Une approche anarchiste de la lutte des classes (texte que j'ai écrit il y a qqs années)
De quoi parlons nous quand nous parlons de classes sociales ?
Une classe est un groupe social, un ensemble d'individus caractérisés par
une position similaire dans les rapports de production. Ces rapports de
production sont les rapportrs sociaux (interactions entre individus et
groupe d'individus, rapports de pouvoir et de propriété entre individus et
groupes d'individus).
De quoi parlons nous quand nous parlons de lutte de classe ?
La lutte des classes est une notion souvent associée à Marx et à la
théorie marxiste. Elle exprime le conflit d'intérêts entre classes
sociales, autour des rapports de production et de reproduction.
Conception marxiste de la lutte des classes.
La conception marxiste oppose ceux qui possèdent les moyens de production
et tirent de ce fait une plus-value du travail d'autrui en obligeant les
travailleuses et travailleurs à un sur-travail, approprié par les patrons
et les actionnaire, et ceux -les travailleuses et travailleurs- qui sont
obligé de vendre leur force de travail pour vivre. Entre ces deux classes
aux intérêts clairement antagonistes, la bougreoisie et le prolétariat, il
existe d'autres classes (paysannerie, professions libérales, petite
bourgeoisie...) aux intérêts plus ambigus, mais amenés à pencher, au gré
de la situation du moment, et du développement des forces productives,
d'un côté ou de l'autre des deux grandes tendances antagonistes. Dans la
conception marxiste, c'est donc la propriété ou l'absence de propriété des
moyens de production et de distribution qui joue un rôle central dans
l'antagonisme de classe.
Il se structure notamment autour du salariat, qui implique un rapport
d'exploitation et de subordination exercé par les patrons sur les
ouvriers.
La conception marxiste fait de la lutte des classes le moteur de
l'histoire. Elle est marquée par un « finalisme » historique, qui estime
inéluctable l'avènement de la société sans classe (et donc la fin de la
lutte des classe par la « synthèse » que constitue l'instauration du
communisme par l'intermédiaire de la révolution socialiste (et de la
dictature du prolétariat étant censée entrainer le « dépérissement de
l'Etat »).
Dans l'acception marxiste orthodoxe, l'ensemble des faits sociaux et
historiques sont liés en dernière instance à la lutte des classes, et
l'infrastructure économique (les rapports de production) détermine en
dernière instance la superstructure politique (idéologie, rapports de
pouvoir, etc...)
Une conception anarchiste de la lutte des classes ?
Si nous constatons bel et bien l'existence d'intérêts antagonistes dans la
sphère des rapports de production, il paraît peu satisfaisant de ne
retenir que la propriété (ou son absence) comme élément structurant des
rapports de production.
Plus fondamentale est la notion de contrôle, qui est liée à la notion de
pouvoir, dans tout la complexité que renferme ce dernier terme dans la
langue française.
Définir la propriété. La propriété et le pouvoir-contrainte
Dans l'esprit commun, être propriétaire quelque chose c'est en avoir
l'usage et l'usufruit. C'est à dire pouvoir choisir l'usage qui en est
fait (l'utilise, le détruire tout ou partie, le céder), bénéficier des
richesses qui en sont extraites.
La propriété, est en fait surtout un acte juridique et son résulat, qui
signifie la reconnaissance légale de cette possession, par le pouvoir
constitué (le ou les Etats), qui transcrit dans le droit cette possession.
La propriété est donc d'abord et avant tout un acte de pouvoir. La
propriété n'est pas une réalité a-sociale. C'est une relation sociale,
interindividuelle. Le fait de s'ériger propriétaire suppose dans le même
temps qu'on s'accorde s'usufruit et la possibilité de détruire, modifier
ou céder un bien, qu'on en prive les autres individus. Cette réalité est
valable tout autant à l'échelle de l'individu humain (personne physique),
qu'à celle de « l'individu » entendu au sens d'une insitution (personne
morale), au sens le plus large de ce dernier terme (système de relation
sociale, structure sociale dotée d'une certaine stabilité dans le temps).
La propriété prive donc (l'autre) autant qu'elle accorde (à soi). « La
propriété, c'est (donc) le vol » comme l'a affirmé avec fracas Proudhon,
et ce à l'exception de la propriété d'usage ou possession individuelle de
biens en quantité suffisante pour ne pas priver autrui.
Pour que l'affirmation personnelle ou juridique « ceci est à moi (ou nous)
» que renferme la propriété ait une réalité matérielle, il faut la
capacité bien réelle et matérielle d'empêcher les autres individus
-personnes physiques ou personnes morales) d'en user, d'en bénéficier et
de la détruire, le modifier ou le céder. La propriété est donc un acte de
pouvoir qui reppose sur un rapport de force physique, et symbolique : Elle
est l'expression de deux pouvoirs, le pouvoir-brutal et le pouvoir
d'influence. Pouvoir d'influence, c'est à dire la capacité de convaincre
ou persuader autrui, ou au moins la majorité de la société de la
légitimité de cette propriété, ou de convaincre ou persuader ceux qui
disposent du monopole ou de l'essentiel de la force brutale (l'Etat en
tant que groupe social par exemple). Il s'agit ici du recours à
l'idéologie, à la rhéorique et aux outils de persuasion que sont les
arguments de droit divin (Dieu m'a donné ce bien), d'autorité (tel
chercheur, tel texte de référence conclue à ma légitime propriété sur ce
bien), de capacité( c'est parce que je suis plus a même que les autres
d'user, de bénéficier et de modifier de manière profiable de ce bien que
la propriété doit légitimement me revenir), d'antériorité (c'est parce que
moi ou mes ancètres étions là les premiers que nous avons le droit
légitime de la propriété sur ce bien matériel ou cette terre). La
religion, le contrôle des idées et de leur diffusion, les idées telles que
la nation, le droit naturel, voire la science instrumentalisée sont le
relais de ce pouvoir d'influence.
Mais celui-ci n'est que la forme la plus élaborée du pouvoir (qui permet
de dépasser le strict rapport individuel et donc de convaincre d'autres
personnes d'exercer le pouvoir brutal pour son propre compte), qui permet
d'éviter le recours à la force.
Le pouvoir brutal, quand à lui, c'est la contrainte physique, les coups et
blessures, le meurtre, ou la menace sur les autres individus, de manière
directe ou indirecte (par exemple en menaçant ou contraignant les
personnes qui lui sont liées affectivement).
La propriété est donc avant tout un acte de pouvoir brutal, reposant la
contrainte -ou la menace de la contrainte qui suppose donc l'existence et
la possibilité de la contraine- . En ce sens, il paraît peu raisonnable
d'affirmer que l'économique détermine le politique en dernière instance,
puisque c'est le pouvoir (brutal ou d'influence) qui permet la propriété.
Bien sur, en retour, la propriété et l'exploitation qui en découle ont
permis l'accumulation de richesse et ainsi l'extension du pouvoir, de
l'échelle locale à l'échelle mondiale.
La question n'est pas ici d'affirmer l'existence d'un principe premier
prédéterminant, le pouvoir, (qui remplacerait la propriété et l'économie
comme principe premier), mais de montrer que l'affirmation de Marx et des
marxistes selon laquelle l'infrastructure économique détermine en dernière
instance la superstructure politique est gratuite et ne résiste pas à
l'analyse. On préférera montrer que ces deux REALITES MATERIELLES (la
contrainte est autant une réalité matérille inscrite dans le sang et la
chair des êtres humains que les biens éphémères ou durables) sont
indisociablement liées et sont la conditions l'une de l'autre, dans un
rapport dialectique (l'une détermine l'autre et cette dernière détermine
la première).
Propriété formelle, propriété réelle.
La propriété en tant que concept juridique dépend donc de ce double aspect
du pouvoir : pouvoir d'influence, contrainte (pouvoir brutal). Dans un
système social où un groupe social détient le monopole de la force,
cherche à le détenir, ou s'arroge le monopole de l'usage légitime de la
force, c'est à dire dans un système social étatique, la propriété,
individuelle, privée, collective ou étatique est donc garantie par le ou
les Etats, c'est à dire en dernier ressort leur appareil de contrainte
(police, justice, armée), si leur appareil d'influence (école, université,
médias, législation, idéologie dominante et conception sous-tendant la
légalité et la notion de la légitimité) échoue.
On distongue différent régimes de propriété formelle :
La propriété individuelle. Celle-ci peut correspondre à la propriété
foncière (terrain, habitat, immeuble) ou à la propriété d'un produit. S'il
s'agit de propriété d'usage d'un bien foncier ou d'un produit, on peut
distinguer différentes situations : selon que le produit soit rare ou non,
selon qu'il s'agisse d'un logement dont on se sert pour soi-même ou au
contraire d'un logement loué, selon qu'il s'agisse d'un terrain exploité
par le seul paysan ou loué en fermage, ou dont l'exploitation se fait en
recourrant au salariat...
Si l'on envisage la question des rapports de production, celle qui nous
intéresse et qui joue un rôle déterminant dans l'antagonisme de classe, il
s'agit dès lors de la propriété des moyens de production (champs, mine,
atelier, usine...) et de distribution (transport, magasins, etc...).
Cette proprété peut être individuelle.
_ La proprété collective, qu'il s'agisse de moyen de production et/ou de
distribution, de foncier ou de produit. Cette propriété collective peut
avoir deux formes :
1/ Il peut s'agir de la propriété d'un groupe d'individus sur des biens
fonciers ou produits, sur des moyens de production et/ou de dsitribution,
à l'exclusion des autres groupes d'individus. C'est le cas de la propriété
sous forme d'actionnariat, qui est une forme de propriété privée partagée.
C'est une propriété « collective » au sens ou il n'y a pas un seul
propriétaire mais plusieurs, privée, au sens ou elle est privatise, elle
signifie l'apporpriation d'une chose au dépend des autres. C'est le cas de
la coprorité foncière également.
Il peut s'agir de la propriété collective de travailleuses et travailleurs
sur leur outil de production et/ou de distribution, dans un système
économique ou il existe d'autres formes de propriété. Il s'agit ici du
régime de proprété des coopératives.
C'est enfin le cas de la propriété étatique. Nous reviendrons sur cette
dernière.
2/ Il peut s'agir de la propriété sociale, c'est à dire de l'ensemble de
la société. C'est à cette porpriété collective sociale que nous faisons
référence en tant qu'anarchistes communistes, quand nous faisons référence
à la propriété collective ou commune des moyens de production et de
distribution. Par société nous entendons ici l'ensemble des producteurs et
productrices, dans une société sans classe. Cette propriété sociale est en
soi l'abolition de la propriété (au sens privatif précédemment définit),
c'est le communisme.
Nous avons vu que la propriété réelle signifie l'usufruit, c'est à dire la
capacité d'user librement du bien aproprié, d'en tirer les fruits que l'on
peut en tirer, de la modifier, le vendre ou détruire tout ou partie. La
propriété réelle est donc liée au contrôle effectif que l'individu ou le
groupe propriétaire a du bien approprié. En l'occurence, en ce qui
concerne les moyens de production et de distribution, la contrôle signifie
la capacité de décider ce qui est produit, pourquoi, pour qui, comment, de
bénéficier de ce qui est produit ou d'en faire bénéficier les personnes de
son choix. Le contrôle signifie donc la gestion, la capacité de décider,
ce qui nous ramène à la notion de pouvoir (pouvoir faire, ou pouvoir
faire-faire).
Dans le cas de la propriété étatique, nous sommes ainsi confronté à une
dissociation entre la propriété formelle et la propriété réelle. L'Etat
est définit, selon le cas, comme étant le réprésentant de la souveraineté
d'un groupe social donné, qu'il s'agisse de la nation (dans le cas d'une
dictature nationaliste), du peuple (dans le cas d'une « démocratie »
parlementaire dite « représentative), du prolétariat (dans le cadre d'un
Etat dit « socialiste). Dans le discours étatiste, la propriété étatique
se confond avec la propriété du groupe social représenté (peuple, nation,
prolétariat). C'est ce tour de passe passe qui permet à la
social-démocratie de présenter les services publiques et les entreprises
nationalisées comme des propriété collectives et sociales du peuple, aux
socialistes étatistes (marxistes étatistes, léninistes, trotskystes,
staliniens, maoistes, blanquistes, etc) de présenter l'étatisation des
moyens de production et de distibution (nationalisation, planification
étatique,...) comme propriétés collectives et sociales du prolétariat, des
nationalistes de présenter l'économie étatisée et dirigiste comme
propriété collective et sociale de la nation.
Mais pour le peuple dans sa grande majorité, pour les habitants de la «
nation » (sic) dans sa grande majorité, pour le prolétariat dans sa grande
majorité, le contrôle sur ces moyens de production et de distribution,
c'est à dire le pouvoir réel (et non formel) de décision sur ce qui est
produit, comment, pour qui, pour quoi, à quel prix, est nul ou très
faible, puisque la structure hiérarchique, la division entre dirigeants et
dirigés garantis aux dirigeants la réalité du contrôle, c'est à dire la
proprité réelle, même si la propriété formelle est celle « du peuple », «
de la nation », « du prolétariat ». C'est cette confusion qui a permis aux
léninistes de présenter un Etat dit « ouvrier » comme le socialisme, la
nationalisation comme une propriété commune, et faire miroiter ainsi
l'illusion de l'économie contrôlée par les travailleurs.
Or la persistance de la division dirigeants-exécutants est la négation
dans la réalité de cette affirmation formelle. Cette division est
elle-même basée sur le double aspect du pouvoir que nous avons évoqué : le
pouvoir d'influence (d'où l'importance de la propagande, et l'enjeux qui
consiste à faire croire aux travailleurs et travailleuses qu'en
travaillant pour l'Etat ils travaillent pour eux, alors qu'en réalité les
richesses créées sont controlées par les dirigeants, par l'Etat), et le
pouvoir de contrainte matérialisée par la police, la justice, l'armée
comme groupes sociaux distincts de la population, entre les mains d'un
parti ou d'une minorité.
Faute de contrôle, la propriété réelle des moyens de production est donc
entre les mains de l'appareil d'état, c'est à dire des militaires,
policiers, juges ou commissaires politiques usant de la contrainte, mais
aussi et surtout des bureaucrates et politiciens intellectuels (entendons
par là les idéologues politiques se présentant comme avant-garde, exerçant
le pouvoir dans les ministères ou les « comités centraux » parallèles)
usant de leur pouvoir d'influence.
La chose est valable pour les entreprises étatiques (nationalisées) en
système capitaliste mixte.
(partie 1)