Malatesta : L'Organisation

Espace de débats sur l'anarchisme

Malatesta : L'Organisation

Messagede vroum le Mer 4 Sep 2013 14:46

Errico Malatesta
L'organisation (1897) SOMMAIRE

I - L'organisation principe et condition de la vie sociale

II - L'organisation du mouvement anarchiste

III - L'organisation des masses ouvrières contre le gouvernement et contre les patrons

- I -

L'organisation principe
et condition de la vie sociale


Il y a des années que l'on discute beaucoup parmi les anarchistes de cette question. Et comme il arrive souvent lorsqu'on discute passionnément à la recherche de la vérité, on se pique ensuite d'avoir raison. Lorsque les discutions théoriques ne sont que des tentatives pour justifier une conduite inspirée par d'autres motifs, il se produit une grande confusion d'idées et de mots.

Rappelons au passage, surtout pour nous en débarrasser, les simples questions de mots, qui ont parfois atteint les sommets du ridicule, comme par exemple : "Nous ne voulons pas l'organisation, mais l'harmonisation", "Nous sommes opposés à l'association, mais nous l'admettons", "Nous ne voulons pas de secrétaire ou de caissier, parce que c'est une signe d'autoritarisme, mais nous chargeons un camarade de s'occuper du courrier et un autre de l'argent" ; et passons à la discussion sérieuse.

Si nous ne pouvons nous mettre d'accord, tâchons au moins de nous comprendre.

Et avant tout distinguons, puisque la question est triple : l'organisation en général comme principe et condition de la vie sociale ; l'organisation du mouvement anarchiste et l'organisation des forces populaires et en particulier celle des masses ouvrières pour résister au gouvernement et au capitalisme.

Le besoin de l'organisation dans la vie sociale - je dirai qu'organisation et société sont presque synonymes - est une chose si évidente que l'on a de la peine à croire qu'elle ait pu être niée.

Pour nous en rendre compte, il faut rappeler quelle est la fonction spécifique, caractéristique du mouvement anarchiste, et comment les hommes et les partis sont sujets à se laisser absorber par la question qui les regarde le plus directement, en oubliant tout ce qui s'y rattache, en donnant plus d'importance à la forme qu'à la substance et enfin en ne voyant les choses que d'un côté en ne distinguant plus la juste notion de la réalité.

Le mouvement anarchiste a débuté comme une réaction contre l'autoritarisme dominant dans la société, de même que tous les partis et les organisations ouvrières, et s'est accentué au fur et à mesure de toutes les révoltes contre les tendances autoritaires et centralistes.

Il était donc naturel que de nombreux anarchistes soient comme hypnotisés par cette lutte contre l'autorité et qu'ils combattent, pour contrecarrer l'influence de l'éducation autoritaire, tant l'autorité que l'organisation, dont elle est l'âme.

En vérité cette fixation est arrivée au point de faire soutenir des choses vraiment incroyables. On a combattu toute sorte de coopération et d'accord, parce que l'association est l'antithèse de l'anarchie. On affirme que sans accords, sans obligations réciproques, chacun faisant ce qui lui passe par la tête sans même s'informer de ce que font les autres, tout serait spontanément en harmonie : qu'anarchie signifie que chacun doit se suffire à lui-même et faire lui-même tout ce dont il a envie, sans échange et sans travail en association. Ainsi les chemins de fer pouvaient fonctionner très bien sans organisation, comme cela se passait en Angleterre (!). La poste n'était pas nécessaire : quelqu'un de Paris, qui voulait écrire une lettre à Pétersbourg... pouvait la porter lui-même (!!), etc.

On dira que ce ne sont là que des bêtises, dont il ne vaut pas la peine de discuter. Oui, mais ces bêtises ont été dites, propagées : elles ont été accueillies par une grande partie des gens comme l'expression authentique des idées anarchistes. Elles servent toujours comme armes de combat des adversaires, bourgeois et non-bourgeois, qui veulent remporter sur nous une facile victoire. Et puis, ces "bêtises" ne manquent pas de valeur, en tant qu'elles sont la conséquence logique de certaines prémisses et qu'elles peuvent servir de preuve expérimentale de la vérité ou du moins de ces prémisses.

Quelques individus, d'esprit limité pourvus d'un esprit logique puissant, quand ils ont accepté des prémisses en tirent toutes les conséquences jusqu'au bout, et, si la logique le veut ainsi, arrivent sans se démonter aux plus grandes absurdités, à la négation des faits les plus évidents. Mais il y en a d'autres plus cultivés et d'esprit plus large, qui trouvent toujours moyen d'arriver à des conclusions plus ou moins raisonnables, même au prix d'entorses à la logique. Pour eux, les erreurs théoriques ont peu ou aucune influence sur la conduite pratique. Mais en somme, jusqu'à ce qu'on n'ait pas renoncé à certaines erreurs fondamentales, on est toujours menacé de syllogismes à outrance, et on revient toujours au début.

Et l'erreur fondamentale des anarchistes adversaires de l'organisation est de croire qu'il n'y a pas de possibilité d'organisation sans autorité. Et une fois cette hypothèse admise, ils préfèrent renoncer à toute organisation, plutôt qu'accepter le minimum d'autorité.

Maintenant que l'organisation, c'est-à-dire l'association dans un but déterminé et avec les formes et les moyens nécessaires pour poursuivre ce but, soit nécessaire à la vie sociale, c'est une évidence pour nous. L'homme isolé ne peut même pas vivre comme un animal : il est impuissant (sauf dans les régions tropicales et lorsque la population est très dispersée) et ne peut se procurer sa nourriture ; il est incapable, sans exception, d'avoir une vie supérieure à celle des animaux. Par conséquent il est obligé de s'unir à d'autres hommes, comme l'évolution antérieure des espèces le montre, et il doit soit subir la volonté des autres (l'esclavage), soit imposer sa volonté aux autres (autoritarisme), soit vivre avec les autres en fraternel accord pour le plus grand bien de tous (association). Nul ne peut échapper à cette nécessité. Les anti-organisateurs les plus effrénés subissent non seulement l'organisation générale de la société où ils vivent, mais également dans leurs actes, leur révolte contre l'organisation, ils s'unissent, se divisent la tâche, s'organisent avec ceux qui partagent leurs idées, en utilisant les moyens que la société met à leur disposition ; à condition que ce soient des faits réels et non de vagues aspirations platoniques.

Anarchie signifie société organisée sans autorité, en comprenant autorité comme la faculté d'imposer sa volonté. Cela veut dire aussi le fait inévitable et bénéfique que celui qui comprend mieux et sait faire une chose, réussit à faire accepter plus facilement son opinion. Il sert de guide, pour cette chose, aux moins capables que lui.

Selon nous l'autorité n'est non seulement pas nécessaire à l'organisation sociale, mais loin de l'aider elle vit en parasite, gêne l'évolution et profite à une classe donnée qui exploite et opprime les autres. Tant que dans une collectivité il y a harmonie d'intérêts, que personne ne peut frustrer les autres, il n'y a pas trace d'autorité. Elle apparaît avec la lutte intestine, la division en vainqueurs et vaincus, les plus forts confirmant leur victoire.

Nous avons cette opinion et c'est pourquoi nous sommes anarchistes, dans le cas contraire, affirmant qu'il ne peut y avoir d'organisation sans autorité, nous serons autoritaires. Mais nous préférons encore l'autorité qui gêne et attriste la vie, à la désorganisation qui la rend impossible.

Du reste, ce que nous serons nous importe peu. S'il est vrai que le machiniste et le chef de train et le chef de service doivent forcément avoir de l'autorité, ainsi que les camarades qui font pour tous un travail déterminé, les gens aimeront toujours mieux subir leur autorité plutôt que de voyager à pied. Si les P.T.T. n'étaient que cette autorité, tout homme sain d'esprit l'accepterait plutôt que de porter lui-même ses lettres. Si on refuse cela, l'anarchie restera le rêve de quelques-uns et ne se réalisera jamais.


- II -
L'organisation du mouvement anarchiste




L'existence d'une collectivité organisée sans autorité, c'est-à-dire sans coercition, étant admise, sinon l'anarchie n'aurait pas de sens, venons-en à parler de l'organisation du mouvement anarchiste.

Même dans ces cas, l'organisation nous semble utile et nécessaire. Si le mouvement veut dire l'ensemble des individus qui ont un but commun et s'efforcent de l'atteindre, il est naturel qu'ils s'entendent, unissent leurs forces, se partagent le travail et prennent toutes les mesures adéquates pour remplir cette tâche. Rester isolé, agissant ou voulant agir chacun pour son compte sans s'entendre avec les autres, sans se préparer, sans unir en un faisceau puisant les faibles forces des isolés, signifie se condamner à la faiblesse, gaspiller son énergie en de petits actes inefficaces, perdre rapidement la foi dans le but et tomber dans l'inaction complète.

Mais cela semble tellement évident qu'au lieu d'en faire la démonstration, nous répondrons aux arguments des adversaires de l'organisation.

Et avant tout il y a une objection, pour ainsi dire, formelle. "Mais de quel mouvement nous parlez-vous ? nous dit-on, nous n'en sommes pas un, nous n'avons pas de programme." Ce paradoxe signifie que les idées progressent et évoluent continuellement et qu'ils ne peuvent accepter un programme fixe, peut-être valable aujourd'hui, mais qui sera certainement dépassé demain.

Ce serait parfaitement juste s'il s'agissait d'étudiants qui cherchent le vrai, sans se soucier des applications pratiques. Un mathématicien, un chimiste, un psychologue, un sociologue peuvent dire qu'il n'y a pas de programme autre que celui de chercher la vérité : ils veulent connaître, mais pas faire quelque chose. Mais l'anarchie et le socialisme ne sont pas des sciences : ils sont des propositions, des projets que les anarchistes et les socialistes veulent mettre en pratique et qui, par conséquent, ont besoin d'être formulés en programme déterminés. La science et l'art des constructions progressent chaque jour. Mais un ingénieur, qui veut construire ou même démolir, doit faire son plan, réunir ses moyens d'action et agir comme si la science et l'art s'étaient arrêtés au point où il les a trouvés au début de son travail. Il peut heureusement arriver qu'il puisse utiliser de nouvelles acquisitions faites au cours de son travail sans renoncer à la partie essentielle de son plan. Il se peut également que les nouvelles découvertes et les nouveaux moyens de l'industrie soient tels qu'il se voit dans l'obligation d'abandonner tout, et de recommencer de zéro. Mais en recommençant, il aura besoin de faire un nouveau plan basé sur ce qui est connu et acquis alors, il ne pourra concevoir et se mettre à exécuter une construction amorphe, avec des matériaux non composés, sous prétexte que demain la science pourrait en suggérer des formes meilleures et l'industrie fournir des matériaux de meilleure composition.

Nous entendons par mouvement anarchiste l'ensemble de ceux qui veulent contribuer à réaliser l'anarchie, et qui, par conséquent, ont besoin de se fixer un but à atteindre et un chemin à parcourir. Nous laissons bien volontiers à leurs élucubrations transcendantales les amateurs de vérité absolue et de progrès continu, qui, ne mettant jamais leurs idées à l'épreuve des faits, finissent par ne rien faire ni découvrir.

L'autre objection est que l'organisation crée des chefs, une autorité. Si cela est vrai, s'il est vrai que les anarchistes sont incapables de se réunir et de se mettre d'accord entre eux sans se soumettre à une autorité, cela veut dire qu'ils sont encore très peu anarchistes. Avant de penser à établir l'anarchie dans le monde, ils doivent songer à se rendre capables eux-mêmes de vivre en anarchistes. Le remède n'est pas dans l'organisation, mais dans la conscience perfectible des membres.

Évidement si, dans une organisation, on laisse à quelques-uns tout le travail et toutes les responsabilités, si on subit ce que font certains sans mettre la main à la pâte et chercher à faire mieux, ces "quelques-uns" finiront, même s'ils ne le veulent pas, par substituer leur propre volonté à celle de la collectivité. Si dans une organisation tous les membres ne se préoccupent pas de penser, de vouloir comprendre, de se faire expliquer ce qu'ils ne comprennent pas, d'exercer sur tout et sur tous leurs facultés critiques et laissent à quelques-uns la responsabilité de penser pour tous, ces "quelques-uns" seront les chefs, les têtes pensantes et dirigeantes.

Mais, nous le répétons, le remède n'est pas dans l'absence d'organisation. Au contraire, dans les petites comme dans les grandes sociétés, à part la force brutale, dont il ne peut être question dans notre cas, l'origine et la justification de l'autorité résident dans la désorganisation sociale. Quand une collectivité a un besoin et que ses membres ne se sont pas organisés spontanément d'eux-mêmes pour y pourvoir, il surgit quelqu'un, une autorité qui pourvoit à ce besoin en se servant des forces de tous et en les dirigeant à sa guise. Si les rues sont peu sûres et que le peuple ne sait pas se défendre, il surgit une police qui, pour les quelques services qu'elle rend, se fait entretenir et payer, s'impose et tyrannise. S'il y a besoin d'un produit et que la collectivité ne sait pas s'entendre avec des producteurs lointains pour se le faire envoyer en échange de produits du pays, il vient du dehors le marchand, qui profite du besoin qu'ont les uns de vendre et les autres d'acheter, et il impose les prix qu'il veut aux producteurs et aux consommateurs.

Vous voyez que tout vient toujours de nous : moins nous avons été organisés, plus nous nous sommes trouvés sous la coupe de certains individus. Et il normal qu'il en ait été ainsi.

Nous avons besoin d'être en relation avec les camarades des autres localités, de recevoir et de donner des nouvelles, mais nous ne pouvons chacun correspondre avec tous les camarades. Si nous sommes organisés, nous chargeons des camarades de tenir la correspondance pour notre compte ; nous les changeons s'ils ne nous satisfont pas, et nous pouvons être au courant sans dépendre de la bonne volonté de quelques-uns pour avoir une information. Si au contraire, nous sommes désorganisés, il y aura quelqu'un qui aura les moyens et la volonté de correspondre, il concentrera dans ses mains tous les contacts, communiquera les nouvelles comme il lui plaît, à qui lui paît. Et s'il a une activité et une intelligence suffisante, il réussira, à notre insu, à donner au mouvement la direction qu'il veut, sans qu'il nous reste, nous la masse du mouvement, aucun moyen de contrôle ; sans que personne ait le droit de se plaindre, puisque cet individu agit pour son compte, sans mandat de personne et sans devoir rendre compte à personne de sa conduite.

Nous avons besoin d'avoir un journal. Si nous sommes organisés, nous pouvons réunir les moyens de le fonder et de le faire vivre, charger quelques camarades de le rédiger et en contrôler la direction. Les rédacteurs du journal lui donneront certainement, de façon plus ou moins nette, l'empreinte de leur personnalité, mais ce seront toujours des gens que nous aurons choisis et que nous pourrons remplacer. Si au contraire nous sommes désorganisés, quelqu'un qui a suffisamment d'esprit d'entreprise fera le journal pour son propre compte : il trouvera parmi nous les correspondants, les distributeurs, les abonnés, et nous fera servir ses desseins, sans que nous le sachions ou le voulions. Et nous, comme c'est souvent arrivé, accepterons ou soutiendrons ce journal, même s'il ne nous plaît pas, même si nous pensons qu'il est nuisible à la Cause, parce que nous serons incapables d'en faire un qui représente mieux nos idées.

De sorte que l'organisation, loin de créer l'autorité, est le seul remède contre elle et le seul moyen pour que chacun de nous s'habitue à prendre une part active et consciente dans le travail collectif, et cesse d'être un instrument passif entre les mains des chefs.

Si rien ne se fait et s'il y a inaction, alors certes il n'y aura ni chef ni troupeau, ni commandant ni commandés, mais alors la propagande, le mouvement, et même la discussion sur l'organisation, cesseront, ce qui, espérons-le, n'est l'idéal de personne...

Mais une organisation, dit-on, suppose l'obligation de coordonner sa propre action, celle des autres, donc de violer la liberté, de supprimer l'initiative. Il nous semble que ce qui vraiment enlève la liberté et rend impossible l'initiative, c'est l'isolement qui rend impuissant. La liberté n'est pas un droit abstrait, mais la possibilité de faire une chose. Cela est vrai pour nous comme pour la société en général. C'est dans la coopération des autres que l'homme trouve le moyen d'exercer son activité, sa puissance d'initiative.

Évidement, organisation signifie la coordination des forces dans un but commun et l'obligation de ne pas faire des actions contraires à ce but. Mais quand il s'agit d'organisation volontaire, quand ceux qui en font partie ont vraiment le même but et sont partisans des mêmes moyens, l'obligation réciproque qui les engage tous réussit avantageusement à tous. Si l'un renonce à une de ses idées personnelles par égard à l'union, cela veut dire qu'il trouve plus avantageux de renoncer à une idée, que du reste il ne pourrait réaliser seul, plutôt que de se priver de la coopération des autres dans ce qu'il croit de plus grande importance.

Si par la suite un individu voit que personne, dans les organisations existantes, n'accepte ses idées et ses méthodes dans ce qu'elles ont d'essentiel et que dans aucune il ne peut développer sa personnalité comme il l'entend, alors il fera bien de rester en dehors. Mais alors, s'il ne veut pas rester inactif et impuissant, il devra chercher d'autres individus qui pensent comme lui, et se faire l'initiateur d'une nouvelle organisation.

Une autre objection, et c'est la dernière que nous aborderons, est qu'étant organisés, nous sommes plus exposés à la répression gouvernementale.

Il nous paraît, au contraire, que plus on est uni, plus on peut se défendre efficacement. En fait, à chaque fois que la répression nous a surpris alors que nous étions désorganisés, elle nous a complètement mis en déroute et a anéanti notre travail précédent. Quand nous étions organisés, elle nous a fait plus de bien que de mal. Il en va de même en ce qui concerne l'intérêt personnel des individus : par exemple dans les dernières répressions, les isolés ont été autant et peut-être plus gravement frappé que les organisés. C'est le cas, organisés ou non, des individus qui font de la propagande individuelle. Pour ceux qui ne font rien et cachent leurs convictions, le danger est certes minime, mais l'utilité qu'ils amènent à la Cause l'est également.

Le seul résultat, du point de vue de la répression, qu'on obtient en étant désorganisé est d'autoriser le gouvernement à nous refuser le droit d'association et de rendre possible de monstrueux procès pour associations délictueuses. Le gouvernement n'agirait pas de même envers des gens qui affirment hautement, publiquement, le droit et le fait d'être associés, et s'il l'osait, cela tournerait à son désavantage et à notre profit.

Du reste, il est naturel que l'organisation prenne les formes que les circonstances conseillent et imposent. L'important n'est pas tant l'organisation formelle que l'esprit d'organisation. Il peut y avoir des cas, pendant la fureur de la réaction, où il est utile de suspendre toute correspondance, de cesser toutes les réunions : ce sera toujours un mal, mais si la volonté d'être organisé subsiste, si l'esprit d'association reste vif, si la période précédente d'activité coordonnée a multiplié les rapports personnels, produit de solides amitiés et crée un accord réel d'idée et de conduite entre les camarades, alors le travail des individus, même isolés, participera au but commun. Et on trouvera rapidement le moyen de se réunir de nouveau et de réparer le dommage subi.

Nous sommes comme une armée en guerre et nous pouvons, suivant le terrain et les mesures prises par l'ennemi, combattre en masse ou en ordre dispersé : l'essentiel est que nous nous considérions toujours membres de la même armée, que nous obéissions tous aux mêmes idées directrices et que nous soyons toujours prêts à nous réunir en colonnes compactes quand c'est nécessaire et quand on le peut.

Tout ce que nous avons dit s'adresse aux camarades qui sont réellement adversaires du principe de l'organisation. À ceux qui combattent l'organisation, seulement parce qu'ils ne veulent pas y entrer, ou n'y sont pas acceptés, ou ne sympathisent pas avec les individus qui en font partie, nous disons : faites avec ceux qui sont d'accord avec vous une autre organisation. Certes, nous aimerions pouvoir être tous d'accord et réunir dans un faisceau puissant toutes les forces de l'anarchisme. Mais nous ne croyons pas dans la solidité des organisations faites à force de concessions et de sous-entendus, où il n'y a pas entre les membres de sympathie et d'accords réels. Mieux vaut être désunis que mal unis. Mais nous voudrions que chacun s'unisse avec ses amis et qu'il n'y ait pas de forces isolées, de forces perdues.


- III -
L'organisation des masses ouvrières contre le gouvernement et contre les patrons




Nous l'avons déjà répété : sans organisation, libre ou imposée, il ne peut y avoir de société, sans organisation consciente et voulue, il ne peut y avoir ni liberté ni garantie que les intérêts de ceux qui vivent dans la société soient respectés. Et qui ne s'organise pas, qui ne recherche pas la coopération des autres et n'offre pas la sienne dans des conditions de réciprocité et de solidarité, se met nécessairement en état d'infériorité et reste un rouage inconscient dans le mécanisme social que les autres actionnent à leur façon, et à leur avantage.

Les travailleurs sont exploités et opprimés parce qu'étant désorganisés en tout ce qui concerne la protection de leurs intérêts, ils sont contraints par la faim ou la violence brutale, de faire ce que veulent les dominateurs au profit desquels la société actuelle est organisée. Les travailleurs s'offrent eux-mêmes (en tant que soldats et capital) à la force qui les assujettit. Ils ne pourront jamais s'émanciper tant qu'ils n'auront pas trouvé dans l'union la force morale, la force économique et la force physique qu'il leur faut pour abattre la force organisée des oppresseurs.

Il y a eu des anarchistes, et il en reste encore, qui, tout en reconnaissant la nécessité de l'organisation dans la société future et le besoin de s'organiser maintenant pour la propagande et l'action, sont hostile à toute organisation qui n'a pas pour but direct l'anarchie et ne suit pas les méthodes anarchistes. Et certains se sont éloigné de toutes les associations ouvrières qui se proposent la résistance et l'amélioration des conditions dans l'ordre actuel des choses, ou ils s'y sont mêlés avec le but avoué de les désorganiser; tandis que d'autres, tout en admettant qu'on pouvait faire partie des associations de résistance existantes, ont considéré presque comme une défection de tenter d'en organiser de nouvelles.

Il a paru à ces camarades que toutes les forces, organisées dans un but autre que radicalement révolutionnaire, seraient peut-être soustraites à la révolution. Il nous semble, au contraire, et l'expérience nous l'a déjà trop montré, que leur méthode condamnerait le mouvement anarchiste à une perpétuelle stérilité.

Pour faire de la propagande, il faut se trouver au milieu des gens. C'est dans les associations ouvrières que l'ouvrier trouve ses camarades et en principe ceux qui sont le plus disposés à comprendre et à accepter nos idées. Et quand bien même, on pourrait faire hors des associations autant de propagande que l'on voudrait, cela ne pourrait avoir d'effet sensible sur la masse ouvrière. Mis à part un petit nombre d'individus plus instruits et capables de réflexions abstraites et d'enthousiasmes théoriques, l'ouvrier ne peut arriver d'un coup à l'anarchie. Pour devenir anarchiste sérieusement et pas seulement de nom, il faut qu'il commence à sentir la solidarité qui le lie à ses camarades, qu'il apprenne à coopérer avec les autres dans la défense des intérêts communs et que, luttant contre les patrons, il comprenne que patrons et capitaliste sont des parasites inutiles et que les travailleurs pourraient conduire eux-mêmes l'administration sociale. Lorsqu'il comprend cela, le travailleur est anarchiste, même s'il n'en porte pas le nom.

D'autre part, favoriser les organisations populaires de toute sorte est la conséquence logique de nos idées fondamentales et, donc, cela devrait faire partie intégrante de notre programme.

Un parti autoritaire, qui vise à s'emparer du pouvoir pour imposer ses idées, a intérêt à ce que le peuple reste une masse amorphe, incapable d'agir par elle-même et, donc, toujours facile à dominer. Logiquement donc, il ne désire qu'un certain niveau d'organisation, selon la forme qui aide à la prise du pouvoir : organisation électorale, s'il espère y arriver par la voie légale; organisation militaire, s'il compte sur l'action violente.

Nous, anarchistes, nous ne voulons pas émanciper le peuple, nous voulons que le peuple s'émancipe. Nous ne croyons pas au fait imposé d'en haut par la force; nous voulons que le nouveau mode de vie sociale sorte des entrailles du peuple et corresponde au degré de développement atteint par les hommes et puisse progresser à mesure que les hommes avancent. Nous désirons donc que tous les intérêts et toutes les opinions trouvent dans une organisation consciente la possibilité de se mettre en valeur et d'influencer la vie collective, en proportion de leur importance.

Nous nous sommes donné pour but de lutter contre la présente organisation sociale et d'abattre les obstacles qui s'opposent à l'avènement d'une société nouvelle où la liberté et le bien-être seront assurés à tous. Pour poursuivre ce but nous nous unissons et nous cherchons à devenir le plus nombreux et le plus fort possible. Mais les autres aussi sont organisés.

Si les travailleurs restaient isolés comme autant d'unités indifférentes les unes aux autres, attaché à une chaîne commune; si nous-mêmes nous n'étions pas organisés avec les travailleurs en tant que travailleurs, nous ne pourrions arriver à rien ou, dans le meilleur des cas, nous ne pourrions que nous imposer... et alors ce ne serait plus le triomphe de l'anarchie, mais le nôtre. Et nous ne pourrions plus nous dire anarchistes, nous serions de simples gouvernants et nous serions incapables de faire le bien comme tous les gouvernants.

On parle souvent de révolution et on croit par ce mot résoudre toutes les difficultés. Mais que doit être, que peut être cette révolution à laquelle nous aspirons?

Abattre les pouvoirs constitués et déclarer déchu le droit de propriété, c'est bien : une organisation politique peut le faire... et encore, il faut que cette organisation, en dehors de ces forces, compte sur la sympathie des masses et sur une suffisante préparation de l'opinion publique.

Mais après? La vie sociale n'admet pas d'interruptions. Durant la révolution ou l'insurrection, comme on voudra, et aussitôt après, il faut manger, s'habiller, voyager, imprimer, soigner les malades, etc., et ces choses ne se font pas d'elles-mêmes. Aujourd'hui le gouvernement et les capitalistes les organisent pour en tirer profit, lorsqu'ils auront été abattus, il faudra que les ouvriers le fassent eux-mêmes au profit de tous, ou bien ils verront surgir, sous un nom ou un autre de nouveaux gouvernants et de nouveaux capitalistes.

Et comment les ouvriers pourraient-ils pourvoir aux besoins urgents s'ils ne sont pas déjà habitués à se réunir et à discuter ensemble des intérêts communs et ne sont pas déjà prêts, d'une certaine façon, à accepter l'héritage de la vieille société?

Dans une ville où les négociants en grain et les patrons boulangers auront perdu leurs droits de propriété et, donc, l'intérêt à approvisionner le marché, dès le lendemain il faudra trouver dans les magasins le pain nécessaire à l'alimentation du public. Qui y pensera si les ouvriers boulangers ne sont pas déjà associés et prêts à travailler sans les patrons et si en attendant la révolution, ils n'ont pas pensé par avance à calculer les besoins de la ville et les moyens d'y pourvoir?

Nous ne voulons pas dire pour autant que pour faire la révolution, il faut attendre que tous les ouvriers soient organisés. Ce serait impossible, vu les conditions du prolétariat, et heureusement ce n'est pas nécessaire. Mais il faut du moins qu'il y ait des noyaux autour desquels les masses puissent se regrouper rapidement, dès qu'elles seront libérées du poids qui les opprime. Si c'est une utopie de vouloir faire la révolution seulement lorsque nous serons tous prêts et d'accord, c'en est une plus grande encore que de vouloir la faire sans rien et personne. Il faut une mesure en tout. En attendant, travaillons pour que les forces conscientes et organisées du prolétariat s'accroissent autant que possible. Le reste viendra de lui-même.
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Re: Malatesta : L'Organisation

Messagede gloubi le Mer 4 Sep 2013 14:54

Si cela est vrai, s'il est vrai que les anarchistes sont incapables de se réunir et de se mettre d'accord entre eux sans se soumettre à une autorité, cela veut dire qu'ils sont encore très peu anarchistes.


Et oui Errico, et oui.
Et ça n'a pas trop changé depuis 1887.
Mais à leur décharge, il faut considérer aussi que personne n'est étanche à ce qui l'entoure, même pas un anarchiste.
gloubi
 

Re: Malatesta : L'Organisation

Messagede vroum le Mer 4 Sep 2013 15:00

et celle là elle est pas mal aussi gloubi :

Rappelons au passage, surtout pour nous en débarrasser, les simples questions de mots, qui ont parfois atteint les sommets du ridicule, comme par exemple : "Nous ne voulons pas l'organisation, mais l'harmonisation", "Nous sommes opposés à l'association, mais nous l'admettons", "Nous ne voulons pas de secrétaire ou de caissier, parce que c'est une signe d'autoritarisme, mais nous chargeons un camarade de s'occuper du courrier et un autre de l'argent" ; et passons à la discussion sérieuse.
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Re: Malatesta : L'Organisation

Messagede gloubi le Mer 4 Sep 2013 15:50

Effectivement.
En voilà une autre qui devrait pas mal te plaire :


MAJORITÉS ET MINORITÉS

L'Agitazione,du 14 mars 1897

Très chers compagnons,
Je me réjouis de la publication prochaine du journal L'Agitazione et je vous souhaite de tout coeur le succès le plus complet. Votre journal paraît à un moment où la nécessité s'en fait beaucoup sentir, et j'espère qu'il pourra être un organe sérieux de discussion et de propagande, et un moyen efficace pour rassembler et resserrer les rangs dispersés de notre parti.

Vous pouvez compter sur mon concours dans toute la mesure où mes forces, malheureusement faibles, me le permettront.

Pour cette fois, ne serait-ce que pour inaugurer ma future collaboration, je vous écrirai à propos de quelques points qui me concernent personnellement d'une certaine façon, mais qui ne sont pas sans importance par rapport à la propagande générale.

Comme vous le savez, notre ami Merlino s'égare maintenant dans la vaine tentative de vouloir concilier l'anarchie et le parlementarisme ; en voulant soutenir, dans sa lettre au Messaggero, que " le parlementarisme n'est pas destiné à disparaître entièrement et qu'il en restera toujours quelque chose, y compris dans la société que nous souhaitons ", il rappelle un article que j'ai écrit et envoyé à la conférence anarchiste de Chicago en 1893, article où je soutenais que " pour certaines choses, l'avis de la majorité devra nécessairement l'emporter sur celui de la minorité ".

C'est exact ; et aujourd'hui, mes idées ne sont pas différentes de celles que j'exprimais dans l'article dont il s'agit. Mais en citant une phrase de moi, tronquée pour soutenir une thèse différente de celle que je soutenais, Merlino laisse dans l'ombre et dans l'ambiguïté ce que je voulais réellement dire.

A savoir ceci : il y avait à l'époque - et il y en a encore quelques-uns aujourd'hui - beaucoup d'anarchistes qui, confondant la forme et le fond et s'intéressant plus aux mots qu'aux choses, s'étaient constitué une espèce de " rituel de la vérité anarchiste " qui entravait leur action et les amenait à soutenir des choses absurdes et grotesques.

Ainsi, par exemple, partant du principe que la majorité n'a pas le droit d'imposer sa volonté à la minorité, ils en concluaient qu'on ne devait jamais rien faire qui ne soit approuvé à l'unanimité des présents. Confondant le vote politique qui sert à se donner des patrons et le vote qui est un moyen commode et rapide d'exprimer sa propre opinion, ils considéraient comme anti-anarchiste toute espèce de vote. Ou encore : on convoquait une réunion pour dénoncer une violence de la part du gouvernement ou des patrons, ou pour montrer la sympathie populaire pour tel ou tel événement ; les gens venaient, écoutaient les discours des organisateurs, écoutaient ceux des contradicteurs et puis repartaient sans exprimer leur propre opinion parce que le seul moyen de l'exprimer était le vote sur les différentes motions... et que voter n'était pas anarchiste.

Un cercle voulait faire une affiche : différentes rédactions étaient proposées et les avis des membres du cercle étaient partagés à ce sujet ; on discutait à n'en plus finir, mais on n'arrivait jamais à savoir quelle était l'opinion prédominante parce qu'il était interdit de voter ; et donc : ou l'affiche n'était pas tirée, ou certains tiraient de leur côté celle qu'ils préféraient ; le cercle se dissolvait alors qu'en fait il n'y avait aucune dissension réelle et qu'il s'agissait seulement d'une question de style. La conséquence de cette façon d'agir, qu'ils disaient être une garantie de liberté, c'était que seuls quelques-uns, les mieux dotés de qualités oratoires, faisaient et défaisaient alors que ceux qui ne savaient pas, ou n'osaient pas parler en public, et qui sont toujours la grande majorité, ne comptaient pas du tout. Et puis l'autre conséquence, plus grave et vraiment mortelle pour le mouvement anarchiste, c'était que les anarchistes ne se croyaient pas liés par la solidarité ouvrière et qu'ils allaient travailler en pleine grève, parce que la grève avait été votée à la majorité alors qu'ils s'y opposaient. Et ils allaient même jusqu'à ne pas oser traiter de crapules de soi-disant anarchistes qui demandaient de l'argent aux patrons, et en recevaient, pour combattre une grève au nom de l'anarchie -je pourrais citer des noms, s'il le faut.

C'est contre ces aberrations et d'autres semblables que s'élevait l'article que j'ai envoyé à Chicago.

Je soutenais qu'il n'y aurait pas de vie en société possible si vraiment on ne devait jamais rien faire ensemble qui n'ait reçu l'accord unanime de tous. Que les idées, les opinions sont en perpétuelle évolution et se différencient insensiblement par degrés, alors que les réalisations pratiques changent brusquement par sauts ; et que si jamais un jour tout le monde était parfaitement d'accord sur les avantages de telle ou telle chose, cela signifierait que, pour cette chose-là, il n'y aurait plus de progrès possible. Ainsi, par exemple, s'il s'agissait de faire un chemin de fer: il y aurait certainement mille opinions différentes sur le tracé de la voie, sur le matériel, sur le type de locomotive et de wagons, l'emplacement des gares, etc., et ces opinions changeraient de jour en jour, mais si on veut faire ce chemin de fer, il faut bien choisir entre les différentes opinions existantes, et on ne pourrait pas tous les jours modifier le tracé, changer les gares de place, prendre un autre type de locomotive. Et tant qu'à choisir, il vaut mieux contenter le plus grand nombre ; à condition, bien sûr, de donner à la minorité toute la liberté et tous les moyens possibles de faire de la propagande pour ses idées, les expérimenter et chercher à devenir la majorité.

Il est donc raisonnable, juste et nécessaire que la minorité cède devant la majorité, pour tout ce qui n'admet pas plusieurs solutions dans le même temps ; ou lorsque les différences d'opinion ne sont pas d'une importance telle qu'il vaille la peine de se diviser et que chaque fraction agisse à sa manière ; ou quand le devoir de solidarité impose l'union.

Mais le fait de céder, pour la minorité, doit être l'effet de la libre volonté, déterminée par la conscience de la nécessité : ce ne doit pas être un principe, une loi, qui s'applique par conséquent dans tous les cas, même lorsque la nécessité ne s'en fait pas réellement sentir. C'est en cela que consiste la différence entre l'anarchie et toute forme de gouvernement. Toute la vie sociale est pleine de ces nécessités où on doit oublier ses propres préférences pour ne pas heurter les droits des autres. J'entre dans un café, je vois que la place que je préfère est occupée et je vais tranquillement m'asseoir ailleurs où, peut-être, il y a un courant d'air qui ne me fait pas du bien. Je vois des personnes qui parlent de façon à ce qu'on comprenne qu'elles ne veulent pas être écoutées et je m'écarte, ce qui peut-être me dérange, pour ne pas les déranger, elles. Mais cela, je le fais parce que cela m'est imposé par mon instinct d'homme social, parce que je suis habitué à vivre parmi les hommes, et par mon intérêt à ne pas me faire mal traiter ; si j'agissais autrement, ceux que je dérangerais me feraient vite comprendre, d'une façon ou d'une autre, les ennuis qu'entraîne le fait d'être un rustre. Je ne veux pas que des législateurs viennent me dire de quelle façon je doit me comporter dans un café, et je ne les crois pas capables de m'apprendre l'éducation que je n'aurais pas su apprendre de la société dans laquelle je vis.

Comment fait donc Merlino pour tirer de tout cela qu'un reste de parlementarisme devra exister jusque dans la société que nous souhaitons ?

Le parlementarisme est une forme de gouvernement dans laquelle les élus du peuple réunis en corps législatif font les lois qui leur chantent, à la majorité des voix, et les imposent au peuple avec tous les moyens coercitifs dont ils peuvent disposer.

Et c'est un reste de ces belles prérogatives que Merlino voudrait conserver, y compris en Anarchie ? Au Parlement, on parle, on discute, on délibère et cela se fera toujours, dans n'importe quelle société possible et imaginable : est-ce cela que Merlino appelle un reste de parlementarisme ?

Ce serait vraiment trop jouer sur les mots, et Merlino est capable d'employer d'autres procédés, et bien plus sérieux, dans une discussion.

Quand nous polémiquions tous les deux avec ces anarchistes qui sont opposés à tout congrès parce qu'ils y voient précisément une forme de parlementarisme, Merlino ne se souvient donc pas de ce que nous soutenions tous les deux ? A savoir que l'essence du parlementarisme est dans le fait que les parlements font les lois et les imposent ; alors qu'un congrès anarchiste ne fait que discuter et proposer des résolutions qui n'ont valeur exécutoire qu'après approbation des mandants et seulement pour ceux qui les approuvent.

Ou bien est-ce que les mots auraient changé de sens, maintenant que Merlino n'a plus les mêmes idées ?


Errico Malatesta
gloubi
 

Re: Malatesta : L'Organisation

Messagede indigné révolté le Sam 7 Sep 2013 17:44

Wikipédia

En 1872, durant le congrès de Saint-Imier, pour la création de l'internationale anti-autoritaire, il rencontre le révolutionnaire libertaire Michel Bakounine. Sur cette période "bakouniniste", il écrira plus tard :
« Nous voulions, par une action consciente, imprimer au mouvement ouvrier la direction qui nous semble la meilleure, contre ceux qui croient au miracle de l'automatisme et aux vertus de la masse travailleuse... Nous qui dans l'Internationale, étions désignés sous le nom de bakouninistes, et étions membres de l'Alliance, nous criions très fort contre Marx et les marxistes parce qu'ils tentaient de faire triompher dans l'Internationale leur programme particulier ; mais à part la loyauté des moyens employés et sur lesquels il est maintenant inutile d'insister, nous faisions comme eux, c'est-à-dire que nous cherchions à nous servir de l'Internationale pour atteindre nos buts de parti. »

— Volontà, 1914



Il expérimente divers principes révolutionnaires dont l'insurrectionalisme dans le Bénévent, mais aussi dans d'autres pays, où il dut s'exiler.
« Une chose est de comprendre, une autre de pardonner certains faits, les revendiquer, en être solidaires. Nous ne pouvons accepter, encourager et imiter de tels actes. Nous devons être résolus et énergiques, mais nous devons également nous efforcer de ne jamais dépasser les limites nécessaires. »

— Errico Malatesta, Un peu de théorie (1892), dans Articles Politiques (10/18).

Il critique la violence comme fin en soi :
« Nous comprenons que cela puisse arriver, dans la fièvre de la bataille, chez des natures généreuses mais manquant de préparation morale -fort difficile à acquérir actuellement- qui peuvent perdre de vue le but à atteindre et prennent la violence comme une fin en soi et se laissent entraîner à des actes sauvages. »
« Le danger le plus grand qui menace le mouvement ouvrier est la tendance du leader à considérer la propagande et l'organisation comme un métier »
— cité dans L'espresso, 3 août 2006, p. 118


L'Anarchie Lire en ligne
L'organisation Lire en ligneL
e Programme Anarchiste Lire en ligne
La terreur révolutionnaire Lire en ligne
Majorités et minorités Lire en ligne
Au Café Lire en ligneEntre paysans (1897) Lire en ligne
Réponse au Manifeste des 16 Lire en ligne
Anarchie et organisation Lire en ligne
Sur Kropotkine Lire en ligne)[2]

Malatesta de Peter Lilienthal (1970


ANARCHY by by Errico Malatesta - FULL AudioBook | Greatest Audio Books :
http://www.youtube.com/watch?v=ZIZVbXaE4fY
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Re: Malatesta : L'Organisation

Messagede vroum le Ven 28 Mar 2014 19:56

errico Malatesta -> lettre inédite du 5 novembre 1914

Nous avons le devoir de nous dissocier de nos camarades qui se croient capables de réconcilier les idées anarchistes et la collaboration avec les gouvernements et les classes capitalistes de certaines nations dans leur lutte contre les gouvernements et les capitalistes d'autres nations.
-> errico Malatesta


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# moisson
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Re: Malatesta : L'Organisation

Messagede vroum le Dim 30 Mar 2014 15:11

Le livre "l'Organisation anarchiste - textes fondateurs" est à consulter ici :

http://www.calameo.com/read/0014076305f0f93bb69cb
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