L’anarchisme est une variante de l’écologisme » P. Pelletier

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L’anarchisme est une variante de l’écologisme » P. Pelletier

Messagede vroum le Sam 1 Nov 2014 23:07

« L'anarchisme est une variante de l'écologisme »

Ce texte est le chapitre « L’anarchisme est une variante de l’écologisme » issu du livre de Philippe Pelletier L'Anarchisme, vent debout !: Idées reçues sur le mouvement libertaire

Si l'on veut sauver la Terre, de toute urgence il faut maîtriser le facteur perturbant : l'homme. Tôt ou tard, il faudra qu'un gouvernement scientifique planétaire connaisse et contrôle ses plus secrètes pulsions. Bernard Charbonneau, Le Chaos du système (1992).

L'anarchisme considéré comme précurseur de l'écologisme, ou encore l'anarchisme considéré comme une variante de l'écologisme se rejoignant dans un combat fondamentalement commun, est probablement l'une des idées reçues récentes les plus répandues. Mais, simultanément, c'est l'une des plus distordues, malgré les apparences.

L'erreur s'explique par une grande confusion, et par une méconnaissance de l'histoire de l'anarchisme comme de l'histoire de l'écologisme. Quelques points communs (amour de la nature, aspiration à un environnement sain, critique de la société actuelle) et des convergences dans certaines luttes ne doivent pas faire oublier la béance philosophique, historique et politique entre les deux courants. Il ne s'agit pas d'une question de pureté doctrinale, mais de justice envers l'histoire sociale et d'une exigence tant est importante la question environnementale.

L'écologisme critique la société industrielle et technicienne. Il réclame une protection de la nature et l'équilibre des écosystèmes. Il alerte sur la finitude de l'espace et des ressources terrestres. Sauf exception, il ne se reconnaît pas dans la lutte des classes. Sa vision du monde est plutôt moralisatrice, voire misanthropique à partir du moment où l'espèce humaine est considérée comme prédatrice et nuisible.

Critique envers les partis traditionnels au cours des années 1970, il s'institutionnalise progressivement au cours des années 1980 (en Allemagne) et 1990 (France, Scandinavie), en s'intégrant dans l'appareil d'États. Sa présence dans les sommets internationaux et l'expertise auprès des élus ou des entreprises évoluent en parallèle avec des contestations à la base, parfois radicales, et des expériences alternatives. Sauf exception, il admet la propriété privée et reconnaît finalement l'économie de marché. Son électorat puise dans les classes moyennes urbaines et instruites.

La question de l'État sépare d'emblée l'anarchisme de l'écologisme qui n'en critique que le gigantisme, ou le soutien aux politiques détruisant l'environnement. Sauf exceptions qui se raréfient, les écologistes acceptent l'électoralisme, le parlementarisme et la conquête politique du pouvoir d'État. Or c'est sur ces points majeurs que se sont précisément constitués les anarchistes en se séparant des socialistes autoritaires à partir des années 1870.

Un siècle plus tard, rien n'a fondamentalement changé quant à ces principes. Le fédéralisme étatique des écologistes ne se confond pas avec le fédéralisme libertaire*. Quant à la recommandation d'un Hans Jonas (1903-1993), philosophe très apprécié des écologistes, en faveur d'« une bienveillante tyrannie » (eine wohlwollende Tyrannis) pour « sauver la planète » (Principe responsabilité, 1998), elle fait frémir les anarchistes qui ont fait le bilan de la « dictature du prolétariat ».

Une première confusion se trouve dans les mots. L'écologie est une science, née au milieu du XIXe siècle, qui a pour objet d'étudier les écosystèmes et l'environnement naturel ; ses praticiens sont des écologues. L'écologisme est un courant d'idée et un mouvement politique qui s'appuie peu ou prou sur la science écologique ; ses membres sont des écologistes. Tout écologue n'est pas écologiste, et inversement.

Le fait que des penseurs et des militants écologistes aient choisi le terme d'« écologie politique » au cours des années 1970 introduit un amalgame entre les deux champs, avec le risque d'instruire une politique au nom d'une science, un peu comme les marxistes l'avaient fait avec le socialisme dit scientifique.

Ce risque n'est pas virtuel car le fondateur de l'écologie en 1866, le naturaliste allemand Ernst Haeckel (1834-1919), est un partisan du social-darwinisme, de l'eugénisme et de la peine de mort au nom de la sélection naturelle. Ce savant n'est pas isolé puisqu'il forme un grand nombre de disciples, très influents en science comme en politique.

Citons-en trois : le géographe Ratzel qui théorise « l'espace vital » (Lebensraum), repris par le nationalsocialisme ;

le biologiste Raoul Francé qui élabore le concept des « lois de la vie » (Lebensgesetze) par lesquelles l'ordre naturel est censé déterminer l'ordre social, et qui s'oppose au métissage considéré comme « non naturel » ; et Ludwig Woltmann, estimant que l'industrialisation détruit les vertus de la « race germanique ».

La Ligue moniste fondée par Haeckel, qui prône l'unité de l'inerte et du vivant, intègre de nombreux naturalistes réputés comme Wilhelm Ostwald (prix Nobel de chimie en 1909), Alfred James Lotka (auteur de modèles sur le rapport proies-prédateurs et l'extinction des espèces).

L'anachronisme constitue une deuxième confusion. Il est hasardeux de parler d'écologie politique ou d'écologisme à propos de personnages du passé qui n'utilisent pas le mot, et qui ne pratiquent pas forcément la chose. Ainsi, le géographe anarchiste Élisée Reclus est parfois décrit comme un précurseur de l'écologie (politique) alors que cette affirmation commet une double erreur. Non seulement Reclus n'utilise jamais le terme d'écologie, puisqu'il lui préfère ceux de « mésologie » (science des milieux) et de « géographie sociale » (dont il est quasiment l'inventeur), mais il critique aussi très durement Haeckel pour son socialdarwinisme, son hostilité au socialisme et son positionnement politico-social auprès de la cour des Hohenzollern. En revanche, Reclus introduit en France les idées de George Perkins Marsh dont le livre Man and Nature (1864) expose les premières préoccupations écologistes. Avec lui, il dénonce les risques de déforestation abusive, d'érosion et de dégradation des milieux.

En revanche, après la Commune de Paris, il ne fait plus aucune allusion à Marsh dont l'environnementalisme se teinte de mysticisme et de puritanisme religieux, et qui devient ambassadeur des États-Unis. En fait, Reclus insiste à la fin de sa vie sur la nécessité pour une société d'embellir son milieu, sous peine de perdre son sens esthétique et éthique, et d'aménager ses villes par l'hygiène et les cités-jardins (c'est probablement le premier à parler de « poumon vert »). Il n'est pas du tout « urbaphobe ». Il prévoit même la constitution d'immenses agglomérations, et ne s'en offusque pas. Il s'oppose à Malthus et au malthusianisme, comme la quasi-totalité des socialistes de son époque (Godwin, Proudhon, Marx, Kropotkine...), estimant que la terre est assez grande pour rassasier ou loger tout le monde, et que les injustices résultent de l'inégalité socio-économique.

Du coup, Reclus ne cite jamais Henry David Thoreau, l'auteur de la désobéissance civile connu pour avoir vécu deux ans dans une cabane au fond des bois, partisan jeffersonien de l'État minimum, idée que l'on retrouvera chez les libertariens. Il n'apprécie guère l'utopie de William Morris (News from Nowhere, 1890), au demeurant pendant longtemps plus proche des socialistes que des anarchistes.

L'intérêt pour la question environnementale, qui augmente avec les révolutions industrielles successives et l'urbanisation afférente, croise différentes sensibilités du XIXe siècle au milieu du XXe siècle. Le romantisme y trouve une grande place, mais ce courant anti-industriel et anti-moderne, que Proudhon qualifie de « scrofule », récuse également les idéaux de la Révolution française. Ce conservatisme est partagé par Malthus qui attaque sur ce point le libertaire Godwin et le progressiste Condorcet. Le social-darwinisme injecte ensuite une dimension scientifique, avec sa téléologie et son arrogance. Socialement, la défense de l'environnement touche les chasseurs, d'abord des milieux bourgeois, les naturalistes, les poètes et les intellectuels.

En Allemagne, la question de la nature et de la ruralité est un thème lié au romantisme nationaliste qui vire au racialisme. Wilhelm Heinrich Riehl (1823-1897), qui lance en 1853 un appel pour « les droits de la nature sauvage », proclame que « nous devons sauver la forêt (...) afin que l'Allemagne reste allemande, « Berlin étant le domaine des juifs, les villes les tombes du germanisme » (Feld und Wald, 1857). Un demi-siècle plus tard, Ludwig Klages (1872-1956) déplore l'extinction rapide des espèces, le massacre des baleines, la déforestation, l'étalement urbain, l'utilitarisme économique, en accusant le christianisme, le capitalisme et... les juifs (L'Homme et la Terre, 1913). Jusqu'à sa mort, il reste un antisémite venimeux.

En Europe, les régimes fasciste et nazi sont les premiers à légiférer à grande échelle sur les parcs nationaux (le premier parc national en Europe, celui du Grand Paradis, est créé en 1922 au lendemain de la marche sur Rome de Mussolini), la protection des animaux et l'agriculture biologique. Au Royaume-Uni, les préoccupations environnementales sont fortes, mais leurs applications concrètes sont éparses, sauf dans les colonies (Afrique du Sud avec le Parc Kruger en 1926, Australie, Nouvelle-Zélande...).

Aux États-Unis, elles sont beaucoup plus vigoureuses. Au mythe de la nature sauvage, liée à la Conquête de l'Ouest et à l'avancée des pionniers sur la Frontier, se combine un naturalisme mystique. Souvent issu du puritanisme protestant (Emerson, Thoreau, Muir...), il est empreint d'une forme de rédemption envers les Indiens qui ont été massacrés et dépossédés. Le concept typiquement américain de wilderness, que l'on pourrait traduire par « sauvageté », recèle les deux tendances de la barbarie et du sauvage. La réglementation du premier parc national au monde, celui de Yellowstone (1872), protège les séquoias, mais demande aussi aux Indiens de déguerpir. En Amérique du Nord naissent les grandes figures considérées comme les pères fondateurs de la conscience écologiste, comme Aldo Leopold, anti-matérialiste, chantre de la terre et de l'extension des « droits naturels » à toute les espèces, protecteur des « prédateurs [qui] doivent être épargnés non pas pour des raisons pragmatiques, mais parce qu'ils sont membres d'une communauté dont les êtres humains ne sont qu'une partie » (A Sand county almanac, 1949).

Compte tenu de la puissance économique et idéologique des États-Unis, c'est logiquement dans ce pays que, après la Seconde guerre mondiale, qu'on trouve le plus grand nombre et la plus grande variété de penseurs environnementalistes. Le proto-écologisme socialisant de personnages comme Lewis Mumford (1895-1990), lecteur de Kropotkine, ou comme l'anarchiste Paul Goodman (1911-1972), partisan de petites structures décentralisées, pèse cependant moins que celui des savants ou essayistes imprégnés de religiosité ou de misanthropie (Robinson Jeffers, Rachel Carson. Barry Commoner, Max Nicholson...). Pour le naturaliste Jean Dorst (1924-2001), « ce que nous savons, en tant que biologistes, c'est que du chaos n'a pas pu sortir un ordre quelconque (...). Je crois donc qu'il y a un plan, c'est ma conviction profonde, qu'il y a une Puissance supérieure, je l'appelle Dieu. Tout autre explication est absolument impossible » (La Science et le spirituel, 1996).

L'écologie scientifique des frères Odum est caractérisée par une désociologisation et une naturalisation de l'espèce humaine. Celle-ci ne devient qu'un paramètre perturbateur de la planète. La radicalisation de la critique anti-technicienne et misanthropique, corollaire à l'accroissement des problèmes environnementaux, nucléaires compris, et à la lenteur des mesures adéquates, provoque l'émergence de la deep ecology (écologie profonde). Ce concept est créé en 1970 par le philosophe norvégien Arne Naess (1912-2009) qui co-signe une « Plate-forme de l'écologie profonde » (1984) dont le premier point stipule que « le bien-être et la prospérité de la vie humaine et non humaine ont une valeur en eux-mêmes (synonymes de valeur intrinsèque, de valeur inhérente). Ces valeurs ont indépendantes de l'utilité du monde non-humain pour des objectifs humains ».

D'abord proche de ces conceptions, l'anarchiste Murray Bookchin (1921-2006) qui prône finalement une « écologie sociale » s'en éloigne. Il critique les écologistes radicaux comme Dave Foreman et l'organisation Earth First ! qui se félicitent de l'épidémie du sida ou de la famine en Afrique au nom d'un recul de la pression démographique planétaire. En France, la dénonciation de la « tyrannie technologique » mobilise des penseurs croyants (Jacques Ellul, Bernard Charbonneau, Paul Virilio, Jean-Pierre Dupuy, Vincent Cheynet...), souvent inspirés par le père jésuite Ivan Illich (1926-2002).

L'écologie profonde et la décroissance trouvent un écho chez John Zerzan qui prône un anarcho-primitivisme et un retour à la nature. Mais « on ne peut pas parler de `proximité' ou d'éloignement' avec la nature, à aucun moment de l'histoire humaine ; on peut seulement parler de différents types de rapports avec le milieu, rapports qui sont eux-mêmes une conséquence du type de société » (La Confusion primitive, 2000, Alain C., ). Zerzan comme Theodor Kaczynski, alias Unabomber, le terroriste anti-technologique, sont hostiles à toute forme d'organisation sociale pensée en tant que telle.

Le mouvement écologiste condamne le productivisme. Or le capitalisme ne produit pas pour produire - ce qui est la définition communément admise du productivisme - mais pour vendre, ce qui n'est absolument pas pareil. Car cette vente implique des consommateurs solvables et une extorsion de la plus-value auprès des salariés qui produisent. Toutes les crises cycliques de l'économie capitaliste montrent qu'à côté des montagnes de beurre ou de café, il y a des gens qui meurent de faim. Comme l'affirme Kropotkine, les étapes de surproduction sont en réalité des étapes de sous-consommation.

À l'origine, le productivisme constitue même une revendication du mouvement ouvrier, et singulièrement des libertaires militant dans les Conseils d'usine à Turin pendant le Biennio rosso (1919-1920). Pour ces anarchistes comme Pietro Mosso ou Ettore Molinari qui publient dans la revue L'Ordine nuovo de Gramsci, l'objectif est de parvenir à une organisation rationalisée de la production, sans pour autant tomber dans le taylorisme. C'est possible grâce à une répartition autogérée des tâches combinant le travail intellectuel et manuel - la polytechnique chère à Proudhon - de façon à améliorer la productivité tout en réduisant la pénibilité.

Les anarchistes turinois ne font finalement qu'appliquer l'idée de Kropotkine : « Il s'agit de produire, avec la moindre perte possible de forces humaines, la plus grande somme possible des produits les plus nécessaires au bien-être de tous » (La Conquête du pain, 1892).

Par la suite, la critique du productivisme naît sous le nom d'anti-productivisme au sein du mouvement non-conformiste, lié à la première Nouvelle Droite française au cours des années 1920-1930 (Thierry Maulnier, Arnaud Dandieu, Drieu La Rochelle...). Car cela évite à ses partisans l'inconvénient ­ trop socialiste ou trop anarchiste ­ de se dire « anticapitaliste ».

L'anti-productivisme rejoint par la suite les critiques sur la société technicienne et le progrès, largement relayées ou prônées par un courant clérical dont la tradition est fondamentalement hostile à la science et au progrès puisque l'homme prométhéen ne doit surtout pas se substituer au Dieu tout-puissant.

Mais, pour un certain nombre d'observateurs, le monde du début du XXIe siècle n'est plus celui du XIXe siècle de Kropotkine ou de Reclus. Selon eux, la planète serait finie, car elle est surpeuplée et ses ressources sont limitées. En réalité, le bilan de cette finitude soulève un certain nombre de questions car les problèmes, à l'instar de la notion de « productivisme », sont souvent mal posés. Par exemple, l'idée suivante : si tous les pays consommaient autant que les Etats-Unis, l'humanité aurait besoin de trois planètes (voire cinq ou sept selon les auteurs), ce qui serait impossible. Souvent répétée, cette idée n'en est pas moins fausse.

En effet, les États-Unis sont de puissants exportateurs d'un grand nombre de produits qui occupent le premier rang mondial (blé, maïs, soja, coton, viandes, services commerciaux, armement), le deuxième (soie grège) ou le troisième (riz, bois, engrais chimiques). Ce qu'ils vendent aux autres pays, ceux-là ne le produisent donc pas. S'il fallait que ces autres pays substituent aux importations en provenance des Etats-Unis leur propre production, ce serait autant de moins à extraire, à produire ou à transformer pour les États-Unis. Le raisonnement est également valable dans l'autre sens, car l'Amérique importe aussi pour produire.

Mais peut-on un instant imaginer que, dans le cadre d'une concurrence économique farouche, les États-Unis renoncent à leur puissance ? À leur impérialisme ? Que, par exemple, ils tolèrent que tous les autres pays fabriquent leurs armes et ne leur en achètent plus ? Oui, certains le peuvent actuellement, mais tant que cela ne menace pas la suprématie américaine.

En outre, sur le plan scientifique, il existe des désaccords concernant le changement climatique (ses mesures, ses causes, sa réalité), la montée du niveau des océans qui en résulterait ou encore le concept d'« empreinte écologique » (dont le calcul, reposant sur des données partielles, transforme des mètres cubes réels en mètres carrés virtuels).

Si ces critiques sont avérées, elles remettent en cause la logique déductive qui part d'un constat - la finitude des ressources, les limites d'un mode développement - pour en tirer des conclusions pratiques : changer de système, y compris par des moyens dictatoriaux s'il y a réellement danger. Au fond, une analyse tronquée de ce qu'est le capitalisme, considéré par les anarchistes comme étant inséparable de l'État-nation moderne, modifie aussi bien le diagnostic que la solution.

Pour plusieurs anarchistes, le mouvement écologiste constitue l'issue d'un « capitalisme vert » qui tente de gérer plus rationnellement les problèmes de celui-ci, pour que les profits à court terme ne menacent pas les profits à long terme, y compris par le biais des énergies renouvelables ou d'une sortie du nucléaire (Allemagne, Suède, Suisse...). Cet écologisme prendrait le relais de la social-démocratie, usée, et de la collaboration entre syndicats et patronat qui ont sauvé le capitalisme débridé d'avant la crise de 1929, et qui l'ont porté au pinacle des Trente Glorieuses.

Ce « capitalisme vert », déjà en place, avec ses ministres écologistes, ses experts à tous les niveaux, son renoncement à certaines valeurs comme le pacifisme, n'exclut pas la compétition internationale dans le domaine de l'environnement (marché du carbone, commerce des droits de pollution, parcs nationaux touristifiés, montée en gamme technique, développement durable...).

Le rapport intitulé « Halte à la Croissance » (The Limits to Growth) marque en 1972 un tournant dans cette perspective. Il est commandé par le Club de Rome qui est fondé en 1968 par Aurelio Peccei (1908-1984), membre des comités directeurs de la F.I.A.T., d'Olivetti et d'Alitalia, et par Alexander King (1909-2007), général au sein du commandement de l'O.T.A.N. et conseiller régulier du gouvernement britannique, et qui est financé par la Fondation Agnelli.

Alertant sur le danger des pollutions et la raréfaction des ressources, il remet en cause le principe de la croissance, critique que prolonge le mouvement pour la décroissance à partir des années 1990. Il signe le grand retour des théories de Malthus, celles-là même que critiquaient Godwin, Proudhon, Reclus, Kropotkine ou Rocker dont les analyses restent pertinentes si l'on considère que le monde actuel n'est ni post-industriel, ni post-moderne, mais hyper-moderne et hyper-industriel. Car il n'y a jamais eu autant d'industries et d'ouvriers que de nos jours.

Dans les pays occidentaux, les écologistes se constituent politiquement à partir de la fin des années 1960 comme courant distinct des organisations anarchistes existantes. Minoritaires dans un premier temps, ils se retrouvent souvent aux côtés des libertaires, notamment, dans un certain nombre de luttes, comme, en France, la contestation de l'extension du camp militaire au Larzac, du projet de centrale nucléaire à Plogoff, de la construction du surrégénérateur à Creys-Malville ou encore un certain nombre de revendications pour l'amélioration du cadre de vie. À l'échelon européen, le combat pacifiste et anti-nucléaire les ont réunis. Par la suite, la politisation, au sens strict du terme, des écologistes, qui en viennent, par la force du jeu électoral et parlementaire, à passer des alliances avec la social-démocratie voire, en Allemagne ou en Scandinavie, avec la démocratie chrétienne, entraîne leur institutionnalisation, sinon leur bureaucratisation. Leur appel croissant en faveur de lois, d'interdictions, d'une gouvernance étatique et même mondiale les éloigne du logiciel libertaire.

Pris de court, le mouvement anarchiste tente de ménager la chèvre environnementaliste et le chou radical. Certains de ses partisans prônent la décroissance comme étant une conception pure et dure de l'écologisme, tandis que d'autres y voient une variante du naturalisme intégriste, autoritaire, éloigné historiquement, idéologiquement et sociologiquement du combat anarchiste. L'essor du mouvement anarchiste dans des pays où la question première n'est pas celle de la société de consommation mais la misère modifiera la donne.
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Re: L’anarchisme est une variante de l’écologisme » P. Pelletier

Messagede The Marauder le Mer 19 Nov 2014 14:58

D'accord, mais en attendant, les urgences sont partout et conjointes.

Il est toujours possible, dans une pensée anarchiste, de proposer des solutions palliatives, sans croyances démesurées quant à leur nature et leur durée, qui permettent, a défaut de tout révolutionner, de créer des liens, amoindrir la pauvreté, créer du contact avec les gens, tout en respectant au maximum cette nature qui, qu'on le veuille ou non, est autant mortel que nourricière, autant belle que souffrance...

Ca n'empeche pas le militantisme ouvert et frontal, c'est un plus, dans un ensemble cohérent.

Un peu de tout, tout le temps, histoire de ne pas hiérachiser les problemes qui ont tous leur importance. Opposer la possibilité a la nature de se régénérer et la disparition des classes sociales est pour le moins dommageable. On aura plus personne a défendre quand nos ressources seront perdues et, pire, d'ici la, les classes dominantes auront déja surprotégé leur "havre de paix" bien planqué je ne sais ou...

Et faut savoir que créer du lien social, avec des populations peu fortunée, en leur proposant un jardin "naturel" a auto-gérer, on tiens le bon bout par tout les sens.

Auto-gestion alimentaire
prise de conscience politique
création de lien social
avantage financier pour ces plus pauvres, en produisant eux-meme leur nourriture
augmentation du sentiment personnel de satisfaction etc etc ...
diminution de fréquentation des super marché et donc non promulgation directe de l'industrie polluante et capitaliste.

Tout a gagner en somme, mais ca n'enleve en rien la necessité d'action classiques, ca sert meme de lanceur possible. Vous aurez plus de gens défendant un lieu naturel si celui-ci est fréquenté et utilisé.

Qui parlait de faire du jardin le matin et philosopher l'après midi ? (philosopher s'entend, aimer la sagesse, etre dans cette quete ....)
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