« un groupement où les abrutis se classent par métiers, pour essayer de rendre moins intolérables les rapports entre patrons et ouvriers. De deux choses l'une : ou ils ne réussissent pas, alors la besogne syndicale est inutile ; ou ils réussissent, alors la besogne syndicale est nuisible car un groupe d'hommes aura rendu sa situation moins intolérable et aura, par suite, fait durer la société actuelle...» (Le Libertaire n° 22, 2-9 avril 1904.)
« Ma devise, c’est : Moi, moi, moi… et les autres ensuite ! »
« la division qui existe sur ce point chez les anarchistes est beaucoup plus profonde qu’on ne le croit et suppose aussi une inconciliable discordance théorique ». (Luigi Fabbri, « L’Organisation anarchiste », http://monde-nouveau.net/spip.php?article578)
Parmi les anarchistes qui prônent l’organisation, nous pouvons faire certaines distinctions. Il y a ceux qui disent que les anarchistes doivent être organisés au sein des organisations de masse. Ici, je dois faire une parenthèse pour faire une distinction avec laquelle nous travaillons ici, entre l’anarcho-syndicalisme et le syndicalisme révolutionnaire. Si tu veux approfondir cela, j’ai étudié le sujet dans un texte intitulé “Anarquismo e Sindicalismo Revolucionário” (Anarchisme et syndicalisme révolutionnaire), publié dans Anarkismo.net. Mais je joins ici quelques passages qui clarifient cette distinction et je pense que cela rendra le débat sur la Plateforme plus clair.
Anarcho-syndicalisme et syndicalisme révolutionnaire
Extrait de Corrêa : Ideologia e estratégia :
« Comme nous l’avons vu, à l’intérieur du camp anarchiste il y avait deux stratégies : l’une qui défendait les syndicats (majoritaire) et une autre qui était contre eux (minoritaire). Cependant, comme l’ont déclaré Schmidt, van der Walt et Samis, parmi ceux qui défendaient les syndicats, il y avait une discussion sur le type de relation qui devait exister entre le syndicalisme et l’anarchisme. Et nous croyons que c’est cette différence – le niveau de lien explicite et conscient du syndicalisme à l’anarchisme – qui donne la différence entre le syndicalisme révolutionnaire et l’anarcho-syndicalisme. »
Regardons les définitions que nous donnent Schmidt et van der Walt sur ces deux façons de concevoir l’organisation syndicale :
« Anarcho-syndicalisme est un terme plus réservé au type révolutionnaire de syndicalisme qui est ouvertement et consciemment anarchiste dans ses origines, orientations et objectifs. L’exemple classique serait la CNT espagnole, qui a ses racines dans la section espagnole anarchiste de la Première Internationale [la FRE] et dans les idées de Bakounine. [...] Le syndicalisme révolutionnaire, d’autre part, est un terme plus réservé à la variante syndicaliste qui, pour diverses raisons, ne se référait pas explicitement à la tradition anarchiste, et ne percevait pas, ignorait, minimisait son origine anarchiste. [Il y avait aussi ceux qui refusaient explicitement cette filiation.] Il est typique des courants syndicalistes révolutionnaires actuels de nier leur alignement à quelque philosophie que ce soit ou groupements politiques spécifiques – se revendiquant « apolitiques », malgré la politique radicale qui les réunit.. La CGT française après 1895 est un exemple classique d’un syndicat révolutionnaire qui minimisa ses liens avec l’anarchisme. » [Schmidt et van der Walt, p. 142]
Comme nous tentons de le montrer, le syndicalisme qui soutient la neutralité, l’indépendance et l’autonomie des syndicats, en d’autres termes son absence de liens à quelque courant politique que ce soit, constitue le syndicalisme révolutionnaire. Le syndicalisme révolutionnaire ne s’est jamais défini, explicitement et consciemment, comme véhicule de l’anarchisme.
Et cela n’invalide pas la déclaration que nous avons faite précédemment : le syndicalisme révolutionnaire est, pour nous, une stratégie de l’anarchisme – un vecteur social – qui a été impulsé de manière décisive par les anarchistes, même s’il a pris forme autour d’un important contingent populaire d’anarchistes et de non-anarchistes, contingent qui constituait sa véritable base, et qui fit de telle sorte qu’il n’était pas possible d’attribuer complètement le phénomène syndicaliste révolutionnaire aux anarchistes. Ce qui distingue ce syndicalisme révolutionnaire de l’anarcho-syndicalisme est que le premier ne se lia jamais explicitement et consciemment à l’anarchisme, contrairement au second. Compte tenu de cette différence, les deux plus grands exemples de l’anarcho-syndicalisme dans l’histoire se rencontrèrent en Argentine et en Espagne.
(…)
Ayant établi ce qu’est l’anarcho-syndicalisme, nous pouvons dire que ce qui existait au Brésil était le syndicalisme révolutionnaire, puisque le mouvement syndical brésilien n’a jamais été explicitement et consciemment lié à l’anarchisme. Et en cela nous sommes d’accord avec Edilene Toledo (2). Pour nous, le terme anarcho-syndicaliste s’applique plus aux anarchistes qui ont défendu ce lien explicite et conscient du syndicalisme à l’anarchisme que les anarchistes qui ont défendu l’action dans les syndicats. Comme nous le savons, il y eut des anarchistes qui défendaient l’action dans les syndicats, mais qui étaient contre cette liaison, comme ce fut le cas, par exemple, de Neno Vasco.
Donc, pour nous aussi, définir comme anarcho-syndicalisme ce qui exista au Brésil, et désigner tous les anarchistes qui ont travaillé au sein des syndicats comme anarcho-syndicalistes est certainement une erreur, qui a été très souvent commise en traitant de l’histoire du mouvement ouvrier brésilien. Toutefois, cela ne signifie pas, en aucun cas, que le syndicalisme révolutionnaire doit être enlevé ou séparé de l’anarchisme, comme voudrait nous faire croire Edilene.
Critère de distinction entre l’anarcho-syndicalisme et le syndicalisme révolutionnaire
Le critère qui différencie l’anarcho-syndicalisme du syndicalisme révolutionnaire est le niveau de lien explicite et conscient du syndicalisme à l’anarchisme. A ce que je comprends, la position de Bakounine par rapport à l’AIT, alors, est syndicaliste révolutionnaire et non pas anarcho-syndicaliste, car il a cherché à organiser l’AIT à partir des besoins économiques des travailleurs, sans la lier à une doctrine spécifique ou à une position antireligieuse. La FORA et la CNT étaient organiquement liées à l’anarchisme et c’est cela que nous appelons l’anarcho-syndicalisme.
Si nous analysons le XXe siècle, à partir de cette distinction, le syndicalisme révolutionnaire était beaucoup plus étendu que l’anarcho-syndicalisme, bien que l’un et l’autre constituaient des stratégies anarchistes de masse.
René a écrit:Je suis bien d’accord, le sujet de ce topic n’est pas l’anarchisme individualiste ; mais comme Frigounet a abordé le sujet, je voulais faire une petite mise au point.
Comme ce n’est pas le sujet, donc, je vais résumer, quitte à aborder la question ailleurs.
1. Les militants et militantes individualistes ont abordé des sujets importants, c’est vrai, tu aurais pu citer aussi la lutte pour la contraception, l’IVG, l’éducation.
Mais ces questions-là n’ont pas été abordées que par les individualistes. Et même s’il ne faut pas négliger leur rôle, il ne faut pas le surévaluer. Les autres tendances de l’anarchisme ont aussi lutté sur ces questions.
2. Toutes les questions que les anarchistes individualistes ont traités au niveau de la « philosophie » ont aussi été traitées par d’autres, notamment Proudhon et Bakounine. Chez ces deux auteurs, il y a une « philosophie de l’individu », à part entière, mais intégrée à leur pensée globale.
3. La pensée de Stirner n’a rien à voir avec « Moi je », comme tu dis. C’est vraiment lui faire injure que de dire cela. C’est une pensée extrêmement élaborée, d’un très grand intérêt, mais qui n’a rien à voir avec l’anarchisme. Ce qui préoccupe Stirner, ce n’est pas l’individu, mais l’individualité.
Pour conclure, je maintiens que la notion d’anarchisme individualiste est un contresens, que si on est préoccupé par la question de l’individu, on trouve des réponses tout à fait satisfaisantes chez Proudhon, Bakounine, et les autres anarchistes dits « sociaux », et que le bilan de ce courant a été pour le mouvement anarchiste tout à fait catastrophique.
Voici une partie de la présentation d'un ouvrage de longue haleine que j'ai commencé il y a des années mais que j'ai dû
interrompre parce que j'ai dû faire face à tout un tas d'urgences militantes.
L'anarcho syndicalisme se réclame du communisme aussi, et il partage avec le marxisme une part importante de ses présupposés. On peut se demander si un tel parti pris idéologique est convenable a un syndicalisme anarchiste.
frigouret a écrit:L'anarcho syndicalisme se réclame du communisme aussi, et il partage avec le marxisme une part importante de ses présupposés.
« Il arrive très souvent qu'un ouvrier fort intelligent est forcé de se taire devant un sot savant qui le bat, non par l'esprit qu'il n'a pas, mais par l'instruction, dont l'ouvrier est privé, et qu'il a pu recevoir, lui, parce que, pendant que sa sottise se développait scientifiquement dans les écoles, le travail de l'ouvrier l'habillait, le logeait, le nourrissait et lui fournissaient toutes les choses, maîtres et livres, nécessaires à son instruction. » (Bakounine, « L’instruction intégrale ».)
« Ce sont des scènes auxquelles l’imagination refuse de croire, malgré les certificats et les procès-verbaux. Des époux tout nus, cachés au fond d’une alcôve dégarnie, avec leurs enfants nus ; des populations entières qui ne vont plus le dimanche à l’église, parce qu’elles sont nues ; des cadavres gardés huit jours sans sépulture, parce qu’il ne reste du défunt ni linceul pour l’ensevelir, ni de quoi payer la bière et le croque-mort – et l’évêque jouit de 4 à 500 000 livres de rente – ; des familles entassées sur des égouts, vivant de chambrée avec les porcs, et saisies toutes vives par la pourriture, ou habitant dans des trous, comme les albinos ; des octogénaires couchés nus sur des planches nues ; et la vierge et la prostituée expirant dans la même nudité : partout le désespoir, la consomption, la faim, la faim ! ... et ce peuple, qui expie les crimes de ses maîtres, ne se révolte pas ! Non, par les flammes de Némésis ! Quand le peuple n’a plus de vengeances, il n’y a plus de providence. Les exterminations en masse du monopole n’ont pas encore trouvé de poëtes. Nos rimeurs, étrangers aux affaires de ce monde, sans entrailles pour le prolétaire, continuent de soupirer à la lune leurs mélancoliques voluptés. » (Proudhon, Système des contradictions économiques)
« …l’ouvrier de l’industrie ou de la terre, l’artisan de la ville ou des champs – qu’il travaille ou non avec sa famille – l’employé, le fonctionnaire, le contremaître, le technicien, le professeur, le savant, l’écrivain, l’artiste, qui vivent exclusivement du produit de leur travail appartiennent à la même classe : le prolétariat. »
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