leo a écrit:La baisse du temps moyen de travail aussi.
En un siècle, la place du travail dans la vie (dans le temps de la vie) a été pratiquement divisé par deux. On ne commence plus à bosser à 12 ou 14 ans, pas mal de salariés ont quelques années de retraite (alors qu’à une époque, dans les milieux ouvriers, on mourrait au travail, en activité, vers la cinquantaine), et au quotidien 35 ou 40 heures + 5 semaines de congés, c’est pas pareil que 60 ou 70 h sans congés…
Non mais dit comme ça on dirait qu'on a pas à se plaindre. C'est pas la durée horaire qu'il faut vraiment regarder, c'est la productivité horaire et ses gains. J'ose même pas dire en quelle proportion ils ont doublé alors que la durée horaire a baissé. L'augmentation continue et voulue des gains de productivité ça implique plus le même mode de régulation de la production que sous le Capitalisme Industriel, d'autant plus que sous ce dernier, la concentration des travailleurs et la similarité des conditions de travail au sein d'un même atelier favorisent la solidarité qui atténue énormément les dommages psychologiques.
Ce n'est plus la mobilité physique qui est souhaité dans la plupart des emplois post-modernes (et encore les caissières kiffent pas trop leurs articulations), mais la mobilité psychique, les dégats que ça engendre sont moins visibles (même si on en parle de plus en plus). Je dis que c'est pire que sous le Capitalisme Industriel parce que la douleur physique on peut diagnostiquer facilement d'où elle vient, on peut l'identifier et la soigner plus ou moins rapidement, pas la douleur psychique. Pour avoir un membre de ma famille qui a été victime d'un
burn-out je peux dire que la douleur et le désespoir sont beaucoup plus profonds. Les exemples les plus flagrants sont les suicides de France Tel. où les employés subissent des injonctions paradoxales (Paul Watzlawick en a parlé), les objectifs qu'ont leur donne sont incompatibles avec l'éthique professionnelle qu'ils se sont donnés.
Les conséquences personnelles de la flexibilité exigent mobilité, disponibilité, acceptation de l'incertitude, implication dans le travail, goût de la complexité, mobilisation mentale et psychique, adaptabilité, capacité à la reconversion. Des qualité qui obligent à être constamment en mouvement et à accepter sans réserve les exigences de l'entreprise (favoriser par la diffusion et l'adoption massive par les agents des moyens de communication instantanés). Moins de mobilisations collectives sont en baisses à cause d'un encouragement à la négociation individuelle des situations. Sans oublier la peur des gens de se retrouver sans leur emploi (qui le détruit) et donc à la rue. Sans oublier que l'âge de la retraire est sans cesse repousser avec l'augmentation des cotisations.
On ne meurt plus au travail, on meurt à petit feu
à cause du travail !
(je ne peux que conseiller les films de Pierre Carles et le dernier bouquin de Vincent de Gaulejac sur le sujet de l'évolution de forme qu'a adopté l'exploitation du capital et ce, dans la plupart des organisations, même celles à but non-lucratif)
Et puis les « travailleurs » ne sont pas que ça, ne sont plus les prolétaires qui n’avaient que leurs chaînes à perdre : il sont locataires ou petits propriétaires, consommateurs, parents d’élèves, maris et femmes avec des problèmes liés à cette cellule familiale, aux rôles et places dans ce quotidien selon que l'on est hommes ou femmes, ou plus simplement avec des problèmes de désamour, sont dans des histoires de divorces parfois compliquées, passent du temps pour aller bosser et faire leur courses, ont des crédits sur le dos pour leur bagnole et éventuellement leur pavillon et ont donc des problèmes avec « leur » banquier, sont éventuellement patients affectés d’une maladie, prennent en charge un parent, poussent leurs enfants dans des études qui coûtent cher, sont voisins d’une centrale nucléaire inquiétante, habitants d’une région où l’on veut leur imposer une ligne de TGV inutile, un projet touristique haut de gamme qui va privatiser et détruire des espaces communs de balade, de glanage, de reproduction des espèces, et faire monter les prix, etc.
Tous ces problèmes sont liés à l'organisation de la production, de la maximisation du taux de profit et de l'intégration hégémonique de la sphère marchande dans la sphère non-marchande (et ce que ça implique de protection militarisée, d'où les flics en fac et/ou dans les écoles pour traquer celles et ceux qui n'empruntent pas le chemin légal de production, la recherche de drogue par exemple, d'où les flics dans les écoles primaires).
La volonté de taux de profit maximum entraine une individualisation des contacts renforcé par la structure socio-spatiale (urbanité), ce qui implique plus de problèmes inter-personnels ("problèmes de désamour, histoires de divorces compliquées"), les crédits sont voulus et nécéssaires pour l'accroissement du capital financier, les maladies psychiques augmentent à cause de l'angoisse souvent lié à la sécurité sociale de soi et de ceux qu'on aime, si les parents poussent leurs enfants dans de longues études c'est peut-être pour les voir exercer une activité qui leur apportera du bonheur (contrairement à la leur), les lignes de TGV sont construites pour amener plus facilement les travailleur-es sur les lieux de travail pour éviter d'aller installer l'entreprise dans des coins où il y a peu de demande, la privatisation des espaces cherche le rendement économique, etc. bref tous les problèmes contemporains tournent autour de la contradiction Capital/Travail. Le but de toute cette entreprise est le même qu'au XIXième, seulement les formes qu'il a adopté et les nouveaux problèmes que ça a engendré, qui sont multiples nous font croire que les causes sont multiples. C'est un trompe l'oeil, c'est l'Idéologie.
Les orga révolutionnaires n'ont selon moi, pas fait une bonne analyse des évolutions. Je dirais que les seules orgas qui réféfléchissent en conséquence sur ces évolutions en France sont les CNT-AIT et dans une certaine mesure les CNT-f.
« Maintenant que nous savons que les riches sont des larrons, si notre père, notre mère n’en peuvent purger la terre, nous quand nous aurons grandi, nous en ferons du hachis. »
L.M