Le Fédéralisme Libertaire

Espace de débats sur l'anarchisme

Re: Le Fédéralisme Libertaire

Messagede frigouret le Ven 30 Nov 2012 17:09

Salut.
Je remercie vroum pour les documents ci-dessus. Cependant quelques notions ne me semblent pas très claires.
Je sais bien que j'utilise un vocabulaire qui peut irriter , mais je n'en ai pas d'autre. Donc je parlerai de législatif et d'executif. À mon avis la notion de mandat impératif s'applique surtout à l'exécutif, aux commissaires chargés de mettre en œuvre les résolutions des assemblées.
Pour ce qui est du législatif, les résolutions des assemblées si l'on préfère, la notion de mandat impératif ne me semble pas toujours d'un usage pratique, voir réaliste. Même à un niveau fédéral assez modeste, quelques centaines de communes par exemple, imaginez la difficulté d'établir une résolution avec quelques centaines de mandatés strictement tenus par les positions de leurs assemblées respectives, et les aller retours incessants entre l'assemblée fédérale et les assemblées de bases que ceux-ci devront effectuer à tout au long du débat , cela me semble presque irréaliste en pratique.
L'important, il me semble, en démocratie étant que chaque résolution soit adoptée directement par la population de l'échelon fédéral concerné, nous pourrions envisager un système de représentation MAIS NON DÉCISIONNEL, c'est d'ailleurs le système qui était en vigueur à l'origine ( grec).

De toutes façons il y a un nombre limite assez bas pour pour discuter de façon constructive , personnellement je dirai une cinquantaine de personnes, et encore faut il qu'elles soient disciplinées. Alors par exemple pour une assemblée fédérale de trois milles communes, comment faire ? Une solution serait que chaque commune désigne un candidat , et que l'on tire au sort parmis ces trois milles candidats les cinquantes participants à l'assemblée fédérale, l'important étant que la population des trois milles communes puisse approuver ou réfuter les travaux de l'assemblée fédérale .
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Re: Le Fédéralisme Libertaire

Messagede vroum le Mer 5 Déc 2012 14:31

FÉDÉRALISME, SOCIALISME, ANTIDÉMAGOGISME 1

par René Berthier http://monde-nouveau.net/IMG/pdf/Federalisme_antidemagogisme.pdf

Le concept d’autogestion est en lui-même assez confus. En général, en dehors du mouvement libertaire, le terme est interprété simplement dans le sens de gestion séparée des usines par des collectifs de travailleurs. Cette conception fait de
l’économie sociale un morcellement d’unités de production autonomes les unes par rapport aux autres, et éventuellement en concurrence les unes par rapport aux autres.

Les auteurs qui insistent sur le terme d’autogestion s’arrêtent bien souvent à l’idée que les rapports de travail, de hiérarchie, etc., à l’intérieur des entreprises ne sont pas neutres et qu’ils sont révélateurs de la nature du système global dans lequel nous nous trouvons. Ils s’efforcent également de démontrer par le plus d’exemples possible que les travailleurs, collectivement, sont capables de gérer les entreprises.

En cela, nous sommes entièrement d’accord. Sur le premier point, l’histoire a suffisamment démontré que les travailleurs étaient capables d’organiser la production dans une entreprise, mais il paraît plus important d’insister sur leur capacité à organiser la société dans son ensemble.

Limitée à la gestion de l’entreprise, l’autogestion n’a rien de socialiste si on entend par socialisme la suppression de la propriété privée des moyens de production, du salariat et de l’économie de marché.

AUTOGESTION MORCELEE

L’autogestion limitée à la gestion de l’entreprise par les travailleurs implique que ces derniers y organisent leur travail de façon entièrement autonome, mais aussi qu’ils y déterminent de façon autonome, au niveau de leur unité de production,
l’affectation du surproduit, l’affectation des revenus, des investissements, etc.

Mais si une telle situation peut donner aux travailleurs l’illusion de détenir un pouvoir de décision, elle ne transforme pas les rapports de production capitalistes. Nous aurons simplement un capitalisme où les entreprises auront un mode de gestion un peu particulier, mais où tous les mécanismes du capitalisme seront maintenus, en particulier l’économie de marché et le salariat.

Car économie de marché signifie que les investissements seront affectés dans les secteurs à rentabilité élevée et rapide, au détriment des secteurs socialement utiles mais non rentables. Le fait que les entreprises soient autogérées, si on maintient les fondements du capitalisme que sont l’économie de marché et le salariat, n’empêchera nullement que ces entreprises décideront prioritairement d’investir dans les secteurs où elles optimiseront leurs profits, indépendamment des besoins sociaux. Les gadgets contre les crèches.

Si chaque entreprise, après les prélèvements fiscaux, salariaux et sociaux habituels, conserve la disposition du surproduit, on se retrouve dans la même situation que l’entrepreneur individuel qui tentera de mettre en oeuvre toutes les méthodes éprouvées pour accroître les profits et éliminer la concurrence.

La concurrence entre les entreprises divisera les travailleurs, car l’autogestion morcelée, qui n’est qu’un développement du système coopératif dans une économie de marché, place les travailleurs devant les choix habituels de toute gestion capitaliste : rationaliser, accélérer les cadences pour faire face à la concurrence, licencier ; éventuellement, les travailleurs pourront s’accorder démocratiquement des sous-salaires. Cela revient à autogérer sa propre exploitation.

Déjà, à l’intérieur de la société capitaliste actuelle, existent des entreprises « autogérées » – les coopératives ouvrières de production. Quel que soit le caractère exemplaire de leur fonctionnement interne, elles se plient d’elles-mêmes aux lois du
marché. C’est une nécessité. Pour survivre elles sont obligées de se créer dans des secteurs où il est possible de réaliser des profits, car c’est une caractéristique du capitalisme que le critère qui détermine la création d’une entreprise est la réalisation de profits.

En conséquence, que ce soit les coopératives dans le capitalisme d’aujourd’hui, ou l’autogestion dans un pseudo-socialisme d’entreprises, le critère de détermination des investissements sera la rentabilité, et non l’utilité sociale.

Certes, aujourd’hui il existe par exemple des crèches « sauvages », « parentales », « autonomes », qui ne survivent que par les contributions pécuniaires volontaires des parents et par le travail bénévole, ou parfois par des subventions. Mais il est
significatif que pour le capitalisme, de telles initiatives sont économiquement parasitaires. On pourrait dire la même chose pour les squats. On pourrait définir ceux-ci comme des initiatives autonomes d’occuper des immeubles vides, et qui dispensent de ce fait les autorités politiques de construire des logements sociaux.

Dans le cas de la crèche autonome, les parents paient deux fois : une fois par leur contribution volontaire ; une autre fois par les impôts qu’ils versent à l’Etat et qui devraient précisément être destinés à construire des crèches (entre autres choses).

Dans un régime d’autogestion morcelée, où la régulation de la production se fait par les lois du marché, le problème des investissements sociaux non productifs reste posé. Qui déterminera leur affectation et comment ? On en revient donc au
problème de l’Etat, instance centrale indépendante où, par nature, la question de l’autogestion ne se pose pas. Morcelée dans des entreprises autogérées mais occupées à se concurrencer entre elles, la classe ouvrière laisserait l’administration des secteurs non rentables mais socialement utiles à un pouvoir central qui gérerait en son nom l’affectation du surproduit social.

Or, précisément, le socialisme libertaire se distingue par ceci, qu’il préconise la gestion du surproduit social par la classe ouvrière, ou d’une façon générale par la population laborieuse, associée REPRENDRE LE POUVOIR AUX MACHINES

Dans la stratégie du socialisme libertaire, les formes de la gestion collective à la base – l’entreprise – sont importantes mais elles ne sont qu’un élément d’un projet global, et n’ont aucun sens prises en elles-mêmes.

Contrairement à Lénine qui développait une admiration sans bornes pour les formes de production du capitalisme industriel développé (taylorisme, travail à la chaîne etc.) et qui entendait faire adopter ces formes à l’économie soviétique, nous pensons qu’il faudra les détruire et proposer des formes alternatives, car les formes mêmes du travail dans le régime capitaliste sont des éléments indissociables de la condition d’exploité.

« Apprendre à travailler, voilà la tâche que le pouvoir des soviets doit poser au peuple dans son ampleur. Le dernier mot du capitalisme sous ce rapport, le système Taylor, allie, de même que tous les progrès du capitalisme, la cruauté raffinée de l’exploitation bourgeoise aux conquêtes scientifiques les plus précieuses concernant l’analyse des mouvements mécaniques dans le travail, la suppression des mouvements superflus et malhabiles, l’élaboration des méthodes de travail les plus rationnelles, l’introduction des meilleurs systèmes de recensement et de contrôle, etc. La république des soviets doit faire siennes, coûte que coûte, ces conquêtes les plus précieuses de la science et de la technique dans ce domaine. Nous pourrons réaliser le socialisme justement dans la mesure où nous aurons réussi à combiner le pouvoir des soviets et le système soviétique de gestion avec les plus récents progrès du capitalisme. Il faut organiser en Russie l’étude et l’enseignement du système Taylor 2... »

Ce texte est caractéristique du retard existant entre le niveau de conscience des bolcheviks et celui du mouvement ouvrier européen de l’époque 3. Le 5 décembre 1912 une grève éclate aux usines Renault contre les méthodes de rationalisation du travail, et particulièrement le chronométrage. S’il l’avait su, Lénine l’aurait sans doute traitée de contre-révolutionnaire...

Il est d’ailleurs significatif qu’alors que Lénine fait l’apologie du taylorisme, Merrheim, un syndicaliste révolutionnaire, publie dans les numéros 108 et 109-110 de La Vie ouvrière une étude extrêmement critique sur l’application de ce même système, où il conclut :

« Dans les écoles d’apprentissage patronales (...) on dressera des spécialistes sans initiative, sans volonté, sans conscience, sans dignité, suivant le chef d’allure comme le chien son maître, exigeant qu’il ne quitte pas un instant ses talons. Une
seule puissance sera capable de réfréner les abus et la férocité de cette exploitation : l’organisation ouvrière puissante, capable à tout instant de se dresser devant les exigences capitalistes. »

Merrheim ne fait pas une critique « réactionnaire », passéiste du système Taylor, comme la feraient des artisans qualifiés écrasés par des méthodes modernes de production (argument souvent employé par les marxistes pour « démontrer » que
l’anarcho-syndicalisme est le passé et le marxisme l’avenir).

Merrheim sait que le taylorisme est inévitable. « Il faut, dit-il, que les travailleurs se pénètrent bien de cette idée que nous sommes arrivés à un stade de l’évolution industrielle qui nécessite des méthodes nouvelles de production et de travail. »
Mais il dit également que dans les méthodes de Taylor, le patronat « a pris et prendra de plus en plus tout ce qu’elles ont d’odieux, de brutal et de sauvage ». Il paraît difficile d’exprimer plus clairement le fossé existant entre le léninisme et l’anarchosyndicalisme.

FEDERALISME LIBERTAIREFEDERALISME LIBERTAIRE

Le projet libertaire implique une vision qui dépasse largement le cadre de l’entreprise, de la localité. Mettre l’accent sur les seuls problèmes locaux de l’« autogestion » est en fait lui retirer sa dimension politique, et une telle attitude n’est pas innocente.

Dans une société où les relations économiques sont extrêmement complexes, une grande quantité de décisions ne peuvent se prendre au niveau d’une simple unité de production ou d’une seule ville. C’est précisément là que se situent les
divergences politiques les plus importantes entre l’anarchisme et ceux qui ont découvert l’autogestion en 1968.

Car au fond, il importe peu de connaître les détails de la façon dont sera gérée l’usine Untel. Les travailleurs de l’usine Untel se débrouilleront et on peut leur faire confiance. En revanche, il est beaucoup plus intéressant de savoir si, dans l’hypothèse d’une crise révolutionnaire grave, les travailleurs seront en mesure de reprendre en main, rapidement et de façon coordonnée, l’ensemble de la production et des services après avoir exproprié les patrons et l’Etat, en évitant le gâchis consécutif à l’absence de programme et d’organisation préalable des bolcheviks pendant la révolution russe. (Cf. l’article signé Raoul Boullard dans le Monde libertaire n° 519)

Comment « autogérer » les chemins de fer ? La production de l’énergie ? Les services postaux ? Ce sont là des secteurs d’activité qui touchent non seulement des travailleurs localement, mais l’ensemble de l’économie d’un pays. Or les travailleurs employés dans des services d’importance nationale sont au moins aussi nombreux que ceux employés dans des secteurs d’importance locale.

Il est évidemment impensable qu’il n’y ait pas une coordination globale de ces activités. Cette coordination, qui permet de lier l’auto-administration à l’échelle locale et à l’échelle globale, s’appelle le fédéralisme.

A la centralisation et à la bureaucratisation, on a tendance à opposer la décentralisation de l’économie. C’est en partie un faux problème. On a évoqué les prises de position de Proudhon et de Bakounine. Bakounine disait que la centralisation économique « est une des conditions essentielles du développement des richesses et cette centralisation eût été impossible si l’on n’avait pas aboli l’autonomie politique des cantons. » (OEuvres, Champ libre, V, 70.)

Mais il ajoute qu’il faut que « la centralisation s’effectue de bas en haut, de la circonférence au centre, et que toutes les fonctions soient indépendantes et se gouvernent par elles-mêmes ».

En somme, il faut distinguer entre le processus de décision et le processus d’exécution : « La centralisation économique, condition essentielle de la civilisation, crée la liberté ; mais la centralisation politique la tue, en détruisant, au profit des
gouvernants, la vie propre et l’action spontanée des populations. »
(OEuvres, Champ libre, V, 61.)

Le fédéralisme permet de dépasser la fausse alternative centralisation-décentralisation. Le processus de décision relève plutôt du politique, et son élaboration doit procéder « de bas en haut, de la circonférence au centre », c’est-à-dire qu’elle doit être décentralisée.

Le processus d’exécution n’est que la résultante du processus de décision, il revêt un aspect fonctionnel et ne peut être que centralisé ou, pour ceux qui n’aiment pas le mot, doit se coordonner dans un ensemble cohérent au niveau de la société
globale. Le fonctionnement des chemins de fer au niveau d’un pays, voire d’un continent, ne peut s’effectuer sur la base de groupes autonomes affinitaires.

Dans le fédéralisme existent deux principes qui expriment toute la différence entre ce système d’organisation et le centralisme dit démocratique.

– Si on imagine un organigramme du type centralisme démocratique, toutes les liaisons sont verticales, les informations ne peuvent circuler que du bas vers le haut (le sommet pouvant, éventuellement en faire redescendre quelques-unes ensuite), et les initiatives ne peuvent se prendre qu’avec l’approbation du niveau supérieur.

Avec le fédéralisme, les informations circulent du bas vers le haut, c’est la moindre des choses, mais elles circulent aussi horizontalement, c’est-à-dire que chaque structure de l’organisation peut communiquer avec toutes les autres structures
sans avoir à en demander la permission à leur échelon supérieur, chose qui est formellement interdite dans le centralisme « démocratique ». Ces liaisons horizontales permettent d’ailleurs de garantir que l’information circule ensuite du haut vers le bas, de contrôler que le « sommet » ne retient pas l’information pour son seul usage, puisqu’il est possible d’aller la chercher dans les autres structures de l’organisation, au lieu d’attendre que l’échelon supérieur veuille bien vous la communiquer.

– Mais il existe un autre principe, tout aussi important, qui fait l’originalité du fédéralisme. C’est ce qu’exprime Bakounine en disant que « toutes les fonctions sont indépendantes et se gouvernent elles-mêmes ».

La décentralisation politique ne signifie pas création d’une myriade d’organismes indépendants les uns des autres qui se feraient concurrence ou s’opposeraient, ce qui arriva par exemple dans le Donetz pendant la révolution russe : des usines
métallurgiques et les mines se refusaient réciproquement la fourniture de fer et de charbon à crédit...

Ce deuxième principe du fédéralisme est que si toutes les instances de l’organisation sont interdépendantes dans le cadre d’un projet global, l’organisme central ne se substitue pas à chacune des structures pour ce qui est des problèmes propres à
celles-ci. Chaque élément de l’organisation est indépendant dans le cadre de ses fonctions et de ses attributions.

* * *

Au risque de choquer on pourrait dire que dans la théorie libertaire, le concept d’autogestion est inutile. Ceux qui insistent trop sur cette idée pourraient même être un peu suspects : tant que l’énergie des travailleurs se limitera à la sphère de la microéconomie, à la gestion de leur entreprise, ils ne penseront pas à s’immiscer dans les processus de décision concernant les grandes orientations de la société.

Non pas que le problème de la gestion ouvrière de l’entreprise n’ait pas d’importance : simplement il faut lui rendre son importante relative. Il en est de même de la notion de décentralisation, présentée comme le remède à la bureaucratie. La
décentralisation peut au contraire être l’origine de la création de multiples bureaucraties locales, de féodalités 4 écoeurantes fondées sur des relations de type mafieuses entre notables locaux. Dans ces conditions il n’est pas certain qu’une centralisation étatique plus impersonnelle ne soit pas préférable.

La décentralisation n’est pas forcément le contraire de la centralisation, elle peut être l’autre face de la même médaille, sur laquelle le patronat et l’Etat mettent l’accent depuis des années, et qui peut être une méthode pour reconstituer une centralisation différente du pouvoir en décongestionnant le centre, en déléguant ce qu’il ne réussit pas à contrôler.

« Cette décentralisation n’a rien à voir avec la trame organisatrice fédéraliste, dans laquelle le concept de centre et de périphérie est dépassé, car chaque point est au centre des relations qui le concernent.(...) Tandis que dans la
décentralisation autoritaire le centre décide tout ce qu’il peut décider et délègue tout ce qui lui échappe ou risque de lui échapper, dans la décentralisation fédérative c’est l’unité associative qui décide par elle-même tout ce qui est de sa
compétence et avec toutes les autres unités ce qui est de pertinence commune, suivant des accords et des organismes de coordination temporaires ou permanents 5. »

L’autogestion dans le sens de gestion de leur propre existence par les intéressés eux-mêmes, est inhérente au fédéralisme libertaire. Le fédéralisme libertaire, c’est l’autogestion généralisée.


Notes

1. Le texte qui suit est la reprise, légèrement modifiée, d’un article paru dans le Monde libertaire en 1984.
2 Lénine, « Les tâches immédiates du pouvoir des soviets », 1918.
3 Même en tenant compte de l’état de la société russe de l’époque. D’ailleurs, contrairement à l’idée reçue, l’industrie russe était une industrie récente, extrêmement concentrée.
4 La féodalité au sens historique s’est d’ailleurs créée à la suite d’une « décentralisation », celle qui a suivi l’effondrement de l’empire carolingien...
5 Amedeo Bertolo, in Interrogations sur l’autogestion, Atelier de création libertaire, p. 14.


*************

BIBLIOGRAPHIE
Proudhon, OEuvres choisies, Idées.
Bernard Voyenne, Le Fédéralisme de P.J. Proudhon. Presses d’Europe.
Jean Bancal, Proudhon, pluralisme et autogestion, éd. Aubier
Montaigne.
Pierre Ansart, Sociologie de Proudhon, PUF.
Pierre Besnard, Les Syndicats ouvriers et la révolution sociale, Editions le Monde nouveau.
James Guillaume, « Idées sur l’organisation sociale », in Ni Dieu ni Maître, anthologie rassemblée par Daniel Guérin.
Yvon Bourdet, La Délivrance de Prométhée, éditions Anthropos.
(Critique décapante du centralisme démocratique.)
Les Anarchistes et l’Europe, Brochure anarchiste, « L’Europe et le fédéralisme », p. 33.

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Re: Le Fédéralisme Libertaire

Messagede frigouret le Ven 7 Déc 2012 13:10

Souvent je me demande si c'est bien le rôle du politique de s'occuper de l'organisation du travail. Ne devrions nous pas avoir comme objectif principal la critique des institutions existantes et la définition des grands principes devant servir à les remplacer ?
De plus des organisation économiques vastes ne sont pas toujour liées à des organisations politiques de même ampleur. Par exemple il y a bien une organisation postale mondiale sans nécessité d'un gouvernement mondial, ou bien les trains depuis longtemps circulent à travers des contrées politiquement indépendantes.
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Re: Le Fédéralisme Libertaire

Messagede frigouret le Ven 14 Déc 2012 11:29

En vrac.
Avec la construction européenne le mot fédéralisme subit un détournement considérable. En effet nous assistons sous couvert de fédéralisme à une centralisation au niveau européen !
En PACA nous venons de subir une campagne d'affichage financée par l'UE sur le thème " mon identité, ma région", ma région, mon avenir" ect ect. Il faut bien se rendre compte que il ne s'agit que de quelques compétences de l'executif , et toujours sous contrôle, qui sont déléguées aux régions. Donc à une tentative de création de sentiment identitaire vers des structures ne jouissant d'aucune autononie en fait.
Suite au visionnage d'un documentaire sur l'actualité du mouvement du 15 M en Catalogne, les coordinations d'assemblées parlent plutôt de structures fractales pour décrire leur mode de coordination, peut être que si le mot fédéralisme venait à être tant galvaudé, il serait judicieux d'utiliser un terme nouveau pour exprimer notre vision ?
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Re: Le Fédéralisme Libertaire

Messagede Specifix le Ven 14 Déc 2012 13:56

frigouret a écrit:En vrac.
Donc, en vrac ... je dirai que :
Le fédéralisme européen n'est que la mise en place d'une administration centralisée. Aucune souveraineté des régions n'est à l'ordre du jour évidemment.
Il s'agit de ce qu'ils appellent une libre-administration aux compétences attribuées par un pouvoir central.
La campagne identitaire a comme but de faire accepter cette nouvelle configuration sous d'autres prétextes qu'une volonté du pouvoir capitaliste.
Le contrôle d'un pouvoir central sera effectif et aura comme premier souci la stabilité idéologique et la paix sociale par un contrôle accru.
Ce pouvoir central a été voulu par les Etats, mais il font, maintenant, semblant, ces mêmes Etats, de subir la fatalité.
C'est en galvaudant les mots, en instaurant une novlangue, que l'idéologie capitaliste prétend gagner la bataille sur tous les fronts.
Le concept de structures fractales est à la fois une alternative et d'un sens plus précis. Il a l'avantage d'emprunter aux sciences, me semble-t-il.
Mais, encore faut-il réfléchir de ce que ce terme implique vraiment.
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Re: Le Fédéralisme Libertaire

Messagede frigouret le Ven 14 Déc 2012 16:08

Fractale: objet dont la structure est invariante par changement d'échelle.

Si l'on applique le concept à la souveraineté populaire , une assemblée de dix personnes est souveraine pour son objet ( et chaque personne détient 1/10eme de ladite souveraineté), pour une réunion de dix assemblées de dix personnes ( et uniquement pour l'objet de cette alliance) chaque personne pèse 1/100eme de souveraineté.
D'ailleurs à ce propos je remarque qu'il existe plusieurs écoles :
- soit les résolutions du groupement d'assemblées sont adoptées par des mandatés portant les positions de leurs assemblées respectives .
- soit les résolutions du groupement d'assemblées sont adoptées directement par l'ensemble des personnes concernées.
- soit un système mixte exigeant une majorité dans les deux systèmes.
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Re: Le Fédéralisme Libertaire

Messagede vroum le Mer 20 Mar 2013 09:54

Le fédéralisme libertaire, un aspect central du projet libertaire !

http://fa-villeurbanne.blogspot.fr/2013/03/le-federalisme-libertaire-un-aspect.html

Fédéralisme libertaire et fédéralisme institutionnel

Le fédéralisme d'État... un fédéralisme tronqué ! - Malheureusement, lorsqu'ils entendent parler de fédéralisme, la plupart des gens pensent d'abord au Canada, aux Etats-Unis, à la Suisse ou, même si c'est moins connu, à l'Australie, à l'Inde...

Dans ces pays, la fonction du « fédéralisme » a été de gérer l'intégration de diversités pour assurer la cohésion des systèmes de domination, et dans le seul but, bien entendu, de satisfaire aux intérêts de la bourgeoisie. Il n'est donc pas surprenant que le « fédéralisme », illustré par ces exemples, ne déclenche pas l'enthousiasme des foules, qu'il ne soit pas assimilé à la perspective d'un grand changement et qu'il ne paraisse guère « révolutionnaire » ! Mais parler de « fédéralisme », à propos des États que nous avons cité, semble bien mal approprié! En effet, leur pratique du fédéralisme est très relative. Dans leur cas, il s'agit d'une unité réalisée entre des États – « provinces », entre des entités politiques, qui elles-mêmes, ne sont pas organisées sur un principe fédéral : elles se veulent « égales » entre elles, mais ignorent toute égalité dans leur organisation interne. Il s'agit d'un « fédéralisme » extrêmement parcellaire, conçu comme une stratégie d'encadrement étatique mais certainement pas comme un schéma d'organisation sociale.

A contrario, le fédéralisme libertaire est pensé dans une dimension intégrale; l'ensemble de la société, dans tous les domaines, doit fonctionner sur le mode fédéraliste.

Il est donc une réponse essentielle de l'anarchisme à la question sociale, à savoir : comment une société pourrait-elle se structurer politiquement sans État? Comment pourrions-nous coordonner les diverses activités économiques (de production et de répartition) après avoir rompu avec le capitalisme et plus généralement avec tout système marchand?

Le principe fédératif libertaire

Le fédéralisme libertaire repose grosso modo sur quatre principes élémentaires : la libre association, l'égalité économique et sociale (qui nous renverra à l'abolition de la propriété privé), l'autonomie des groupes et des collectivités, la prise de décision par l'unanimité ou par le vote « direct », sans délégation de pouvoir.

La libre association

Le principe de la libre association avait été énoncé par Stirner en 1844. Stirner est considéré comme le premier anarchiste individualiste bien qu'il fut un philosophe et non un militant. Si Stirner peut être sévèrement critiqué pour son individualisme forcené et idéaliste, précisons tout de même que sa pensée était en partie sociale : il considérait que l'individu, unique, avait continuellement besoin des autres pour exister et pour se valoriser. L'émancipation de l'individu passait par le développement de son « égoïsme », au sens où il ne devait plus se référer à des causes supérieures (comme « Dieu » ou « l'État ») mais comprendre qu'il était lui-même sa seule raison d'être. Il imagine des associations d' «égoïstes », débarrassées des chefs et des exploiteurs et se coordonnant pour produire ce dont ces « égoïstes » ont besoin. Le communisme libertaire a permis de dépasser cette conception étroite de l'organisation « communautaire », tout en conservant et en intégrant le principe de libre association dans son projet sociétaire.

Égalité et propriété

Pour qu'un contrat ou un accord soit passé librement entre deux individus ou deux groupes, il faut par définition, qu'aucun des protagonistes ne soit en position de subordination vis-àvis de l'autre. Or, on ne peut espérer construire une société sans classe, sans abolir la propriété privée.

Pour éviter toute confusion, il s'agit de socialiser les moyens de production et de distribution, c'est-à-dire des structures sociales collectives et non de mettre chaque produit « en commun ».
D'une part, nous sommes pour que tout individu dispose à sa guise des biens de consommation, de son logement, dont il veut faire usage. S'il ne peut accumuler des biens pour en faire commerce, nul ne doit pouvoir décider à sa place de ce qu'il doit consommer ou pas.

D'autre part, si nous employons le terme de socialisation et non celui de collectivisation, c'est parce qu'il y a une nuance d'importance entre les deux. La collectivisation reviendrait à accepter l'appropriation d'une entreprise par des individus qui y travaillent : chaque groupe de producteurs serait propriétaire de son outil de production et pourrait ainsi en retirer du profit aux dépends des groupes propriétaires les moins « compétitifs »; ce serait l'avènement d'un « capitalisme populaire », incompatible avec nos exigences de liberté et d'égalité. Par contre, la socialisation implique que les outils de production et de distribution soient réellement la propriété de tous et non de groupes particuliers : c'est l'ensemble de la société qui dispose de ces outils, mis, pourrait-on dire, en « gérance »; si des individus s'associent librement pour produire, c'est dans le cadre d'un contrat social et non pour former une puissance privée dont ils auraient l'usufruit.

Autonomie et structures sociales

À ne pas confondre avec l'autarcie, l'autonomie des individus et des « collectifs » correspond à leur liberté de choix; dans notre idée, la commune, qui serait une unité de base dans une société libertaire, n'aurait pas pour objet d'être un bloc, seul face au « reste du monde ». La fonction de la commune libertaire serait d'être un lieu de coordination (d'autogestion) des activités sociales, nécessaires à la vie quotidienne des individus vivant dans un même lieu géographique : le logement, le transport, la distribution des biens de consommation, la sécurité civile, la médecine de proximité ou encore la régulation des conflits...

La commune ne pourrait fonctionner qu'en se fédérant à d'autres communes, pour ses « échanges » permanents ou pour des réalisations ponctuelles (grands travaux, par exemple). Ensuite, la commune ne pourrait être la seule application du fédéralisme. Pour la production, des réseaux doivent se structurer par branches professionnelles , secteurs d'activités (les fédérations de producteurs). De même, la société fédéraliste doit intégrer toutes les autres formes d'associations et de regroupement pouvant émerger de la vie sociale : organisations et mouvements politiques, associations et organismes culturels...

Un processus décisionnel de tendance « unanimiste » - Là encore, il faut s'entendre sur ce que nous mettons derrière cette expression. Si nous pensions que la moindre action devrait être décidée à l'unanimité, il est certain que nous condamnerions la société à l'immobilisme et à la mort!

L'unanimité cela signifie que dans une société libertaire, un réseau fédéré agirait, non pas en fonction d'une politique décidée par une majorité de la population, c'est-à-dire en suivant une règle imposée démocratiquement, mais, premièrement, en fonction de ses propres choix et, deuxièmement, en fonction des règles qu'il aurait volontairement établies avec les autres réseaux fédérés. Autrement dit, aucune fédération, quelle que soit sa taille, ne serait forcée d'appliquer une décision à laquelle elle se serait opposée. Par exemple, une commune ne pourrait se voir contrainte, par « référendum », de construire une nouvelle usine. Les motivations et les choix « d'investissements » ne peuvent se décréter. Aux fédérations d'étudier les besoins sociaux, de réfléchir aux différentes possibilités de les satisfaire et de trouver des terrains d'accord, par la négociation et les compromis. L'ensemble de ces « paroles » constitueraient une diplomatie politico-sociale d'où émergerait une dynamique de fédérations d'autonomie.

Certains ne manqueront pas de nous rétorquer qu'un tel mode de fonctionnement déboucherait sur un chaos généralisé, « chacun faisant ce qu'il lui plaît ».

La réponse est aisée : d'abord, la règle majoritaire n'apporte aucune solution réelle et durable aux conflits et aux désaccords, elle ne fait que trancher en enterrant des oppositions qui rejailliront forcément de plus belle. Ensuite, comme nous ne sommes pas tout à fait idiots, nous concevons parfaitement que des décisions, liées à des problèmes de gestion courante, puissent être prises par le vote (avec toutes les modalités possibles : majorité simple, majorité des trois quarts, puis des deux tiers...). Une commune ne va pas épiloguer des jours et des jours pour décider si oui ou non la rue « X » va devenir piétonne!

L'important est de parvenir à hiérarchiser les problèmes car on ne peut décider de la même façon la construction d'une centrale nucléaire ou la rénovation d'un parc de logement! Chaque question doit être traitée en rapport avec l'ampleur des enjeux existants.

L'essentiel est de garantir la possibilité de mener des débats publics dignes de ce nom, que chacun puisse disposer de toutes les informations nécessaires pour se faire son opinion, et de respecter les veto des minorités. Ceci dit, une société libertaire serait traversée de multiples conflits, comme n'importe quelle autre société. Aucun système juridique, aucun « protocole institutionnel », aucun système de prise de décision, aussi perfectionné soit-il, ne pourra éviter la confrontation d'idées ou d'idéologies divergentes et gommer, d'un coup de baguette magique, les rapports de force. Mais aussi imparfaite qu'elle soit, la conception fédéraliste libertaire, au regard d'expériences historiques, comme celle de la Révolution espagnole de 1936 ou de la Commune de Paris de 1871, vaut déjà mille fois mieux que la mascarade démocratique.
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Re: Le Fédéralisme Libertaire

Messagede frigouret le Ven 22 Mar 2013 02:47

Le texte proposé ci-dessus expose plutôt le fédéralisme dit global, je crois. En introduction l'article ci-dessus critique négativement le fédéralisme dit hamiltonien.
Le fédéralisme hamitonien , à mon sens, est capable de produire du droit , au sens de droit publique.
Je pense que la société humaine génère du pouvoir, la vielle histoire de l'homme " animal politique". Et je pense aussi que le droit pourrait être un moyen d' affaiblir "l'instinct politique" propre à l'humain. De ce point de vue un fédéralisme "étatique " pourrait paraître plus sur.
Aussi je considere que le fédéralisme globale est idéologique. Par exemple il pose l'abolition de la propriété privée et l'abolition du commerce comme condition. Souvenez vous pourtant que la déclaration de l' internationale de st Imier, proposait de considérer qu'il était absurde et réactionnaire de vouloir imposer une voie unique à l'affranchissement des peuples, et bien je suis d'accord avec ça, et je pense qu'un fédéralisme institutionnel est plus à même de concrétiser cet objectif.
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Re: Le Fédéralisme Libertaire

Messagede vroum le Dim 28 Avr 2013 13:01

munition -> fédéralisme

Joseph Staline, en 1906, publia une série d’articles intitulés « Anarchisme ou socialisme ? » (63) afin de démontrer l’inconsistance de l’anarchisme, notamment dans ses attaques contre la social-démocratie. Insistant sur le fait que le marxisme et l’anarchisme reposent sur des principes radicalement divergents (le marxisme reposant sur le principe « tout pour la masse » ;

l’anarchisme sur celui « tout pour l’individu ») et ne peuvent donc pas être considérés comme des courants de même nature aux divergences seulement tactiques, Staline reproche aux anarchistes d’avoir condamné la méthode dialectique au motif que son père spirituel était le conservateur Hegel.

En d’autres termes, les anarchistes n’ont pas saisi la distinction que faisait Marx lui-même entre le système philosophique réactionnaire et immuable d’Hegel (donc condamnable) et sa méthode dialectique niant toute idée immuable et, par là même, révolutionnaire (donc louable et ayant été améliorée dans le cadre de la théorie matérialiste). Concernant les conclusions que la théorie matérialiste permet de définir, Staline insiste sur l’inéluctabilité du socialisme, dans le cadre du mouvement de l’histoire, et sur son aspect scientifique du fait qu’il repose justement sur ce mouvement et non sur de simples idéaux (64).

Ces conclusions lui permettent de réfuter l’idée anarchiste selon laquelle l’instauration du régime socialiste doit immédiatement suivre la décomposition du capitalisme. Le socialisme est inéluctable mais son apparition doit suivre la marche de l’histoire, ce qui implique que la prolétarisation des formes de production doit être accompagnée d’une conscience de classe, engendrée par la liberté politique. Autrement dit, la révolution socialiste est le moyen décisif pour renverser le capitalisme mais cette révolution correspond à une lutte de longue haleine, dont le premier degré est la domination politique du prolétariat sur la bourgeoisie.

C’est notamment à partir de ces considérations que les anarchistes dénient aux marxistes le caractère de socialistes véritables, révolutionnaires et populaires. Pour ces derniers, en renonçant à la mise en place immédiate du socialisme et en envisageant la lutte politique dans le cadre du système capitaliste, le programme marxiste ne fait que mener au capitalisme d’Etat. Ils reprochent également aux marxistes de prévoir d’autres moyens que la violence pour renverser le régime capitaliste et, de ce fait, de perdre leur qualité de mouvement révolutionnaire. Ils dénient à la social-démocratie le caractère de mouvement populaire en s’appuyant sur le fait que les marxistes, en préconisant l’intervention d’un parti centralisé dans l’organisation et le commandement de la révolution, ne font qu’instaurer la dictature non pas du prolétariat mais celle d’une minorité sur le prolétariat. En répliquant aux anarchistes point par point, au moyen des écrits de Karl Marx et de Friedrich Engels, pour prouver l’inconsistance de leurs conclusions sur le mouvement marxiste, Staline ne fit que répercuter l’opposition originelle entre Bakounine et Marx.

Finalement, les divergences de forme et de fond entre les marxistes et les anarchistes furent telles qu’il est impossible de discerner d’éventuelles influences des idées « bakouniennes » sur les premiers acteurs du fédéralisme en Russie. Fervents défenseurs de l’élévation du statut de l’individu, les anarchistes s’opposaient aux Bolcheviks, « qui bannirent cette aspiration de l’homme à être son propre sujet juridique, le maître absolu de son destin » (65). Surtout, les Bolcheviks n’eurent recours au système fédéral que pour trouver un cadre institutionnel à la résolution de la question nationale, suivant en cela la démarche inverse de celle d’un Bakounine, apôtre du fédéralisme universel.



====

notes :

====

(63) On peut trouver des extraits de ces articles consacrés à cette question dans Joseph STALINE, Le communisme et la Russie, Introduction de Jean-François KAHN, Denoël, Paris, 1968, pp. 55-76.

(64) C’est l’essence même de la théorie matérialiste, à savoir que l’être – la matière – doit déterminer la conscience des individus et non le contraire.

(65) Introduction de Stéphane PIERRE-CAPS (p. 8) à Karl RENNER, La Nation, Mythe et Réalité, Presses universitaires de Nancy, Nancy, 1998, 134 p.



*

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***

étude intégraaaale de raphaëlle Lirou

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Re: Le Fédéralisme Libertaire

Messagede vroum le Mer 8 Jan 2014 23:56

La sociologie anarchiste du fédéralisme

Texte original : The Anarchist Sociology of Federalism - Colin Ward
Freedom, Juin-Juillet 1992
http://theanarchistlibrary.org/library/ ... federalism

Le contexte

La minorité des enfants de tous les pays européens qui ont eu l’opportunité d’étudier l’histoire de l’Europe ainsi que celle de leur propre pays ont appris qu’il y avait eu deux grands évènements durant le siècle dernier ; l’unification de l’Allemagne, réalisée par Bismarck et l'empereur Wilhelm I, et celle de l’Italie, réalisée par Cavour, Mazzini, Garibaldi et Victor Emmanuel II.

Le monde entier, ce qui signifiait à l’époque le monde européen, a accueilli favorablement ces victoires. L’Allemagne et l’Italie avait abandonné toutes ces petites principautés, républiques, cités-états et provinces papales, pour devenir des états-nations, des empires et des conquérants. Elles ressemblaient à la France, dont les petits despotes locaux avaient finalement été unifiés par la force d’abord par Louis XIV avec son slogan majestueux ‘L’État c’est moi’, puis par Napoléon, héritier de la Grande Révolution, tout comme Staline au vingtième siècle qui a construit la machinerie administrative pour se mettre en conformité. Ou elles ressemblaient à l’Angleterre dont les rois (et un gouvernant républicain, Oliver Cromwell) avait réussi à soumettre les gallois, les écossais et les irlandais, et ensuite dominé le reste du monde en dehors de l’ Europe. La même chose était arrivé à l’autre extrémité du continent. Ivan IV, nommé à juste titre ‘Le Terrible’, avait conquis l’Asie Centrale jusqu’au Pacifique et Pierre Ier, connu comme ‘Le Grand’, avait mis la main sur la Baltique, la plus grande partie de la Pologne et l’ouest de l’ Ukraine, en utilisant les techniques qu’il avait apprise de la France et de la Grande Bretagne .

L’opinion éclairée à travers l’Europe a salué le fait que l’Allemagne et l’Italie avaient rejoint le club des gentlemen des puissances nationales et impérialistes. Le résultat final lors de ce siècle fut des aventures consternantes de conquêtes, la perte dévastatrice de jeunes vies dans tous les villages d’Europe lors de deux guerres mondiales, la montée des démagogues populistes comme Hitler et Mussolini, ainsi que de leurs imitateurs , jusqu’à ce jour, qui prétendent que ‘L’État c’est moi’.

Par la suite, chaque nation a eu sa moisson de politiciens de toutes tendances qui ont plaidé pour l’unité européenne, dans tous les domaines: économique, social, administratif et, bien sûr, politique.
Inutile de dire que, dans les efforts pour promouvoir l’unification prônée par les politiciens, nous avons une multitude de technocrates à Bruxelles formulant des édits sur quelles variétés de graines potagères ou quels constituants de steaks hachés ou de glaces peuvent être vendus dans les magasins des états membres. Les journaux se font joyeusement l’écho de ces bagatelles. La presse porte beaucoup moins d’attention à un autre courant d’opinion pan-européen, qui se manifeste dans des positions exprimées à Strasbourg et venant de personnes de diverses tendances du spectre politique, qui osent affirmer que les États-Nations sont un phénomène du seizième au dix-neuvième siècle, qui n’aura aucun avenir utile dans le vingt-et-unième siècle. L’histoire à venir de l’administration d’une Europe fédérée qu’elles s’efforcent de découvrir est un lien entre, disons, la Calabre, le Pays de Galles,l’Aquitaine, l’Andalousie, la Galice ou la Saxe, comme régions plutôt que comme nations,à la recherche de leur identité régionale, économique et culturelle, perdue lors de leur intégration dans les états-nations, où le centre de gravité est ailleurs.

Lors de la grande vague des nationalismes du dix-neuvième siècle, il y eut une poignée de voix prophétiques et dissidentes, appelant à un type différent de fédéralisme. Il est intéressant, pour le moins, de noter que ceux dont les noms survivent furent les trois théoriciens les plus connus de l’anarchisme de ce siècle : Pierre-Joseph Proudhon, Michel Bakounine et Pierre Kropotkine. L’évolution de la gauche politique durant le vingtième siècle a rejeté leur héritage comme infondé. Tant pis pour la gauche, puisque la route a été laissée libre pour la droite qui a pu mettre en place son propre programme de fédéralisme et de régionalisme. Écoutons, juste quelques minutes,ces précurseurs anarchistes.

Proudhon

D’abord, il y eut Proudhon, qui a consacré deux de ses volumineux travaux à l’idée de fédération opposée à celle d’état-nation. Il y eut La Fédération et l’Unité en Italie en 1862, et l’année suivante, Du Principe Fédératif. 1

Proudhon était citoyen d’un état-nation unifié et centralisé, dont il fut obligé de fuir pour la Belgique. Et il craignait l’unification de l’Italie pour plusieurs raisons. Dans De la Justice en 1858, il affirmait que la création de l’Empire allemand n’apporterait que des problèmes aux allemands et au reste de l’Europe et a poursuivi son argumentation à travers l’histoire politique de l’Italie .

Au premier plan, l’histoire, à travers laquelle des facteurs naturels comme le climat et la géologie avaient modelé des coutumes et attitudes locales “L’Italie” affirmait-il , “est fédérale par la composition de son territoire; elle l’est par la diversité de ses habitants; elle l’est par son génie ; elle l’est par ses mœurs ; elle l’est encore par son histoire ; elle est fédérale dans tout son être et de toute éternité. ... par la fédération vous la rendrez autant de fois libre qu’elle formera d’États indépendants” 2. Il ne s’agit pas pour moi de défendre l’hyperbole du langage de Proudhon, mais il avait d’autres objections. Il avait compris comment Cavour et Napoléon III s’étaient mis d’accord pour transformer l’Italie en une fédération d’états, mais il avait aussi compris que la Maison de Savoie ne se contenterait de rien de moins qu’une monarchie constitutionnelle centralisée. Et en plus de cela, il se méfiait énormément de l’anticléricalisme libéral de Mazzini, non pas par amour de la papauté mais parce qu’il avait conscience que le slogan de ce dernier, ‘Dio e popolo’, pouvait être exploité par n’importe quel démagogue qui se saisirait de la machinerie de l’état centralisé. Il affirmait que l’existence de cet appareil administratif constituait une menace absolue pour la liberté local et personnelle. Proudhon était pratiquemen le seul théoricien politique du dix-neuvième siècle à percevoir cela :

“Libérale aujourd’hui avec un gouvernement libéral, elle deviendra demain un instrument formidable d’usurpation pour un pouvoir usurpateur, et après l’usurpation, un instrument formidable de despotisme ; sans compter que par cela même elle est une tentation perpétuelle pour le pouvoir, une menace perpétuelle pour les libertés des citoyens. Sous le coup d’une force pareille, il n’y a point de droits individuels ou collectifs qui soient sûrs d’un lendemain. Dans ces conditions, la centralisation pourrait s’appeler le désarmement d’une nation au profit de son gouvernement ...” 3

Tout ce que nous savons de l’histoire du vingtième siècle en Europe, en Asie, en Amérique du Sud ou en Afrique, justifie cette perception. Pas plus que le style de fédéralisme nord-américain, si amoureusement conçu par Thomas Jefferson, ne garantit la disparition de cette menace. Un des biographes anglais de Proudhon, Edward Hyams, commente: “Il est devenu évident depuis la seconde guerre mondiale que les présidents des Etats-Unis peuvent utiliser et utilisent l’appareil administratif fédéral d’une manière qui se moque de la démocratie”. Et son traducteur canadien cite la conclusion de Proudhon :
“Sollicitez l’opinion des hommes de la masse et ils vous renverront des réponses stupides, volages et violentes ; Sollicitez leur opinion en tant que membres d’un groupe défini avec une réelle solidarité et un caractère distinctif et leurs réponses seront responsables et avisées. Exposez-les au ‘langage’ politique de la démocratie de masse, qui représente ‘le peuple’ comme uni et les minorités comme traitres et ils donneront naissance à la tyrannie ; exposez-les au langage politique du fédéralisme, par lequel le peuple est présenté comme un agrégat diversifié d’associations réelles et ils résisteront à la tyrannie jusqu’au bout.”

Cette observation révèle une compréhension profonde de la psychologie politique. Proudhon extrapolait à partir de l’évolution de la Confédération Suisse mais il existe d’autres exemples en Europe . Les Pays-Bas avait la réputation d’une politique pénale clémente ou tolérante. L’explication officielle en était le remplacement du Code Napoléon en 1886 par un “ code criminel spécifiquement hollandais” basé sur des traditions culturelles comme la "fameuse ‘tolérance’ hollandaise et la tendance à accepter les minorités déviantes". Je cite le criminologue hollandais, le Dr Willem de Haan, qui avance l’explication selon laquelle la société hollandaise "a été basée traditionnellement sur des fondements religieux, politiques et idéologiques plutôt que de classes. Les grands groupes confessionnels ont créé leurs propres institutions sociales dans toutes les grandes sphères publiques. Ce processus …a véhiculé une attitude générale tolérante et pragmatique comme règle sociale absolue”.

Autrement dit, c’est la diversité et non l’unité qui crée le type de société dans laquelle nous pouvons vivre vous et moi de manière confortable. Et les attitudes modernes aux Pays Bas sont enracinées dans la diversités des cités-états de Hollande et de Zélande, ce qui explique, aussi bien que le régionalisme de Proudhon, qu’un futur souhaitable pour toute l’Europe est dans la combinaison des différences locales.
Proudhon a assisté dans les années 1860, à une conférence sur une confédération européenne ou des Etats Unis d’Europe. Son commentaire fut :

“Par cela ils ne semblent envisager rien d’autre qu’une alliance de tous les états qui existent actuellement en Europe, petits et grands, présidés par un congrès permanent. Il est considéré comme allant de soi que chaque état gardera la forme de gouvernement qui lui conviendra le mieux. Mais, puisque chaque état disposera de voix au sein du congrès en proportion de sa population et de son territoire, les petits états de cette soi-disant confédération seront bientôt intégrés dans les plus grands ...”

Bakounine

Le second de mes mentors du dix-neuvième siècle, Michel Bakounine, attire notre attention pour diverses raisons. Il fut pratiquement le seul parmi les théoriciens politique de ce siècle à prévoir les horreurs de l’affrontement des états-nations modernes du vingtième siècle lors de la première et seconde guerre mondiale, ainsi qu’à prédire le destin du marxisme centralisateur dans l’empire russe. En 1867 la Prusse et la France semblaient prêtes pour une guerre qui déciderait quel empire contrôlerait le Luxembourg et ceci, à travers le réseau d’intérêts et d’alliances, “menaçait d’engloutir toute l’ Europe”. Une Ligue pour la Paix et la Liberté tint son congrès à Genève, sponsorisé par des personnalités en vue de différents pays comme Giuseppe Garibaldi, Victor Hugo et John Stuart Mill. Bakounine saisit l’occasion de s’adresser à cette audience, et publia ces positions sous le titre Fédéralisme, Socialisme et Anti-Théologisme 4. Ce document présentait treize points sur lesquels, selon Bakounine, le congrès était d’accord.

Le premier proclamait : “Que pour faire triompher la liberté, la justice et la paix dans les rapports internationaux de l’Europe, pour rendre impossible la guerre civile entre les différents peuples qui composent la famille européenne, il n’est qu’un seul moyen : c’est de constituer les États-Unis de l’Europe.”. Son second point affirmait que cet objectif impliquait que les états soient remplacés par des régions car, observait-il : “les États de l’Europe ne pourront jamais se former avec les États tels qu’ils sont aujourd’hui constitués, vu l’inégalité monstrueuse qui existe entre leurs forces respectives.” Son quatrième point affirmait : “Qu’aucun État centralisé, bureaucratique et par là même militaire, s’appela-t-il même république, ne pourra entrer sérieusement et sincèrement dans une confédération internationale. Par sa constitution, qui sera toujours une négation ouverte ou masquée de la liberté à l’intérieur, il serait nécessairement une déclaration de guerre permanente, une menace contre l’existence des pays voisins.” Par conséquent son cinquième point demandait : “Que tous les adhérents de la Ligue devront par conséquent tendre par tous leurs efforts à reconstituer leurs patries respectives, afin d’y remplacer l’ancienne organisation fondée, de haut en bas, sur la violence et sur le principe d’autorité, par une organisation nouvelle n’ayant d’autre base que les intérêts, les besoins et les attractions naturelles des populations, ni d’autre principe que la fédération libre des individus dans les communes, des communes dans les provinces, des provinces dans les nations, enfin de celles-ci dans les États-Unis de l’Europe d’abord et plus tard du monde entier."

Cette vision devenait donc de plus en plus étendue mais Bakounine eut la prudence d’inclure l’acceptation de la sécession. Son huitième point déclarait que : “De ce qu’un pays a fait partie d’un État, s’y fût-il même adjoint librement, il ne s’ensuit nullement pour lui l’obligation d’y rester toujours attaché. Aucune obligation perpétuelle ne saurait être acceptée par la justice humaine ... Le droit de la libre réunion et de la sécession également libre est le premier, le plus important de tous les droits politiques ; celui sans lequel la confédération ne serait jamais qu’une centralisation masquée."

Bakounine fait référence avec admiration à la Confédération Suisse qui "pratique la fédération avec tant de succès aujourd’hui ”, tout comme Proudhon, qui lui aussi, prit explicitement comme modèle la suprématie suisse des communes comme unités de l’organisation sociale liées entre elles au sein des cantons, avec un conseil fédéral purement administratif. Mais tous les deux se souviennent des évènements de 1848, lorsque le Sonderbund des cantons sécessionnistes fut obligé par la guerre d’accepter la nouvelle constitution de la majorité. C’est pourquoi Proudhon et Bakounine étaient d’accord pour condamner la subversion du fédéralisme par des principes unitaires. En d’autres termes, il doit exister un droit à la sécession.

Kropotkine

La Suisse, précisément du fait de sa constitution décentralisée, a été un refuge continuel pour des réfugiés politiques venus des empires austro-hongrois, allemand et russe. Un anarchiste russe fut même expulsé de Suisse. Il allait trop loin, même pour le conseil fédéral suisse. C’était pierre Kropotkine, qui a fait le lien entre le fédéralisme du dix-neuvième siècle et la géographie régionale du vingtième.

Il a passé sa jeunesse comme officier de l’armée dans des expéditions géologiques dans les provinces de l’est de l’empire russe, et son autobiographie nous apprend l’indignation qu’il a ressenti en voyant comme l’ administration centrale et le système de financement empêchaient toute amélioration des conditions locales, par ignorance, incompétence et corruption généralisée, ainsi que par la destruction d’anciennes institutions collectives qui auraient pu permettre aux gens d’améliorer leurs vies. Les riches devenaient plus riches, les pauvres plus pauvres et l’appareil administratif était paralysé par l’ennui et les détournements de fonds.

Il existe une littérature similaire dans chaque empire ou état-nation: l’empire britannique, austro-hongrois, et on peut lire des conclusions similaires dans les écrits de Carlo Levi ou Danilo Dolci. En 1872, Kropotkine s’est rendu pour la première fois en Europe de l’ouest et, en Suisse, il fut contaminé par l’air de la démocratie, même bourgeoise. Il résida dans les collines du Jura avec les horlogers. Son biographe Martin Miller explique comment ce fut le moment charnière de sa vie :

“Les rencontres et les discussions de Kropotkine avec les ouvriers durant leur travail ont fait apparaître une sorte de liberté spontanée sans autorité ou consignes venant d’en haut à laquelle il rêvait. Isolés et auto-suffisants, les horlogers impressionnaient Kropotkine qui y voyait un exemple pour transformer la société si une telle collectivité pouvait se développer sur une large échelle. Il ne faisait aucun doute dans son esprit que cette collectivité travaillerait parce qu’il n’était pas question d’imposer un ‘système’ artificiel, comme Muraviev avait essayé de le faire en Sibérie, mais de permettre l’activité naturelle des ouvriers de fonctionner selon leurs propres intérêts.”

Ce fut le moment-clé de sa vie. Le reste fut, en un sens, consacré à rassembler les preuves du bien-fondé de l’anarchisme, du fédéralisme et du régionalisme.
Ce serait une erreur de croire que l’approche qu’il a développé n’est qu’une question d’histoire théorique. Pour le démontrer, il suffit de se référer à l’étude que Camillo Berneri a publié en 1922 ‘Un federaliste Russo, Pietro Kropotkine’. Berneri cite la ‘Lettre aux ouvriers d’Europe de l’ouest’ que Kropotkine a écrit à Margaret Bondfield, membre du Parti Travailliste britannique en juin 1920, dans laquelle il déclarait:

“La Russie impériale est morte et ne revivra jamais. L’avenir de ses différentes qui composaient l’empire ira vers une large fédération. Les territoires naturels de ses différentes parties ne seront en rien distinctes de celles que nous connaissons de l’histoire de la Russie, de son ethnographie et de son économie. Toutes les tentatives pour réunir les parties qui constituaient l’empire russe, comme la Finlande, les provinces baltes, la Lithuanie, l’Ukraine, la Géorgie, l’Arménie la Sibérie et autres, sous une autorité centrale, sont vouées à un échec certain. L’avenir de ce qui fut l’empire russe va vers un fédéralisme d’unités indépendantes.”

Vous et moi pouvons voir aujourd’hui le bien-fondé de cette opinion, même si elle fut ignorée comme totalement non pertinente pendant soixante-dix ans. Comme exilé en Europe de l’Ouest, il fut en contact permanent avec toute une variété de pionniers de la pensée régionaliste. La relation entre régionalisme et anarchisme a été établie élégamment, somptueusement même, par Peter Hall, le géographe qui est le directeur du Institute of Urban and Regional Development à Berkeley, Californie, dans son livre Cities of Tomorrow (1988). Il y eut le collègue géographe anarchiste de Kropotkine, Élisée Reclus, plaidant pour des sociétés humaines à petite échelle basées sur l’écologie de leurs régions 5. Il y eut Paul Vidal de la Blache, un autre fondateur de la géographie française, qui soutenait que “la région était plus qu’un objet de survie; elle servait à fournir la base d’une totale reconstruction de la vie politique et sociale.” Pour Vidal, comme l’explique le professeur Hall, la région, et non la nation, qui “en tant que force motrice du développement humain, la réciprocité presque sensuelle entre hommes et femmes et leur environnement, a été le siège d’une liberté concrète et le ressort de l’évolution culturelle, et a été attaquée et érodée par l’état-nation centralisé et par l’appareil industriel à grande échelle.”

Patrick Geddes

Enfin, il y eut l’extraordinaire biologiste écossais Patrick Geddes, qui a essayé de résumer toutes ces idées régionalistes, sur le plan géographique, social, historique politique ou économique, dans une idéologie rationnelle pour les régions, connu pour la plupart d’entre nous à travers les travaux de son disciple, Lewis Mumford. Le professeur Hall a soutenu que :

“Beaucoup, si ce n’est toutes, les premières visions du mouvement d’urbanisme proviennent du mouvement anarchiste, qui a prospéré dans la dernière décennie du dix-neuvième siècle et les premières années du vingtième ... La vision de ces pionniers anarchistes n’était pas seulement une forme alternative de construction, mais une société alternative, ni capitaliste, ni socialiste bureaucratique : une société fondée sur la coopération volontaire parmi les femmes et les hommes, travaillant et vivant dans de petites collectivités auto-gouvernées.” 6

Aujourd’hui

Aujourd’hui, dans les dernières années du vingtième siècle, je veux partager cette vision. Ces théoriciens anarchistes du dix-neuvième siècle étaient un siècle en avance sur leurs contemporains en avertissant les peuples d’Europe des conséquences en n’adoptant pas une approche régionaliste et fédéraliste. Parmi les survivants de chaque sorte d’expériences désastreuses du vingtième siècle, les gouvernants des états-nations d’Europe ont conduit des politiques allant vers plusieurs types d’existence supranationale. La question cruciale à laquelle il sont confrontés est de concevoir soit une Europe des états ou une Europe des régions.

Proudhon, il y a 130 ans, a lié cette question à l’idée d’un équilibre des pouvoirs européen, le but des hommes d’état et théoriciens politiques, et a soutenu qu’il était “impossible de le réaliser avec de grandes puissances dotées de constitutions unitaires”. Il a affirmé dans La Fédération et l’Unité en Italie que “la première étape vers une réforme du droit public en Europe” était “la restauration des confédérations d’Italie, de Grèce, des Pays-Bas de Scandinavie et du Danube, comme prélude à la décentralisation des grands états et par conséquent, du désarmement”. Et dans Du Principe Fédératif, il a noté que “Parmi les démocrates français, il y a eu beaucoup de discussions sur Confédération Européenne ou États Unis d’Europe. Par cela ils ne semblent envisager rien d’autre qu’une alliance de tous les états qui existent actuellement en Europe, petits et grands, présidés par un congrès permanent.” Il affirmait qu’une telle fédération serait soit un piège, soit n’aurait aucune signification pour la raison évidente que les grands états domineraient les petits.

Un siècle plus tard, l’économiste Leopold Kohr (Autrichien de naissance, de nationalité britannique, gallois par choix), qui se présente aussi comme anarchiste, a publié un livre The Breakdown of Nations, glorifiant les vertus de sociétés à petite échelle et soutenant, une fois de plus, que les problèmes de l’Europe proviennent de l’existence des états-nations. Faisant l’éloge, une fois de plus, de la Confédération Suisse, il a affirmé, cartes à l’appui, que "le problème de l’Europe — comme de toute fédération — est la division, pas l’union.”

Maintenant, pour leur rendre justice, les avocats des États Unis d’Europe ont élaboré une doctrine de ‘subsidiarité’, avançant que les décisions gouvernementales ne seraient pas prises par les institutions supranationales de la Communauté Européenne, mais de préférence, par des niveaux locaux ou régionaux d’administration,plutôt que par des gouvernements nationaux. Ce principe particulier a été adopté par le Conseil de l’ Europe, appelant les gouvernements nationaux a adopté sa Charte Européenne de l'Autonomie Locale 7 “pour formaliser l’engagement sur le principe que les fonctions gouvernementales seront effectuées au plus bas niveau possible et seulement transférées à un plus haut niveau uniquement par consentement.”

Ce principe est un extraordinaire hommage à Proudhon, Bakounine et Kropotkine, et aux opinions qu’ils étaient les seuls à exprimer (à part quelques théoriciens espagnols captivants comme Pi y Margall ou Joaquin Costa), mais, bien sûr, c’est l’un des premiers aspects de l’idéologie pan-européenne que les gouvernements choisiront d’ignorer. Ils existe des différences manifestes entre les différentes états-nations à ce sujet. Dans beaucoup d’entre eux — L’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et même la France — l’appareil d’état est beaucoup plus décentralisé qu’il ne l’était il y a cinquante ans. Cela sera bientôt vrai pour l’Union Soviétique. Cette décentralisation a pu ne pas s’effectuer à la vitesse où vous et moi l’aurions voulu et je serais heureux de convenir que les fondateurs de la Communauté Européenne ont atteint leur but premier de mettre fin aux anciens antagonismes nationaux et qu’ils ont rendu inconcevables de futures guerres en Europe de l’ouest. Mais nous sommes encore très loin de l’Europe des Régions.

Je vis dans ce qui est maintenant l’état le plus centralisé d’Europe de l’ouest et la domination de l’état central ici s’est infiniment accrue, au lieu de diminuer, ors de ces dix dernières années. Certaines personnes ici se rappelleront les paroles du Premier Ministre d’alors en 1988:

“Nous n’avons pas fait reculer avec succès les frontières de l’Etat en Grande Bretagne pour les voir réimposer à un niveau européen, avec un super-état européen exerçant un nouveau pouvoir de Bruxelles ”.
C’est de l’aveuglement. Ce n’est pas un langage lié à la réalité Vous n’avez pas à être un partisan de la Commission Européenne pour vous en rendre compte Mais cela illustre combien certains d’entre nous sommes loin de concevoir la vérité du commentaire de Proudhon que: “Même l’Europe serait trop grande pour former une seule confédération; elle ne formerait qu’une confédération de confédérations.”

L’avertissement anarchiste est précisément que l’obstacle à une Europe des régions est l’état-nation. Si vous ou moi avons une quelconque influence sur la pensée du prochain siècle, nous devrions plaider pour les régions. ‘Penser globalement — agir localement “ est un des slogans utiles du mouvement international Vert. L’état-nation a occupé une petite portion de l’histoire européenne. Nous devons nous libérer des idéologies nationales afin d’agir localement et de penser régionalement. Les deux nous permettront de devenir des citoyens du monde, et non de nations ou de super-états nationaux.
------------------------------------------------------------------------------------------------
NDT
1 Du principe Fédératif
http://fr.wikisource.org/wiki/Proudhon_ ... C3%A9ratif
2 Du principe Fédératif op citée
3 Du principe Fédératif op citée
4 Fédéralisme, socialisme et antithéologisme
http://fr.wikisource.org/wiki/F%C3%A9d% ... A9ologisme
5 Idée reprise par Peter Berg aux Etats-Unis à travers les biorégions
6 Ward a travaillé comme architecte et a écrit de nombreux ouvrages sur le sujet, dont Housing: An Anarchist Approach (1976) When We Build Again: Let's Have Housing that Works! (1985) ou encore Sociable Cities: The Legacy of Ebenezer Howard (avec Peter Hall) (1999) parmi d’autres.
7 Charte Européenne de l'Autonomie Locale http://conventions.coe.int/treaty/fr/tr ... ml/122.htm
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Re: Le Fédéralisme Libertaire

Messagede vroum le Dim 26 Jan 2014 09:54

Pierre Besnard: le Fédéralisme


L'Anarchie est la plus haute expression de l'ordre

FÉDÉRALISME

Le fédéralisme est une forme d’organisation sociale, qui a pour but d’assurer : 1° les rapports des individus entre eux ; 2° les rapports de l’individu avec le groupement ; 3° les rapports des groupements entre eux. Il a pour bases essentielles :

1° la liberté de l’individu ; 2° l’indépendance et l’autonomie du groupement.

Il repose sur une grande loi naturelle : l’ASSOCIATION, dont les fondements moraux sont : la SOLIDARITÉ ET L’ENTR’AIDE.

Les principes qui se dégagent de l’application de cette loi naturelle consacrent, sans conteste possible, l’interdépendance absolue de l’individu et du groupement.

Et c’est de cette constatation qu’est issu le fédéralisme, comme forme d’organisation sociale, basée à la fois sur la nature et sur l’observation scientifique des faits.

Nul ne peut échapper à cette loi : ni les êtres animés, ni les êtres appelés, par erreur, inanimés.

Non seulement les hommes doivent s’y plier, pour vivre, se développer et se défendre contre les éléments ou les autres espèces qui leur disputent la possession de la terre, mais il apparaît clairement que les végétaux et les minéraux, comme les animaux, ne peuvent se soustraire à la loi d’association.

Ce n’est pas par hasard que les forêts existent, que les gisements de minéraux se rencontrent, que les animaux se groupent. La seule loi d’attraction ne suffirait pas à expliquer ces phénomènes de groupements, cette classification en espèces : animales, végétales, minérales.

Ces espèces se rassemblent, pour vivre, sous l’influence des éléments.

Ce n’est qu’en se groupant par catégorie qu’elles ont la possibilité de se défendre contre les autres espèces, de se donner en commun des conditions de vie.

D’autres l’ont dit et prouvé bien avant moi.

Il était donc naturel que les hommes, ces animaux supérieurs, paraît-il, obéissent, eux aussi, à la loi d’association, pour le bien comme pour le mal.

L’association s’est imposée à l’homme dès qu’il a voulu accomplir une tâche au-dessus de ses seules forces, dès que ses semblables ou les éléments lui ont imposé cette tâche.

Pour que l’association soit viable, il faut que les associés poursuivent un but commun et qu’ils soient d’accord sur les moyens à employer pour atteindre ce but.

Ceci les oblige à accepter tacitement un contrat, écrit ou non, qu’ils s’engagent à respecter volontairement et mutuellement, pendant toute la durée de l’association, que celle-ci soit limitée ou illimitée.

Il est clair qu’en s’associant avec d’autres hommes, avec lesquels il conclut un accord précis, nettement défini par le contrat qui le lie à ses associés, l’individu abandonne forcément quelques préférences personnelles qu’il conditionne, en quelque sorte, l’exercice de sa liberté. De même, il subordonne volontairement son intérêt particulier à un intérêt collectif, lequel donne tout naturellement naissance la constitution de l’association.

Il se crée donc des droits et devoirs. Ses droits, c’est ce qu’il reçoit et doit recevoir des autres associés, pour sa collaboration à l’œuvre commune. Ses devoirs, c’est ce qu’il doit à ses associés, pour leur participation à cette même œuvre.

S’il doit exiger l’intégralité de ses droits, il doit aussi remplir scrupuleusement ses devoirs.

A la spécification du but à atteindre, à la détermination des moyens à employer qui constituent la doctrine de l’association, viennent s’ajouter renonciation des droits et des devoirs de chacun, qui forment le Statut, la Charte de l’association, qui se meut désormais dans le cadre des principes adoptés par l’ensemble des associés.

A partir de ce moment, toutes les décisions prises par les associés devront être en accord avec les principes fixés.

A cet instant précis de ma démonstration, je tiens à établir la différence qu’il convient de faire entre le principe :immuable, et la décision : circonstancielle.

En effet, si le principe, base de la charte, ne peut être modifié que du consentement unanime des associés, la décision peut être prise par la majorité de ces associés.

Une seule condition suffit pour que la décision soit valable : Il faut qu’elle soit en accord, avec le principe ou les principes sur lequel ou lesquels l’association a été fondée.

Une décision est valable – et doit être appliquée – jusqu’à ce qu’une autre décision se rapportant au même sujet, à la même question, soit venue automatiquement remplacer la première, toujours dans le cadre des principes, bien entendu.

S’il en était autrement, si une partie des associés ou un associé seulement prétendait passer outre à la décision, l’association serait menacée dans son existence. Elle ne pourrait jamais atteindre les buts pour lesquels elle a été constituée.

Pour sortir de cette situation, il n’y a que deux solutions : ou l’associé part de son plein gré ou les autres associés lui notifient son départ.

C’est le résultat même de l’application du Statut de l’association, de la charte, à laquelle tous les associés ont accepté, par avance, de se discipliner volontairement.

C’est aussi la conséquence de l’application de la loi du nombre, qui oblige l’individu, associé à d’autres individus, à accepter de travailler selon les décisions de l’ensemble ou de la majorité.

Et tant que cette loi inexorable ne pourra être remplacée par une autre plus juste, plus logique, plus équitable, il devra en être ainsi.

On pourra dire de cette loi du nombre qu’elle est injuste, qu’elle paralyse la marche en avant, qu’elle asservit un individu à l’ensemble, une minorité à une majorité.

Ce qu’il importe de faire, c’est de trouver mieux avant de l’abolir. Or, on n’a, jusqu’ici, rien trouvé. On peut aussi dire que toutes les objections sont plutôt d’ordre sentimental. Raisonnablement, pratiquement, elles sont sans valeur. Si on les acceptait, il n’y aurait aucune association possible et, seul, l’individualisme s’imposerait.

S’il est évident que l’individu compose le milieu, pour partie, il est non moins évident que l’individu ne peut pratiquementse dissocier du milieu ; qu’il en dépend au même titre que tous les organes d’un même corps dépendent de ce corps et sont solidaires l’un de l’autre.

On doit donc admettre comme exacte l’interdépendance absolue du groupement et de l’individu, aussi longtemps que le second demandera quelque chose au premier, qu’il ne pourra se suffire complètement à lui-même.

Puisqu’il est obligé de s’associer, qu’il en reconnaît la nécessité, il est obligé de respecter le contrat auquel il a souscrit. Ceci implique forcément que l’individu accepte les décisions de l’ensemble, que la minorité accepte celles de la majorité, dans les limites du contrat, suivant le Statut.

On peut, évidemment, dire que la minorité a toujours raison, que l’individu est plus éclairé que la majorité. Ceci n’est pas toujours exact. De même que les majorités, les minorités ou l’individu peuvent être dans l’erreur.

Il convient de dire aussi qu’il y a deux sortes de minorités et d’individus : celles ou ceux qui marchent en avant et celles ou ceux qui restent en arrière.

Si on a affaire à une minorité – individuelle ou collective – qui voit plus juste et plus loin que la majorité, il n’est pas douteux qu’elle aura rapidement raison, que son point de vue, rejeté hier, sera adopté demain, après expériences, puisque aucune opposition d’intérêts ne dresse l’une contre l’autre la majorité et la minorité et que toutes deux, au contraire, tendent à réaliser une même chose, à atteindre un même but.

La minorité deviendra donc majorité. Détentrice de la vérité, elle sera un élément de succès, à la condition, toutefois, qu’elle accepte les décisions de la majorité, qu’elle les applique, qu’elle agisse dans leur cadre.

Ce sont les événements eux-mêmes qui lui donneront raison. Elle doit être disciplinée. Elle comprendra d’autant mieux la nécessité de cette discipline, qu’il est certain d’avance qu’elle donnera elle-même naissance, un jour prochain, à une majorité issue de son propre sein.

N’est-ce pas là le résultat d’une évolution naturelle incontestable contre laquelle aucun argument ne peut être apporté ? Si, au contraire, on a affaire à une minorité d’arrière-garde retardataire, figée, convient-il de l’écouter ? Non. Il faut s’efforcer de la faire évoluer, sans la brimer et de l’amener à rythmer son action sur celle de la majorité d’avant-garde, sans la brusquer, en utilisant, pour cela, la leçon des faits. Les événements ne tarderont guère à lui démontrer son erreur.

La loi du nombre est donc la seule qu’une association puisse accepter. Et ceux qui ne l’admettent pas ne peuvent participer effectivement à l’oeuvre commune. Cela veut-il dire que l’individu abdique toute liberté, toute initiative ? Du tout ; au contraire, l’individu est pleinement libre de discuter sur toutes les questions qui se réfèrent à la vie de l’association ; il a le droit d’exprimer son point de vue, son opinion sur toutes les questions et de tenter de faire prévaloir cette opinion, ce point de vue.

Mais lorsque tous les associés qui désirent user de ce droit – qui est en même temps un devoir – ont discuté et qu’il fautdécider, la discipline s’impose à tous.

La décision de la majorité ne souffre aucune discussion. Il faut l’appliquer. Ainsi, en pleine souveraineté, l’association adiscuté et décidé. Il lui reste à agir. Tous les associés doivent le faire, dans le cadre des principes d’abord, suivant les décisions ensuite.

Discussion, décision et action caractérisent donc les stades successifs que traverse toute idée dont l’association a reconnu la nécessite d’application pratique.

Au premier stade se place le droit, au deuxième, l’expression de ce droit, au troisième, le devoir.

Ce n’est qu’en utilisant le premier, qu’en exprimant le second et en acceptant le troisième, que les associés pourront permettre à l’association de vivre, de se développer naturellement et normalement, en marchant constamment vers ses buts.

La solidarité et l’entr’aide, bases morales de l’association permettront à l’individu de recevoir de ses associés ce qui lui est dû, en même temps qu’elles assureront à ces derniers le concours du premier.

On peut donc dire que l’association est la loi fondamentale, parce que naturelle et scientifique, qui s’impose aux hommes qui veulent vivre en société.

Quant aux autres, s’ils ne veulent rien devoir au milieu, ils doivent, en revanche, ne rien lui demander.

C’est l’évidence même.

L’association engendre automatiquement l’alliance, le fédéralisme.

En effet, si une association est forcément limitée à un milieu restreint, un très grand nombre d’associations peuvent avoir une communauté de vue, d’intérêts matériels et moraux, immédiats et futurs.

Ceci les oblige à se réunir, à reconnaître l’identité de leurs buts, à déterminer les moyens à employer pour les atteindre, à se donner une doctrine commune, à établir un contrat, à dresser un statut pour agir ensemble.

A ce moment, le fédéralisme est né. Les nécessités économiques, à chaque époque, lui assignent la forme convenable.

C’est ainsi que, de nos jours, le monde, partagé en deux classes rivales, est obligé de se donner une organisation fédérative, que les syndicats, patronaux et ouvriers, sont devenus la forme-type de cette association. Les uns œuvrent pour conserver les privilèges capitalistes, les autres pour établir l’égalité sociale. C’est entre ces deux forces, qui représentent les classes en présence, que se livrera la véritable bataille sociale. Le succès de l’une sera fait de l’écrasement de l’autre. Celle qui triomphera sera celle qui aura le mieux compris le fédéralisme associatif.

En dehors d’elles, rien d’autre n’existe vraiment. Tout leur est obligatoirement subordonné, et l’accessoire : le politiquetend de plus en plus à disparaître devant le principal : l’économique. Et le jour n’est pas éloigné où les partis : bourgeois ou ouvriers, de même que les gouvernements qui en sont les conséquences, devront disparaître devant les classes ayant rassemblé toutes leurs forces : politiques, économiques et sociales dans de vastes associations, fédérées entre elles, chacune sur son propre plan.

Il n’est pas exagéré de dire dès aujourd’hui que le syndicalisme révolutionnaire et anti étatiste exprime la synthèse de la force de classe ouvrière, comme il est déjà la synthèse du mécanisme social de l’avenir.

Il a dû, tout naturellement, se préparer à la tâche qui lui incombera et s’efforcer de fonctionner dès maintenant, selon les principes qu’il veut appliquer intégralement plus tard.

Il s’est donc donné, pour cela, une structure adéquate à la besogne à accomplir et dotée des organismes qui doivent lui permettre de réaliser sa tâche.

Ces organismes sont : le syndicat fonctionnant sur la base des comités d’atelier et des conseils d’usine ; l’union locale, l’union régionale, la confédération générale du travail et l’internationale syndicale. Pour accomplir la partie technique de son programme, il a institué des fédérations nationales et internationales d’industrie qui doivent, dès que possible, donner naissance à un comité économique du travail, sur le plan national et international.

Tous ces rouages se meuvent suivant les principes-fédéralistes, de la base au faîte et du faîte à la base, accomplissant ainsiun cycle complet formé de deux courants : l’un ascendant, l’autre descendant.

Le courant ascendant va de l’individu à l’internationale, en passant de l’unité au nombre, du simple au complexe, par l’intermédiaire des rouages existants, en désindividualisant de plus en plus l’intérêt particulier pour le transformer de plus en plus en intérêt collectif social.

Le second, descendant, va de l’internationale à l’individu, en passant du nombre à l’unité, du complexe au simple, par l’intermédiaire des mêmes organismes, en restituant à chacun des rouages sa liberté d’action dans le cadre général et en donnant à chaque rouage et, en définitive, à l’individu, une pleine liberté, dans le cadre particulier de son activité, en complet accord avec les principes et les décisions de l’association à ses divers degrés.

C’est ainsi qu’on retrouve à tous ces degrés les trois principes qui se dégagent du fédéralisme : discussion, décision etaction, dont la continuation constante assure la bonne marche pratique de l’organisation.

Pour que les individus associés puissent participer comme il convient à la vie de l’association constituée par eux, on procède de la façon suivante :

Dans le syndicat, tous les syndiqués discutent en assemblée générale les questions qui les intéressent. Après ample discussion, l’assemblée prend une décision, à l’unanimité ou à la majorité, en ayant soin de se tenir dans le cercle des principes déterminés par le groupement général fédératif, auquel le syndicat appartient.

Dès que cette décision est prise, tous les syndicats doivent l’appliquer dans leur sphère d’activité, et mettre tout en œuvre pour atteindre les buts fixés. Il n’y a plus de majorité, ni de minorité, mais un groupement tout entier qui agit après avoirdiscuté et décidé.

En ce qui concerne l’union locale, qui est composée de tous les syndicats d’une même localité et de ceux qui appartiennent à sa zone de rayonnement préalablement déterminée, les syndiqués participent à la vie de cet organisme par une représentation directe nommée par les assemblées générales des syndicats, et contrôlés constamment par ces assemblées.

Toutefois, dans les localités de peu d’importance, il ne serait pas mauvais que les délégués fussent nommés par l’ensemble des syndiqués réunis en assemblée, et même que tous les syndiqués puissent participer directement à la gestion syndicale ou sociale.

Les décisions prises au sein de l’union locale soit par les délégués directs dûment mandatés ou par tous les syndiqués sont applicables par l’ensemble des syndicats et des syndiqués composant l’union locale, suivant les principes déjà exposés pour le fonctionnement- du syndicat. La vie de l’union régionale et le fonctionnement de cet organisme sont assurés de la même façon que ceux de l’union locale et les décisions prises sont appliquées de la même manière, dans les mêmes conditions.

Toutefois, on comprendra que, devant l’impossibilité de réunir tous les syndiqués d’une région, on soit dans l’obligation de s’en tenir aux délégations directes des syndicats, nommées et contrôlées par les assemblées générales.

Enfin, de même que tous les syndicats d’un pays se réunissent en congrès fédéral industriel pour fixer leur action sur plan et préparer la besogne technique de l’ensemble de l’association, ces syndicats se réunissent, dans les conditions fixées par eux lors de l’établissement du statut de l’organisation, en congrès confédéral national.

Dans ces assises, où les syndicats sont représentés par des délégués directs nommés par les assemblées générales des syndiqués, on discute et on décide de la ligne de conduite générale de l’organisation, de l’association de tous les syndiqués. On établit un plan d’action général, en laissant place aux formules régionales, locales et syndicales qui, de proche en proche, viendront s’ajouter à ce plan et en faciliter l’application par le jeu des unions régionales et locales, des syndicats, conformément aux nécessités, et suivant la situation particulière des régions, unions locales et syndicats.

Pour fixer l’action internationale de la classe ouvrière de tous les pays, dont la solidarité doit être totale dans tous les domaines, les centrales nationales, les groupements de tous les syndiqués de chaque pays affilié, se réunissent en congrès international et là, par le canal des délégués nommés par les congrès nationaux, s’établit le plan d’action international de tous les associés, unis sans distinction de nationalité.

Les décisions prises sont d’ordre général. Elles sont applicables à l’ensemble des associés dans tous les pays.

C’est la première partie du cycle, le courant ascendant qui a permis de discuter et de décider à tous les échelons, suivant les mêmes méthodes. Et on peut dire que, directement ou par des délégués nommés par lui et constamment contrôlés, l’associé participe à la marche de l’association et au contrôle de tous ses rouages.

Pour que s’accomplisse la seconde partie du cycle, par le courant descendant, après avoir discuté et décidé, il faut que les associés agissent. Ils le font par la mise en mouvement en sens inverse de tous les rouages fédérés, sur le plan social et sur le plan industriel, dans le cadre des principes de l’association, et suivant les décisions prises.

C’est ainsi que l’Internationale syndicale indique à la C. G. T. de chaque pays l’action générale à entreprendre et que cette dernière détermine, dans le cadre arrêté par le Congrès international, la forme d’action particulière qui correspond le mieux à la situation de ce pays qui constitue le lieu de son activité.

De même, étant mises en possession de la décision de l’Internationale et du plan national arrêté par le Congrès national confédéral, chaque fédération, dans le domaine industriel, et chaque région, dans le domaine social, établit en conformité des décisions prises, sa formule d’action la plus appropriée.

Les unions locales et les syndicats opèrent de façon identique. Ainsi, dans le cadre des décisions d’ordre général, de l’Internationale syndicale viennent prendre place normalement, à leur heure précise, toutes les décisions particulières prises successivement par les C. G. T., unions régionales et locales, fédérations et syndicats, organes de consultation et de liaison de l’association de la base au faîte et du faîte à la base.

A ce moment, le syndiqué se trouve, en pleine communauté avec tous ses associés, en possession de toutes les décisions prises par eux. Il lui reste à agir suivant les principes et les décisions, à se diriger vers les buts indiqués en utilisant les moyens d’action indiqués, par ordre descendant, par les divers rouages de l’association.

Il dépendra alors complètement de lui, de son intelligence, de son courage, de sa compréhension, de son initiative, du sentiment qu’il aura de sa responsabilité, que le succès ou l’insuccès couronne ses efforts.

En définitive, l’associé seul agit, mais il agit en accord avec tous les autres associés avec lesquels il s’est préalablement uni et on peut déclarer que l’initiative et la responsabilité, qui sont les facteurs essentiels à la réalisation de toute œuvre, quelle qu’elle soit, lui appartiennent constamment, que c’est lui, avec ses associés et fédérés, qui exerce, dirige et exécute.

Mais, pour que le fédéralisme porte tous ses fruits, un tel système doit fonctionner sans à-coups, normalement et à plein rendement.

Pour cela, chaque associé, chaque groupement, doit accomplir intégralement sa tâche, toute sa tâche, mais rien que sa tache, sans empiéter sur celle du voisin d’à-côté, au-dessous ou au-dessus.

Toute négligence d’un associé, tout arrêt dans le fonctionnement d’un rouage, tout ralentissement ou tout rythme trop vif dans le fonctionnement d’un rouage risquent de rompre l’harmonie de l’ensemble.

Cette négligence, cet arrêt, ce ralentissement, ce rythme désordonné, auraient pour conséquence fatale de détraquer le système infiniment sensible qu’est ce fédéralisme.

L’insouciance des associés d’un syndicat, d’une union locale et régionale, leur désintéressement de la bonne marche de l’association, du respect des décisions prises auraient pour conséquence l’établissement, par voie de substitution, d’une sorte de dictature collective, qui pourrait fort bien, par la suite, se transformer pour les mêmes raisons, en dictature de clan – ou de parti – pour aboutir à une véritable dictature individuelle.

Donc, pour naturel qu’il soit, le fédéralisme est bien le système le plus difficile à appliquer, parce qu’il requiert, pour cela,l’activité constante de tous : individus et groupements.

Adversaire irréductible de la théorie du moindre effort, il nie l’utilité et surtout la possibilité d’existence des messies, des hommes-providence. Il n’attend de réalisations que de l’individu et de ses associés, et il affirme ne pouvoir rien obtenir que par eux.

Lui seul garantit la liberté dans le groupement et ne limite pas son expansion ; lui seul permet d’établir entre les individus, entre les groupements et les individus, entre les groupements entre eux, des rapports véritablement normaux. Il apparaît comme le système de l’avenir très proche. L’humanité ne sera libérée que par son application, et la société de demain ne verra la suppression des classes, l’abolition du salariat, la disparition de l’inutile Etat, par le nivellement des classes, l’intégration de tous les individus dans la production, que par le fédéralisme, seul capable d’assurer à la fois, la liberté, de chacun et le bien-être de tous dans l’harmonie et l’égalité sociale réalisées.
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Re: Le Fédéralisme Libertaire

Messagede frigouret le Dim 26 Jan 2014 12:35

Ça c'est l'article de Besnard sur le fédéralisme dans l'encyclopédie anarchiste. Le fait qu'il n'y est pas d'article contradictoire sur un sujet aussi important dans l'encyclopédie m'avait d'abord étonné.
Il y a une bonne critique de l'oeuvre de Besnard sur le site anarkhia, et notamment du fédéralisme global ( sujet qu'il serait pertinent d'aborder sur ce fil de discussion). Le fédéralisme global est pour moi un faux fédéralisme, un fédéralisme idéologique qui présuppose la domination d'un dogme préalable.

Le lien vers anarkhia:
http://www.anarkhia.org/article.php?sid=1310
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Re: Le Fédéralisme Libertaire

Messagede Lehning le Lun 27 Jan 2014 23:12

Bonsoir !

En quoi le fédéralisme libertaire serait de l'anarchisme moisi ? Tu sembles affirmer des âneries sans argumenter.

Ou ta diatribe alambiquée ne serait-elle qu'une critique de Pierre BESNARD ?

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Re: Le Fédéralisme Libertaire

Messagede Specifix le Mar 28 Jan 2014 00:05

En quoi le fédéralisme libertaire serait de l'anarchisme moisi ?

Peut-être parce que le fédéralisme libertaire a été mal conservé ou que sa date limite de vente a été dépassée ? :lol:
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Re: Le Fédéralisme Libertaire

Messagede Lehning le Mar 28 Jan 2014 00:22

Bonsoir !

Content de te voir de retour sur le forum Spécifix ! :drapA:

Tu m'as fait rire ! Merci !

A +
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Re: Le Fédéralisme Libertaire

Messagede jeannetperz le Mer 29 Jan 2014 17:55

je revient, je pense que le fédéralisme a la Besnard sent le moisi encore un vieux truc qu on sort quant on peut pas dire autre chose. je trouve que poster comme le fait le camarade lehning un truc complètement dépassé donne une image passéiste de l anarchisme. j ai lu un truc ps mal sur le site CNT-Caen cahier de l anarcho-syndicaliste / le fédéralisme en réseau et je crois que en plus c est sur le forum noir et rouge.
bon j espère que vroum ne va pas foutre ce poste encore a la corbeille ; faut qu il comprenne que nous sommes pas dans le fétichisme de son organisation.
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Re: Le Fédéralisme Libertaire

Messagede Lehning le Mer 29 Jan 2014 19:44

Bonsoir !

J'ai rien posté du tout sur Pierre BESNARD moi ! Tu sembles t'emmêler les pinceaux jeannetperz mais je constate que tu écrit de mieux en mieux. :siffle:

Salutations Anarchistes !
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Re: Le Fédéralisme Libertaire

Messagede Specifix le Jeu 30 Jan 2014 01:31

J'ai suivi le forum à distance depuis quelque temps ... je ne suis jamais très loin.
Des fois, il faut prendre un peu de recul ... ça ne fait pas de mal !
Je suis en train de lire, décrypter, décoder, traduire, quelques-uns de tes posts de-ci, de-là, jeannot.
En diagonale, ... pas tout, ... faut pas exagérer quand même, ... juste de quoi me faire une idée plus précise du gus.

Je dirais : "Pas con, le gugusse ... un peu psycho-rigide, peut-être ... sûrement, même, ... mais pas con ! "

C'est un vieux renard ... qui sait ce qu'il dit et ce qu'il fait. Mais, les vieux renards sont parfois aussi psychorigides que sont virtuels certains de ceux qu'il critique ...

La franchise ne doit pas, forcément, exclure la finesse, jeannot ... mais, la provocation n'est pas nécessaire ...

A +
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Re: Le Fédéralisme Libertaire

Messagede jeannetperz le Jeu 30 Jan 2014 11:00

Specifix a écrit:J'ai suivi le forum à distance depuis quelque temps ... je ne suis jamais très loin.
Des fois, il faut prendre un peu de recul ... ça ne fait pas de mal !
Je suis en train de lire, décrypter, décoder, traduire, quelques-uns de tes posts de-ci, de-là, jeannot.
En diagonale, ... pas tout, ... faut pas exagérer quand même, ... juste de quoi me faire une idée plus précise du gus.

Je dirais : "Pas con, le gugusse ... un peu psycho-rigide, peut-être ... sûrement, même, ... mais pas con ! "

C'est un vieux renard ... qui sait ce qu'il dit et ce qu'il fait. Mais, les vieux renards sont parfois aussi psychorigides que sont virtuels certains de ceux qu'il critique ...

La franchise ne doit pas, forcément, exclure la finesse, jeannot ... mais, la provocation n'est pas nécessaire ...

A +

Ecoute mon bézo fait pas le psy avec moué j ai qui faut la dsus. Rigide dans qui passe ça veut rien dire c est un artifice pour inhiber l autre . va voire sur google a trotskiste et anarchiste ya un renvoi sur fofo et là mon gas tu piges ou pas. Après si t es pas cap de dire on fait une connerie et faut le reconnaissent t es soit borné, psy rigide ou dans la toute puissance qui rend incapable de dire on plante et tu peux pas fait ton taf du lien entre égaux. quant au virtuel j ai mon idée la dsus te remercies quant même. Mais vois ta sniffer l affaire vu ya des gens bonne compagnie qu aime pas les burkas.Ce qui es con justement sont les nazes qui traitent de facho, bourge ou con comme le nin et autres y comprennent que dal au goupil. Bon mon poto a pronto.
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Re: Le Fédéralisme Libertaire

Messagede frigouret le Ven 9 Mar 2018 16:44

Une étude tirée d'une revue scientifique sur la pensée géographique de Proudhon.

http://journals.openedition.org/cybergeo/27639

Proudhon esquisse un fédéralisme basé sur des territoires naturels, les bassins hydrographique. C'est a mon avis une proposition tout à fait passionante, a redécouvrir et à approfondir.
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