Le CSR est-il anti anarchiste?

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Re: Le CSR est-il anti anarchiste?

Messagede frigouret le Ven 8 Jan 2016 10:46

Et puis vous citez l'Espagne comme le contre exemple, celui où les thèses anarchistes auraient triomphé. Mais après la lecture du bouquin de Leval et des chartes des collectivités agraires on voit que certaines pratiquaient des enrôlements forcés ou bien prélevaient un impôt général.
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Re: Le CSR est-il anti anarchiste?

Messagede bajotierra le Ven 8 Jan 2016 12:45

En Espagne les thèses anarchiste ont été puissantes mais elles ont été vaincues .
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Re: Le CSR est-il anti anarchiste?

Messagede René le Ven 8 Jan 2016 13:14

1. La CGT-SR ne s'est pas dissoute, elle a été interdite en 1939.
Elle n'a pu reparaître qu'à la Libération en tant qu'organisation n'ayant pas collaboré.
La nouvelle organisation s'est appelée CNT

2. C'est un abus intellectuel que de dire que le fascisme a des origines syndicalistes révolutionnaires.
Les fascistes n'ayant en général pas d'idées, ils vont les piquer chez les autres en les déformant, dénaturant.
Ce qui a intéressé les fascistes chez les syndicalistes révolutionnaires, c'est la critique de la démocratie.
Mais la critique syndicaliste révolutionnaire de la démocratie ne peut en aucun cas être assimilée à du
fascisme. C'est un autre débat.
Qu'il y ait des fascistes qui aient un moment flirté avec le syndicalisme révolutionnaire, c'est une chose.
Mais c'est idiot de conclure que le fascisme serait d'origine bouddhiste parce qu'un fasciste aurait à un moment
flirté avec le bouddhisme. Il faut se méfier des amalgames.

3. Les libertaires espagnols ont eu à se battre contre les républicains, les communistes, Staline, Hitler, Mussolini
l'indifférence du Front populaire français et j'en oublie sans doute.
Alors oui, ils ont été vaincus.
Ce n'est qu'à partir de ce constat qu'on peut, 80 ans après, aborder les erreurs qu'ils auraient pu faire.
C'est-à-dire avec un peu de modestie.
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Re: Le CSR est-il anti anarchiste?

Messagede frigouret le Ven 8 Jan 2016 13:46

Les origines socialiste et syndicaliste révolutionnaire du fascisme ne sont pas anecdotiques et les chartes des collectivités agraire espagnol sont élaborées en période de victoire.
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Re: Le CSR est-il anti anarchiste?

Messagede Chevalier du Travail le Ven 8 Jan 2016 20:44

Je n'ai pas le livre de Claire Auzias, d'ailleurs je ne me souvenais plus que c'était cet auteur, j'étais simplement tombé dessus un peu par hasard il y a longtemps et j'avais relevé cette histoire que j'avais gardé vaguement en mémoire. Je suis pas un intello ou chercheur avec une rigueur d'historien et tout et tout, un simple jeune syndicaliste qui s’intéresse aux question historiques, et pour un cas comme ça, vu que ça fait longtemps, évidemment que la rigueur du détail m'échappe, autant pour moi. Je m'excuse de la maladresse de mon propos, mais mon propos tendait plutôt à démontrer que même si il y avait eu des collabo dans la CGT-SR et les libertaires, comme dans tous les courants socialistes perméables par principe à l'antifascisme, et bien justement il ne fallait pas généraliser et faire comme Pierre-Joseph. Mon propos n'a jamais été de dire " la cgt-sr a massivement collaboré" ou je ne sais quoi, je ne parle que d'un syndicat et certains de ses militants " les plus actifs" parce que c'est ce dont je me souviens, ou en tout cas croyais me souvenir. Mon propos était justement l'inverse de la généralisation, pour montrer à Pierre-joseph l'érreur de son propos, mais je comprends ma maladresse dans la phrase et les termes que j'ai employé ("dont presque tous" que je n'aurai pas du employer). Je m'en excuse donc.En tout cas ça me donne envie de lire le livre.
Pour ce qui est de la prétendue origine SR du fascisme (Sorel, Berth etc), j'avais un peu travaillé dessus y'a 2ans pour tenter de contrer les arguments posés par Zeev Sternhell dans ses ouvrages et que des gens reprennent comme là. J'y démontre avec quelques sources, enfin j'essaye (je n'ai pas la rigueur ni la précision de René), que justement les soreliens (Berth et Sorel en tête) sont en très grande partie antifascistes. Je peux éventuellement le poster ici si ça intéresse ? Ou bien par mail ou en message privé à ceux qui veulent (j'aimerai bien avoir ton avis René d'ailleurs).
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Re: Le CSR est-il anti anarchiste?

Messagede Pierre-Joseph le Ven 8 Jan 2016 22:38

1. Ce n'est pas parce qu'une organisation est interdite qu'elle n'existe plus, elle peut aussi choisir d'exister clandestinement.
La CNT, par exemple, a été interdite par Franco, qui a même tout fait pour la faire disparaître, mais l'organisation ne s'est pourtant jamais dissoute et elle est toujours là.
La CGT SR a été interdite par Pétain, puis ses adhérents ont choisi de dissoudre l'organisation. Ils auraient pu, s'ils en avaient eu les moyens, résister à cette interdiction mais ils n'en avaient pas les moyens.

2. J'ai pas envie de m'intéresser au fascisme ce soir...

3. Certes la CNT et les républicains ont perdu la guerre d'Espagne. La CNT a perdu une guerre mais en perdant cette guerre, elle est entrée dans l'histoire, elle y a joué un rôle déterminant, ce qui n'est pas le cas du syndicalisme révolutionnaire en France. Si elle s'était gentiment dissoute en entendant le pronunciamiento de Franco, ou si elle avait rejoint les syndicats verticaux pour signer des accords tripartites avec eux (au nom de l'unité de la classe ouvrière mais tout en prêchant la révolution bien sûr!), elle aurait peut-être eu un sort moins tragique, mais beaucoup moins intéressant. En fait, elle serait devenu un syndicat tout pourri comme la CGT en France.
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Re: Le CSR est-il anti anarchiste?

Messagede frigouret le Sam 9 Jan 2016 10:49

@ Chevalier du travail

Oui ça peut être intéressant de voir ta recherche sur les liens SR/fascisme. Peut être sur un fil dédié ?

Je pense qu'il y a un lien esthétique entre SR et fascisme ( c'est osé je sais). Une esthétique du collectif, de la violence, de l'efficacité, une esthétique industrielle.
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Re: Le CSR est-il anti anarchiste?

Messagede René le Sam 9 Jan 2016 12:04

Premier point

Auzias, qui est une vieille amie, a interrogé des survivants de la CGT-SR de Lyon pour faire son travail (en 1993). Moi-même, qui ai commencé à militer dans le mouvement libertaire à Paris en 1970, j’en ai rencontré, avant elle. J’ai très bien connu le dernier trésorier de cette organisation, qui savait des choses qu’on ne lira malheureusement jamais dans les livres d’histoire parce que les jeunes blancs-becs de 25 ans que nous étions ne pensions pas à conserver la mémoire des événements passés. Aujourd’hui je le regrette amèrement.
La CGT-SR a été interdite en 1939. Je n’ai pas connaissance qu’elle se soit ensuite dissoute, juste histoire de confirmer la décision de Vichy. Ça n'a pas grande importance, sauf si on tient absolument à «prouver» que, s'étant dissoute, elle n'a plus rien fait ensuite.
Mais il est évident que l’ensemble des militants n’ont pas passé le reste de la guerre à jouer au macramé. Beaucoup sont entrés dans la résistance, à des degrés divers. Les temps étaient troubles. Certains ont même rejoint De Gaulle, à Londres. D’autres – c’était inévitable en ces temps troubles – ont fait des choix inacceptables. La plupart ont dû rendre des comptes après la guerre.

Le fait que dans une situation de guerre, d’occupation brutale et d’incertitude tragique quant à l’avenir une petite partie des militants d’organisations ouvrières collaborent, ou pire, participent au titre de la collaboration à des actes criminels, est je ne dirais pas naturel, mais inévitable. Mais ce phénomène s’est vu dans toutes les organisations de gauche et ouvrières.

Ce qui est inacceptable, c’est la phrase suivante de « Chevalier du travail » :
« Que dire alors des anarcho-syndicalistes du Syndicat du Bâtiment affilié à la CGT-SR à Lyon dont presque tous les membres actifs se sont révélés par la suite collaborationnistes notoires, membres de la gestapo et de la LVF ? »


On a donc bien lu : presque tous les anarcho-syndicalistes actifs du Bâtiment de Lyon étaient

1. Des collaborationnistes notoires ;
2. Des membres de la Gestapo
3. Des membres de la Légion des volontaires français, en somme des SS (incorporés à la Division Charlemagne en 1944).

C’était profondément diffamatoire et empreint d’une évidente volonté de nuire.
C’était également complètement idiot, parce que de toute évidence l’auteur de tels propos balance une affirmation péremptoire sans rien connaître du sujet.
Enfin, c’était injurieux parce qu’on a l’impression que son auteur prend réellement les anarchistes pour des cons incapables de vérifier une information.

Je rends cependant hommage à « Chevalier du Travail » pour avoir reconnu son erreur et je l’en remercie. Peu de gens auraient eu cette honnêteté.

Deuxième point

Concernant la thèse de l’origine syndicaliste révolutionnaire du fascisme, j’avoue que ce n’est pas un sujet qui me branche car je le considère comme marginal. A mon avis on peut aborder cette question de deux manières :

1. Le syndicalisme révolutionnaire est un mouvement issu de la classe ouvrière, on en déduit que le fascisme est une production de la classe ouvrière. Je considère cette thèse comme totalement idiote, même si on ne doit pas écarter le constat que dans certaines circonstances, la classe ouvrière, ou une partie de celle-ci, adhère aux thèses d’extrême droite. (Comme c’est le cas aujourd’hui…)

2. Le syndicalisme révolutionnaire a été un sujet d’étude qui a intéressé un certain nombre d’intellectuels sans aucun lien organique avec la classe ouvrière et finalement sans aucune influence sur elle. Il est totalement abusif de parler d’«origine» syndicaliste révolutionnaire du fascisme. Dans la mesure où Sorel s’est rapidement désintéressé du syndicalisme révolutionnaire pour s’intéresser au bolchevisme, on pourrait aussi bien parler d’origine sorélienne du bolchevisme, ou du moins de « Sorel théoricien du bolchevisme ». Et on se doute bien que les bolcheviks n'ont pas attendu Sorel.

En matière d’action politique et sociale, les intellectuels n’inventent en général pas grand-chose ; en revanche ils peuvent être très sensibles à «l’air du temps» et ils perçoivent très bien les tendances qui se font jour dans les mouvements sociaux, et lorsqu’ils s’y intéressent d’un peu près, ils s’en font les interprètes. Cela ne retire rien à la sincérité de leurs engagements, ni a la valeur des réflexions qu’ils fournissent
— jusqu’à ce qu’ils passent à autre chose. Un mouvement social attirera peu d’attention s’il reste confiné dans des limites confidentielles. En revanche, s’il prend une réelle ampleur, les philosophes, chercheurs en tout genre y verront un intéressant sujet d’étude, quitte même éventuellement à adhérer plus ou moins aux thèses, implicites ou non, contenues dans ce phénomène. Quitte également à passer à autre chose dès la mode est passée.

Sorel passa au « nationalisme intégral » après avoir été déçu par la CGT. Il s’intéressa à l’Action française et inspira le Cerce Proudhon dans lequel se trouvaient des «syndicalistes révolutionnaires», dont Edouard Berth, et des nationalistes. Pour le reste, les avis divergent : les uns affirment que Sorel avait désavoué le fascisme, d’autres (Zeev Sternhell, Mario Sznajder et Maia Ashéri, auteurs de la Naissance de l'idéologie fasciste) affirment qu’il joua un rôle dans la naissance de l’idéologie fasciste. Pourtant Sorel, partisan d’un prétendu « nationalisme intégral » s’opposa farouchement à l’Union sacrée et soutint la révolution russe.
La lecture des positions du Cercle Proudhon révèle en fait une lecture complètement délirante de Proudhon, décontextualisant ses propos et occultant tout ce qui n'allait pas dans le sens des membres du Cercle. Tout leur argumentaire repose sur l'idée suivante: «Si Proudhon vivait aujourd'hui, il serait d'accord avec nous».

Edouard Berth passe également pour un « théoricien » du syndicalisme révolutionnaire, mais c’était un « théoricien » comme pouvaient l’être certains intellectuels de l’époque. Il collabora au Mouvement socialiste qui publia de nombreux articles sur le syndicalisme révolutionnaire. Berth ne s’intéressa en fait au syndicalisme révolutionnaire que pendant quelques années : de 1902 à 1909, date à laquelle il rompt avec le Mouvement socialiste et se rapproche du mouvement monarchiste : en 1911 il fonde avec Georges Valois les Cahiers du Cercle Proudhon. Dire de lui que c’est un « théoricien » du syndicalisme révolutionnaire est un peu abusif : il fut plutôt une étoile filante du syndicalisme révolutionnaire. En 1917 il soutient la révolution russe, adhère au parti communiste en 1920 et revient au syndicalisme révolutionnaire en 1935. (S’il n’était pas mort en 1939 peut-être aurait-il adhéré au gaullisme ?…)

Berth, comme Sorel d’ailleurs, est représentatif de ces intellectuels sans repère de classe, à la recherche d’une idéologie à laquelle se raccrocher et qui en changent dès qu’ils sont rattrapés par le principe de réalité. Ce n’est pas un hasard s’il quitte le Mouvement socialiste en 1909 : la CGT est en pleine crise : il y a eu cette terrible grève de Draveil et de Vileneuve-Saint-Georges ; l’échec de la grève des postiers. En fait Berth ne fait qui suivre Sorel, lui aussi «déçu» par la CGT. Bref on s’enthousiasme pour tout mouvement montant et on quitte le navire dès qu’il coule. Rendre le syndicalisme révolutionnaire responsable des errements ultérieurs de ces intellectuels n’a pas de sens.

Troisième point
Je ne suis pas non plus un historien. J’ai adhéré à la CGT du Livre en 1972 et j’y ai exercé pendant au moins la moitié du temps des mandats et j’ai réellement commencé à écrire après ma retraite. C’est à ma formation de militant libertaire et syndicaliste que je dois de pouvoir écrire.
Ne pas être un « chercheur avec une rigueur d’historien » n’excuse par le fait de dire n’importe sous prétexte qu’on se laisse emballer par ses préjugés anti-anarchistes.
Un minimum d’expérience syndicale de terrain apprend rapidement qu’on ne peut pas dire n’importe quoi parce qu’il y a toujours quelqu’un qui surveille ce que tu dis, et que tes pires ennemis sont parfois parmi tes plus proches camarades : lorsqu’ils te prennent en défaut, ils ne te ratent pas. C’est de bonne guerre et ça oblige à un minimum de prudence.
Dans un texte intitulé « A propos de l’Alliance syndicaliste » (Éditions No Passaran, 2008) on peut lire des commentaires sur la formation théorique et historique que Gaston Leval assurait à de jeunes militants des années 70 :

«Nous avons tous gardé un souvenir ému et reconnaissant des réunions chez lui, autour de la table du salon, où nous faisions entre autres choses des exposés (si, si...). Les blancs-becs que nous étions pensions tout savoir. Nous pensions en particulier qu’une affirmation péremptoire pouvait tenir lieu d’argument. Avec Gaston, la moindre approximation ou affirmation non fondée solidement était vouée aux foudres du maître. Notre ego en prenait un sacré coup. La choucroute de Marguerite, sa compagne — une Alsacienne —, venait parfois calmer nos blessures d’amour-propre.»


Amicalement
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Re: Le CSR est-il anti anarchiste?

Messagede Chevalier du Travail le Sam 9 Jan 2016 13:28

Merci René.

Pour Sorel et Berth, la question de la violence et du syndicalisme révolutionnaire (violence que l'on retrouve dans l'anarchisme et dans les courants révolutionnaires) je mets la partie où j'avais travaillé sur ça (l'autre grande partie de mon texte c'est sur le rapport à l'antisémitisme). Je rappel qu'à l'origine c'est pas un texte publique mais un texte que j'ai fait pour moi (que je n'ai pas retravaillé donc depuis), pour avoir des billes à dire sur ce sujet.

"Le rapport à la violence

Dans les écrits de Zeev Sternhell, la violence de cette gauche qui ne rentre pas dans les rouages des institutions bourgeoises (présentées par Zeev Sternhell comme étant réellement « démocratiques ») et le culte guerrier de l'esprit révolutionnaire constituent la base du fascisme. On peut lire page 344 de La droite révolutionnaire, les origines françaises du fascisme: « A l'instar de Sorel, Edouard Berth développe un culte des vertus guerrières » mais aussi « Berth en vient à entonner un véritable hymne à la guerre ». Ce dernier, Berth, écrit dans son propre ouvrage Les nouveaux aspects du socialisme : « Et c'est la grandeur de la guerre, qui hausse tout au ton du sublime et qui fait l'homme, comme dit encore Proudhon ʺplus grand que natureʺ ».
Cependant, il est utile de ne pas confondre la « violence » sorelienne avec les formes physiques d'agressivité que nos sociétés modernes nous exposent. La violence est pour Georges Sorel et Edouard Berth un mythe, c'est-à-dire un outil symbolique et spirituel de mobilisation de masse, un excitant, par la créativité de l'action. La lutte des classes est le moteur de cette violence et la grève générale en est le but excitant. Sorel va donc dépasser le matérialisme réducteur de l'interprétation social-démocrate. Il affirme que la théorie révolutionnaire ne précède pas l’action révolutionnaire et qu'il n’est pas possible de guider l’action par la science, dans la mesure où l’avenir n’est pas prévisible par une loi scientifique. La notion de grève générale, développée par les syndicalistes révolutionnaires (de tendance allemaniste comme libertaire à cette époque), n’est pas non plus un concept scientifique. C'est un mythe qui agit sur l’imagination des travailleurs en leur représentant de manière nette leur puissance qui les incite à l’action. C'est cette même violence créatrice qui a destitué la monarchie et instauré la république démocratique bourgeoise en 1789. Cette même violence dont parle Marx au travers du matérialisme historique pour caractériser la succession de systèmes politiques et de classes dominantes au pouvoir depuis l'Antiquité.
Par rapport à ce matérialisme historique, Sorel considère d'ailleurs que l'Histoire, en tant que processus émanant de forces physiques et spirituelles, n'est pas sujette à des déterminismes. L'Histoire, et donc le matérialisme qui en découle, est faite par ceux qui ont la capacité et la force de créer le nouveau au moyen de l'action et de la « violence ». Dans la logique des choses, c'est donc cette même violence qui doit destituer la démocratie bourgeoise et instaurer la dernière phase évolutive et qualitative en matière d'organisation sociétale pour l'homme : le communisme et l'autogestion. Sorel est donc en quelque sorte précurseur de la thèse de Serge Tchakhotine, disciple de Pavlov, concernant ses travaux sur la sollicitation émotive des masses par le symbolisme.

Georges Sorel est un penseur de l'énergie. Il affirme que l'être humain est soumis à la loi éternelle du combat. Cette idée rejoint les premières études scientifiques de l'époque concernant les mécanismes biologiques, psychologiques et physiologiques des êtres vivants. L'être vivant est doté naturellement de quatre instincts élémentaires : la pulsion sexuelle et la pulsion parentale qui traduisent la conservation de l'espèce ; la pulsion alimentaire ainsi que la plus importante, la pulsion combative, qui traduisent la conservation de l'individu. A partir du moment où un être vit, il lutte pour rester en vie. Cette pulsion combative est ininterrompue, elle passe avant la pulsion alimentaire qui n'intervient que selon le besoin dans un temps donné, ce qui prouve alors que la révolution ne peut pas venir d'un schéma économique matérialiste réducteur. L'homme n'échappant pas à cette loi naturelle des êtres vivants, il se satisfait alors du sentiment de lutte. Mais pour Sorel, ce qu'il appelle « violence » est justement ce qui va pousser l'homme à créer, bâtir, sortir du cadre pré-établit, être capable de transformer et de façonner. Et c'est d'ailleurs la définition marxiste de l'ouvrier, qui crée et transforme la matière pour en faire sortir le produit. La « violence » est la loi qui régie l'univers au travers d'un équilibre en mouvement perpétuel, c'est l'énergie qui lutte contre l'immobilité, c'est la vie qui lutte contre la mort. Et cette violence donne à l'homme le moyen de lutter contre la médiocrité en lui donnant la capacité de sublimer ce qui l'entoure.
A l'inverse, le système bourgeois est perçu comme un système qui stagne car c'est une classe d'intellectuels incapables, une classe fainéante et déconnectée de la réalité du terrain, qui domine. C'est ainsi que Sorel affirme que « le sublime est mort dans la bourgeoisie », car cette classe au pouvoir n'a aucune énergie, elle ne fait que conserver au lieu de créer, et c'est cette situation de conditionnement à l'ordre bourgeois stérile qui appauvrit au fur et à mesure la morale et la conscience du peuple travailleur.

C'est avec ce culte de l'action et de l'énergie dans le syndicalisme révolutionnaire, que Zeev Sterhnell va développer un argument autour de la naissance du fascisme dans Ni droite, ni gauche, l'idéologie fasciste en France, à savoir le révisionnisme du marxisme et l'anti-matérialisme de Sorel et donc du syndicalisme révolutionnaire. En effet, Sorel est un marxiste convaincu, et même Zeev Sterhell souligne qu'il fut sans nul doute le plus sérieux des marxistes en France au début des années 1900 (pages 288 et 291). Il perçoit les lacunes du marxisme devant l'évolution du système et surtout devant la capacité du capitalisme à se régénérer de ses crises (ce que n'avait pas prévu Marx qui affirmait que le capitalisme s'écroulerait de lui-même). Sorel incorpore dans le marxisme des éléments venus de Nietzsche, de Bergson et de Proudhon afin d'adapter le marxisme à la situation présente et de le moderniser. Zeev Sternhell semble lui-même confirmer cette situation : « Enfin, sur le plan économique, l'année 1895 marque le début d'une période d'expansion et de prospérité. Cette prospérité nouvelle semble continue et soulève de nombreuses questions face à ces phénomènes politiques et économiques très différents de ceux dont Marx avait été l'observateur » (p.286).
Puisqu'il n'est pas possible de produire une science prédictive de l’histoire, car l’histoire est caractérisée par son irréversibilité et ne peut donc faire l’objet d’une prévision scientifique, Sorel défend la thèse selon laquelle les déterminants de l’action ne peuvent être déduits d’une analyse trop structurelle et trop mécaniste de la société. La révolution ne peut pas être un événement que l’étude des structures sociales permet de prédire. Partant de là, Sorel fait fusionner les éléments marxistes avec les fondements de Proudhon. Face au déterminisme scientiste et au mécanisme réducteur de l'orthodoxie marxiste, il admet une conception plurielle de la raison et une vision pluridimensionelle de l'homme. Sorel accorde donc une place tout à fait centrale à l’imagination collective en politique permettant d'allier liberté et créativité qui sont les deux piliers pour une société socialiste où la place des producteurs est primordiale. En définitive, il serait plus juste de qualifier la position de Sorel de « néo-marxiste » basée sur un « matérialisme historique pragmatiste » et non pas anti-matérialiste.
Cependant dans les dix premières années du vingtième siècle, devant cette « révision » du marxisme orthodoxe, la droite radicale s'est empressée de partir à l'assaut de la citadelle marxiste dont Sorel avait démontré les failles et les lacunes. Rappelons d'ailleurs que les textes de Marx n'étaient qu'une tentative d'explication, conforme à la science d'alors et au contexte de l'époque. Marx lui-même évolua et fit évoluer sa pensée au fur et mesure des expériences et des obstacles rencontrés. Le marxisme doit donc évoluer et s'adapter selon Sorel. Et Zeev Sterhnell en conclut dans le chapitre « La révolution des moralistes » que c'est la base du fascisme... le parallèle est pour le moins simpliste d'autant que l'adaptation sorélienne du marxiste ne débouche pas essentiellement sur le fascisme, nous allons le voir.

Dès l'introduction à son ouvrage La droite révolutionnaire, les origines françaises du fascisme, Zeev Sternhell présente ce qu'est pour lui le fondement du fascisme: « Quand l'idée tainienne selon laquelle l'homme est victime d'un excès de culture devient une idée reçue, on obtient le culte de la violence créatrice de morale et de beauté et on voit surgir Georges Sorel, Edouard Berth, (…), la pléiade des révoltés italiens, nationalistes, futuristes, syndicalistes révolutionnaires qui finiront par se réunir, à la veille de la guerre autour de Marinetti, de D'Annunzio et de Mussolini » (p.22). Cette énumération (dont la liste a été raccourcie pour une question de place et de lisibilité) fait transparaitre directement la faille de la thèse de Zeev Sternhell à savoir que, malgré des recherches approfondies qui ont le mérite de détailler considérablement son texte en y apportant de la rigueur historique, la liaison entre les différentes composantes de cette liste reste approximative et relève de l'interprétation, et donc, que la thèse du « syndicalisme révolutionnaire, matrice du fascisme » l'est tout autant.

Si l'histoire est une science, car elle se base sur des preuves, des faits vérifiables par des sources, Zeev Sternhell ne remplit pas alors tout à fait son rôle d'historien car il oublie volontairement d'évoquer certains faits... ou alors il les ignore, ce qui enlève de la rigueur et du sérieux à sa thèse dans les deux cas.

En effet, comment peut-on affirmer que Georges Sorel et Edouard Berth sont des précurseurs du fascisme par leur « culte de la guerre », leur théorie de « la violence créatrice de morale et de beauté », quand les faits montrent que l'un comme l'autre seront dans cette minorité, composée essentiellement de socialistes dissidents, d'anarchistes et de syndicalistes révolutionnaires, opposés à l'Union sacrée et la guerre en 1914. C'est justement cet engouement pour la guerre dans le camp démocrate et républicain, et excitant le camp nationaliste de Charles Maurras, qui va amener Sorel et Berth à rompre complétement avec leur dérive conservatrice entreprise cinq ans auparavant avec le rapprochement vers l'Action Française et l'expérience du Cercle Proudhon. Ce n'est pas un hasard si tous deux vont soutenir la révolution russe qui a comme base revendicative l'arrêt de la boucherie de la Grande guerre.

Comment peut-on affirmer qu'en Italie, nationalistes (notamment garibaldiens), futuristes et syndicalistes révolutionnaires (que l'on peut réellement identifier comme « soréliens » contrairement à la France) sont précurseurs du fascisme, « en se réunissant à la veille de la guerre autour de Marinetti, Gabriele D'Annunzio, Mussolini », alors que les faits montrent que ce sont ces mêmes syndicalistes révolutionnaires, ces mêmes soréliens, comme Alceste de Ambris (très proche de D'Annunzio), qui vont rentrer activement dans l'antifascisme au sein des Arditi del Popolo et de la Légion Prolétarienne Filippo Corridoni à partir de 1920. Il faut bien sûr rappeler que le contexte italien est différent de la France car effectivement, contrairement à Sorel, Berth et les syndicalistes révolutionnaires français, qui s'opposent de manière virulente à l'entrée en guerre, les italiens vont être de fervents interventionnistes, convaincus que la guerre va déstabiliser les régimes belligérants et donc permettre au mouvement révolutionnaire de mener l'offensive dans cette Europe affaiblie par le conflit. Mais même avec l'accusation du culte de la guerre et de la violence (l'idée selon laquelle l'interventionnisme serait à l'origine du fascisme), ce sont pourtant plusieurs milliers d'anciens interventionnistes, nourris au culte aventurier et guerrier de l'arditisme dans les tranchées puis dans l'expédition de Fiume, qui vont devenir militants antifascistes radicaux, alors que les républicains et sociaux-démocrates courbent non seulement l'échine devant la guerre en 1914 mais aussi devant le fascisme en 1921 !

L'idée selon laquelle le culte de la guerre et de la violence dans le syndicalisme révolutionnaire ou encore la révision sorélienne du marxisme forment les fondements du fascisme peut se tenir avec des parallèles simplifiés et un schéma manichéen déconnecté des contextes. Seulement, des exemples concrets dont ne parle pas Zeev Sternhell, montrent bien que ce n'est pas aussi tranché : Sorel, Berth et le mouvement SR français prennent ouvertement position contre la guerre et le nationalisme. Cet événement marque la rupture définitive avec l'extrême-droite et le retour des deux penseurs vers le socialisme et le syndicalisme révolutionnaire ; et même, quand en Italie c'est tout l'inverse avec l'interventionnisme forcené des syndicalistes révolutionnaires, une très grande partie d'entre eux ne deviennent pas fascistes mais antifascistes aux lendemains du conflit.


Petite biographie de Sorel et de Berth

Georges Sorel, principal introducteur du marxisme en France et théoricien du syndicalisme révolutionnaire, est déçu par la CGT de 1908 qui tombe aux mains des réformistes. Déboussolé par le pessimisme, il se rapproche de l'Action Française et de Maurras entre 1909 et 1910 sans pour autant y adhérer ni cautionner leur nationalisme latent. Il inspire le Cercle Proudhon (rassemblement d'intellectuels monarchistes et d'intellectuels du syndicalisme révolutionnaire, tous attachés au « fédéralisme proudhonien »). Il collabore à la revue traditionaliste l'Indépendance de 1911 à 1913 mais la quitte à cause, encore, de son nationalisme. A partir de là, il se met à viscéralement dénoncer l'extrême-droite et ses figures, les qualifiant de « pipelets nationalistes ». Opposé à la guerre et à l'Union Sacrée lors du conflit de 1914, il se réjouit de la révolution russe en 1917 et va employer l'essentiel de ses activités à défendre le bolchévisme et à soutenir Lénine. Il collabore régulièrement à La Revue Communiste où il va faire des articles élogieux et de soutien pour Lénine et la Révolution russe en 1921, preuve alors que les communistes de l'époque ne le considèrent pas comme un membre ou ex-membre d''extrême-droite ou encore un théoricien ambigus. Il est interviewé pour un article publié dans l'Humanité en mars 1922. Son enthousiasme « soviétophile » va laisser place à l'inquiétude de la montée des fascismes. A sa mort le 27 août 1922, l'Humanité et La Vie Ouvrière lui rendent hommage. Cette dernière revue, alors organe d'expression des Syndicalistes Révolutionnaires, conclut que l'œuvre de Georges Sorel est « la justification la plus complète et la plus haute de la révolution ».

Edouard Berth, le plus proche de Georges Sorel, suit les pas de ce dernier pendant toute la première période SR avant d'être attiré aussi par l'Action Française en 1910 et s'engagea avec foi dans le Cercle Proudhon, jusqu'en 1914 où, comme Sorel il rejette l'Union Sacrée et la guerre. Il rompt donc avec l'extrême-droite et se ressaisit. Il confie d'ailleurs en 1924 dans son livre Guerre des Etats ou guerre des classes : « J’avoue avoir failli céder à la séduction ; mais après, l’illusion apparaît vraiment trop folle ». En effet, par la suite, il dénoncera avec force le nationalisme, le racisme et l'extrême-droite. Il considère Maurras et les militants de l'Action Française comme étant des « hallucinés du passé », des « jacobins blancs ». Et face aux propos « anti-boches » de Maurras qui affirme que « les allemands sont des barbares », Berth répond, toujours dans le même livre que « la vraie barbarie c'est la barbarie nationaliste ». Il affirme également que « Entre les nationalistes et nous, la scission est désormais profonde et irrévocable » et que « nous nous sentons, nous, prolétaires socialistes, complètement étrangers à vos haines nationales, à vos haines de races […] Votre nationalisme nous est odieux ; il est fait de préjugés stupides, de routines crasseuses, de réactions féroces ». Pour Berth, la révolution russe signifie prendre position: « fascisme ou communisme », « bourgeoisie ou prolétariat », « guerre ou révolution ». Et il a choisi. Il adhère au Parti Communiste Français, preuve qu'il n'est pas perçu comme un militant ou ex-militant fasciste d'extrême-droite alors que la méfiance était pourtant de rigueur en raison des nombreux affrontements de rue entre socialistes (au sens large) et extrême-droite depuis l'affaire Dreyfus. Il écrit dans la revue communiste Clarté, notamment un article s'intitulant « Georges Sorel » le 15 septembre 1922, où il explique que toute l'œuvre de Sorel fut consacrée à « découvrir quelle force sauverait le monde moderne d'une ruine analogue à celle qui avait frappé le monde antique », et un article qui fait l'éloge de Lénine en août 1924. Mais, déçu par un schéma avant-gardiste, autoritaire et centraliste-jacobin du socialisme version russe, il revient de nouveau chez les syndicalistes révolutionnaires après une période de silence, aux côtés de Pierre Monatte en écrivant dans le revue La Révolution Prolétarienne entre 1930 et 1938, et lutta jusqu'à la fin de ses jours (il meurt le 25 janvier 1939) contre toute tentative mal avisée d'assimiler Georges Sorel au fascisme."
Dernière édition par Chevalier du Travail le Dim 10 Jan 2016 10:00, édité 1 fois.
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Re: Le CSR est-il anti anarchiste?

Messagede Lehning le Sam 9 Jan 2016 15:09

Bonjour !

A propos de Sorel, Arthur Lehning disait dans une interview datant de 1998:

"J'ai connu à Paris un antiquaire, un anglais, qui parlait de Paul Delessalle.
Il était un ami d'Emile Pouget et de Fernand Pelloutier qui a occupé plusieurs fonctions dans la CGT - secrétaire des Bourses du Travail, etc. Il m'a dit (il y avait un grand fauteuil là-bas) que c'était le fauteuil de Georges Sorel qui, chaque jeudi, venait le voir ici. Et quelques années plus tard, à Amsterdam, quand je travaillais pour l'Institut d'histoire sociale, j'ai publié la "Bibliographie sorelienne" de Paul Delessalle et cet ami anglais m'a raconté beaucoup de choses sur ces mouvements. En particulier quelque chose que je savais: Georges Sorel n'avait eu aucune influence sur l'idéologie et la politique de la CGT.

(pages 27 et 28.)

Source: "Arthur Lehning". Dans la collection Graine d'Ananar des Editions du Monde libertaire. Coordonné par Alayn Dropsy. 66 pages. 2012. 5€.

Salutations Anarchistes !
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Re: Le CSR est-il anti anarchiste?

Messagede Chevalier du Travail le Sam 9 Jan 2016 15:55

Sorel n'a peut-être pas eu d'influence sur l'idéologie et la pratique de la CGT, mais il a eu néanmoins une assise évidente dans la propagation du marxisme en France et surtout dans la formation politique de quelques figures du mouvement comme Pelloutier (Sorel fait la préface de son Histoire des Bourses du Travail et a encouragé l'Ordre secret des Chevaliers du Travail, ce qui atteste quand même d'une proximité évidente entre Sorel et ce qui se passé dans le mouvement ouvrier, c'est ce que rapporte Dommanget dans son livre), Monatte (qui était lecteur des écrits de Sorel) et Guérin (qui reconnait dans Front Populaire, révolution manquée, l'apport de Sorel sur sa formation politique). Mes livres sont momentanément dans des cartons donc je peux pas te sortir le détail :wink:
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Re: Le CSR est-il anti anarchiste?

Messagede René le Sam 9 Jan 2016 19:02

C'est très intéressant.

C'est d'ailleurs pas mal pour « un simple jeune syndicaliste qui s’intéresse aux question historiques ».
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Re: Le CSR est-il anti anarchiste?

Messagede frigouret le Dim 10 Jan 2016 08:42

Merci pour vos éruditions..

Mais quand même Sorel c'est un genre de Darwiniste social si j'ai bien compris, et là la proximité avec le fascisme se constate.

Il y a un truc qui m'interroge, c'est l'histoire du fédéralisme global ( ou integral.

D'après ce que je connais de Proudhon, dans " le principe fédératif" il s'agit d'un fédéralisme hamiltonien, une fédération libre de communes libres, une décentralisation . Et puis tu. ouvres l'Encyclopédie anarchiste, 1930, et tu tombes a l'article " fédéralisme" sur un texte de Besnard qui te présente une immense machinerie démocratique a hiérarchie verticale. On est passé au fédéralisme. global.
Ne serait ce pas l'influence de la pensée industrialiste a qui on doit cette évolution de concept? Ne trouves t'on pas là des similitudes profondes avec le corporatisme fasciste? Quel est le rôle d'un laboratoire d'idée comme " les non conformistes des année 30" comme lieu de perméabilité entre droite nationaliste et syndicalisme révolutionnaire?
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Re: Le CSR est-il anti anarchiste?

Messagede Chevalier du Travail le Dim 10 Jan 2016 09:50

Tu compares le fédéralisme "global" de Besnard au corporatisme fasciste ? :shock:
Selon ton exemple, si je comprends bien, tu considères que Proudhon a une vision simplement politique du fédéralisme et non économique. Ce n'est pas mon avis, toute la conception politique de Proudhon repose sur une base économique: le producteur. Et en gros, tu reproches à Besnard sa conception intégrale selon laquelle il vise à étendre le fédéralisme dans la sphère économique (dans une démarche industrielle qui plus est, considérant l'exclusivité syndicale et donc urbain à l'époque du mouvement) et politique, ce qui pour toi est fasciste.
Es-tu sûr de mettre les bonnes définitions sur les bons mots: fascisme, corporatisme ?

20 ans avant Besnard, Emile Pouget écrit au sujet de la CGT:

"L'organisme confédéral est essentiellement fédéraliste. A la base, il y a le syndicat — qui est un agglomérat de travailleurs ; au deuxième degré, il y a la fédération de syndicats et l'union de syndicats — qui sont des agglomérats de syndicats ; puis, au troisième et dernier degré, il y a la Confédération générale du Travail — qui est un agglomérat de fédérations et d'unions de syndicats.
A chaque degré, l'autonomie de l'organisme est complète : les fédérations et unions de syndicats sont autonomes dans la Confédération ; les syndicats sont autonomes dans les fédérations et unions de syndicats ; les syndiqués sont autonomes dans les syndicats.
Cette coordination des forces ouvrières s'est faite, naturellement, logiquement, comme toutes les manifestations de la vie, et non arbitrairement, suivant un programme élaboré à l'avance. Elle s'est faite du simple au composé, en partant de la base : les syndicats se sont d'abord constitués ; puis, quand la nécessité de groupements plus complexes est apparue, sont venues les fédérations et unions de syndicats; ensuite, à son heure, s'est réalisée la Confédération."

Donc ça, l'autonomie et la liberté à chaque degré, pour toi, c'est fasciste ?
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Re: Le CSR est-il anti anarchiste?

Messagede frigouret le Dim 10 Jan 2016 10:36

Disons que le corporatisme en tant que métiers qui s'organisent au sein d'institutions et qui ont prétentions dans le syndicalisme révolutionnaire comme dans le fascisme assumer le pouvoir politique .

Moi je pense qu'une véritable autogestion passe par la propriété privée des moyens de production et qu'un système de libre échange est le fédérateur naturel de producteurs autonomes.
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Re: Le CSR est-il anti anarchiste?

Messagede René le Dim 10 Jan 2016 12:34

Tu me fais penser au gars qui dit que plus on pédale moins fort, moins on avance plus vite.

L’autogestion dans le cadre de la propriété privée des moyens de production, ça signifie que le propriétaire gère lui-même son entreprise.
Si on ajoute à ça le libre échange entre producteurs, le tout s’appelle : CAPITALISME
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Re: Le CSR est-il anti anarchiste?

Messagede frigouret le Dim 10 Jan 2016 13:00

OK, mais dans ce cas il faudrait considérer une collectivité agraire de la révolution espagnol comme une entreprise capitaliste, tout y est propriété privée collective de la terre et libre disposition de la production par les collectivistes. Pourquoi les libertés économiques seraient plus justes pour une collectivité que pour un isolé?
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Re: Le CSR est-il anti anarchiste?

Messagede René le Dim 10 Jan 2016 14:17

La question essentielle des collectivités agraires en Espagne n'était pas qu'elles étaient une "propriété" collective mais que le travail y était organisé collectivement et qu'il y avait une forme de répartition entre les membres de la collectivité.
Un propriétaire individuel n'est pas en situation de bénéficier de la répartition du travail collectif puis qu'il n'est pas dans une... collectivité.
Beaucoup de petits paysans qui dans un premier temps ne voulaient pas rejoindre les collectivités finirent par le faire parce qu'ils se rendirent compte qu'ils bénéficiaient de l'aide des autres membres de la collectivité (pour les récoltes, mais aussi pour la fourniture de matériel) et que leurs conditions de travail et de vie s'étaient améliorées.
En fait tu veux le beurre et l'argent du beurre: le producteur privé doit bénéficier des bienfaits de la collectivité mais il n'est pas obligé d'y contribuer.

Ou alors il y a quelque chose que je n'ai pas saisi dans ton raisonnement
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Re: Le CSR est-il anti anarchiste?

Messagede frigouret le Dim 10 Jan 2016 15:49

Je voulais te " choper" sur ta définition du capitalisme, propriété privée des moyens de production, définition du ?Larousse par exemple. Alors je te dis que la véritable autonomie et indépendance d'une collectivité agraire est fondée sur la propriété privée des moyens de production par la collectivité, sinon c'est un kolkhoze..
Moi j'ai adopté la définition du capitalisme de Kevin Carson :" système ou les capitalistes contrôlent l'État et où l'État intervient sur le marché en leurs faveurs". Définition bien plus raisonnable puisque elle permet de définir aussi bien le système bolchevique que la >> démocratie<< bourgeoise.


Édit: Et donc la véritable autogestion est directement liée au statut de la propriété.
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Re: Le CSR est-il anti anarchiste?

Messagede René le Dim 10 Jan 2016 16:48

On ne peut pas dire que « le capitalisme est un système où les capitalistes contrôlent l’Etat… » puisqu’on n’a pas défini le capitalisme.
La définition que tu donnes du capitalisme selon K. Carson se ramène donc à dire que le capitalisme, c’est le capitalisme.
Ça n’a pas de sens.

Si tu veux définir le système mis en place par les bolcheviks, il suffit de dire que c’est du capitalisme d’Etat, c’est un terme employé déjà par… Lénine.
Le fait que les capitalistes contrôlent l’Etat relève du lieu commun le plus plat depuis longtemps, et présenter ça comme un scoop c’est inventer l’eau tiède.
Mais c’est pas suffisant pour définir le capitalisme.

Kevin Carson, et tous ses semblables, n’ont sans doute jamais lu Proudhon, Bakounine ni même Marx, qui disait que l’Etat est le conseil d’administration de la bourgeoisie.
Les mecs qui profèrent ce genre de platitude et qui se présentent comme « anarchistes » n’ont tout simplement jamais lu Proudhon, Bakounine et Marx.
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