Antifascisme

Espace de débats sur l'anarchisme

Re: Antifascisme

Messagede vroum le Jeu 4 Juil 2013 14:58

Faire barrage à l’extrême droite

http://www.monde-libertaire.fr/antifascisme/16544-faire-barrage-a-lextreme-droite


Aujourd’hui Ayoub n’est pas différent de Price et Rainey. Son assurance il la tient de ce qu’une grande partie de la France lui ressemble. Il ne la tient pas seulement de gens ordinaires, mais aussi du pouvoir. Il n’y a jamais eu de seuil de tolérance à l’imposture, toute objection en est une autre. C’est pourquoi, bien que répugnant à l’ampliation à propos d’un homme, qui de toute évidence, exerce son mépris sur chacun, la régularité maniaque de son entreprise « à nier ce qui est et à expliquer ce qui n’est pas » réclamait des réponses fermes et proportionnelles à la répugnance qu’inspire, aux uns, le personnage, ou à la rhétorique de falsification des raisonnements à laquelle les autres sont poreux.

Les règles de la communication l’autorisent à tous les sophismes et figures récurrentes du règne médiatique et publicitaire, le visage de la duplicité est diffusé sur les écrans avec une égale complaisance. Les médias c’est précisément le règne du sophisme et de toutes les tromperies de l’image. Ces médias qui n’ont cessé d’alimenter la guerre sociale entre les opprimés.

L’extrême droite prétend être victime des médias alors qu’elle y est largement diffusée. Cette ambiguïté que cultive l’extrême droite, elle le fait avec le concours des médiatiques. Si l’extrême droite prétend se situer hors du système, elle en est, en fait, à une autre latitude.

Image

Par exemple, pour le seul mois de janvier de l’année 200, voir sur le site du FN, l’agenda des seuls Marine et Jean-Marie Le Pen. En 2007 les chaînes d’informations qui diffusent en continu des débats politiques auxquels elles invitent régulièrement des personnalités, n’étaient pas si nombreuses qu’aujourd’hui.

Le 8 janvier : Marine Le Pen sera l’invitée sur France 2 de l’émission « Mots Croisés ». Le 9 janvier : Jean-Marie Le Pen sera l’invité de France Info. Le 10 janvier : Jean-Marie Le Pen est l’invité de France Bleu. Le 12 janvier : Marine Le Pen sera l’invitée de l’émission « Sur un air de campagne ». Le 13 janvier : l’émission « Chez F.O.G. » prévue sur France 5 et TV5 Monde avec pour invité Jean-Marie Le Pen est reportée à une date ultérieure. Le 15 janvier : Jean-Marie Le Pen est l’invité de Radio Courtoisie. Le 18 janvier : Jean-Marie Le Pen est l’invité de France Culture. Le 20 janvier : Jean-Marie Le Pen est l’invité de l’émission « La voix est libre » sur France 3 Paris-Île-de-France-Centre. Le 24 janvier : sur France 24, Jean-Marie Le Pen est l’invité de Roselyne Febvre.

La responsabilité des acteurs politiques

Si le FN se trouve bien au cœur du système, il obtient également l’assentiment de toute la classe politique puisque depuis une vingtaine d’années, les politiques d’extrême droite ont été largement relayées par l’UMP et le PS. L’omnipotence des politiques sécuritaires et les expulsions figurent au centre de l’idéologie de tous les partis au détriment des avancées sociales. L’extrême droite a gagné en même temps qu’une légitimité, le combat sur le terrain politique.

Cette assurance et cette arrogance viennent de là. La responsabilité des crimes, y compris celui de Clément Méric, est partagée entre tous les acteurs du pouvoir politique : « Chacun des partenaires connaissant bien l’autre, ils trichent et s’en accusent à grandes triches actionnelles. Mais ils espèrent encore tricher en commun […] pour maintenir l’essentiel du capitalisme s’ils n’arrivent pas à en sauver les détails » (Guy Debord).

Preuves de l’implication du FN : le Club de l’Horloge comprend une centaine de membres. La majorité issus de Polytechnique et de l’ENA, cadres et hauts fonctionnaires. Ce club est un pont influent entre l’extrême droite et la droite libérale. La plupart des membres sont encartés au FN. Dans une longue lettre adressée, le 4 avril 2002, à son président Henry de Lesquen, lettre signée par Jacques Chirac, on peut lire en introduction : « Vous avez bien voulu me faire part de votre inquiétude face au fléau de l’insécurité qui menace notre pacte social ainsi que de votre souhait de voir réformer la loi présomption d’innocence par une droite unie aux prochaines élections présidentielles et législatives. » S’en suivent des explications précises sur les orientations sécuritaires du pays pour les années à venir. Le Club de l’Horloge est influent, le FN a toujours été porteur d’inflexions sécuritaires, les gouvernements et les médias ont abondé dans ce sens. Les victimes de la police sont aussi celles du FN. Ce système sécuritaire de surveillance pourtant décrié par Alain Soral, au moment où il soutenait la candidature FN, est un bloc qui comprend toutes les tendances de la démocratie parlementaire.

L’extrême droite et le FN impliqués

Avec maîtrise on aura ignoré l’influence du FN et du Club de l’Horloge dans le gouvernement du pays, et tout de suite après on en aura oublié ses conséquences. À savoir que l’insécurité sociale, matérielle et morale qui précède l’insécurité physique a été propagée par toutes les tendances politiques qui réclamaient une politique sécuritaire. Mais il est vrai, ils ont obtenu une politique sécuritaire raciste.

Le FN a été le grand promoteur du spectacle de « La France aux français ». Les gouvernements lui ont emboîté le pas. Pour la seule année 2006, 23 000 expulsions et reconduites à la frontière ont été exécutées. Les années suivantes ça n’a fait que croître.

Comment un parti (le FN) qui fait son fonds de commerce d’une insécurité directement corrélée à la misère pourrait-il prétendre être hors du système ? Il en vit. C’est la source principale de ses profits. Le FN n’envisage pas de supprimer la misère, mais peut-être bien les miséreux. Pour preuve Alain Soral, évoquant « la France sérieuse », parle des ouvriers et des salariés. Il n’avait aucun mot pour les obligés du système. Cette omission n’en est pas une. C’est sciemment, au cœur de la stratégie du FN, que perdure la chaîne des profits qu’on tire directement d’une misère à laquelle attribuer tous les maux. Mais aussi du PS et de l’UMP car de tout bord qu’on se situe on engrange des bénéfices sur la misère et la sécurité. Quand on n’en tire pas le plus directement avantage par le chantage à l’ordre, la gestion de plusieurs services carcéraux échue entre les mains d’entreprises privées, il est de premier intérêt pour ces puissantes sociétés et ceux qu’elles financent, de manière si peu occulte, de ménager leur profit.

À la remorque du pouvoir, les incidences quotidiennes

Aucun procès n’établira jamais l’incidence de quelques événements, de toute apparence mineurs, antérieurement survenus. Incidents à l’examen desquels la responsabilité d’un crime est partagée entre celui qui porte le coup fatal et ceux qui, par leurs propos et leurs actes, ont concouru à décupler ou à révéler la rage meurtrière de leur auteur. Il y a l’implication directe des acteurs du pouvoir, c’est-à-dire de ceux qui peuvent agir favorablement en faveur de la justice sociale et qui contribuent pourtant à la guerre sociale : en propageant terreur, obscénité et confusion médiatiques, crétinisation, culte de l’argent et disparités sociales sans cesse accrues.

Il y a la soumission des sujets à l’idéologie régnante qui en fait de mauvais hommes dans une société mauvaise. Quelle incidence aurait pu avoir, sur la détermination folle du meurtrier, dans les jours qui ont précédé le crime, des obstacles de la bureaucratie, une entourloupe commerciale, la trahison d’un ami motivée par la cupidité ? Le matin du drame, un homme aux abois, peut-être tiraillé par des problèmes d’argent, qui se heurte à une administration sourde, à une note d’électricité dont le montant exorbitant ne semble pas se justifier, un commerçant mal intentionné qui vole, un copain qui triche pour une poignée d’euros.

Dans L’Automne allemand, Stig Dagerman évoque la personnalité d’un inculpé dans un des procès de dénazification qui ont cours après-guerre. Un inculpé dont les exactions dans les camps n’étaient initialement pas motivées par la haine raciale mais par l’ambition ordinaire d’un homme ordinaire. Avant-guerre, cet homme était un socialiste pur jus, un homme de gauche qui nourrissait le rêve de devenir instituteur. C’est pour accéder à son rêve qu’il rejoint le Parti national-socialiste. Le meurtrier de Clément Méric était lui probablement mû par la haine raciale et politique. Mais les professionnels de cette société qui ont pu, les jours précédents, décupler et révéler sa rage meurtrière et qui étaient fonctionnaires, employés d’une entreprise commerciale ou cadres qui l’ont précipité dans les arcanes des obstacles bureaucratiques et du vol permanent, qui étaient-ils ? Des employés assez ambitieux pour renvoyer de service en services, comme une balle, un homme que des radars, des factures, des découverts, une pension inquiétaient ?

Si j’ai pu, pour ma part, dans les jours qui précédaient le crime, tenir des propos méprisants, sur des réseaux sociaux, à l’égard d’internautes anonymes qui exprimaient ouvertement leur haine raciale, alors je pourrais avoir entraîné un de ces fascistes à commettre un acte violent.

Les compromissions et les omissions des intellectuels

Dans les périodes anté-spectaculaires, le rôle de l’intellectuel était de prendre assez de hauteur pour jeter sur un événement obscur la lumière d’une vérité indiscutable au regard de la logique, des évidences et du bon sens.

Aujourd’hui, on peine à comprendre le sens de l’intervention d’Erwan Lecœur, spécialiste médiatique du FN : « Le lepénisme est une façon de parler commune à l’UMP. » Cette approche philologique ne résiste pourtant pas à l’examen des faits. À moins que les médias, où Erwan Lecœur se produit quelquefois, mentent de façon éhontée, j’ai le vague souvenir d’avoir entendu que les expulsions se poursuivent sous la gauche et que la chasse aux Roms n'avait pas faibli. Ce que confirment les mails de RESF que je reçois régulièrement. Lorsque le philologue Victor Klemperer a conçu son LTI 1, il n’a pourtant pas séparé l’étude de la langue du IIIe Reich des faits. Tout au contraire. Je ne suis pas équilibriste, je comprends mal. S’il y a une recette d’acrobaties intellectuelles qu’en son temps Debord appelait « sophisme », nous sommes tout disposés à la connaître, si elle ne porte pas pour nom arrivisme, lâcheté, compromissions.

« Cette paresse du spectateur est aussi celle de n’importe quel cadre intellectuel, du spécialiste vite formé, qui essaiera dans tous les cas de cacher les étroites limites de ses connaissances par la répétition dogmatique de quelque argument d’autorité illogique. » Il n’y a eu aucun mot sur cette entreprise de crétinisation nationale et planétaire qui favorisent l’émergence du « petit homme » et la constitution de la « carapace caractérielle » autrefois pointés par Wilhelm Reich, à la veille des années ensanglantées du nazisme, avant que Reich, réfugié aux États-Unis, soit incarcéré sur ordre de la Food and Drug Administration, cette institution qui travaille pour les intérêts de Monsanto et Coca-Cola. Il meurt en prison en 1957. Les spécialistes ont dû admettre, non sans dépits, que sa mort n’était pas naturelle.

Le fascisme et l’extrême droite sont une des options du capitalisme. Option à la survenance de laquelle il travaille au moment jugé opportun.

Dans Planète malade, Guy Debord rappelle qu’en mai 1968 le taux des suicides était pratiquement tombé à zéro. En Grèce aujourd’hui il progresse de façon alarmante.

Pour le meurtre de Clément Méric rien ne vient instruire un procès national sur l’implication de l’ensemble du personnel politique, médiatique et affairiste. Aucune colonne, aucun éditorial, aucun commentaire télévisé. Le dévoiement des intellectuels arrive fort opportunément confirmer le verrouillage presque total de l’édition. « La force c’est l’ignorance » c’est un slogan de 1984 qui préfigure les sophismes et les faux-semblants qui constituent, maintenant presque totalement, le fonds de commerce des intellectuels stipendiés médiatisés. On peut affirmer, sans crainte de se fourvoyer, qu’ils vivent bien ces gens, qui n’embarrassent leur conscience d’aucune vérité… Car pour le reste, Stig Dagerman avait une formule très juste pour désigner les indignations et les hypocrisies du pouvoir et des médias après de telles tragédies, ce simulacre relève, aurait-il dit, de « la dictature du chagrin ».

Lorsque le ministre des affaires prétendument sociales, Marisol Touraine, comme avec le précédent gouvernement UMP, avance que l’espérance de vie ayant augmentée, il est normal que l’âge de la retraite intervienne plus tard, la terreur tient tout entière dans l’existence paisible de telles explications. Ce qui est omis est ce qui compte véritablement et en l’occurrence ce que la ministre a volontairement occulté : que l’espérance de vie s’est généralement accrue parce que la mortalité infantile a baissé, qu’un ouvrier a une espérance de vie de dix ans inférieure à un cadre. Si la conséquence logique de ces données incontestables, que le pouvoir sort ou occulte selon son intérêt du moment, est imparable, c’est qu’il y a dans la bouche de la ministre autant de cadavres que peut en contenir une guerre sociale et un mépris souverain de la classe dominante. Car l’imparable conséquence d’une telle mesure sera de précipiter la mort prématurée d’un nombre incalculable d’ouvriers et de pauvres avant qu’ils aient atteint l’âge de la retraite. Ce déni, ces omissions, ce mépris appartiennent à des personnalités parfaitement conscientes de leurs mensonges et ce qui peut généralement motiver un homme à mentir sciemment, dans de telles circonstances, c’est qu’il accorde plus de prix à ses privilèges déjà grands qu’à la vie de plusieurs millions de sujets qu’il opprime. Pour en arriver là, à un point terrifiant de mépris de la vie, il faut être construit sur la base d’une haine de classe profonde. C’est cette haine qui constitue les soubassements psychologiques de l’homme de pouvoir, mais elle est si bien disciplinée par une effarante batterie de faux-fuyants spectaculaires, institutionnels, financiers, économiques qui constituent autant de justifications illogiques en regard d’une morale simple, cohérente et bienveillante, qu’on dira d’un tel homme qu’il est raisonnable, qu’il agit dans l’intérêt général quand il est un criminel. La langue du pouvoir est comprise dans l’arsenal de cette haine disciplinée. Elle est parlée par l’ensemble des médiatiques, des affairistes, des acteurs du pouvoir.

Mais pour nous rien ne différencie, dans le cas présent, un ministre du meurtrier de Clément Méric. Et encore nous trouverions, éventuellement, à ce dernier, les circonstances atténuantes, qu’en pareil cas, on trouve à un demeuré qui appartient à une classe opprimée et qui, à ce titre, souffre d’une haine qui se trompe de cible. Nous n’en trouverions aucune pour un ministre qui n’agit sous l’emprise d’aucune folle impulsion mais qui au contraire fait valoir les efforts de toute une vie à l’anéantissement de millions d’autres vies.

Dans la volumineuse biographie qu’il consacre à Orwell, l’hagiographe Bernard Crick note que Richard Blair (le père d’Orwell) a pris sa retraite à 55 ans, en 1930. Il ajoute qu’alors, en Angleterre, les salaires étaient de 100 livres pour les ouvriers et les employés, 280 pour les patrons, 300 livres pour les professions libérales les mieux payées.

Alors quels progrès ?

Une retraite à 65 ans, à 67 ans et quel rapport entre les revenus d’un allocataire RSA, le titulaire d’un de ces nombreux contrats précaires, un salarié payé au SMIC avec l’incroyable manne qui tombe mensuellement dans les mains du footballeur Franck Ribéry (850 000 euros ! Un footballeur !). Sans parler des traders, des grands patrons.

Si la société du père d’Orwell s’appelait démocratie, à quel détail superflu tiendrait le maintien du mot démocratie pour la société d’aujourd’hui ? Au fait que les sujets payent pour être mesquinement et constamment surveillés sur internet et sur un téléphone portable ? Si vous considérez que mener des combats minimalistes, dans le sillage de syndicats liés à l’État, nous vaut une retraite à 67 ans et des disparités extraordinaires, que c’est une victoire, soit. Si vous considérez maintenant qu’un refus tranché et révolutionnaire a mené à une parenthèse enchantée, qu’elle a débordé sur plus de bienfaits tout au long des années soixante-dix, et qu’alors on vivait certainement mieux, vous serez obligé d’admettre que la posture révolutionnaire est plus efficace que le suivisme bêta d’aujourd’hui.

Pour ceux qui objecteraient avec fatalisme qu’il n’y a rien à faire, Toulouse-la-rose rappelle : « Après la libération du pays, les FTP ont accepté de déposer les armes "pour mieux" soutenir les négociations avec un patronat qui avait été collaborationniste à 90 % et qui, trop heureux sans doute d’échapper à l’épuration qu’il méritait, se fit une joie de nous offrir la sécurité sociale et la retraite. (Revenant sur ces cocasses événements, un de ces négociateurs, Kriegel-Valrimont en l’occurrence, expliquera en 2007 à l’animateur culturel Frédéric Bonnaud, dans son émission d’alors Charivari, qu’à la Libération, la situation économique de la France était vingt fois pire que celle d’aujourd’hui, et que cela n’avait pas empêché le patronat de "tout" lâcher, ce qui amusait encore passablement le vieil homme). »

Régis Duffour



1. Viktor Klemperer, Lingua Tertii Imperii : Notizbuch eines Philologen (Langue du Troisième Reich : carnet d’un philologue), 1947. (Ndlr.)
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Re: Antifascisme

Messagede vroum le Dim 15 Sep 2013 17:29

« No pasaran », disent-ils

paru dans CQFD n°113 (juillet 2013), par Gilles Lucas

http://cqfd-journal.org/No-pasaran-disent-ils

Quelques semaines après la mort de Clément Méric, CQFD a rencontré trois antifas marseillais qui, entre confrontations directes et aspirations à un bouleversement social généralisé, expliquent leur combat, leur choix et leur projet.

CQFD : Vous vous dîtes « antifas ». C’est quoi ?

Momo : Nous disons « antifa » plutôt qu’antifasciste parce que l’antifascisme n’a été longtemps que dans une posture de réaction. Or, on a d’autres choses à proposer. C’est une manière de dire que même si les fascistes ne sont pas là, on se bat quand même.

Aurélien : Les antifas se retrouvent aussi dans différents mouvements syndicaux, politiques mais aussi dans des organisations ou des associations de fait et dans des quartiers.

Momo : Être antifa, c’est appartenir à une culture militante qui implique une nouvelle manière de faire de la politique. C’est une lutte où il y a de l’affrontement, qui fait sortir du confort quotidien et on ne reste pas dans le théorique. On ne se laisse pas faire. De l’antifascisme découle la lutte contre le capitalisme, contre l’autorité et contre toute forme d’injustice.

Pierre : Tout le monde est antifasciste au sens général, y compris au PS. Personnellement, je suis un militant antifasciste radical : la précision est essentielle. La lutte antifasciste n’est pas une fin en soi : l’anticapitalisme et l’internationalisme sont parties prenantes de celle-ci. C’est à partir de ces fondamentaux que l’on vise plus large que simplement s’affronter ou manifester contre l’extrême droite plus ou moins légale. Nous nous voulons autonomes dans le sens où nous ne sommes pas à la remorque d’une quelconque organisation politique.

Momo : Le PS n’est pas antifasciste. C’est très courant de ne pas être raciste et de ne pas aimer les fascistes. Mais cela ne signifie pas qu’ils sont dans l’action, dans le « ils ne passeront pas ».

Quel rôle vous pensez avoir dans la société et plus précisément dans les luttes politiques ?

Momo : Il y a un sentiment de frustration totale dans la jeunesse qui conduit à renoncer à la lutte. Plutôt que de changer le quotidien, chacun essaie d’oublier, de passer à autre chose. Face à cette situation, nous avons choisi une forme de militantisme.

Aurélien : Les médias ont tendance à voiler complètement la réalité. On essaie de remettre certaines idées, certains débats au centre de la société.

Momo : L’antifascisme de notre génération peut relancer la dynamique. Historiquement, les antifascistes étaient dans l’attente et le suivi des grands mouvements politiques. Personne n’a à nous dicter notre conduite.

Vous dîtes que l’antifascisme c’est l’anticapitalisme. Pourquoi mettre en avant l’antifascisme ?

Pierre : On n’est pas l’armée de réserve de la démocratie, comme j’ai pu le lire ou l’entendre depuis la mort de Clément. Le mouvement antifa radical s’inscrit pour moi comme partie intégrante du mouvement révolutionnaire. Nous tentons de relancer une dynamique d’affrontement avec le système. On sait très bien que derrière les fafs, il y a les flics qui les protègent, et, qu’ensuite, il y a les donneurs d’ordres. On est présents dans la rue, les fafs y sont aussi. C’est là qu’il faut aujourd’hui répondre. Mais la lutte est aussi sur d’autres terrains comme les centres de rétentions, les réquisitions d’apparts vides, etc.

Momo : Tout le monde est contre la guerre, contre la famine, mais pas grand monde ne se bat véritablement. Dans l’antifascisme radical, il y a une activité concrète. Il y a une notion d’affrontement qui s’est perdue dans les autres mouvements.

En même temps, le rejet de l’extrême droite est très consensuel. Les proclamations contre le fascisme font florès dans les médias, sur les ondes, dans les concerts, etc.

Momo : C’est du folklore.

Pierre : Il y a un côté politiquement très correct dans l’antifascisme. L’antifascisme officiel et consensuel est le degré zéro de la politique. Il ne suffit pas de manifester en criant « non au fascisme » et de porter un tee-shirt du Che.

Comment analysez-vous cette adhésion de nombreux jeunes à des courants de type fascistes ou néo-nazis ?

Pierre : En plus du rejet complet de la politique traditionnelle, cela correspond à une demande d’un certain ordre, d’un encadrement.

Momo : À force de vouloir plaire à tout le monde, la gauche est devenue totalement creuse. Dans leur grande majorité, ces jeunes qui sont aujourd’hui à l’extrême droite le sont par défaut. Ils en ont marre du politiquement correct.

Pierre : Il y a quelques décennies, être rebelle, c’était porter le keffieh, aller aux manifs, être dans l’action… Maintenant, c’est le mec qui exprime des opinions qui vont à contre-sens du consensus démocratique. Dans le nord de la France ou dans l’Est, les gamins de 14/15 ans pensent être des rebelles en portant les fringues des skins nazis.

Momo : Dans le mouvement antifasciste en France, il y avait des formes d’illégalisme et de romantisme portées par des « en-dehors » très individualistes. Il n’y a pas eu de transmission car ces gens ne revendiquaient pas leurs actes. Le passage des idées d’une génération à une autre ne s’est pas fait.

Est-ce que vous pensez qu’on vit dans une époque où est présente une menace de prise du pouvoir par les fascistes ?

Aurélien : Je ne le pense pas, néanmoins les idées se droitisent de plus en plus. Le PS ressort parfois des propositions du FN.

Momo : La menace est présente à travers certaines formes de communautarisme, le racisme, les discours sécuritaires, l’antimondialisme primaire qui conduit au rejet de l’autre, le nationalisme, etc.

Pierre : Ce qui fait gagner des points au FN, ce n’est pas tant l’augmentation de leur électorat que l’abstention, résultat du dégoût partout répandu de la politique. La fille Le Pen, aidée par les médias, a réussi à gagner sur la dédiabolisation de son parti. Paradoxalement, on a beau dénoncer, preuves à l’appui, le fait que le FN reste le même, cela participe au cleanage du parti et lui donne l’occasion de se présenter comme neuf.

Comment vous avez vécu, compris, analysé la mort de Clément Méric ?

Pierre : Ça aurait pu arriver à n’importe lequel d’entre nous. On a tous été confrontés directement aux fafs, avec des échanges de coups, voire plus grave dans certains cas. Cela dit, l’affrontement physique a longtemps primé sur la réflexion qu’il y a à mener sur les transformations des courants que l’on présente sous le nom de fascistes. L’extrême droite a su évoluer avec son temps, alors que le mouvement antifa me semble être resté bloqué dans les années 1970.

Aurélien : C’est la première fois que la mort d’un antifa survient en France, alors que cela arrive régulièrement en Europe de l’Est, en Italie. En Russie, ce sont des dizaines d’antifas qui meurent tous les ans.

Momo : Il y a un an, l’un d’entre nous a failli mourir et il en gardera des séquelles à vie. Un an auparavant encore, un couple d’antifas avait été agressé. Eux aussi conservent les traces de très graves blessures.

Pierre : La mort de Clément me rappelle celle d’Ibrahim Ali, ce jeune de dix-huit ans abattu par des colleurs d’affiches du FN dans les quartiers nord de Marseille en 1995. Dix-huit ans après, un autre jeune est tombé. Toutes ces années de luttes antifas pour être confronté à nouveau à la mort d’un gamin… Et se dire que rien n’a changé si ce n’est en pire…

Il y aurait à dire sur la manière dont les médias ont présenté Clément. On en a fait une sorte d’icône avec son portrait à la une de Libération : il était jeune et intelligent, il avait gagné contre la leucémie, tout le monde l’aimait. Puis, histoire de vendre du papier, de victime il est devenu l’agresseur. Or, Clément est mort en se battant pour ses idées, pas en victime expiatoire. Et s’il a frappé le premier, c’est parce qu’il avait bien compris qu’il ne faut jamais laisser une chance à ces idées de merde.
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Re: Antifascisme

Messagede vroum le Lun 14 Oct 2013 12:29

L’anti-fascisme : une distraction petite-bourgeoise ?

dimanche 13 octobre 2013, par Bernoine, Hector Tator http://fa-amiens.org/L-anti-fascisme-un ... ction.html

Au début de l’été 2013 s’est constitué à Amiens un collectif de vigilance anti-fasciste, auquel participe le groupe Alexandre Marius Jacob.
Il n’est pas rare d’entendre des militants d’extrême-gauche et des libertaires affirmer que la lutte contre les fascismes est annexe, voire qu’elle correspond à un phénomène de mode quand elle n’est pas purement et simplement un « divertissement pour petits bourgeois en mal d’aventures ».
Il ne s’agit pas ici de donner une définition du fascisme - les théories sur le sujet sont nombreuses -, ni d’en énumérer les variantes, mais de rappeler quelques points.

Le développement des partis et groupuscules fascisants ou fascistes, est intimement lié aux faillites cycliques du capitalisme. D’une banqueroute structurelle à une offensive contre les travailleurs, il n’y a qu’un pas que les classes dirigeantes franchissent allègrement pour « relancer l’économie ». La misère gagne, certains territoires sont ruinés et les quelques services publics qui y assuraient un semblant de cohésion se réduisent drastiquement. Plutôt que de se retourner contre les vrais responsables (élites économiques et politiques), la colère engendrée par la souffrance et l’impuissance est détournée et transformée en racisme, en sexisme, en homophobie : la création d’un ou de plusieurs ennemis intérieurs (islamistes, roms, homosexuels) est une manipulation grossière mais efficace.

Le redéploiement de ces idées est très largement favorisé par les gouvernements qui se succèdent. D’une part c’est une donnée qui compte dans les stratégies électorales à court terme. D’autre part la constitution de ces partis et groupuscules assurent aux classes dominantes un bras armé à bas prix contre les courants de pensées qui souhaitent abolir toutes formes de domination - capitalisme compris. Les mouvances d’extrême-droite ont en partie comme fonction de s’opposer manu militari aux mouvements ouvriers révolutionnaires. La destruction systématique des acquis sociaux impliquent donc nécessairement de la part des dirigeants une position qui oscille entre tolérance, bienveillance, et soutien à l’égard des fascismes, pour se protéger.

Et ça prend : la dépolitisation orchestrée par les médias de masses permet l’instillation des concepts les plus réactionnaires. En termes de propagande, un raisonnement caricatural, fantasmagorique et fondé sur des peurs est aisément assimilable : le simplisme des pensées d’extrême-droite est paradoxalement la plus grande force de ces courants. En soi incapables de produire une réflexion novatrice ou originale, ils n’en demeurent pas moins de très bons faussaires intellectuels et de redoutables communicants.

Il est impensable, sous couvert de tâches plus urgentes ou plus nobles, par paresse intellectuelle ou par lâcheté de laisser se propager ces thèses haineuses. Aussi, dans l’optique de la réalisation d’une société débarrassée de toutes hiérarchies, la lutte continue : ils ne passeront pas !
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Re: Antifascisme

Messagede Anarkista le Sam 14 Déc 2013 01:13

Je ne suis pas pour le fascisme , au contraire , je le hait , mais je me suis toujours demandé si le mot "anti" était un mot dans le contexte "fascisme" , qu'en pensez vous ? :|
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Re: Antifascisme

Messagede Cheïtanov le Mer 1 Jan 2014 17:40

je comprends pas bien la question ?
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