Le CSR est-il anti anarchiste?

Espace de débats sur l'anarchisme

Re: Le CSR est-il anti anarchiste?

Messagede frigouret le Dim 10 Jan 2016 17:58

Ça me semble pourtant clair, les capitalistes sont ceux qui se servent de la violence d'État pour jouir de monopoles, de privilèges, de faveurs. C'est sûrement le cas de groupe industrielle puissant mais aussi de la bureaucratie syndicale ou des parti politiques comme aussi des castes religieuses ou militaires ou financières. Tout un tas de gens sont donc capitalistes et cela n'est pas lié intrinsèquement a leur statut de propriétaires..
8-)
frigouret
 
Messages: 2214
Inscription: Jeu 22 Déc 2011 13:20

Re: Le CSR est-il anti anarchiste?

Messagede Pierre-Joseph le Dim 10 Jan 2016 19:26

Tu essaies de convaincre que le problème est l'état et non la propriété. Mais si tu avais lu Proudhon, par exemple, tu saurais que l'état est une conséquence de l'idée de propriété: c'est pour garantir la propriété de chacun que les hommes ont créé l'état. C'est, en tout cas, une des principales mission de l'état que de garantir la propriété car la propriété n'est rien sans une force capable de la garantir. Tu peux te dire propriétaire chez toi car il y a un état qui garantit ta propriété et que si je venais chez toi pour m'installer tranquillement, il te suffirait d'appeler les flics pour m'éjecter.
Je suis d'accord que la violence d'état est la principale cause de l'injustice sociale mais cette violence résulte de la propriété. Le lien est très clair, en tout cas, pour les anarchistes.
Pierre-Joseph
 
Messages: 384
Inscription: Mar 5 Jan 2016 14:20

Re: Le CSR est-il anti anarchiste?

Messagede René le Dim 10 Jan 2016 19:44

Pierre-Joseph a raison, selon moi.
Fondamentalement, le capitalisme est lié à la propriété privée des moyens de production.
Mais les formes de propriété ont elles aussi changé avec le temps.
Un bureaucrate syndical n’est pas propriétaire d’un moyen de production à moins de considérer que le syndicat est un moyen de production et que le bureaucrate en est le propriétaire.
Un parti politique n’est pas un moyen de production non plus.
Cependant on peut dire que partis et syndicats contribuent à la perpétuation du système capitaliste.

Un capitaliste, c’est quelqu’un qui détient un capital, que ce soit sous forme d’argent, d’entreprises employant des salariés, ou d’actions ou d’obligations. Une action ou une obligation, c’est un document qui atteste que tu es le propriétaire de x% d’une société.
Si une société est constituée de 1000 actions à 100 €, et que tu possèdes 10 actions, tu es propriétaire de 10% de cette société.
Un capitaliste à proprement parler est quelqu’un dont l’essentiel des revenus proviennent de la rente produite par son capital.

Un groupe industriel est un moyen de production qui est en principe la propriété d’un grand nombre d’actionnaires. Parmi ces actionnaires il y en a des petits, et des gros. Il peut arriver qu’une personne détienne 51% des actions, et alors c’est lui le « patron ». Mais il y a des cas où les actions sont suffisamment éparpillées en un grand nombre de d’actionnaires pour qu’il suffise qu’un actionnaire A détienne par exemple 20% des actions pour contrôler le groupe. Bon, je simplifie, parce dans ce cas un autre actionnaire B détenant 15% des actions peut s’allier avec un actionnaire C détenant 10%, et l’alliance ainsi constituée peut renverser l’actionnaire A. C’est une guéguerre entre actionnaires pour le contrôle, mais ça ne les empêche pas de faire du fric et de s’entendre entre eux pour tondre joyeusement la laine sur le dos des salariés.
Il est un peu abusif de considérer comme « capitaliste » un salarié qui possède quelques actions qui ne lui rapportent pas grand-chose, mais techniquement, on peut le considérer comme un « capitaliste ». M’enfin, il faut faire la part des choses. La personne qui a quelques centaines d'Euros sur son livret A n'est pas un "capitaliste".

Le capitalisme a pris des formes différentes au cours du temps. Par exemple le capitalisme marchand désigne cette forme de capitalisme dont l’essentiel des revenus provenait du commerce. Aujourd’hui, la forme dominante du capitalisme serait plutôt le capitalisme spéculatif.

Après la révolution russe s’est constitué un système « socialiste » étatique. Certains ont dit que ce n’était pas du capitalisme parce qu’il n’y avait pas de proprité privée et pas de titre de propriété.
Ben, si, il y a. Le titre de propriété, c’est le décret portant nationalisation de l’économie.
La propriété existe aussi : elle n’est pas privée au sens où on l’entendait autrefois, c’est une prorpiété oligarchique, c’est-à-dire détenue par un relativement petit nombre de personnes : les membres de l’appareil d’Etat. Bref, c’est du capitalisme d’Etat.

Le projet anarchiste consiste à supprimer à la fois la propriété privée des moyens de production et la propriété étatique : il s’agit de supprimer toutes les formes de propriété pour les remplacer par la gestion socialisée (ou collectivisée) des moyens de production.
Il ne s’agit pas de collectiviser les brosses à dents, il s’agit de rendre à la société ce qu’elle a produit par son travail collectif.
René
 
Messages: 177
Inscription: Jeu 3 Mar 2011 14:53

Re: Le CSR est-il anti anarchiste?

Messagede bajotierra le Lun 11 Jan 2016 11:29

Si une société est constituée de 1000 actions à 100 €, et que tu possèdes 10 actions, tu es propriétaire de 10% de cette société.


Tu feras jamais fortune rené ..
bajotierra
 
Messages: 4456
Inscription: Mar 19 Aoû 2008 16:28

Re: Le CSR est-il anti anarchiste?

Messagede René le Lun 11 Jan 2016 12:24

Hélas...
René
 
Messages: 177
Inscription: Jeu 3 Mar 2011 14:53

Re: Le CSR est-il anti anarchiste?

Messagede frigouret le Lun 11 Jan 2016 15:38

Pierre-Joseph a écrit:Tu essaies de convaincre que le problème est l'état et non la propriété. Mais si tu avais lu Proudhon, par exemple, tu saurais que l'état est une conséquence de l'idée de propriété: c'est pour garantir la propriété de chacun que les hommes ont créé l'état. C'est, en tout cas, une des principales mission de l'état que de garantir la propriété car la propriété n'est rien sans une force capable de la garantir. Tu peux te dire propriétaire chez toi car il y a un étatd qui garantit ta propriété et que si je venais chez toi pour m'installer tranquillement, il te suffirait d'appeler les flics pour m'éjecter.
Je suis d'accord que la violence d'état est la principale cause de l'injustice sociale mais cette violence résulte de la propriété. Le lien est très clair, en tout cas, pour les anarchistes.


Je vais poser la thèse inverse , l'État n'est pas le créateur de la propriété il en est l'agresseur et le destructeur.

Quand la noblesse franque conquiert un territoire l'acte de pouvoir premier consiste dans le démembrement de la propriété. Le pouvoir se pose en possesseur de la propriété éminente du territoire et laisse la propriété utile de celui-ci aux populations conquises. La propriété éminente se décline en fiefs qui sont des délégations de la propriété éminente du roi vers ses vassaux. :Donc l'histoire de l'État est intimement lié a l'amputation de la propriété. A côté du fief il y avait l'alleu, terre ne devant ni cens ni hommage, l'alleutier , noble ou roturier, qui était le véritable statut de l'homme libre ( le statut personnel.étant intimement lié au statut de sa propriété. Mais la noblesse ayant le monopole de la justice elle refusa la personnalité juridique a l'alleutier qui disparu a force d'agressions non punies.
La révolution en fin de compte ne fait pas disparaitre le fief, au contraire elle le généralise et centralise la propriété éminente dans la nation, et c'est toujours la division de la propriété qui consacre le pouvoir de l'État.

Je fais mien les écrits posthumes de Proudhon.

Si j'analyse le communisme suivant cette grille de lecture sa prétention finale est bien plus despotique que celle des démocraties bourgeoise , car il tend non seulement continuer a refuser la propriété éminente a l'individu au profit du collectif, mais aussi a le transformer en fonctionnaire en lui confisquant même.la propriété utile.
Mon anarchisme consiste essentiellement a réintégrer le maximum des aspects de la propriété dans l'individu.
8-)
frigouret
 
Messages: 2214
Inscription: Jeu 22 Déc 2011 13:20

Re: Le CSR est-il anti anarchiste?

Messagede Pierre-Joseph le Lun 11 Jan 2016 22:34

Tes écrits sont contraires à ceux de Proudhon (des écrits posthumes, ça n'existe pas, il n'y a que des publications posthumes): Proudhon a toujours été l'ennemi de la propriété.
Ce que tu racontes de la noblesse franque et du régime soviétique ne fait que confirmer que l'état est le créateur de la propriété. En effet, si l'état change, à la suite d'une conquête ou d'une révolution, alors l'ancienne propriété, qui dépendait de l'ancien état est détruite et elle est remplacée par la nouvelle propriété, celle créée par le nouvel état.
Et sans état, il n'y a pas de propriété possible, car la propriété n'est rien si elle n'est pas garantie par la force de l'état.
Ce qui est vrai, c'est que l'état peut tout aussi bien garantir que détruire la propriété mais il n'y a pas besoin de remonter au Moyen Age pour le comprendre! Un petit paysan qui possède un champs à Notre-Dame-des-Landes, par exemple, peut très bien se voir retirer son titre de propriété, manu militari, juste parce que les politiques du coin ont envie de jouer avec des gros avions. Ce qui montre que la propriété est soumise au bon vouloir de l'état et que tous les propriétaires ne sont pas logés à la même enseigne: ceux qui sont influents au sein de l'état ont une propriété solide, les autres dépendent du bon vouloir des premiers.
Pierre-Joseph
 
Messages: 384
Inscription: Mar 5 Jan 2016 14:20

Re: Le CSR est-il anti anarchiste?

Messagede frigouret le Mar 12 Jan 2016 16:34

Oui je vais dans le même sens que toi sauf quand tu dis qu'il n'y a pas de propriété possible sans État.

Je dis qu'il y a pouvoir quand la propriété politique ( éminente en droit médiéval) et séparée de sa propriété d'usage ( propriété utile en droit médiéval).
Mais alors on se demande bien pourquoi si la propriété privée a besoin d'un État pour se légitimer et se défendre il n'en serait pas de même pour la propriété commune, la propriété socialisée ou la propriété collective? ( par exemple ce n'est pas parce que l'État impose une langue sur un territoire qu'une société sans État serait incapable de communiquer).
C'est justement ça le mutuellisme, un pacte de défense mutuelle de nos libertés, de nos droits, de nos propriétés, la propriété politique est réintégré dans l'objet et nous sommes politiquement égaux, l'égale liberté.
8-)
frigouret
 
Messages: 2214
Inscription: Jeu 22 Déc 2011 13:20

Re: Le CSR est-il anti anarchiste?

Messagede frigouret le Mar 12 Jan 2016 19:22

<<Le prolétariat combat, par la violence si il le faut, pour posséder de façon exclusive les moyens de production et d'échange et met la main sur les pouvoirs publics afin de réaliser ses dessin>>

C'est une citation de marie Guillot , militante fondatrice des CSR. Aux vues de mes conceptions anarchistes exposées sur ce fil , on comprendra que je considère le GSR comme radicalement anti anarchiste, comme un ennemi de classe si l'on considere la lutte des classes comme une lutte entre la classe archiste et la classe anarchiste.
Si je pense que René est resté superficiel et factuel dans sa critique du CSR c'est peut être qu'au niveau " meta politique" il possède trop de bases communes avec eux pour entreprendre une critique théorique.
8-)
frigouret
 
Messages: 2214
Inscription: Jeu 22 Déc 2011 13:20

Re: Le CSR est-il anti anarchiste?

Messagede Pierre-Joseph le Mar 12 Jan 2016 20:06

Toutes les formes de propriété ont besoin, pour exister réellement, d'être garanties par une force capable de les défendre devant ceux qui seraient tentés de ne pas les respecter. Pour ce qui est de la propriété collective, le collectif constitue déjà une force mais cette force peut être dépassée, en particulier par l'état donc même cette forme de propriété dépend de l'état. De manière générale, dans une société, le détenteur de la force est l'état et donc la propriété a besoin de la garantie de l'état.
Il en est de même pour les lois et les libertés. Elles ne peuvent être réelles que si elles sont garanties par une force capable de les défendre devant ceux qui seraient tentés de ne pas les respecter.
Le problème que posent les anarchistes est que si cette force est l'état, alors il n'y a pas d'égalité possible, pas de liberté possible, pas de fraternité possible car ceux qui gouvernent l'état détiennent la force et font toujours ce qu'ils veulent, en s'en cachant à peine. (Faut-il donner des exemples?).
L'anarchisme est souvent mal compris. Il ne s'agit pas de détruire l'état pour laisser le chaos mais de remplacer l'état par un ordre supérieur, par une organisation plus forte et plus juste, capable de garantir la liberté, l'égalité et la fraternité.
Dans une telle optique, le concept de propriété devient inutile. La propriété est un concept de société inégalitaire: on s'approprie pour priver les autres, avoir plus qu'eux et enfin les exploiter.
Pierre-Joseph
 
Messages: 384
Inscription: Mar 5 Jan 2016 14:20

Re: Le CSR est-il anti anarchiste?

Messagede René le Mer 13 Jan 2016 14:27

On s’éloigne pas mal de notre sujet originel, qui était, en gros : le syndicalisme révolutionnaire, mais bon.
Tout d’abord, je pense que Frigounet a presque raison lorsqu’il dit que « au niveau "metapolitique" [je] possède trop de bases communes avec eux » [le CSR], à ceci près que ce n’est pas au niveau « métapolitique » que j’ai des bases communes avec eux, c’est au niveau politique sans « méta ».
Etant anarcho-syndicaliste je suis d'accord avec eux sur l'essentiel, mais j’ai aussi des désaccords avec eux, comme vous l’aurez sans doute remarqué. Mais mes désaccords portent surtout sur leur manière déformée (voire manipulatrice) d’interpréter l’histoire, et sur leur extrême dogmatisme.
En tout cas je ne les considère pas comme des « ennemis de classe », d’autant moins qu’il n’y a pas de « classe anarchiste », ni ce « classe archiste » – mais après tout Frigounet a le droit d’inventer des concepts à sa guise.

Je ne me retrouve absolument pas dans les positions de Frigounet, dont je ne vois pas ce qu'elles ont d'anarchiste. Cependant, la citation qu’il fait de Marie Guillot confirme mon idée, selon laquelle une partie du mouvement syndicaliste révolutionnaire était devenue une sorte de relais du bolchevisme dans le mouvement ouvrier français. Car Frigounet n’a pas mis la suite de la citation de Marie Guillot, qui déclare que le prolétariat « est obligé, l’événement l’a prouvé, d’établir MOMENTANÉMENT la dictature du prolétariat, pour atteindre son but ».

Quant à savoir si j’ai trop de bases communes avec eux pour « entreprendre une critique théorique », je pense que Frigounet s’avance un peu trop car je n’ai jamais eu l’intention d’entreprendre, sur ce forum, une critique théorique de fond en ce qui les concerne. Par ailleurs, ce n’est pas moi qui ai mis sur le « Forum anarchiste » mon texte intitulé « le CSR est-il anti-anarchiste ? », qui n’est pas une « critique théorique » mais plutôt une sorte de « coup de gueule », et dont le titre aurait plutôt dû être « Le CSR est-il anti-anarcho-syndicaliste ? » — mais c’est là une question de détail.

Si le CSR me semble criticable, ce n’est pas tant au niveau « théorique » qu’un niveau historique, dans la mesure où ils ont la manie de déformer les faits et de les réinterpréter pour les faire coller à leurs présupposés idéologiques et à leur obsession anti-anarchiste. Cette obsession s’étend même aux relations qu’ils tentent d’établir au niveau international puisque dans un texte présentant leur courant aux IWW, on peut lire une phrase telle que « decades of Leninist/Anarchist domination of the revolutionary movement have led to a schematic view of unionism » (« Des décennies de domination léniniste/anarchiste sur le mouvement révolutionnaire a conduit à une vision schématique du syndicalisme »).
Ils auront beau protester, la main sur le cœur, « mais non, nous ne sommes pas anti-anarchistes », ils ne convaincront que les naïfs.
Le dérapage de « Chevalier du travail » accusant avec aplomb les anarcho-syndicalistes du Syndicat du Bâtiment affilié à la CGT-SR à Lyon d’avoir été « presque tous » des « collaborationnistes notoires, membres de la gestapo et de la LVF », me semble extrêmement significatif de ce préjugé anti-anarchiste et anti-anarcho-syndicaliste. Ce n’est pas le genre de propos qui facilitera un travail en commun, si tant est qu’ils en aient envie.

Cela fait plusieurs années que j’ai commencé à travailler sur deux thèmes :
• Une « histoire revisitée du syndicalisme révolutionnaire et de l’anarchisme dans leurs rapports mutuels » — le titre est évidemment provisoire — qui permettra, j’espère, de mettre un peu de lumière dans leurs déformations historiques.
• Une « histoire revisitée de l’Internationale syndicale rouge » — titre également provisoire.

Ce travail n’a aucune intention polémique car je n’entends même pas y mentionner le CSR.

On pourra trouver sur monde-nouveau.net des textes ou des introductions que j’ai écrits plus ou moins en marge de ce projet ou en lien avec lui, et que je mets sur ce site au coup par coup.

IIe congrès de l’Internationale communiste (1920). – Les illusions des syndicalistes révolutionnaires tombent
Anarchistes et syndicalistes révolutionnaires face à la révolution russe
Réflexions sur l’Internationale communiste et la stratégie du « Front unique »
Répression de l’anarchisme en Russie soviétique. – 1923
Esquisse d’une histoire du premier parti communiste en France
L’offensive réformiste dans la CGT : le Comité d’union syndicaliste (1909-1910)
1916 : « Comité de défense syndicaliste »
1937 : Rapport de Pierre Besnard, Secrétaire de l’AIT, au Congrès Anarchiste International de 1937
Rapport d’Errico Malatesta sur le Congrès d’Amsterdam (1907)
L’« acte de naissance » du syndicalisme révolutionnaire : GRIFFUELHES. – Le syndicalisme révolutionnaire (1905)
Anarchisme individualiste, Marxisme orthodoxe, Syndicalisme révolutionnaire
Répression antisyndicale et anti-anarchiste en France de la fin de la Commune à la Grande guerre
Répression antisyndicale et anti-anarchiste en France de la fin de la Commune à la Grande guerre (Seconde partie)
Bakounine : L’Héritage 1899-1914
Monatte/Malatesta : Le syndicalisme au Congrès Anarchiste International d’Amsterdam (1907)
Syndicalistes et Anarchistes. — Débat Hubert Lagardelle/Marc Pierrot
La Rupture avec le bakouninisme et la fin de l’AIT « anti-autoritaire »


Pour le reste, le débat entre Frigounet et Pierre-Joseph sur la propriété est intéressant, mais je pense qu’ils passent à côté de l’essentiel.
J’y reviendrai.
René
 
Messages: 177
Inscription: Jeu 3 Mar 2011 14:53

Re: Le CSR est-il anti anarchiste?

Messagede frigouret le Jeu 14 Jan 2016 18:10

Mais ce n'est pas moi qui définit la lutte des classes comme lutte entre les classes archistes et les classes anarchistes, ce sont les libéraux du XVIII ème siècle comme Dunoyer ou Conte. Tu apprendras peut être que Marx pour développer sa propre théorie de la lutte des classes plagit littéralement un écrit de Adolphe Blanqui ( le frère aîné du socialiste) qui lui est libéral. Marx ne prend la peine que de remplacer l'opposition dominé/ dominant ( politiquement) par le confit exploité/ exploiteur ( économiquement).
8-)
frigouret
 
Messages: 2214
Inscription: Jeu 22 Déc 2011 13:20

Re: Le CSR est-il anti anarchiste?

Messagede René le Ven 15 Jan 2016 12:20

Au cours de mes lectures, je n’ai jamais rencontré le concept de « classes archistes » et de « classes anarchistes ». Mais peut-être n’ai-je pas assez lu et j’aimerais bien que tu me donnes les références précises des auteurs que tu mentionnes (Conte ? Peut-être Comte [Auguste] ?)
La question est de savoir si les anarchistes du 21e siècle doivent se référer à des auteurs du 18e siècle pour définir une position par rapport à la question de la lutte des classes au 21e.

Il y a au moins deux exemples qui illustrent parfaitement l’existence de la lutte des classes.

Premier exemple (un peu ancien) : 62% des passagers de 1re classe du Titanic ont survécu, 41% en 2e classe et 37% en 3e classe. Des canots de sauvetage sont partis presque à vide pour ne pas que ces messieurs-dames friqués se mélangent aux pauvres. Si ce n’est pas de la lutte des classes…
Second exemple : Récemment des travailleurs ont séquestré leurs patrons. Ces derniers n’ont pas porté plainte, mais le procureur de la république, sous la pression du Médef, l’a fait. Ilustration parfaite de lutte des classes, selon moi, et du rôle que l’Etat y joue.

Il y a une manie consistant à reprocher à Marx d’avoir « plagié » tel ou tel auteur. C’est complètement ignorer comment une pensée politique se «construit». On est toujours, et forcément influencé par d’autres auteurs. C’est en particulier le cas de la lutte des classes, et Marx est le premier à le reconnaître :

« Ce n'est pas à moi que revient le mérite d'avoir découvert ni l'existence des classes dans la société moderne, ni leur lutte entre elles. Bien longtemps avant moi, des historiens bourgeois avaient décrit l'évolution historique de cette lutte des classes, et des économistes bourgeois en avaient analysé l'anatomie économique. » (Lettre de Marx à Joseph Weydemeyer, 5 mars 1852)


Les « historiens bourgeois » auxquels Marx fait allusion sont les historiens de la Restauration. La Restauration est la période de l’histoire qui suit la chute de Napoléon Ier jusqu’à la révolution de 1848 et la constitution du Second Empire. Littéralement, il s’agit de la « restauration monarchique » pendant laquelle se sont succédé trois rois. Parmi ces historiens, on peut signaler François Guizot, Augustin Thierry, Adolphe Thiers et François-Auguste Mignet. On trouvera tout cela expliqué dans une étude intitulée Les historiens de la Restauration et le « matérialisme historique » (http://monde-nouveau.net/spip.php?article331)

Dire que l’histoire est l’histoire de la lutte des classes est une formule de style qui n’a pas beaucoup de sens. Cela fait très bien sur un slogan ou dans un tract mais au niveau de l’analyse rationnelle des faits historiques ça n’apporte pas grand-chose.

L’antagonisme entre les classes, mais aussi entre les couches sociales à l’intérieur d’une même classe (encore faut-il se mettre d’accord sur ce qu’est une classe sociale) est une constante dans l’histoire de l’humanité. Ça ne mange donc pas de pain de dire que « l’histoire est l’histoire de la lutte des classes » : quand on a dit cela on n’a pas dit grand-chose qui fasse réellement avancer le schmilblick.
Il y a d’ailleurs de nombreux textes de Marx où les événements ne se réduisent pas mécaniquement à la « lutte des classes ». Ce sont en général ses textes historiques.

S’opposer à la formule : « l’histoire est l’histoire de la lutte des classes » sous prétexte qu’elle serait « marxiste », pour lui opposer une formule considérée comme « anarchiste », à savoir « l’histoire est l’histoire de l’apparition de l’Etat », n’a pas plus de sens.
Dans les deux cas, on schématise à l’extrême des phénomènes complexes en évacuant le fait que l’histoire est faite de déterminations multiples qui s’entre-mêlent. Bakounine a très clairement souligné ce point.
Il me paraît difficile de nier que la lutte des classes, ou d’une façon plus générale les contradictions sociales, économiques, politiques qui ont marqué les sociétés humaines ont contribué à la formation de l’Etat. Tout comme il est difficile de nier que l’Etat, une fois constitué, a pour fonction de gérer les contradictions internes des sociétés, c’est-à-dire la lutte des classes.
René
 
Messages: 177
Inscription: Jeu 3 Mar 2011 14:53

Re: Le CSR est-il anti anarchiste?

Messagede frigouret le Sam 16 Jan 2016 10:16

Qui de l'œuf ou de la poule........

Sur les économistes de la restauration précurseurs de Marx.
http://blog.Turgot.org/index.php?post/L ... et-Dunoyer
8-)
frigouret
 
Messages: 2214
Inscription: Jeu 22 Déc 2011 13:20

Re: Le CSR est-il anti anarchiste?

Messagede Pierre-Joseph le Sam 16 Jan 2016 17:40

Le concept de lutte des classes est donc, à l'origine, un concept bourgeois: selon Marx lui-même, ce sont des historiens bourgeois qui l'ont forgé et d'ailleurs Marx en fait partie.
Je pense pour ma part, qu'un tel concept est simpliste et dangereux. Simpliste, parce qu'il conduit à mettre une étiquette unique sur une multitude parfois très hétérogène. Dangereux, parce que ce jeu des étiquettes, collées de façon plus ou moins arbitraire sur des populations, dans le but de les définir comme un ennemi, a conduit aux pires atrocités de l'histoire, sans jamais faire évoluer d'un iota la question sociale.
Seule la classe dirigeante constitue, à la rigueur, une classe car elle est la seule à être structurée, organisée avec entre ses mains tous les outils de domination nécessaires à son maintien au pouvoir: l'état, le système financier et économique.
Mais les capitalistes, dans leur quête insatiable de profits, sont également capables de se bouffer entre eux, donc ils ne constituent pas véritablement une classe.
Le peuple, lui, n'a jamais été complètement organisé. Il ne l'est certainement pas aujourd'hui. Il constitue donc encore moins une classe. Quand on lit Proudhon, par exemple, les classes ouvrières sont plurielles et elles sont distinctes de la classe rustique (agriculteurs et paysans) et de la classe moyenne. Réduire tout cela en une seule classe, ce serait manquer cruellement de finesse dans l'analyse.
Ce manque de finesse peut se comprendre du point de vue de la bourgeoisie: elle se crée un ennemi de toute pièce, pour justifier les coups qu'elle lui inflige. Mais cet ennemi est un fantasme qui n'a jamais eu beaucoup de réalité, seulement un petit peu...
La classe ouvrière n'existe pas ou trop peu, il faudrait qu'elle existe et ce n'est pas la même chose. C'est ce que disait Proudhon:
Que la classe ouvrière, si elle se prend au sérieux, si elle poursuit autre chose qu'une fantaisie, se le tienne pour dit : Il faut avant tout qu'elle sorte de tutelle, et que, sans se préoccuper davantage de Ministère ni d'Opposition, elle agisse désormais et exclusivement par elle-même et pour elle-même. Être une puissance ou rien, telle est l'alternative.
Pierre-Joseph
 
Messages: 384
Inscription: Mar 5 Jan 2016 14:20

Re: Le CSR est-il anti anarchiste?

Messagede René le Mer 20 Jan 2016 02:28

Pierre-Joseph, tu sautes à des conclusions hâtives. Le fait que des historiens de la période de la Restauration (1815-1850 en gros) aient évoqué les oppositions entre les classes ne signifie pas que le concept de lutte des classes est un concept bourgeois ; et le fait que Marx reconnaisse qu’il se soit inspiré de ces historiens ne signifie pas qu’il soit un « historien bourgeois ». Car ce qui différencie Marx de ces historiens est essentiel.
Augustin Thierry, Mignet, Guizot etc. parlaient au nom de la bourgeoisie et décrivaient la lutte des classes qui opposa la bourgeoisie à l’aristocratie, autrement dit, ils parlaient pour la démocratie contre la monarchie. Marx n’a fait que reprendre le schéma pour l’appliquer à la lutte entre le prolétariat contre la bourgeoisie. Mais Proudhon et Bakounine pensaient la même chose.

Les historiens de la Restauration pensaient que puisque la lutte qui opposait la classe bourgeoise à l’aristocratie s’est terminée par la victoire de la bourgeoise, il n’y avait donc plus de classes, les classes étaient abolies, il n’y avait que des citoyens. Évidemment, ces historiens ne tenaient pas compte du prolétariat, qu’ils ne voyaient pas, ou, plus exactement, qu’ils ne considéraient pas comme une classe mais comme des citoyens. C’est la raison pour laquelle les bourgeois (et l’État qui les représentait) ne comprenaient pas pourquoi le prolétariat devait s’organiser.

Le problème se posa ainsi pendant longtemps. Lorsque des travailleurs parisiens, en 1860, soutenus par Tolain (un des fondateurs de l’AIT), rédigèrent le fameux « Manifeste des Soixante » dans lequel ils affirmaient vouloir présenter aux élections des candidats spécifiquement ouvriers, cela provoqua la stupeur chez les « démocrates », c’est-à-dire les journalistes, rentiers, avocats, médecins, etc. qui habituellement se présentaient aux élections en affirmant représenter les « citoyens », y compris les « citoyens ouvriers ». Pour eux, le prolétariat ne représentait pas une classe à part, c’étaient des « citoyens ».

Après la Commune, lorsque le mouvement ouvrier se réorganise, ces démocrates bourgeois — le parti radical — se prenant pour des tuteurs, se sont littéralement abattus sur la classe ouvrière pour la canaliser, l’intégrer au jeu électoral et l’utiliser comme masse de manœuvre. Plusieurs journaux représentaient ce courant qui voulaient concilier le capital et le travail, mais lorsqu’un groupe d’ouvriers décida de fonder son propre journal en toute indépendance par rapport à ces « socialistes bourgeois », pour reprendre l’expression de Bakounine, la réaction a été extrêmement vive. Là se trouve l’un des principaux facteurs qui est à l’origine du syndicalisme révolutionnaire, fondé sur la méfiance extrême envers toute récupération et manipulation politiques.

Les syndicalistes révolutionnaires étaient particulièrement sensibles à cette question. Victor Griffuelhes, secrétaire général de la CGT, écrira que les syndicalistes français n’acceptaient pas que les questions posées par la classe ouvrière soient « résolues par ces assemblées de médecins, d’avocats, de rentiers, de propriétaires, de commerçants, etc..., que sont les Congrès politiques internationaux ! ». [Victor Griffuelhes, «L’Internationale syndicale», L’Action syndicaliste, Paris, Rivière, 1908.]

Ce problème reste remarquablement actuel : il suffit de voir quelle est la composition sociale de l’Assemblée nationale actuelle : les ouvriers et employés, qui constituent la moitié de la population active, représentaient 18,8 % des députés au début de la IVe République (1946-1951). Ce sera la représentation la plus forte depuis la création de l’Assemblée nationale. En 1958, cette part était déjà revenue à 4 %. Aux élections de 1967 (Ve République) leur part remonte à 9 %, pas pour longtemps puisque l’Assemblée nationale est dissoute en mai 1968. La représentation des catégories populaires ne cessera de décroître. Aux législatives de 2012, les onze députés ouvriers et employés représentent à peine 2 % de l’ensemble. Bon, je sais, on s’en fout de l’Assemblée nationale. Mais ça reste tout de même significatif.

On peut avoir plusieurs attitudes par rapport au concept de lutte des classes.
Une attitude dogmatique, comme c’est souvent le cas chez les marxistes, genre « Marx l’a dit ». Alors on inscrit quasiment la lutte des classes dans le programme du parti : Nationalisation, dictature du prolétariat, lutte des classes. C’est évidemment idiot.
Dans un travail sur le syndicalisme révolutionnaire et l’anarchisme à São Paulo au début du 20e siècle, une historienne brésilienne, Edilene Toledo, cite une résolution du 1er Congrès ouvrier brésilien de 1906 qui évoque l’existence de la lutte des classes, « que les ouvriers n’ont pas créée, mais qu’ils se sont vus forcés à accepter ». C’est très bien vu. La lutte des classes est imposée par les patrons, subie par les salariés et les catégories modestes et pauvres de la population. Aujourd’hui, nous vivons une période très intense de lutte des classes ; simplement, nous perdons.

Il ne s’agit pas de créer des étiquettes « collées de façon plus ou moins arbitraire sur des populations », comme le dit Pierre-Joseph, il s’agit de savoir qui nous exploite, et là, il est effectivement question de désigner les ennemis. Le problème est que souvent on se trompe d’ennemi. Ce n’est pas la reconnaisance de la lutte des classes qui « a conduit aux pires atrocités de l'histoire, sans jamais faire évoluer d'un iota la question sociale ». Ceux qui ont produit les pires atrocités de l’histoire, ce sont les classes dominantes et les Etats qui leur servaient d’armes.

Je pense que tu as tort de dire que la bourgeoisie « se crée un ennemi de toute pièce, pour justifier les coups qu'elle lui [le peuple, la classe ouvrière ?] inflige ». La bourgeoisie ne reconnaît pas l’existence de la lutte des classes. Elle la nie. C’est un principe essentiel, chez elle. Ça ne l’empêche pas de la pratiquer avec beaucoup de succès.
On dit que ce qui arrange le mieux le diable, c'est que personne ne croie en lui.
Eh bien, ce qui arrange le mieux les capitalistes, c'est que personne ne croie dans la lutte des classes.
René
 
Messages: 177
Inscription: Jeu 3 Mar 2011 14:53

Re: Le CSR est-il anti anarchiste?

Messagede frigouret le Mer 20 Jan 2016 10:14

Pour moi la question de la révolution française ce n'est pas la bourgeoisie contre l'aristocratie, pour moi la question c'est l'absolutisme, et a ce titre des aristocrates furent révolutionnaires.
De là je comprend les tensions nées de la révolution comme des tensions entre " néo absolutistes"( jacobins) et "anti absolutistes" ( girondins), très schématiquement, et cela nous ramène a poser la lutte des classes comme essentiellement porteuse d'une contestation du pouvoir politique.
A ce titre on peut voir Marx comme un continuateur de Robespierre et Proudhon comme celui de Condorcet.
8-)
frigouret
 
Messages: 2214
Inscription: Jeu 22 Déc 2011 13:20

Re: Le CSR est-il anti anarchiste?

Messagede Lehning le Mer 20 Jan 2016 19:46

Bonsoir !

Marx n'est pas du tout le continuateur de Proudhon même s'il lui a piqué quelques analyses et concepts économiques (en fait). C'est-à-dire que Proudhon a été antérieur sur Marx et que Marx n'a rien inventé. Mais bref...

On me semble s'éloigner du CSR...?

Salutations Anarchistes !
"Le forum anarchiste est ce que ses membres en font."
Avatar de l’utilisateur
Lehning
 
Messages: 8172
Inscription: Jeu 26 Juil 2012 16:33

Re: Le CSR est-il anti anarchiste?

Messagede Protesta le Mer 20 Jan 2016 19:50

Quoi?!? Marx à piqué l'idée de Mutuellisme à Proudhon? Frigouret t'es pas libertarien mais un Marxiste bon teint. :haha:
"Salut Carmela, je suis chez FIAT! Je vais bien... Si,Si, nous pouvons parler tranquillement, c'est Agnelli qui paye!"
Protesta
 
Messages: 2262
Inscription: Sam 24 Sep 2011 00:04

Re: Le CSR est-il anti anarchiste?

Messagede frigouret le Mer 20 Jan 2016 20:57

Non, non, vous m'avez mal compris. Je dis que Marx est plutôt le continuateur de Robespierre, et que Proudhon serait plutôt le continuateur. de Condorcet .
8-)
frigouret
 
Messages: 2214
Inscription: Jeu 22 Déc 2011 13:20

PrécédentSuivante

Retourner vers Théories

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum: Google [Bot] et 6 invités