Une analyse de la crise financière - Libéral-

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Messagede Harfang le Mar 28 Oct 2008 22:30

Bonjour, vous trouverez ci-dessous une analyse de la crise par un prof d'éco semble-t-il assez calé dans son domaine. Son analyse n'a bien sur rien à voir avec notre courant de pensée, elle se situerait plutôt dans quelque chose de trés libéral. Toutefois je la trouve fort intéressante et elle mérite d'être lu.


La crise financière actuelle est l'occasion pour beaucoup de commentateurs de chanter le refrain habituel sur l'instabilité chronique du capitalisme et sur la nécessité d'un renforcement de la réglementation des marchés que l'on appelle d'ailleurs, de manière erronée, une régulation des marchés financiers. Tel fut d'ailleurs le credo affirmé par le président français dans son récent discours de Toulon. C'est pourtant une leçon toute différente que l'on devrait
tirer de la crise actuelle, à savoir que la meilleure régulation passe par le libre fonctionnement des marchés et non par leur réglementation.

La cause essentielle de cette crise provient en effet de l'extraordinaire variabilité de la politique monétaire américaine au cours des années récentes. Or celle-ci est bien évidemment décidée par des autorités publiques et non déterminée par le marché. C'est ainsi que la Fed est passée d'un taux d'intérêt de 6,5 % en 2000 à un taux de 1 % en 2003. Il y eut ensuite une lente remontée à partir de 2004 jusqu'à atteindre 4,5 % en 2006. Pendant toute la période de bas taux d'intérêt et de crédit facile, le monde a été submergé de liquidités. Afin de profiter de cette magnifique occasion de profits faciles, les établissements
financiers ont accordé des crédits à des emprunteurs de moins en moins fiables, comme l'a montré la crise des « subprimes ».

Lorsque l'on est revenu à des taux d'intérêt plus normaux, les excès du passé sont apparus au grand jour. C'est l'éclatement de la « bulle financière ».Or
les conséquences néfastes de cette politique ont été aggravées par plusieurs phénomènes. Tout d'abord, le sens de la responsabilité à l'égard du risque est émoussé parce qu'il est implicitement admis que les autorités publiques ne laisseraient pas se produire des faillites importantes en cas de difficultés (ce que confirme en partie le comportement actuel des autorités américaines). En particulier, les deux grands pourvoyeurs de crédits « subprime », Fannie May et Freddie Mac - initialement créés par l'Etat américain - bénéficiaient de garanties étatiques privilégiées qui les ont conduits à prendre des risques très excessifs.

Par ailleurs, la réglementation financière elle-même est la source d'effets pervers. Il en est ainsi de l'obligation imposée aux banques par l'accord de Bâle II de maintenir un ratio de fonds propres égal à 8 % de leurs avoirs. Devant les opportunités de gain formidables créées par la politique de bas taux d'intérêt de la Fed, les banques ont voulu développer au maximum leurs crédits, tout en maintenant le ratio imposé par la réglementation. Dans ce dessein, elles ont cherché à contourner la réglementation - comme cela est toujours le cas - en se débarrassant d'une partie de leurs encours vers d'autres organismes, par exemple fonds d'investissement et SIV (Special Investment Vehicles). Une partie des crédits accordés par les banques ont ainsi disparu de leurs bilans, leur permettant
d'accroître leurs prêts dans le respect apparent de la réglementation.

Certes, on peut considérer comme souhaitable que les fonds propres soient « suffisants » par rapport aux fonds prêtés. D'ailleurs, au XIXe siècle, les fonds propres des banques représentaient le plus souvent 60 à 80 % de leur bilan : les banquiers prêtaient les fonds qui appartenaient à leurs actionnaires et le ratio élevé (et désiré) de fonds propres constituait une garantie formidable de stabilité pour les actionnaires comme pour les clients des banques. Les banquiers étaient alors de vrais capitalistes - c'est-à-dire des propriétaires de capital. Ils étaient responsables en tant que tels.

A notre époque, on a cru possible de fonder le développement économique sur le crédit et non pas sur les fonds propres. Par ailleurs, une grande partie du crédit provient d'une création ex nihilo, à savoir la politique monétaire expansionniste, et non d'une épargne volontaire. Simultanément, le dépérissement du capitalisme - résultant lui-même bien souvent de l'interventionnisme étatique - a fait en sorte que les grandes banques ne sont plus dirigées par des capitalistes, propriétaires du capital, mais par des managers qui, ne supportant pas eux-mêmes les risques de l'actionnaire, sont tentés de maximiser les profits à court terme.

Dans le monde capitaliste du XIXe siècle, plus stable que le monde financier actuel, le crédit bancaire résultait des décisions des actionnaires des banques. Dans l'univers étatisé de notre époque, c'est le contraire qui se passe. On impose arbitrairement un ratio de fonds propres qui ne fait que mimer un vrai monde capitaliste, mais cela conduit à l'apparition de bulles financières. Les établissements de crédit maximisent le montant de leurs crédits et essaient ensuite par des manipulations de présenter un ratio de fonds propres conforme à la réglementation.

Une réglementation qui impose un résultat ne remplacera jamais le libre jeu des décisions d'êtres humains responsables (c'est-à-dire capitalistes). C'est pourquoi les appels constants lancés de nos jours en faveur d'une plus forte réglementation des marchés financiers ne sont pas fondés.Certes, on peut reprocher aux établissements financiers de n'avoir pas été plus prudents. Cela résulte des structures institutionnelles de notre époque que nous avons
rappelées. Mais cela reflète aussi le fait que l'information ne peut jamais être parfaite : un système capitaliste n'est pas parfaitement stable, mais il est plus stable qu'un système centralisé et étatique.

C'est pourquoi, au lieu de stigmatiser une prétendue instabilité du capitalisme financier, on devrait stigmatiser l'extraordinaire imperfection de la politique monétaire. On peut regretter que les managers des grandes banques n'aient pas été plus lucides et n'aient pas mieux évalué les risques qu'ils prenaient dans un monde où la politique monétaire est fondamentalement déstabilisatrice. Mais c'est précisément et surtout ce caractère déstabilisant de la politique
monétaire que l'on doit déplorer. Arrêtons donc les procès faits à tort au capitalisme et recherchons au contraire le moyen de libérer les marchés financiers de l'emprise étatique.

PASCAL SALIN est professeur à l'université Paris-Dauphine


En soi, je trouve assez intéressante qu'elle remette au gout du jour cette histoire des fonds propres et de la trésorerie et vise l'état, qui, aujourd'hui voudrait faire passer les financiers pour seuls coupables.
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Re: Une analyse de la crise financière - Libéral-

Messagede kuhing le Mer 29 Oct 2008 19:40

Une info que j'insère là et qu'il faut connaitre :Carlyle Group , société d'investissement des dirigeants de ce monde non cotée en bourse. ils savent bien se tailler la bonne part du gateau ...


tiré de wiki

Carlyle Group

Carlyle a été créé en 1987, avec 5 millions de dollars, dans les salons du palace new-yorkais du même nom. Ses fondateurs, quatre juristes, dont David Rubenstein (ancien conseiller du président américain Jimmy Carter à la Maison Blanche), ont alors pour ambition - limitée - de profiter d'une faille de la législation fiscale. Elle autorise les sociétés détenues en Alaska par des Eskimos à céder leurs pertes à des entreprises rentables qui payent ainsi moins d'impôts. Le groupe végète jusqu'en janvier 1989 et l'arrivée à sa tête de l'homme qui inventera le système Carlyle, Frank Carlucci. Ancien directeur adjoint de la CIA, conseiller à la sécurité nationale puis secrétaire à la défense de Ronald Reagan. Ils ont partagé une chambre quand ils étaient étudiants à Princeton. Ils se sont ensuite croisés dans de nombreuses administrations et ont même travaillé, un temps, pour la même entreprise [3],[4].

En 1997, le groupe a acquis la société américaine United Defense, gros fournisseurs de l'armée américaine en véhicules de combat et en artillerie.

L'ancien site parisien de l'Imprimerie nationale (Convention, XVe arrondissement.)En juin 1999, il investit 1 milliard d’euros dans le quotidien français Le Figaro (devançant le Groupe Dassault) détenant ainsi 40% de l'actionnariat du quotidien (les 60% restant étant détenu par la Socpresse)[5] . En 1999, le groupe gérait plus de 4 milliards de dollars d'investissements dans le monde[6].

Dassault a progressivement repris en 2006 l'intégralité du capital de la Socpresse, maison-mère du journal Le Figaro, après être monté à 60% en mars 2004, après une première tranche de 30% en 2003.

En 2003, le groupe achète à l'État français les locaux de l'Imprimerie nationale, qui est démantelée, pour 85 millions d'euros. L'État lui rachète en 2007 ces mêmes bâtiments pour en faire le nouveau ministère des affaires étrangères, pour 376,5 millions d'euros, soit 4,5 fois le prix de départ après environ 120 millions d'euros de travaux.[7]

Annonce de la faillite de la filiale de fonds d'investissement Carlyle Capital Corporation (CCC) suite à la crise des subprimes le 13 mars 2008, ce qui n'aurait "pas d'impact mesurable" sur la situation financière du Groupe Carlyle. En effet grâce à un ingénieux système de cloisonnement des filiales, le groupe permet de préserver l'intérêt des actionnaires en diluant le risque financier sur la collectivité [8].


Principaux investisseurs et conseillers
Le groupe a eu plusieurs membres prestigieux dont :

James Baker, ancien Secrétaire à la Défense américain.
Laurent Beaudoin, ex-président du groupe Bombardier.
George H.W. Bush, ancien Président des États-Unis et père du Président des États-Unis George W. Bush.
Frank Carlucci, ancien directeur-adjoint de la CIA, ancien Secrétaire à la Défense américain. A occupé la présidence du groupe.
Richard Darman, ancien directeur de l' U.S. Office of Management and Budget.
Paul Desmarais, président de Power Corporation of Canada.
Liu Hong Ru, ancien président de l'organisme de surveillance des opérations boursières de Chine.
Arthur Levitt, ex-président de la Securities and Exchange Commission.
John Major, ancien Premier Ministre conservateur de Grande-Bretagne.
Henri Martre, ancien de Matra Aérospatiale.
Anand Panyarachun, ancien Premier Ministre de Thaïlande.
Karl Otto Pöhl, ex-président de la Bundesbank.
Fidel Ramos, ex-président des Philippines.
le financier George Soros[6].
Thaksin Shinawatra, ancien Premier Ministre de Thaïlande.
Merrill Lynch, société financière américaine[6].
le fonds de pension de General Motors[6].
Olivier Sarkozy (demi-frère de Nicolas Sarkozy), copilote depuis avril 2008, l’activité mondiale de services financiers de Carlyle Group.
Carlyle n’est pas coté en bourse, et n’est donc non tenu de divulguer à la Securities and Exchange Commission (la commission américaine chargée de veiller à la régularité des opérations boursières) le nom des associés, des actionnaires, pas plus que leurs parts respectives.

Tous n'ont pas eu une part active au sein du groupe, certains noms célèbres de la politique et des affaires étant garants de la notoriété de l'entreprise dans le but d'attirer des investisseurs.
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Re: Une analyse de la crise financière - Libéral-

Messagede sebiseb le Jeu 30 Oct 2008 15:28

Harfang, cette analyse illustre au fond totalement ce renvoie de responsabilité aux uns et aux autres, tout en se dédouanant de sa propre responsablité - On entend reparler, comme à l'époque de l'affaire du sang contaminé le fameux "Responsable, mais Pas Coupable !" - Insupportable !
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Re: Une analyse de la crise financière - Libéral-

Messagede Harfang le Jeu 30 Oct 2008 18:33

J'avoue que ce texte me laissait un peu songeur... un peu seulement, puisque de toutes façons depuis la renaissance les gouvernants forniquent avec les argentiers. Mais je ne l'avais pas pensé en tant que renvoi des responsabilités dos à dos. Vu comme ça, effectivement, c'est plus intéressant. En tous cas quelque chose qui est sûr c'est que plus les taux directeurs baissent moins il y aura de possibilités de manoeuvre, ceux du japon était déjà à 0,5 la banque centrale nipponne n'a pas pu suivre.
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Re: Une analyse de la crise financière - Libéral-

Messagede qierrot le Jeu 30 Oct 2008 19:44

en même temps, sebiseb ce n'est pas qu'un débat entre patronnat ultra-libéral et gestionnaires de l'Etat, mais un débat permanent qui traverse la classe dominante, l'Etat n'étant qu'une forme de la domination de classe, et pas un truc gestionnaire neutre ou plus objectif que çà. Il y a les loups au dents longues et à vue réduite, qui veulent engranger un max et le plus vite possible, et il y a ceux qui voient un peu à plus long terme et qui en même temps redoutent l'explosion sociale, et qui préfèreront un certain type d'interventionisme de l'Etat pour réguler et maintenir une certaine forme de consensus.
Autre exemple, les premiers, n'en n'ont rien à faire des problèmes écologiques posés par la "croissance" de ce système, voire de ce que pourront vivre leurs enfants ou petits enfants, là ou les autres peuvent s'attacher à la reproduction de leur classe et de ce système (mais de toute manière pas sur du long terme non plus).
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Re: Une analyse de la crise financière - Libéral-

Messagede sebiseb le Jeu 30 Oct 2008 21:28

Oui, on peut étendre cela à la classe dirigeante qu'elle soit, économique, politique, religieuse..
Bien entendu, cette "élite" dirigeante accorde "des droits" généraux et sociaux pour évité la révolte des citoyens soumis.
L'autre jour, à la téloche, dans un débat sur la crise le journaliste demande - Et que pensez-vous de la décroissance ? Sourire, et réponse narquoise "des experts" ; une idée totalement irréaliste, défendue par quelques marginaux - évidement pas une alternative -> question suivante..
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Re: Une analyse de la crise financière - Libéral-

Messagede Harfang le Sam 1 Nov 2008 08:48

Ci-dessous l'avis de Rocard sur la question.
Bon, je n'ai rien trouvé de réellement transcendant mais comme je ne suis pas ne flèche en économie quelques éléments m'ont été utile ( et j'ai passé sur d'autres qui mont hérissé).
Transmis pour info

Michel Rocard, ancien premier ministre
Michel Rocard : "La crise actuelle est née en 1971"
LE TEMPS.CH | 22.10.08 | 17h41

u-delà des crédits immobiliers subprimes, on a le sentiment que la crise financière remonte à plus loin... Quelle est votre explication ?

Il y a un consensus presque absolu sur les causes techniques de la crise actuelle. Les banques américaines ont caché les crédits immobiliers douteux dans des packages contenant 15 à 20 % d'actifs douteux, camouflés dans des avoirs sains, qu'on a ensuite vendus comme des actifs financiers uniques. Aujourd'hui, aucune banque n'est en état de mesurer son degré d'incertitude, et encore moins celui du voisin.


Cliquez ici !
Pourquoi ça s'est passé comme ça ?

Je suis convaincu qu'il faut remonter au décrochage du dollar et de l'or en 1971. Il a entraîné un manque de repères fixes qui a poussé le monde financier à inventer de plus en plus de mécanismes pour se prémunir contre les aléas de change. Ils sont regroupés sous le nom de produits dérivés. Petit à petit, le taux d'incertitude de ces produits est devenu trop grand et on a eu un effet de bulle...

Pardon, vous suggérez de revenir à l'étalon or ?

On ne peut pas ! Malheureusement, c'est le passé. On ne sortira pas des difficultés actuelles sans trouver quelque chose de nouveau. De 1945 à 1975, dans tous les Etats développés, le capitalisme avait une croissance de 5 % par an, il ne connaissait jamais de crise financière et tout le monde était en plein emploi. Nous sommes maintenant dans un capitalisme qui s'essouffle pour atteindre la moitié de cette croissance, sans y parvenir, qui connaît une crise financière gravissime tous les quatre ou cinq ans, et où tous les pays ont un quart de leur population fragilisée devant le travail. Ma question est : peut-on rafistoler le système bancaire sans remédier à cette anémie générale de l'économie physique ?

Pourquoi le capitalisme s'est-il essoufflé ?

L'équilibre entre partenaires du jeu économique a changé. C'est le résultat de deux siècles d'histoire du capitalisme. Quand il est né – dans les années 1810-1840 – on s'est aperçu que le système était cruel et injuste. Assez vite naît une riposte du monde du travail, qui prend la forme des coopératives, des mutuelles, des syndicats, du mouvement socialiste. Leur souci est de se débarrasser du capitalisme. Mais le capitalisme a gagné. Sous la pression ouvrière, mais pas seulement, son efficacité prodigieuse a été mise au service de la lutte contre la cruauté sociale.

Le système est ainsi fait qu'il est instable. C'est même sa caractéristique principale. La crise des années 1929-1932, et la guerre qui a suivi, a rallié les cervelles à l'idée qu'il fallait le stabiliser. L'accord s'est fait dans le monde sur trois stabilisateurs. Le premier, c'est la sécurité sociale. L'Anglais Beveridge a théorisé qu'en faisant des retraites, de l'assurance chômage, de l'assurance maladie, des prestations familiales, on contribuait à stabiliser le système. Le deuxième régulateur, c'est celui de Keynes : au lieu de gérer les budgets et la monnaie sur la base de comptes nationaux, il faut les utiliser pour amortir les chocs extérieurs. Cette idée explique l'absence de crise pendant les trente années qui suivent. Le troisième régulateur, le plus ancien, c'est celui d'Henry Ford, et il tient en une phrase : "Je paie mes salariés pour qu'ils achètent mes voitures." Mis ensemble, à la fin de la Second Guerre mondiale, ces trois stabilisateurs vont donner le compromis social-démocrate, qui a duré trente ans.

Mais ce compromis a été abandonné depuis longtemps...

Les actionnaires ont fini par considérer qu'ils étaient mal traités. Ils ne venaient pas aux assemblées générales – on en rigolait, d'ailleurs. Ça a changé quand se sont créés les fonds de pension qui regroupent des milliers, des millions d'actionnaires. Ils ont envahi toutes les assemblées, en se moquant des problèmes internes de l'entreprise, et en disant "je veux plus". Dans la foulée se créent les fonds d'investissement, plus petits mais beaucoup plus incisifs, et les fonds d'arbitrage, les hedge funds.

Ces fonds ont créé une vaste pression sur les managers. Ils disaient : "Si vous ne payez pas plus, on vous vire." Puis il y a eu un mouvement plus puissant encore, celui des OPA. Celui qui ne distribue pas assez à ses actionnaires devient "opéable". Il en a résulté une externalisation formidable de la main-d'œuvre, qui a rendu précaire un quart de nos populations. Au final, cela donne une économie fatiguée, minée par la méfiance, où l'idée de fidélité à l'entreprise commence à disparaître et où la croissance ralentit.

Y a-t-il des moyens d'en sortir ?

Tout commence par la prise de conscience et le diagnostic. Ce diagnostic doit être scientifique et internationalement partagé. Aussi longtemps que les chefs d'entreprises productives se laisseront intoxiquer par la propagande bancaire, alors que leurs intérêts sont souvent antagonistes, aussi longtemps que les médias nieront le diagnostic, il n'y aura pas de remède.

Le repli national, c'est l'assurance déclin, l'assurance récession, parce que nos économies sont interdépendantes. L'économie administrée, on sait bien que ça ne marche pas. Interdire les produits dérivés, à mon avis ce n'est pas possible, car ils font fonctionner le système. Donc il faut une longue réflexion, qui doit comprendre un aspect éthique. La confiance ne peut pas revenir quand le PDG ou le banquier, qui gagnait 40 fois plus que ses salariés pendant les deux premiers siècles de capitalisme, gagne 350 à 500 fois plus. Il faut reconnaître que le moteur de la croissance, c'est la consommation des ménages. Cela implique le retour de la masse salariale à un niveau plus élevé : en moyenne, sa part dans le PIB a perdu 10 % en vingt-cinq ou trente ans.

Il faudra aussi fournir un élément scientifique pour condamner l'espoir d'une rentabilité à 15 %, alors que le PIB croît de 2 % par an. Cet objectif de 15 % est un objectif de guerre civile. Or, il a été formulé par les professionnels de l'épargne et personne n'a rien dit. Aujourd'hui, si on ne trouve pas d'inflexion, on est dans le mur. Le déclin du Bas-Empire romain a commencé comme ça...

Comment jugez-vous l'action de l'Europe dans cette crise ?

Elle a fait preuve d'une inventivité inhabituelle. Mais ce ne sont pas les institutions européennes qui ont fonctionné. La Commission se tait. Le Conseil des ministres n'a pas été sollicité. Un type talentueux, qui s'appelle Nicolas Sarkozy, a exploité la convergence des volontés de quelques grands Etats européens. La zone euro nous a protégés. Sans l'euro la crise serait infiniment plus grave. Elle a trouvé un bon conseiller en la personne de Gordon Brown, avec son invention géniale de garantie publique aux prêts interbancaires.

A ce propos, je viens d'apprendre une nouvelle délicieuse : le principal conseiller financier de Gordon Brown serait Alan Greenspan [ancien président de la Réserve fédérale américaine]. Or, c'est le surcroît de liquidités qu'il a créé qui a permis aux banques de prendre tous ces risques. Il y a de quoi sourire.

Vous êtes encore plus sévère envers l'économiste ultralibéral Milton Friedman...

Friedman a créé cette crise ! Il est mort, et vraiment, c'est dommage. Je le verrais bien être traduit devant la Cour pénale internationale pour crimes contre l'humanité. Avec son idée que le fonctionnement des marchés est parfait, il a laissé toute l'avidité, la voracité humaine s'exprimer librement.

Propos recueillis par Sylvain Besson (Le Temps.ch)
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Re: Une analyse de la crise financière - Libéral-

Messagede poolpikan le Sam 1 Nov 2008 17:01

une vidéo-tuto sur les banques ex-ce-llente .
parfaitement pédagogique . à voir!!

http://vimeo.com/1711304
Le problème n'est pas gauche-droite. Il est haut-bas.
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