Les antifascistes dans la ligne de mire

Les antifascistes dans la ligne de mire

Messagede Nico37 le Lun 8 Déc 2008 12:22

Les antifascistes dans la ligne de mire

Depuis le début du mois de septembre 2008, la mouvance antifasciste
radicale de Paris fait l’objet de fortes pressions policières. Après les
poursuites engagées contre la mouvance dite « anarchoautonome » et contre
les opposants à la politique d’immigration actuelle, alors que les
services de renseignement se restructurent sur la base du
contre-espionnage et tendent à assimiler toute activité politique à une
forme de terrorisme, cette répression n’est pas en elle-même étonnante.
Elle prend pourtant des formes et une dimension nouvelles, qui ne laissent
rien présager de bon pour le futur et démontrent que l’abandon des
principes de la démocratie et des libertés individuelles ou collectives
atteint un nouveau stade où Europe forteresse et démocratie blindée vont
de pair.

Si l’État a pour l’instant réussi à écraser les revendications économiques
sous le poids de la division syndicale et l’incurie des partis dits «
d’opposition », il a en revanche du mal à contrôler des formes plus
autonomes et plus directes de lutte politique. Sur le terrain des luttes
de l’immigration, il doit faire face à une certaine radicalisation du
mouvement, menant à plusieurs altercations avec la police, à la fermeture
voire à la destruction de certains centres de rétention au printemps
dernier. Dans le même temps, la lutte antifasciste radicale a connu en mai
dernier deux succès consécutifs, empêchant coup sur coup une manifestation
néo-fasciste en plein centre de la capitale et un meeting des Identitaires
que les propriétaires de la salle louée pour l’occasion renonceront
finalement à accueillir.

Ça fait beaucoup, ça fait trop pour les services policiers. En montant en
épingle quelques incidents isolés, l’État et ses journalistes aux ordres
créent le danger « anarcho- autonome », et envoient au trou quelques
personnes sous prétexte de terrorisme
- prétexte aussi fumeux que les faits reprochés : transporter quelques
grammes de produits pouvant servir à fabriquer des explosifs, utilisés en
fait pour fabriquer des fumigènes. Eh oui, les fumigènes de la
contestation doivent être achetés, c’est un produit de consommation comme
un autre... Le 13 juin parait une circulaire du ministère de la « justice
» demandant aux procureurs de transférer tous les faits qui pourraient
impliquer ou se rapprocher des modes d’action « anarcho-autonomes » au
parquet antiterroriste ; fin juin le Direction centrale du renseignement
intérieur (DCRI) est créée, réorganisant le renseignement policier en
fusionnant les Renseignement généraux (RG) et la Direction de surveillance
du territoire (DST) au profit de cette dernière, donnant un tour
contreespionnage, antiterrorisme et activité de type secret défense à
l’action policière en matière de politique intérieure. Les effets ne se
font pas attendre...

ANTIFAS, VOS PAPIERS !

En septembre vient le tour des antifascistes radicaux, ou plutôt de ceux
et celles que la police estime être des antifascistes radicaux. Car parmi
les personnes interpellées, certaines le sont sur la base de présomptions
aussi solides qu’être présentes dans le répertoire téléphonique d’un autre
interpellé... Au début septembre, ce sont ainsi quatre personnes qui sont
interrogées, dont trois placées en garde à vue pour des durées allant de
24 à 36h, et deux perquisitions de domicile qui sont effectuées. Aucune
mise en examen n’est prononcée, personne n’est déféré au parquet, en
revanche au cours du mois de septembre et d’octobre les gardés à vue sont
régulièrement convoqués au commissariat, histoire de maintenir la
pression... Une enquête de moralité est lancée sur l’un d’entre eux,
fonctionnaire, ainsi menacé d’être suspendu voire révoqué. Mercredi 8
octobre, une autre personne est convoquée, et placée en garde à vue dès
son arrivée, pour une durée de 36h. Venu lui apporter des sandwichs
histoire d’améliorer l’ordinaire, une de ses connaissances doit pour la
peine subir un contrôle d’identité - les sandwichs, apparemment considérés
comme des armes dangereuses, seront acceptés mais n’arriveront jamais
jusqu’à l’engeôlée. Là encore, pas de mise en examen, pas de déferrement
au parquet.

A l’heure actuelle, c’est encore le flou sur les suites de cette affaire -
et ce flou semble volontairement entretenu par les services de police qui
espèrent ainsi faire monter la pression sur l’antifascisme radical. Il
faut dire que les faits officiellement reprochés aux interpellés sont
mineurs : liés à l’interdiction du meeting des Identitaires, ils font état
de tags, de bris de vitre et de messages de protestations envoyés à la
salle, qui avait en conséquence porté plainte. De fait, des individus
jugés pour de tels faits ne risqueraient que des peines légères, sans
doute des amendes. Rien en tout cas qui pourrait suffire à expliquer le
déploiement de force policier, en termes d’hommes et de moyens
technologiques. Au moins une demi-douzaine d’officiers semblent suivre
régulièrement cette affaire, et l’un des interpellés a même eu droit à la
visite d’un commissaire divisionnaire... De même les outils techniques mis
en oeuvre semble complètement disproportionnés : traçage internet (sur des
messages envoyés depuis un cybercafé), géolocalisation par les bornes de
téléphone portable (ou même repérage des moments où les téléphones sont
éteints, érigés en présomption de culpabilité), exploitation des
répertoires téléphoniques voire, selon les flics, prélèvement d’empreintes
digitales et ADN dans des cabines téléphoniques et sur les lieux des
délits ! Si vraiment le but était de retrouver des gens suspects de tag et
de bris de vitres, on serait face à un gaspillage tellement absurde qu’on
pourrait penser que la police a décidé de ruiner l’État...

Mais l’essentiel est évidemment ailleurs : les flics profitent d’une
plainte mineure pour essayer non pas de résoudre « l’affaire », mais au
contraire pour monter une affaire, obtenir un maximum de renseignements
sur les individus susceptibles d’être proches ou sympathisants de
l’antifascisme radical, et mettre la pression sur cette mouvance qui reste
l’une des dernières poches d’activité politique autonome. La répression
n’a d’ailleurs en elle-même rien de vraiment étonnant : en France comme
ailleurs en Europe, la lutte antifasciste autonome a depuis plusieurs
décennies fait l’objet de nombreuses poursuites, et il est évident qu’avec
la montée en force d’un individu qui n’a pour tout projet politique que la
loi du plus fort, de la matraque et de l’argent, la persistance d’une
telle démarche politique ne peut qu’apparaître comme un défi.

POLITIQUE AUTONOME CONTRE ETAT POLICIER

En revanche, ce qui est nouveau et étonnant, ce sont les procédures
utilisées. L’usage massif des technologies, déjà, dont cette affaire
démontre que, loin d’être réservé au terrorisme ou au grand banditisme, il
constitue une menace réelle pour la liberté de tout un chacun, une épée de
Damoclès toujours prête à s’abattre sur qui met (ou pourrait mettre) un
pied hors des clous. Et, surtout, aucune instruction judiciaire n’est
ouverte : il s’agit là d’une pure affaire policière, aux ordres directs du
parquet, sans aucun des contrepoids que les luttes ont au cours du temps
arraché à l’arbitraire gouvernemental. Aucun juge pour tempérer les excès
de zèle policiers, aucun accès au dossier pour les avocats, donc aucune
possibilité de préparer la défense. On peut noter que l’emploi de ce type
de procédure est d’ailleurs en permanente augmentation, quelque soit le
degré de gravité des affaires.

Et c’est bien là que réside la nouveauté, qui distingue par exemple cette
affaire des poursuites contre les dits « anarcho-autonomes » : pour
ceux-ci, est ouverte une instruction judiciaire, certes abusivement
confiée à l’anti-terrorisme, mais qui garantit au moins quelques droits à
la défense. Pour les antifascistes radicaux, pas d’instruction, donc pas
de droits, pas de possibilité d’organiser la défense - qui constitue
pourtant officiellement un « droit de l’homme » que l’État dit reconnaître
; on est dans la pure opération policière de pression et d’intimidation
((menée par un service très récemment créé pour lutter contre les
violences urbaines et les bandes organisées), hors de tout contrôle
judiciaire - et pour rien, ou presque rien, donc qui peut tomber sur
n’importe qui, ou presque.

Une pièce de plus dans la tendance lourde à réduire l’ordre public à la
logique policière, justement synthétisée par la très calme organisation
internationale de défense des droits de l’homme Human Rights Watch, comme
« la justice court-circuitée » au nom de l’antiterrorisme. On mesure ici
l’impact de la réorganisation des services de renseignements autour de la
logique du contre-espionnage et de l’assimilation du militantisme à une
activité terroriste et/ou mettant en cause la sécurité publique. La
logique qui semble s’installer, c’est celle de zones d’exception, hors du
droit, ou l’action de la police se rapproche de celle de l’armée :
l’arbitraire de la force guerrière pure. Contrairement à ce qu’affirme «
l’État de droit », il n’y a plus de distinction entre l’ordre intérieur et
l’ordre extérieur, plus de frontières entre l’adversaire politique et
l’ennemi vital : tout opposant est un ennemi à écraser par tous les
moyens, la politique, toute politique, (re)devient clairement l’ennemi de
la police. Réciproquement, n’est politique que l’ennemi de la police ;
être avec ou contre la police, telle est la frontière ultime du champ
politique - et notre camp est et reste celui des ennemis, des radicaux et
des autonomes pour qui la haine du bleu marine n’a d’égale que celle du
brassard orange. Nous savons depuis longtemps que, malgré les apparences
plus ou moins libérales qu’elle se donne, la police est toujours et par
essence notre ennemi ; qu’elle se détache de la « justice » si elle le
juge bon : plus la police sera isolée, plus elle sera vulnérable, plus
notre ennemi sera l’ennemi de tous.

Alf - No Pasaran n°71, novembre-décembre 2008
Nico37
 

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