Geographie du sexisme, Discours autorisés sur la violence faite aux femmes au pays de Johnny Hallyday
Les Mots sont Importants Par Sylvie Tissot, Christine Delphy, 24 mars
Vingt ans de prison ont été récemment requis à l’encontre de l’homme pakistanais qui, en 2005, avait tenté de brûler vive son ex-petite amie, Shérazade, qui refusait de l’épouser. On pourrait, en tant que féministes, s’en réjouir... Le traitement de cette affaire nous apparaît malheureusement comme une source supplémentaire de désespoir.
Non seulement les violences faites aux femmes sont un phénomène massif , non seulement aucune politique publique digne de ce nom n’existe en France, mais les seuls cas perçus comme assez légitimes pour attirer l’attention des médias et de la classe politique sont systématiquement ceux qui mettent en cause immigrés, jeunes de banlieue, musulmans et/ou arabes. Comme si la violence faite aux femmes n’était pas un phénomène répandu dans toute la société française, de la classe politique à la classe ouvrière, des textes de chanson aux comptoirs des cafés. En 1976, Johnny Hallyday, notre chanteur 100% national, ne chantait-il pas :« Je l’aimais tant que pour la garder je l’ai tuée » ?
Ni Putes Ni Soumises a ainsi fait de Shérazade sa « vice-présidente » d’honneur. Avec une femme sur vingt victime en 1999 de violence physique (des coups à la tentative de meurtre), les candidates à ce statut sont légion : pourquoi donc les conditions requises pour être défendue par NPNS sont-elles indissociablement liées à la couleur de la peau ? Pourquoi les banderoles des (rares) manifestations qu’elle organise affichent-elles toujours des prénoms arabes : Ghofrane, Shérazade et Sohane ? Où sont les Monique, les Catherine, les Françoise, tout aussi mortes ? La réponse est simple : le sexisme sévit « là-bas », en banlieue, pas « ici », dans la République française. Et pour que ce soit plus clair encore, la présidente de NPNS a déclaré que Shérazade était le « symbole aujourd’hui des violences faites aux femmes ».
Il faut le dire avec force aujourd’hui : ce discours est non seulement raciste mais aussi anti-féministe. Raciste car il fait des arabes et/ou des musulmans des individus naturellement programmés au sexisme. Sexiste car il vient alimenter l’idée, à la base de la pensée anti-féministe, que « la violence sexiste ne peut être qu’accidentelle chez nous parce que le patriarcat est localisé ailleurs » . Ailleurs, et c’est là qu’un stade est franchi avec l’affaire Shérazade... Le patriarcat ne survit pas seulement dans nos banlieues, nous dit-on. Pour être sûr que l’on comprenne bien que le patriarcat des banlieues n’a rien à voir avec le « nôtre », le procureur a renvoyé le geste de cet homme aux « crimes d’honneur » commis au Pakistan, le pays des terroristes, bien sûr, CQFD...
Il ne faut pas minimiser tout ce que nous perdons, nous féministes militantes, à nous laisser imposer cette géographie de la violence sexiste. Car bouter symboliquement le sexisme hors de France, c’est occulter la grande tradition française, notamment de « crime d’honneur ». Rebaptisé « crime passionnel » après avoir disparu du code pénal à la fin du 19è siècle, ce type de crime a été efficacement ressuscité sous la forme d’une stratégie des avocats de la défense qui a le grand mérite de faire passer un meurtre pour un acte d’amour.
Mais à la tradition française des violences sexistes s’ajoute une autre : la disculpation voire l’héroïsation de leurs auteurs. Rappelons-nous Bertrand Cantat, pour qui, après qu’il a tué sa compagne Marie Trintignant, à coups de poings (19), puis l’a laissé agoniser pendant 6 heures, tant de larmes ont été versées ; tant de compassion déversée pour sa « vie perdue », au point que certains le considéraient comme également victime de ce « malheureux incident » (entendu à la télévision le 19 février 2009) que la morte. Il ne s’agit pas ici de minimiser la violence exercée sur Shérazade ; mais comparons seulement :
-les vingt ans de prison requises contre l’homme qui a agressé et atrocement blessé Shérazade (sans néanmoins la tuer).
-les 4 ans (et non les 8 auxquels il fut condamné) passés en prison par Bertrand Cantat pour un meurtre quiserait en fait, selon les juges lithuaniens, un assassinat.
Une autre comparaison instructive reste, à notre sens, celle qui met en parallèle le traitement de deux affaires : l’agresseur de Shérazade et le député UMP de Moselle Jean-Marie Demange qui, en novembre dernier, s’est suicidé après avoir tué sa maîtresse. La dénonciation consensuelle du premier n’a eu d’égale que les commentaires désolés sur le deuxième, décrit comme un homme épuisé et à bout - le pauvre homme avait, il est vrai, perdu son poste de maire de Thionville, ce qui excusait bien aussi un autre de ces « moments de folie » (le mot couramment employé pour Cantat) auxquels les hommes ont droit, au moins une fois dans leur vie, et tant que les victimes en sont des femmes. Et c’est ainsi qu’une minute de silence a pu être observée à l’Assemblée en l’honneur d’un meurtrier devenu héros national. Sa maîtresse assassinée allait, elle, rejoindre les statistiques anonymes et invisibles de la violence sexiste chez nos bons Français.
PS:Cet article, paru initialement dans le journal Politis le 19 mars 2009, doit beaucoup au débat qui a eu lieu à la Ligue des droits humains le 14 février 2009 avec Christine Delphy autour de son livre Classer, dominer. Qui sont les « autres » ?. Merci à toutes les participantes.
19 juin 2009
Communiqué / Avis sur le port de la Burka en France
Mesdames et Messieurs les Parlementaires et responsables politiques,
Mesdames et Messieurs, de la Presse,
Amis défenseurs des droits de l'homme et libertés individuelles,
Une soixantaine de députés, de toutes tendances (3 PCF, 7 PS, 43 UMP, 2 NC, 3 NI), emmenés par le député PCF de Vénissieux (Rhône) André Gérin, ont demandé la création d'une commission d'enquête parlementaire sur le port en France de la burka ou du niqab, le voile intégral revêtu par certaines femmes musulmanes. Cette question impose réflexion et débat.
Après consultations diverses, le sujet ayant déjà été évoqué au CNDH, nous vous communiquons ci-dessous l'avis officiel du CNDH en tant qu'organisation de défense des droits de l'homme sur ce sujet.
Position du CNDH sur le sujet du voile et de la burka (ou burqa) et/ou du niqab et avis sur le droit applicable.
Si la liberté religieuse est éminemment respectable - et naturellement protégée par la loi et les textes relatifs aux droits de l’homme – tout signe ostentatoire dans un espace laïc, et la République Française est un espace de droit laïc – soulève légitimement problème.
Le port de ce type de vêtement – et c’est évidemment beaucoup plus vrai pour la burka ou le niqab – soulève tout d’abord des difficultés d’insertion sociale et d’intégration dans une Nation qui a créé la laïcité précisément pour faire face à tout contentieux d’origine religieuse ou supposée religieuse.
La France est aussi, historiquement et socialement une nation marquée par une longue religiosité de type judéo-chrétien, situation qui, au fond, sensibilise sans doute davantage.
Quant au droit, il semble qu’il faille tout d’abord considérer que le port de ce type de vêtement n’a pas d’origine réellement religieuse – cela ne figure pas dans le Coran – mais découle plutôt d’une démarche de dérive religieuse à caractère sectaire, situation qui emporte que le port de ce type de vêtement ne peut être considéré – en droit – comme découlant d’une pratique religieuse, mais comme relevant davantage d’une forme de soumission à caractère sectaire. En ce sens, c’est une atteinte à l’intégrité de la personne humaine et donc d’une mise en cause de ses droits fondamentaux et des libertés essentielles par ce que l’on peut qualifier de fait de communautarisme.
Si l’on considère qu’il s’agit d’un vêtement, celui-ci a pour effet de ‘‘déguiser’’ la personne puisque ledit vêtement la masque et rend ainsi toute identification impossible, or, dans un état laïc, le déguisement, en dehors des fêtes de carnaval ou de circonstances relevant des mêmes principes, est interdit.
Si l’on considère que la finalité du port de la burka réside dans le fait de masquer la personne et que, en même temps et de manière largement majoritaire, le port de ce voile relève de l’obligation et non du volontariat, il opère discrimination en même temps qu’atteinte aux libertés.
C’est aussi, dans un pays laïc un signe ostentatoire de religion qui n’est pas acceptable dans les services publics, à l’école ou à la faculté ni dans les lieux de sport ou à caractère public.
Cette obligation génère aussi, et c’est sans doute l’un de ses aspects les plus pervers, une forme de rejet du reste de la population qui ne souhaite pas que la société française soit islamisée, d’une manière si caractérisée en tout cas.
C’est aussi une affaire de sécurité publique et le port de ce type de couvre-chef doit être interdit tout comme le sont les masques et cagoules.
En conséquence, et après consultations diverses,
Le CNDH préconise, à l’instar de ce qui a déjà été décidé en Belgique par exemple, une interdiction pure et simple du port de toute forme de masque dans tous les lieux publics (inclus rue, écoles, universités et autres établissements de formation, hôpitaux et centres de soins, bureaux de poste et banques, lieux de sport, et, plus généralement dans la rue, ainsi qu'au volant.
Dont avis et communiqué
Pour le CNDH
Jean-Georges D'Ancoisne
Consultant en droits de l'homme
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