"La Société du Bien-être" d'Agustin Garcia Calvo

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"La Société du Bien-être" d'Agustin Garcia Calvo

Messagede imanol le Lun 23 Juin 2014 16:51

Bonjour,

je tenais à vous annoncer la publication de "La Société du Bien-être" d'Agustin Garcia Calvo, que j'ai traduit, aux éditions le Pas de Côté. Ce livre est une version augmentée de "Analisis de la Sociedad del Bienestar", avec une préface de Luis Andrés Bredlow (traducteur de Debord, Stirner et d'écrits de la critique de la valeur (entre autres)) ainsi que de deux appendices "Dieu et l'Argent" et "Plus de rails, moins de routes".
Jusqu'à présent seules deux brochures d'Agustin Garcia Calvo étaient disponibles en français à l'Atelier de Création Libertaire ("Qu'est-ce que l'Etat ?" et "Contre la Paix- Contre la Démocratie")

Il me semble que ce livre peut intéresser les lectrices et lecteurs du forum anarchiste. Je vous renvoie à la présentation qu'en fait l'éditeur:

http://www.lepasdecote.fr/?p=825

Salut à vous !
imanol
 
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Pourquoi lire "La Société du Bien-être" d'Agustin Garcia Cal

Messagede imanol le Dim 7 Déc 2014 17:07

Pourquoi lire "La Société du Bien-être" d’Agustín García Calvo


L’intérêt de lire l’Analyse de la Société du Bien-Être c’est - comme le précise Luis Andrés Bredlow (professeur d’histoire de la philosophie à l’Université de Barcelone) dans son prologue à la première édition en français de ce livre édité par les Éditions Le Pas de côté - d’être l’écrit d’Agustín García Calvo « qui se prête le mieux à une première approche de cette "politique du peuple", qui est le contraire de la politique des politiciens, des partis et des États (cette dernière ne pouvant s’opposer au Capital et à l’Économie, étant mêlée à leurs affaires au point de ne plus pouvoir s’en distinguer) ».
Cela serait déjà donc une bonne raison pour lire ce livre ; car, même s’il a été écrit en 1993, les dernières crises du capitalisme mondialisé n’ont fait que confirmer et renforcer l’actualité de son analyse sur la « Société du Bien-être » - cette « utopie » capitaliste, fondée sur le Développement continu, qui s’est révélée être aujourd’hui une vraie escroquerie et un terrible cauchemar pour les exploités et la majeure partie des humains. Non seulement parce qu’en plus d’accroître l’écart entre le monde sous-développé et le monde développé et aussi les inégalités - entre les possédants et les dépossédés - dans ces deux mondes, elle met en péril aussi l’avenir des générations actuelles et futures avec l’irrationnel gaspillage des ressources de la planète. Car, ce Développement sert de mirage et d’appât pour la Foi dans le Progrès capitaliste afin de nous faire croire aux mensonges (les Idées de Temps, de Futur, de Réalité) sur lesquels repose actuellement la domination et qui, avec la Foi en l’Argent, nous empêchent de réagir face à elle et à son action dévastatrice du monde. En ce sens, ce livre est un complément précieux aux deux livres (Contre la Paix, Contre la Démocratie et Qu’est-ce que l’État ?) que l’Atelier de Création Libertaire de Lyon a édités, au début des années 1990, afin de faire connaître en France la pensée d’Agustín García Calvo, l’un des penseurs ayant analysé la domination dans ses supports les plus profonds de l’être individuel et collectif.

Dans le prologue de Contre la Paix, Contre la Démocratie, j’avais avancé plusieurs raisons pour lire les textes d’Agustín García Calvo. Ces raisons me paraissent aujourd’hui encore plus pressantes qu’alors. Fondamentalement parce que, pour faire renaître le désir d’émancipation, je continue à penser qu’il est « absolument nécessaire de démonter les artifices dialectiques qui ont conduit à cette impasse et de mettre à nu - en même temps - les contradictions de notre discours et de notre pratique révolutionnaires ». Et parce qu’il faut développer une attitude de négation conséquente. C’est-à-dire : non pas en faveur des opprimés, mais ; comme le dit García Calvo - contre les oppresseurs. Donc, « contre le Pouvoir, contre les Idées, contre l’État, contre l’Argent, contre le Seigneur éternel, et par conséquent contre son actualité : contre le Futur, contre le Progrès, contre la Mort ». C’est pourquoi je crois que la lecture de La Société du Bien-Être [1] peut être utile pour approfondir la réflexion sur la poursuite du combat contre la domination sous toutes ses formes.

Octavio Alberola


[1] Lire le compte-rendu de ce livre fait par Tomás Ibáñez dans le n° 33 de la revue RÉFRACTIONS.http://refractions.plusloin.org/
imanol
 
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Réfractions 33

Messagede imanol le Dim 7 Déc 2014 17:08

Réfractions n° 33

Parlant de Castoriadis il y a déjà quelques années, Edgar Morin n’hésita pas à le qualifier de véritable « Titan de la pensée », mon sentiment est que cette expression qui me semble on ne peut plus heureuse dans ce cas pourrait s’appliquer tout aussi bien à Agustín García Calvo.

Peu connu en France, mais auréolé d’un indéniable prestige dans la mouvance contestataire d’outre Pyrénées, Agustín García Calvo est probablement le penseur le plus original et le plus créatif de tous ceux qui ont agité la pensée espagnole au cours du dernier demi-siècle. [...]

Pratiquant avec talent l’art de cheminer hors des sentiers battus, y compris ceux qui serpentent le territoire anarchiste, il contribua à enrichir le discours libertaire en mettant au pilori certains poncifs trop rapidement assumés par cette pensée.[...]

Aujourd’hui, précédé d’un excellent prologue de Luis Andrés Bredlow, et complété par deux appendices, « Dieu et l’Argent », et « Plus de rails, moins de routes », le livre « La Société du Bien-être» peut constituer pour beaucoup d’entre nous l’occasion de découvrir une pensée que nos amis de l’Atelier de Création Libertaire de Lyon avaient déjà tenté de faire connaître au début des années 1990 en publiant deux brochures intitulées: Contre la Paix, Contre la Démocratie et Qu’est-ce que l’État. Signalons au passage que la prose d’Agustín García Calvo, souvent cadencée comme un poème fait pour être dit plutôt que pour être lu, présente des difficultés de traduction qui rendent bien méritoire le travail réalisé par Manuel Martinez avec la collaboration de Marjolaine François.

Vieille de vingt ans cette analyse critique de la société du Bien-être n’a rien perdu de son acuité et de sa justesse [...]. Analysant un monde construit autour du Développement, du Progrès, du Futur, du Bien-être, où le critère hégémonique est celui de la Rentabilité, García Calvo démonte minutieusement et avec une lucidité implacable les mensonges sur lesquels repose aujourd’hui la domination […].

Tout en dénonçant la société du Bien-être, Agustín García Calvo nous fait toucher du doigt l’extrême fragilité du système, il ne tient qu’aussi longtemps qu’il est capable de susciter la Foi en lui-même, comme l’avait déjà bien vu La Boétie dans son Contr’Un. Il nous fait voir la dimension énorme du mensonge dont le système a besoin et qu’il nourrit savamment pour pouvoir exister, mais si nous cessons de croire en ses mensonges, si nous renions de la Foi qu’il nous inculque et nous exige, il s’écroule immédiatement. [...]

L’Argent est finement analysé par García Calvo comme l’Abstraction par excellence, comme la Réalité des réalités, « l’empire du Développement a besoin de la création de nécessités comme industrie première, pour maintenir l’illusion selon laquelle l’argent peut satisfaire de telles nécessités », c’est pourquoi la société du Bien-être s’évertue à nous « faire croire que ce qui est bon pour l’argent est bon pour les gens » mais en réalité nous n’achetons que des substituts, qui nous font vivre une vie vide, « les biens du Bien-être ont le goût du vide » […].

Parmi les mensonges qu’Agustín García Calvo met en relief figure celui qui distingue l’État et le Capital. En effet, contrairement à ce que l’on veut nous faire croire, il considère que : « l’État et le Capital sont la même chose, et ne sont deux que par dissimulation ». García Calvo rejette donc la distinction classique entre l’économie et la politique qui, en réalité, ne font qu’un. Il précise, à l’appui de sa thèse : « l’Entreprise Privée et l’Administration Publique se sont rapprochées à tel point qu’elles forment désormais une seule âme ».

Tout au long de ces pages denses et fertiles nous trouvons de belles expressions comme celle qui nous prévient que « c’est uniquement en obéissant au pouvoir que l’on acquiert du pouvoir », ce qui, soit dit au passage, indique la vanité des incitations à construire un pouvoir populaire, ou l’absurdité de croire que l’on peut changer les choses en participant du pouvoir institutionnel. García Calvo ne cesse de nous rappeler que l’on ne peut pas combattre l’État en utilisant ses armes, car elles le reproduisent nécessairement. Les moyens, loin d’être neutres et de ne dépendre que de leur bon ou mauvais usage, portent, gravés en eux-mêmes, les fins qu’ils permettent d’atteindre.

Tomás Ibáñez
, Réfractions n° 33, Automne 2014, p. 166-168.
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