anarcho-syndicaliste, en somme.

Freddy Gomez
"Prolétaires du monde entier, descendez dans vos propres profondeurs, cherchez-y la vérité, créez-la vous-mêmes ! Vous ne la trouverez nulle part ailleurs." (N. Makhno)
Image
Avatar de l’utilisateur
vroum
 
Messages: 6915
Inscription: Mar 22 Juil 2008 23:50
Localisation: sur les rails


Retourner vers Actualités

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum: Aucun utilisateur enregistré et 2 invités