anarchisme et lutte des classes

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anarchisme et lutte des classes

Messagede Berckman le Mer 18 Juin 2008 19:34

Une approche anarchiste de la lutte des classes (texte que j'ai écrit il y a qqs années)

De quoi parlons nous quand nous parlons de classes sociales ?

Une classe est un groupe social, un ensemble d'individus caractérisés par
une position similaire dans les rapports de production. Ces rapports de
production sont les rapportrs sociaux (interactions entre individus et
groupe d'individus, rapports de pouvoir et de propriété entre individus et
groupes d'individus).

De quoi parlons nous quand nous parlons de lutte de classe ?

La lutte des classes est une notion souvent associée à Marx et à la
théorie marxiste. Elle exprime le conflit d'intérêts entre classes
sociales, autour des rapports de production et de reproduction.

Conception marxiste de la lutte des classes.

La conception marxiste oppose ceux qui possèdent les moyens de production
et tirent de ce fait une plus-value du travail d'autrui en obligeant les
travailleuses et travailleurs à un sur-travail, approprié par les patrons
et les actionnaire, et ceux -les travailleuses et travailleurs- qui sont
obligé de vendre leur force de travail pour vivre. Entre ces deux classes
aux intérêts clairement antagonistes, la bougreoisie et le prolétariat, il
existe d'autres classes (paysannerie, professions libérales, petite
bourgeoisie...) aux intérêts plus ambigus, mais amenés à pencher, au gré
de la situation du moment, et du développement des forces productives,
d'un côté ou de l'autre des deux grandes tendances antagonistes. Dans la
conception marxiste, c'est donc la propriété ou l'absence de propriété des
moyens de production et de distribution qui joue un rôle central dans
l'antagonisme de classe.
Il se structure notamment autour du salariat, qui implique un rapport
d'exploitation et de subordination exercé par les patrons sur les
ouvriers.

La conception marxiste fait de la lutte des classes le moteur de
l'histoire. Elle est marquée par un « finalisme » historique, qui estime
inéluctable l'avènement de la société sans classe (et donc la fin de la
lutte des classe par la « synthèse » que constitue l'instauration du
communisme par l'intermédiaire de la révolution socialiste (et de la
dictature du prolétariat étant censée entrainer le « dépérissement de
l'Etat »).
Dans l'acception marxiste orthodoxe, l'ensemble des faits sociaux et
historiques sont liés en dernière instance à la lutte des classes, et
l'infrastructure économique (les rapports de production) détermine en
dernière instance la superstructure politique (idéologie, rapports de
pouvoir, etc...)


Une conception anarchiste de la lutte des classes ?


Si nous constatons bel et bien l'existence d'intérêts antagonistes dans la
sphère des rapports de production, il paraît peu satisfaisant de ne
retenir que la propriété (ou son absence) comme élément structurant des
rapports de production.
Plus fondamentale est la notion de contrôle, qui est liée à la notion de
pouvoir, dans tout la complexité que renferme ce dernier terme dans la
langue française.

Définir la propriété. La propriété et le pouvoir-contrainte

Dans l'esprit commun, être propriétaire quelque chose c'est en avoir
l'usage et l'usufruit. C'est à dire pouvoir choisir l'usage qui en est
fait (l'utilise, le détruire tout ou partie, le céder), bénéficier des
richesses qui en sont extraites.
La propriété, est en fait surtout un acte juridique et son résulat, qui
signifie la reconnaissance légale de cette possession, par le pouvoir
constitué (le ou les Etats), qui transcrit dans le droit cette possession.
La propriété est donc d'abord et avant tout un acte de pouvoir. La
propriété n'est pas une réalité a-sociale. C'est une relation sociale,
interindividuelle. Le fait de s'ériger propriétaire suppose dans le même
temps qu'on s'accorde s'usufruit et la possibilité de détruire, modifier
ou céder un bien, qu'on en prive les autres individus. Cette réalité est
valable tout autant à l'échelle de l'individu humain (personne physique),
qu'à celle de « l'individu » entendu au sens d'une insitution (personne
morale), au sens le plus large de ce dernier terme (système de relation
sociale, structure sociale dotée d'une certaine stabilité dans le temps).

La propriété prive donc (l'autre) autant qu'elle accorde (à soi). « La
propriété, c'est (donc) le vol » comme l'a affirmé avec fracas Proudhon,
et ce à l'exception de la propriété d'usage ou possession individuelle de
biens en quantité suffisante pour ne pas priver autrui.
Pour que l'affirmation personnelle ou juridique « ceci est à moi (ou nous)
» que renferme la propriété ait une réalité matérielle, il faut la
capacité bien réelle et matérielle d'empêcher les autres individus
-personnes physiques ou personnes morales) d'en user, d'en bénéficier et
de la détruire, le modifier ou le céder. La propriété est donc un acte de
pouvoir qui reppose sur un rapport de force physique, et symbolique : Elle
est l'expression de deux pouvoirs, le pouvoir-brutal et le pouvoir
d'influence. Pouvoir d'influence, c'est à dire la capacité de convaincre
ou persuader autrui, ou au moins la majorité de la société de la
légitimité de cette propriété, ou de convaincre ou persuader ceux qui
disposent du monopole ou de l'essentiel de la force brutale (l'Etat en
tant que groupe social par exemple). Il s'agit ici du recours à
l'idéologie, à la rhéorique et aux outils de persuasion que sont les
arguments de droit divin (Dieu m'a donné ce bien), d'autorité (tel
chercheur, tel texte de référence conclue à ma légitime propriété sur ce
bien), de capacité( c'est parce que je suis plus a même que les autres
d'user, de bénéficier et de modifier de manière profiable de ce bien que
la propriété doit légitimement me revenir), d'antériorité (c'est parce que
moi ou mes ancètres étions là les premiers que nous avons le droit
légitime de la propriété sur ce bien matériel ou cette terre). La
religion, le contrôle des idées et de leur diffusion, les idées telles que
la nation, le droit naturel, voire la science instrumentalisée sont le
relais de ce pouvoir d'influence.
Mais celui-ci n'est que la forme la plus élaborée du pouvoir (qui permet
de dépasser le strict rapport individuel et donc de convaincre d'autres
personnes d'exercer le pouvoir brutal pour son propre compte), qui permet
d'éviter le recours à la force.
Le pouvoir brutal, quand à lui, c'est la contrainte physique, les coups et
blessures, le meurtre, ou la menace sur les autres individus, de manière
directe ou indirecte (par exemple en menaçant ou contraignant les
personnes qui lui sont liées affectivement).
La propriété est donc avant tout un acte de pouvoir brutal, reposant la
contrainte -ou la menace de la contrainte qui suppose donc l'existence et
la possibilité de la contraine- . En ce sens, il paraît peu raisonnable
d'affirmer que l'économique détermine le politique en dernière instance,
puisque c'est le pouvoir (brutal ou d'influence) qui permet la propriété.
Bien sur, en retour, la propriété et l'exploitation qui en découle ont
permis l'accumulation de richesse et ainsi l'extension du pouvoir, de
l'échelle locale à l'échelle mondiale.
La question n'est pas ici d'affirmer l'existence d'un principe premier
prédéterminant, le pouvoir, (qui remplacerait la propriété et l'économie
comme principe premier), mais de montrer que l'affirmation de Marx et des
marxistes selon laquelle l'infrastructure économique détermine en dernière
instance la superstructure politique est gratuite et ne résiste pas à
l'analyse. On préférera montrer que ces deux REALITES MATERIELLES (la
contrainte est autant une réalité matérille inscrite dans le sang et la
chair des êtres humains que les biens éphémères ou durables) sont
indisociablement liées et sont la conditions l'une de l'autre, dans un
rapport dialectique (l'une détermine l'autre et cette dernière détermine
la première).

Propriété formelle, propriété réelle.

La propriété en tant que concept juridique dépend donc de ce double aspect
du pouvoir : pouvoir d'influence, contrainte (pouvoir brutal). Dans un
système social où un groupe social détient le monopole de la force,
cherche à le détenir, ou s'arroge le monopole de l'usage légitime de la
force, c'est à dire dans un système social étatique, la propriété,
individuelle, privée, collective ou étatique est donc garantie par le ou
les Etats, c'est à dire en dernier ressort leur appareil de contrainte
(police, justice, armée), si leur appareil d'influence (école, université,
médias, législation, idéologie dominante et conception sous-tendant la
légalité et la notion de la légitimité) échoue.
On distongue différent régimes de propriété formelle :
La propriété individuelle. Celle-ci peut correspondre à la propriété
foncière (terrain, habitat, immeuble) ou à la propriété d'un produit. S'il
s'agit de propriété d'usage d'un bien foncier ou d'un produit, on peut
distinguer différentes situations : selon que le produit soit rare ou non,
selon qu'il s'agisse d'un logement dont on se sert pour soi-même ou au
contraire d'un logement loué, selon qu'il s'agisse d'un terrain exploité
par le seul paysan ou loué en fermage, ou dont l'exploitation se fait en
recourrant au salariat...
Si l'on envisage la question des rapports de production, celle qui nous
intéresse et qui joue un rôle déterminant dans l'antagonisme de classe, il
s'agit dès lors de la propriété des moyens de production (champs, mine,
atelier, usine...) et de distribution (transport, magasins, etc...).
Cette proprété peut être individuelle.
_ La proprété collective, qu'il s'agisse de moyen de production et/ou de
distribution, de foncier ou de produit. Cette propriété collective peut
avoir deux formes :
1/ Il peut s'agir de la propriété d'un groupe d'individus sur des biens
fonciers ou produits, sur des moyens de production et/ou de dsitribution,
à l'exclusion des autres groupes d'individus. C'est le cas de la propriété
sous forme d'actionnariat, qui est une forme de propriété privée partagée.
C'est une propriété « collective » au sens ou il n'y a pas un seul
propriétaire mais plusieurs, privée, au sens ou elle est privatise, elle
signifie l'apporpriation d'une chose au dépend des autres. C'est le cas de
la coprorité foncière également.
Il peut s'agir de la propriété collective de travailleuses et travailleurs
sur leur outil de production et/ou de distribution, dans un système
économique ou il existe d'autres formes de propriété. Il s'agit ici du
régime de proprété des coopératives.
C'est enfin le cas de la propriété étatique. Nous reviendrons sur cette
dernière.

2/ Il peut s'agir de la propriété sociale, c'est à dire de l'ensemble de
la société. C'est à cette porpriété collective sociale que nous faisons
référence en tant qu'anarchistes communistes, quand nous faisons référence
à la propriété collective ou commune des moyens de production et de
distribution. Par société nous entendons ici l'ensemble des producteurs et
productrices, dans une société sans classe. Cette propriété sociale est en
soi l'abolition de la propriété (au sens privatif précédemment définit),
c'est le communisme.

Nous avons vu que la propriété réelle signifie l'usufruit, c'est à dire la
capacité d'user librement du bien aproprié, d'en tirer les fruits que l'on
peut en tirer, de la modifier, le vendre ou détruire tout ou partie. La
propriété réelle est donc liée au contrôle effectif que l'individu ou le
groupe propriétaire a du bien approprié. En l'occurence, en ce qui
concerne les moyens de production et de distribution, la contrôle signifie
la capacité de décider ce qui est produit, pourquoi, pour qui, comment, de
bénéficier de ce qui est produit ou d'en faire bénéficier les personnes de
son choix. Le contrôle signifie donc la gestion, la capacité de décider,
ce qui nous ramène à la notion de pouvoir (pouvoir faire, ou pouvoir
faire-faire).
Dans le cas de la propriété étatique, nous sommes ainsi confronté à une
dissociation entre la propriété formelle et la propriété réelle. L'Etat
est définit, selon le cas, comme étant le réprésentant de la souveraineté
d'un groupe social donné, qu'il s'agisse de la nation (dans le cas d'une
dictature nationaliste), du peuple (dans le cas d'une « démocratie »
parlementaire dite « représentative), du prolétariat (dans le cadre d'un
Etat dit « socialiste). Dans le discours étatiste, la propriété étatique
se confond avec la propriété du groupe social représenté (peuple, nation,
prolétariat). C'est ce tour de passe passe qui permet à la
social-démocratie de présenter les services publiques et les entreprises
nationalisées comme des propriété collectives et sociales du peuple, aux
socialistes étatistes (marxistes étatistes, léninistes, trotskystes,
staliniens, maoistes, blanquistes, etc) de présenter l'étatisation des
moyens de production et de distibution (nationalisation, planification
étatique,...) comme propriétés collectives et sociales du prolétariat, des
nationalistes de présenter l'économie étatisée et dirigiste comme
propriété collective et sociale de la nation.
Mais pour le peuple dans sa grande majorité, pour les habitants de la «
nation » (sic) dans sa grande majorité, pour le prolétariat dans sa grande
majorité, le contrôle sur ces moyens de production et de distribution,
c'est à dire le pouvoir réel (et non formel) de décision sur ce qui est
produit, comment, pour qui, pour quoi, à quel prix, est nul ou très
faible, puisque la structure hiérarchique, la division entre dirigeants et
dirigés garantis aux dirigeants la réalité du contrôle, c'est à dire la
proprité réelle, même si la propriété formelle est celle « du peuple », «
de la nation », « du prolétariat ». C'est cette confusion qui a permis aux
léninistes de présenter un Etat dit « ouvrier » comme le socialisme, la
nationalisation comme une propriété commune, et faire miroiter ainsi
l'illusion de l'économie contrôlée par les travailleurs.
Or la persistance de la division dirigeants-exécutants est la négation
dans la réalité de cette affirmation formelle. Cette division est
elle-même basée sur le double aspect du pouvoir que nous avons évoqué : le
pouvoir d'influence (d'où l'importance de la propagande, et l'enjeux qui
consiste à faire croire aux travailleurs et travailleuses qu'en
travaillant pour l'Etat ils travaillent pour eux, alors qu'en réalité les
richesses créées sont controlées par les dirigeants, par l'Etat), et le
pouvoir de contrainte matérialisée par la police, la justice, l'armée
comme groupes sociaux distincts de la population, entre les mains d'un
parti ou d'une minorité.
Faute de contrôle, la propriété réelle des moyens de production est donc
entre les mains de l'appareil d'état, c'est à dire des militaires,
policiers, juges ou commissaires politiques usant de la contrainte, mais
aussi et surtout des bureaucrates et politiciens intellectuels (entendons
par là les idéologues politiques se présentant comme avant-garde, exerçant
le pouvoir dans les ministères ou les « comités centraux » parallèles)
usant de leur pouvoir d'influence.
La chose est valable pour les entreprises étatiques (nationalisées) en
système capitaliste mixte.

(partie 1)
Berckman
 

Re: anarchisme et lutte des classes

Messagede Berckman le Mer 18 Juin 2008 19:36

Propriété et contrôle des moyens de production comme fondement de
l'antagonisme de classe.
La question du pouvoir, la question de l'exploitation, la question de
l'apropriation.


De même, la seule notion de propriété ne suffit pas à rendre compte des
rapports de classes et de l'antagonisme de classe en société capitaliste
privée comme dans un capitalisme d'Etat affublé du nom de « socialisme »,
de même que dans un capitalisme mixte de type social démocrate (ou
coexiste entreprises privées et entreprises publiques).
En effet, comment rendre compte dès lors de la position de classe d'un PDG
d'entreprise ou d'un cadre supérieur, qui sans être propriétaire des
moyens de production (au mains des actionnaires) n'en a pas moins un rôle
déterminant dans le processus de décision (ce qui est produit, comment,
pour qui, etc...), quand à l'usage de ces moyens de production et de
distribution, qui approprie une partie des richesses produites en les
volant aux travailleurs-euses, sous la forme de salaires mirobolant,
stock-options, etc... et qui se situe résolumment dans le camp de la
bourgeoisie ? Comment rendre compte de la position de classe d'un haut
fonctionnaire (du point de l'antagonisme de classe) dirigeant une
entreprise étatisée, qui n'est pas propriétaire mais décide de ce qui est
produit, s'approprie une partie (sous la forme d'un salaire très élevé)
des richesses produits mais ne se situe résoluemment pas dans le camp du
prolétariat ?
Comment à l'inverse ranger dans le camp de la bourgeoisie le travailleur
indépendant, propriétaire de son moyen de production (par exemple un
atelier), et qui pour autant n'emploit et donc n'exploite pas de
travailleurs, comme le sont nombre de petits paysans et artisans ?
Faut il ranger le fonctionnaire d'éxécution des services publics (employé
à l'éxécution de tâche), hors la police, la justice, l'armée, les gardiens
de prisons, dans le camp des exploiteurs ?

Ce qui définit dès lors l'antagonisme de classe, c'est donc non seulement
la question de la propriété mais aussi celle du contrôle. La lutte des
classes est donc un conflit d'intérêts irréductibles sur le plan
économique entre les individus qui possèdent et/ou contrôlent les moyens
de production (fonctionnaires d'autorité, patrons, actionnaires,
politiciens, militaires...), et qui composent LES classes dominantes
(bureaucratie, classe politique, bourgeoisie, classe militaire,...) d'une
part, et ceux, d'autres part, qui ne contrôlent pas les moyens de
production et de distibution et sont obligés de vendre leur force de
travail (« manuelle » et/ou « intellectuelle », la séparation entre ces
deux sphères étant loin d'être toujours évidenteà, leur temps, pour
survivre, les travailleuses et travailleurs (ouvriers, employés,
fonctionnaires d'éxécutions dans les services publiques) d'autre part.
Mais aussi et surtout entre celles et ceux qui exploitent la force de
travail des autres, des travailleurs, s'approprient les richesses qu'ils
créent, et ceux dont le produit du travail est en partie volée (les
marxistes appellent ce vol la « plus-value » ou sur-travail, les
capitalistes l'appellent « profit », appelons le « vol » à l'instar de
Proudhon,...) par celles et ceux qui les exploitent.
A la question de la propriété et du contrôle, s'ajoute donc celle de la
subordination (le rapport hiérarchique qu'induit le salariat et qui permet
au patron de diriger le travailleur salarié, de lui voler une partie de ce
qu'il crée, mais aussi de le priver de moyen de subsistance en le
licenciant) et de l'exploitation (le fait de s'approprier une partie – la
plus importante- de la valeur de ce qui est produit au nom de la
propriété, du capital, de l'investissement, du risque et de la
responsabilité).
D'un côté celles et ceux qui détiennent propriété et capital (la
transcription numéraire des richesses possédant une valeur d'échange) mais
aussi capital culturel (au fondement du pouvoir d'influence, liée à la
séparation du travail dit « manuel », d'éxécution et du travail dit «
intellectuel » de décision) , de l'autre celles et ceux qui soit en sont
privé, soit en détiennent une part ridicule qui ne leur assure aucun
contrôle sur leur vie, sur l'économie, sur ce qu'ils produisent, sur leur
travail et la manière dont il s'organise.
Celles et ceux qui s'approprient les richesses créées, bourgeoisie,
politiciens, actionnaires et patrons, ont tout intérêt à en approprier le
plus possible, d'où la pression à la baisse sur les salaires, d'où la
pression à la hausse sur le temps de travail, d'où le durcissement des
conditions de travail pour acroitre la productiovité, d'où les
licenciement pour faire baisser le cout de la main d'oeuvre plutôt que de
partager le travail et son produit. En général, ceux-ci sont très
conscient de leur intérêts, mais comme ils ont tout intérêt aussi à
préserver cet état de fait inégalitaire, d'oppression et d'exploitation,
il cherchent à masquer ces intérêts au nom de « l'intérêt commun », à
légitimer l'etat de fait au nom du droit naturel, de la propriété, du
risque, de l'investissement, de la responssabilité, etc... en évacuant
soigneusement l'origine première de leur position (le vol, l'exploitation,
et la propriété qui le garantit, l'héritage... ).
Celles et ceux qui sont obligés de se salarier pour vivre, qui sont
exploité, ont tout intérêts à récupérer le maximum de ce qui leur est volé
(donc de chercher à avoir de meilleurs salaires, ou d'abolir ce vol, et
donc l'exploitation que sont le capitalisme et le salariat), à travailler
le moins possible en étant le mieux payer possible (puisqu'ils ne
bénéficient pas de l'intégralité de ce qu'ils produisent), de consteter la
domination qu'ils et elles subissent.
Ces intérêts de classe s'expriment indépendemment de la conscience qu'en
ont les individus qui la composent. L'idéologie dominante contrôlée par
les classes dominantes légitime l'Etat de fait et explique en partie le
fait que nombre d'individus des classes exploitées n'aient pas une
conscience entière de leurs intérêts fondamentaux de classe. Celle-ci vise
à leur faire admettre le vol qu'il subissent comme légitime, et de ce fait
à conclure à la convergence d'intérêts entre exploiteurs et exploités.
Pour autant, l'aspiration légitime de tout être humain au bien être, à la
liberté et au bénéfice de ce qu'il produit à part égal avec tous les
contributeurs indispensables du processus de production est en
contradiction totale avec cette illusion que représente la notion «
d'inétrêts convergents ». L'inégalité sociale structurelle de la société
de classe en est une seconde.Dès lors, la lutte des classe n'est pas une «
notion » ou un « concept » auquel il convient d'adhérer, mais le terme qui
désigne l'antagonisme observable entre les intérêts des classes dominantes
telles que nous les avons définit et des classes dominées sur le plan des
rapports de production, mais aussi de la société (puisque la production a
un impact fondamental sur la vie concrète en dehors du lieu de
production).

Des classes « intermédiaires » traversées par des intérêts multiples.


Les travailleurs indépendants (artisans, paysans, et professions libérales
tous sans salarié-e-s), n'exploitent pas directement le travail d'autrui
(pas de plus-value ou vol, pas de lien de subrodination, une propriété des
moyens de production qui a priori ne prive pas les autres individus de la
possibilité de vivre et survivre, leur égal contrôle sur l'économie).
Formellement, ils ne sont pas non plus exploités par un patron. Pour
autant, ce qui oppose les premiers (artisans et paysans sans salariés) aux
seconds (professions libérales), c'est souvent le niveau de revenu ou
l'identification symbolique et culturelle. Celles des seconds les
rapproche de la bourgeoisie dont ils sont le plus souvent issus, ou
culturellement proche. Qui s'appuie sur une sur-valorisation du travail
dit « intellectuel » par rapport au travail dit « manuel » correspondant
aux intérêts des classes dominantes précitées.
Celles des premiers les rapproche des ouvriers dont ils sont souvent
issus, avec souvent pour mobile d'échapper à la subordination patronale.
Le travail « manuel » des uns, « intellectuel » des autres les polarise de
manière opposées, même si un certain nombre d'individus échappent à ces
tendances, et si les artisans qui deviennent patrons, dans des petites
entreprises, se mettent à tirer de la plus-value d'autres travailleurs
sans pour autant acquérir le niveau de revenue de la bourgeoisie. On peut
alors parler de petite ou moyenne bourgeoisie. Les tendances et intérêts
contradictoires qui traversent ces classes intermédiaires sont tiraillées
au gré du rapport de force entre les classes, mais aussi conduisent à
l'expression d'intérêts propres.

On peut ajouter à ces deux classes celle des petits et moyens cadres, sans
grand pouvoir de décision, mais qui tirent profit de la nécessité pour les
classes dominantes d'un appareil hiérarchique développé et nécessaire au
maintient de leur domination. Leur position hiérarchique tend à faire
converger leurs intérêts au profit des classes dominantes (dont ils
peuvent tenter de reproduire les pratiques à une échelle inférieure en
recourrant au petit actionnariat), même si dans les situations de crises,
comme en 2001 en argentine, ceux-ci peuvent en voyant leur position
sociale s'éffondrer prendre le partie -souvent de manière temporaire-, des
classes dominantes.

De même, la base de l'appareil répressif d'Etat (policiers, militaires,
juges...), sans pour autant bénéficier d'un revenu important, voit en tant
que classe ses intérêts intrinsèquement liées aux classe dominantes
puisque seul les rapports dirigeants/dirigé-e-s, exploiteurs-exploité-e-s
liés à la société de classe justifie leur existance parasite comme groupe
social.

La question de l'Etat.

L'Etat n'est pas un instrument neutre. Il garantie la propriété, les
positions de pouvoir dans le domaine économique et politique au moyen du
monopole revendiqué de la force légitime. L'état est un groupe social
composé d'une intelligentsia politicienne, politiciens et bureaucrates
-fonctionnaires d'autorité-, et des moyens de contrainte que sont la
police, la justice et l'armée. Le groue social composant l'Etat pille une
partie des richesses créées par les travailleuses et travailleurs,
appropriée au moyen des impots, mais aussi, dans le cadre de l'existence
d'entreprises nationalisée, en se substuant à la bourgeoisie pour
l'appropriation de la « plus-value ». Les hauts fonctionnaires et chef
d'entreprises publics encaissent des salaires et jetons de présence que
rien dans leur activité purement parasitaire ne justifie. Dans le cadre
d'une conomie étatisée (capitalisme d'Etat même masqué sous le terme «
d'Etat socialiste »), c'est l'ensemble de la plus-value qui est appropriée
par l'intelligensia constituée en bureaucratie controllant l'ensemble de
l'économie. Qu'elle le fasse « au nom du prolétariat » et en se prétendant
son avant-garde n'y change rien.

(partie 2)
Berckman
 

Re: anarchisme et lutte des classes

Messagede Berckman le Mer 18 Juin 2008 19:38

De quoi nous ne parlons pas quand nous parlons de lutte des classes ?


Au contraire des marxistes, nous nous opposons au « finalisme historique »
qui relève du charlatanisme pseudo-scientifique. Les marxistes ont tiré
leur influence politique et leur pouvoir de la prétention d'un « paradis
prolétarien» en URSS qui s'est avéré un immense bagne capitaliste d'état
pour les prolétaire, mais aussi de la prétendu « scientificité » de leur
théorie. En science sociale comme en politique, on ne peut faire que des
constats et des hypothèses, discutables en tant que telles puisqu'e
ceux-ci dépendent des facteurs que l'on prend en compte. Le domaine des
prévisions relève de « Madame Irma » ou de Nostradamus, de la religion,
mais pas des sciences sociales. Les prèches réguliers et millénaristes sur
« l'accroissement des contradictions du capitalisme » « liées » à la «
baisse tendancielle du taux de profits » se sont heurtées jusqu'à présent
à la capacité d'adaptation permanente du capitalisme, qui n'a pas hésité à
recourir au fascisme quand la montée du processu révolutionnaire le
menaçait. Tout cela est fort peu matérialiste, et au risque de froisser,
relève de l'idéalisme le plus éculé, à une dérive scientiste que dénonçait
déjà Bakounine, quand il mettait en garde contre le « gouvernement des
savants ».
La seule chose que nous pouvons affirmer, c'est que la marche actuelle du
capitalisme et le recul du rapport de force pour les classes dominées
conduit à un accroissement de l'exploitation favorisée par la
financiarisation accrue de l'économie favorisée par la « mondialisation
accrue du capitalisme », que la sur-exploitation des ressources
énergétiques conduit à un régime de guerre permanente. Que face la
barabarie qui pointe son nom, nous choisissons le communisme libertaire
comme alternative, parce qu'elle nous paraît la plus valable.
Mais l'histoire humaine n'est pas le fait de forces éxtérieures aux être
humains. Elle est certe influencée par des logiques structurelles (liée à
l'influence des rapports sociaux, à celle des milieux, au poid des
héritages conséquence de l'interaction collective qu'est la société, une
réalité en mouvement qui puise sa dynamique autant dans le passé que dans
le présent...), mais elle est aussi le fruit de la volonté humaine.


La lutte des classes, une lutte qui s'incrit pour nous dans la lutte
contre toutes les dominations.


La lutte des classes est une réalité fondamentale, elle n'est pas pour
autant le moteur de l'histoire, même si elle a un double effet d'inertie
et de dynamique qui détermine nombre de phénomènes sociaux et historiques.
Aux rapports de classes s'ajoutent la logique de pouvoir, la lutte entre
les dynamiques d'entraide et les dynamiques de concurrences qui parcoure
la société, le poids des logiques patriarcales et coloniales qui lui sont
en partie liées mais pas réductibles (la société de classe est postèrieure
au patriarcat), l'addition des actes des individus et des groupes, en
interaction, qui n'est pas réductible au seul intérêt économique, ni aux
seuls nécessité de la survie...
Nous savons seulement où sont nos intérêts dans cette lutte des classes
qui caractérise la société dans le système étatique et capitaliste, qu'il
soit privé, mixte ou d'état. Nous sommes dans le camp des exploité-e-s
luttant pour la fin de toute exploitation.
La lutte des classes est un des aspects de la lutte entre dominant-e-s et
dominé-e-s. Notre intervention dans la lutte des classe en tant que
travailleuses et travailleurs anarchistes est l'un des aspects d'une lutte
générale contre l'ensemble des dominations : les relations de pouvoirs
sont inter-reliées, et converges fondamentalement : elles s'alimentent
mutuellement. L'approche anarchiste de la lutte des classe s'inscrit dans
la lutte contre le principe de la division sociale entre
dirigeant-e-s-exécutant-e-s, dominant-e-s-dominé-e-s : elle identifie
l'enjeu que représente les relations de pouvoir au même titre que les
relations d'exploitations, qui en sont un des aspects.
Pour cela, nous devons remettre en cause la division et la séparation
entre le travail intellectuel et manuel, les inégalités fondées sur les
prétendues « capacités », et la sur-valorisation du « travail complexe »
(c'est à dire « intellectuel ») commun à la théorie marxiste comme à la
théorie capitaliste : le travail est un tout social : conception et
organisation n'ont aucune réalité matérielle sans l'exécution, la
fabrication matérielle. Les personnes qui étudient le peuvent actuellement
que parce que d'autres (les travailleurs-euses ma,nuel-s) les nourrissent,
les logent et les entretiennent par leur travail, il n'y a aucune raison
qu'ils en tirent des revenus plus élévés. L'égalité économique et sociale
est un objectif fondamental dans la perspective d'une société sans classe.

(partie 3 et fin)
Berckman
 

Re: anarchisme et lutte des classes

Messagede Phébus le Sam 3 Jan 2009 23:07

Au fait, c'est quoi la genèse de ce texte? Est-ce que ça a été diffusé ailleurs (notamment dans le monde réel)?
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Re: anarchisme et lutte des classes

Messagede Berckman le Sam 3 Jan 2009 23:19

Phébus a écrit:Au fait, c'est quoi la genèse de ce texte? Est-ce que ça a été diffusé ailleurs (notamment dans le monde réel)?

C'est un texte que j'avais écrit pour un précédent forum anar, parce que je trouvais important de répondre de manière argumentée aux forumeurs qui niaient la lutte des classes ou qui considéraient que lutte des classe= marxisme, suite à une série de discussion.
Sinon, ben non, pas diffusé ailleurs, je ne sais pas si ça en vaut la peine, et puis il faudrait certainement retravailler tout ça pour faire une petite brochure. Pas le temps, je suis sur un projet (perso) de brochure sur la question de l'organisation, d'un point de vue anarchiste...
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Re: anarchisme et lutte des classes

Messagede Phébus le Dim 4 Jan 2009 00:05

En fait, j'étais tombé dessus par hasard par là bas: wiki/doku.php?id=anarchisme_et_lutte_de_classes et je me disais que c'était un peu trop structuré et réfléchi pour être un simple post de forum.

Ça ferait effectivement une bonne brochure. Je vais peut-être en toucher un mot à mes camarades.

Par ailleurs, j'ai hâte de te lire sur l'organisation (disons que c'est un sujet que j'ai beaucoup creusé avec le temps...)
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Re: anarchisme et lutte des classes

Messagede luco le Dim 4 Jan 2009 10:06

Moi aussi, j'attends ton texte sur l'organisation :-).

Beau travail sur la question de l'anarchisme et de la lutte de classe !

Si cela devait sortir en brochure, ce serait bien d'y joindre un rappel historique des différents positionnements des groupes, orgas, penseurs...anarchistes vis à vis de ce concept.
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Re: anarchisme et lutte des classes

Messagede vroum le Dim 22 Fév 2009 17:54

L'article définissant la lutte des classe écrit par Pierre Besnard dans l'Encyclopédie anarchiste de Sébastien Faure :

CLASSES (Lutte des)

Dans ce problème d’ordre sociologique, nous nous trouvons en face de deux thèses fondamentales, opposées. La première est la thèse bourgeoise. Elle reconnaît l’existence de différentes classes au sein de la société moderne, elle en reconnaît aussi les antagonismes. Elle ne peut pas nier ces faits. C’est leurexplication qui est caractéristique. Pour les théoriciens bourgeois, l’existence et l’antagonisme des classes, - de même que l’inégalité des hommes par rapport aux capacités, intelligence, etc., qui, disent-ils, en est la véritable cause - sont des phénomènes normaux et, partant, immuables. Ce n’est pas tout. D’après eux, l’existence, l’antagonisme et la lutte aiguë des classes sont loin d’avoir l’importance qui leur est attribuée par les doctrines socialistes, syndicalistes ou anarchistes. A côté des intérêts de classe, il en existe, disent-ils, bien d’autres, beaucoup plus importants, se plaçant bien au-dessus des premiers, pouvant et devant les aplanir : tels les intérêtsnationaux, ceux de la société prise en son entier, ceux des individus pris séparément, etc. De là, leurs considérations d’ordre pratique, leurs conceptions politiques, leur justification du système capitaliste. Les intérêts et les avantages des classes possédantes sont, d’après eux, naturels et légitimes. La nature même des sociétés humaines exige des organisateurs de la vie nationale, sociale, économique. La classe bourgeoise est précisément cette grande organisatrice. Il faut donc qu’elle subsiste et qu’elle ait en sa possession les moyens nécessaires pour pouvoir exercer ses fonctions qui sont de première importance. Il faut qu’elle commande, qu’elle dirige, qu’elle gouverne. La classe capitaliste est loin d’être celle des parasites. Au contraire, elle travaille beaucoup : elle organise la vie des masses, elle assure leur existence, l’ordre et le progrès de la société entière dont elle est un élément indispensable. Elle manie les capitaux, elle fait des dépenses, voir même des sacrifices... Elle court des risques... Il est donc dans l’ordre des choses qu’elle veuille être récompensée pour son action. Il faut que cette action compliquée, difficile, chargée de responsabilités, soit dûment rémunérée. Si les autres classes lui en veulent, tant pis pour elles : c’est de la non compréhension, de l’égoïsme, de l’envie, de la démagogie... Les intérêts de différentes classes de la société peuvent être parfaitement réconciliés. Ceci ne dépend que de leur bonne volonté. C’est l’État qui est appelé au rôle de conciliateur, en se plaçant au-dessus des intérêts des classes. C’est l’État qui doit atténuer et dissiper les antagonismes surgissant entre elles. Plus l’État y réussit, plus son existence et sa forme sont justifiées. Ce fut la démocratie qui, au cours du dernier siècle, prétendait être le mieux appropriée à remplir cette tâche. C’est le fascisme qui, de nos jours, écartant la démocratie disqualifiée, se targue de la même prétention. Telle est la thèse bourgeoise.

Elle est vigoureusement combattue par la conception de la lutte des classes par excellence : la conception marxiste. Sa formule, établie par Marx lui-même, porte que toutes les luttes ayant eu lieu au sein des sociétés humaines au cours de l’histoire, étaient, au fond, des luttes de classes. Plus encore. Le marxisme considère la lutte des classes comme l’unique élément réel, déterminant, de toutes les manifestations de la vie humaine. D’après lui, l’intérêt de classe se trouve invariablement à la base de toutes ces manifestations. Non seulement la vie sociale, économique, politique, juridique des sociétés humaines est déterminée par cet élément primordial, mais aussi tous les phénomènes de la vie spirituelle et intellectuelle : les luttes religieuses, les conflits nationaux, les sciences, les arts, la littérature, etc., etc., ne sont, pour les marxistes, que des expressions et applications différentes des instincts, des intérêts, des aspirations ou des mouvements de telles ou telles autres classes de la société. Il n’existe pas d’intérêts « nationaux », ni de la « société entière », ni des individus pris séparément » : il n’existe, au fond, que des intérêts de différentes classes, en lutte entre elles. Le reste n’est que parure, un trompe-l’œil pouvant égarer les profanes. Les origines des classes sont à chercher dans les lointains progrès de la technique et de la productivité du travail, lesquels, ayant porté un coup mortel à la primitive communauté des clans, amenèrent à un surplus de produits, à l’inégalité et, partant, à la division en classes, les unes se partageant le surplus des produits, ou plus-value, les autres en étant privées.

L’aspect des classes, et aussi celui de leurs luttes, varient au cours de l’histoire ; mais le fond de ces luttes reste toujours le même : les classes accaparant la plus-value, cherchent à la conserver à tout jamais et à tout prix, à subjuguer et à dominer celles qui en sont privées, tandis que ces dernières s’efforcent à secouer le joug, à se libérer, à supprimer la plus-value et, finalement, les classes elles-mêmes. La domination d’une classe donnée de la société est toujours plus ou moins passagère. Elle correspond à une époque historique déterminée, à un certain état de développement des « forces productives ». L’antagonisme et la lutte des classes découlent des « rapports de production » donnés.

Donc, les classes de la société ne sont pas immuables. Ainsi, à notre ère, la classe féodale a dû céder sa place à celle de la bourgeoisie. L’évolution ultérieure amena à la naissance d’une nouvelle classe, celle des prolétaires, dont les intérêts sont opposés à ceux de la bourgeoisie, et qui est en lutte contre cette dernière. Conformément à la doctrine marxiste, la classe prolétarienne est appelée à renverser la bourgeoisie, à s’émanciper et à rétablir une société sans domination ni lutte de classes.

A cette conception théorique des marxistes, répondent leurs considérations d’ordre pratique, leurs thèses politiques, toute leur stratégie de la lutte de classes. D’après eux, la bourgeoisie qui, à un certain moment de l’histoire, a bien joué un rôle progressif, le perd, à son tour, au fur et à mesure du développement économique ultérieur, et finit par devenir une force régressive. Actuellement, elle est en décadence. Aujourd’hui, c’est une classe parasitaire. L’état présent de l’évolution économique exige une autre forme d’organisation sociale et demande d’autres organisateurs. Cette nouvelle forme d’organisation est « l’État prolétarien ». Cet organisateur, c’est la classe prolétarienne. La classe capitaliste disparaîtra à la manière de la classe féodale. L’État n’est nullement un conciliateur placé au-dessus des classes. Bien au contraire, il est l’instrument le plus qualifié entre les mains des classes possédantes. C’est à l’aide de l’État - indépendamment de sa forme - que la bourgeoisie opprime et exploite la classe prolétarienne. L’État n’est, donc, qu’un instrument de domination de classe. Afin de supprimer cette domination, de vaincre la bourgeoisie, le prolétariat doit briser l’État bourgeois et organiser l’État prolétarien. Le prolétariat n’ayant aucun intérêt à exploiter qui que ce soit, l’État servira entre ses mains, non pas comme instrument d’exploitation, mais uniquement comme moyen de dominer la bourgeoisie résistante, de la vaincre définitivement, de la supprimer et de mener à bien la tâche de la réorganisation complète de la société moderne : la suppression des classes et de la domination de classe, le rétablissement d’une organisation sociale libre et égalitaire. Telle est la thèse marxiste.

Il faut ajouter que la doctrine socialiste en général comprend d’autres courants d’idée opposés en quelque sorte à la théorie strictement marxiste. Tout en se basant sur les principes fondamentaux de la lutte des classes exploitées, ces courants s’opposent, néanmoins, à réduire tout le processus historique à ce facteur unique. Ils conçoivent l’histoire humaine d’une façon beaucoup plus large. Ils admettent la grande importance d’autres facteurs historiques, en dehors de celui de la lutte des classes. Ils tiennent compte d’autres forces et éléments de l’évolution humaine. Et ce qui importe surtout, ils comprennent la notion même de la lutte des classes d’une façon beaucoup plus ample que les marxistes. Ils apprécient autrement le rôle de la classe paysanne, de celle des intellectuels exploités. C’est pourquoi, ils ont aussi une notion différente de la « dictature du prolétariat » (après sa victoire sur la classe capitaliste) et de l’ « État prolétarien ». C’est pour la même raison que les partisans de ces courants parlent des « classes exploitées et opprimées », des « classes travailleuses » plutôt que de la « classe des prolétaires », « classe ouvrière ». Du reste, ces courants sont en désaccord avec le marxisme « orthodoxe », non seulement par rapport à la théorie de la lutte des classes, mais aussi sur d’autres points, d’ordre philosophique et sociologique : ils font plus grand cas des mouvements psychologiques, éthiques et autres, formulant des objections à la doctrine du « matérialisme historique ».

Ajoutons encore que les conceptions marxistes - et aussi socialistes en général - ne sont pas d’accord sur la façon dont les classes exploitées doivent mener leur lutte, les unes (le socialisme « réformiste » de la droite, le « menchevisme ») préconisant la conquête graduelle et lente du pouvoir politique dans l’État bourgeois, les autres (le socialisme « révolutionnaire » de gauche, le bolchevisme) insistant sur la méthode brusque et violente. (Voir aussi : Antiétatisme, Bolchevisme, Menchevisme, Collectivisme, Socialisme, Marxisme, Réformisme, Parti Communiste. )



* * *



Vis-à-vis des doctrines exposées ci-dessus, quel est le point de vue anarchiste ?

Constatons, tout d’abord, que la notion classe (notion sociologique) n’est pas encore définie scientifiquement. Comme on le sait, le manuscrit du troisième volume du « Capital » (de Marx) s’arrête précisément au commencement de l’analyse de cette notion. Et quant aux autres ouvrages de ce penseur (et d’Engels), le mot « classe » y est employé dans des sens assez différents, étant souvent confondu avec des notions telles que « caste », « corps », « profession ». De sorte que l’on y chercherait en vain, non seulement une définition scientifique, mais même une notion plus ou moins précise de la classe sociale. Les autres auteurs sociaux - qu’ils soient bourgeois, socialistes ou autres (A. Smith, Voltaire, Guizot, Turgot, Mignet, Saint Simon, Considérant, Louis Blanc, Spencer, Proudhon, Ch. Gide, Kropotkine, Jules Guesde, Jaurès, Kautsky, Lénine, pour ne citer que les plus connus), - emploient tous le mot classe dans des sens divers et imprécis. Un jeune sociologue russe, P. Sorokine, qui a commencé, en 1920, la publication (en russe) d’un ouvrage capital de 8 volumes (« Système de sociologie »), essaye de donner, dans le deuxième volume (le dernier paru tant que je sache), une définition précise de la classe sociale. Cette définition est étroitement liée à toute son édification sociologique, très personnelle. Elle ne pourrait être comprise sans qu’on tînt compte de toute cette édification ; elle devrait, en outre, avant d’être généralement admise, subir l’examen et la critique...

C’est en partie pour cause de cette imprécision de la notion fondamentale qu’existent les désaccords et les divergences d’opinions dans les problèmes s’y rapportant. Plusieurs écrivains bourgeois critiquent sévèrement ce manque de clarté. Ils se moquent de tous ceux qui parlent de la « classe », de la « lutte des classes », de « la conscience de classe », etc., sans savoir exactement ce que c’est qu’une classe. Ces bourgeois ont tort. D’abord, parce qu’eux-mêmes opèrent avec nombre de notions indéfinies (il suffit de noter celle de Droit), ce qui ne les empêche nullement d’en faire usage, théoriquement et pratiquement. Ensuite, parce que, - comme c’est presque toujours le cas dans le domaine social -, tout en n’étant pas encore définies scientifiquement, les notions classe, lutte des classes, etc., sont suffisamment nettes intuitivement et répondent à des phénomènes historiques et sociaux indéniables, connus. On comprend, généralement, sous le mot de classe, un groupe social caractérisé par certaines propriétés se rapportant à l’avoir, à la profession et à l’étendue des droits dont il dispose. La différence énorme entre les groupes ayant à eux tout l’avoir, tous les droits et tous les avantages au point de vue profession (jusqu’à l’avantage de n’en exercer aucune) et ceux qui, n’ayant ni avoir ni droits, n’ont pour eux qu’un travail meurtrier, exploité par les premiers, est un fait historiquement certain et démontré.

L’anomalie de ce fait, à tous les points de vue et, partant, la nécessité historique d’un redressement social, sont des vérités acquises à tout homme sensé. La résistance des classes avantagées à ce redressement, pourtant historiquement nécessaire, est un fait indéniable. La lutte des classes désavantagées et exploitées, intéressées à ce redressement, contre les classes privilégiées et exploiteuses, est un fait qui joue un rôle de plus en plus prépondérant dans les événements sociaux des siècles derniers. Cette lutte remplit de son fracas toute l’histoire moderne. Ce sont ses succès qui, conjointement avec les conquêtes techniques de notre époque, marquent le pas du progrès humain. Il n’y a que les aveugles pour ne pas le voir.

Comme nous l’avons déjà dit, le manque de précision dans tout ce qui se rapporte à la notion « classe », divise entre eux les socialistes en général et aussi les marxistes. C’est la même imprécision qui explique, en partie, les désaccords entre les socialistes et les anarchistes. C’est elle encore qui désunit quelque peu les anarchistes eux-mêmes.

Arrêtons-nous, d’abord, sur ce dernier point.

Les intérêts normaux caractérisant et guidant les hommes vivant à notre époque, sont surtout de trois sortes : intérêts de classe, intérêts largement humanitaires et intérêts individuels. Un problème qui préoccupe beaucoup les milieux libertaires, est celui-ci : la conception anarchiste, est-elle une doctrine de classe, une conception humanitaire ou bien une théorie individuelle ? Il existe des courants anarchistes qui y répondent comme suit : 1° la conception anarchiste est largement et strictement humanitaire. Elle n’a rien à voir avec la doctrine de classe ou de lutte des classes. Elle doit, par conséquent, éliminer tout ce qui s’y rapporte, cette dernière étant une doctrine rigoureusement marxiste. L’anarchisme ne doit se préoccuper que des problèmes et des intérêts concernant l’humanité comme telle, sans distinction de classes. La lutte des classes n’est pas de son domaine ; 2° l’anarchisme est une conception rigoureusement individuelle. L’individu est l’unique réalité. La solution des problèmes le concernant résoudra le reste. Classes, humanité, voir même société, ne sont que des abstractions, des fictions dont un vrai anarchiste n’a pas à s’occuper.

Nous dépasserions le cadre de cette étude, si nous voulions pousser ici à fond la critique de ces points de vue. (Voir pour cela : Communisme, Individu, Individualisme, Société, Syndicalisme, Révolution , etc.) Bornons-nous à dire qu’une doctrine qui ne tiendrait pas compte du fait social saillant de l’histoire humaine durant des dizaines de siècles : la lutte des classes ou mieux la lutte des classes exploitées pour leur émancipation comme force progressive de nos jours, une telle doctrine serait, précisément, une abstraction, une fiction qui ne saurait avoir aucune valeur, ni sociale, ni humanitaire, ni individuelle. Elle ne saurait être qu’une doctrine d’aveugles ne pouvant jamais nous démontrer de quelle façon l’humanité entière ou les individus qui la composent, auraient pu arriver su maximum de bonheur possible sur la terre, en dehors de la lutte salutaire des millions et des millions d’opprimés.

Hâtons-nous de dire que ces deux courants forment dans les rangs du mouvement anarchiste international une infime minorité. L’énorme majorité des anarchistes - ceux surtout qui se nomment anarchistes communistes - résolvent le problème posé d’une tout autre façon. Ils déclarent que l’anarchisme est justement, essentiellement la conception susceptible de concilier, de satisfaire, aussi bien théoriquement que pratiquement, les trois sortes d’intérêts paraissant contradictoires : ceux des classes exploitées, travailleuses, ceux de l’humanité et ceux de l’individu. Ces anarchistes affirment qu’il n’y a pas lieu d’opposer ces trois sortes d’intérêts, mais qu’il faut, au contraire, s’efforcer de les rapprocher, de les souder. Malheureusement, le manque de précision dont nous avons parlé, ne permet pas encore de résoudre ce problème avec le fini voulu. L’une des tâches les plus pressantes de l’anarchisme est celle d’apporter à la synthèse de ces trois éléments : lutte des classes, mouvement humanitaire et principe individuel, le plus de précision possible. Ce serait le moyen le plus sûr de mettre un terme à la dispersion des anarchistes, d’activer leur unification. Or, cette tâche exige préalablement la définition plus exacte des notions : « classe » et « lutte des classes ». Ce n’est que par cette voie qu’on pourra arriver à une formule plus nette et plus complète, qui réconciliera définitivement, dans une motion harmonieuse et entière, les trois éléments en question, et précisera leur rôle respectif : la lutte des classes comme méthode ; l’organisation sociale humanitaire comme résultat de la victoire et de l’émancipation des classes opprimées, et aussi comme base matérielle de tout progrès social et individuel ; la liberté, l’épanouissement illimité de l’individualité, comme le grand but de toute l’évolution sociale.

Naturellement, une tâche de ce genre ne pourrait être entreprise que dans un ouvrage spécialement consacré à ce sujet.

Ici, il nous reste à constater que la majorité écrasante des anarchistes font leur le principe de la lutte des classes et reconnaissent la lutte révolutionnaire des classes exploitées contre les classes exploiteuses comme l’unique voie de progrès social à notre époque.

La question surgit alors : « Qu’est-ce qui sépare, dans ce domaine, les anarchistes des socialistes en général et des marxistes ? » Ce qui les sépare, ce sont, d’abord, quelques considérations d’ordre théorique. Ce sont, ensuite et surtout, des considérations d’ordre pratique qui découlent des bases générales profondément différentes des deux conceptions : socialiste et anarchiste, c’est, notamment, la façon dont l’une et l’autre conçoivent les formes, la tactique, la stratégie de la lutte des classes travailleuses.

En ce qui concerne le côté théorique ou, plutôt, historique du problème, la conception anarchiste se rapproche de celles des socialistes anti-marxistes dont il a été question plus haut. D’accord avec ces socialistes, les anarchistes s’opposent à réduire tout le processus historique à l’unique facteur de la lutte des classes. Ils conçoivent l’histoire humaine d’une façon beaucoup plus large. Ils admettent la grande importance d’autres facteurs historiques, etc. Ils forment des objections à la doctrine du soi-disant « matérialisme historique », etc. (Voir plus haut la caractéristique des courants socialistes opposés au marxisme « orthodoxe »). Une réserve est, toutefois, nécessaire : tandis que les socialistes (et aussi les marxistes entre eux) sont en désaccord par rapport à la voie réformiste ou révolutionnaire de la lutte sociale, les anarchistes sont tous partisans de la conception révolutionnaire, à l’exception, peut-être, de la tendance dite tolstoïenne qui conçoit la révolution d’une façon toute spéciale.

Ajoutons que les opinions des anarchistes sur les origines et le développement des classes ainsi que sur le rôle passé « progressif » de la bourgeoisie, diffèrent de la conception marxiste. (Voir, surtout, État où le problème d’origine et du développement des classes est traité plus à fond.)

Mais ce qui est surtout typique pour la différence entre les conceptions socialiste et anarchiste par rapport à la lutte des classes, c’est le côté pratique de la question.

Tandis que les socialistes de toutes tendances conçoivent la lutte des classes comme une lutte politique, ce qui les amène logiquement à la formation d’un parti politique appelé à conquérir le pouvoir politique et à organiser, à l’aide de ce pouvoir, le nouvel « État prolétarien » - organisme essentiellement politique et autoritaire exerçant la « dictature du prolétariat », - les anarchistes affirment que la lutte des classes est, positivement, une lutte apolitique, essentiellement sociale, n’ayant rien de commun ni avec les partis ou le pouvoir politique, ni avec l’État, l’autorité, la dictature, etc.

Les anarchistes affirment que la voie politique (parti, pouvoir, État, autorité, dictature), que la lutte politique (comprise dans ce sens) sont contraires à la lutte des classes. (Voir : Politique) Ils prétendent que cette dernière est déformée, mutilée, meurtrie et réduite à l’impuissance complète par les moyens politiques. Ils citent le cas du bolchevisme en Russie dont l’épopée confirme, à leurs yeux, leur point de vue. Ils déclarent que la lutte des classes, que toute action de classe désirant aboutir à une victoire réelle, doit être menée par les intéressés - les classes travailleuses elles-mêmes - s’organisant et agissant eux-mêmes, directement, sur le terrain strictement social, économique et de classe, sans recours aucun aux partis politiques ni à leurs programmes politiques de pouvoir, d’État, de dictature, etc. Ils pensent que la Révolution vraiment victorieuse, sera celle qui ne sera politique que négativement : c’est-à-dire, qui tuera toute politique, tous partis politiques, tout programme politique, tout pouvoir, toute autorité, tout État, toute dictature, et qui, au point de vue positif, s’efforcera à établir la société nouvelle sur des bases apolitiques, sociales, économiques.

Logiquement, l’anarchisme nie : le parti politique, le pouvoir politique, l’État, l’Autorité, la dictature. Il considère le soi-disant « État prolétarien » ou la fameuse « dictature du prolétariat » comme des non-sens, estimant que tout État et toute dictature ne peuvent être que des institutions essentiellement bourgeoises exploiteuses, et que tout moyen politique est également un procédé bourgeois.

C’est pourquoi, les anarchistes prétendent que leur conception, leur idéologie, sont les seules qui, réellement, s’appuient sur la véritable lutte des classes comme le levier immédiat de la salutaire Révolution sociale.



* * *



La différence des conceptions fondamentales mène, logiquement, à celle de toutes les notions dérivées. Pour les socialistes, la conscience de classe consiste en ce que l’exploité se rende parfaitement compte de ce qu’il appartient à la grande famille, à la classe des travailleurs dont les intérêts sont opposés à ceux de la classe bourgeoise ; qu’il soit, par conséquent, conscient de la grande tâche sociale de sa classe ; qu’il prenne part activement à la lutte menée par sa classe ; qu’il soit prêt à sacrifier, à tout instant, ses intérêts personnels à ceux de sa classe, etc. ; et, surtout, qu’il adhère au « parti politique de sa classe », qu’il « soit conscient de la nécessité des méthodes politiques, qu’il reconnaisse les principes de là conquête du pouvoir politique, de l’établissement de l’ « État prolétarien » et de la « dictature du prolétariat ».

Étant d’accord sur tous les autres points, les anarchistes rejettent, naturellement, le dernier. Ils affirment juste le contraire. Pour eux, tout exploité se rangeant à la doctrine politique, manque de conscience de classe : il est trompé ; il perd le véritable terrain de la lutte des classes ; il n’en a pas la juste notion. Pour eux, la vraie conscience de classe implique la condamnation des moyens et des buts politiques. Ils considèrent la confusion de la « classe » avec le « parti politique » comme un manque de conscience de classe.

Les socialistes et les anarchistes sont d’accord sur ce que la justice de nos jours est une justice de classe habilement masquée par les serviteurs des classes possédantes. Mais : tandis que les uns s’apprêtent à lui substituer la « justice » organisée par l’État dit « ouvrier », les autres, estimant que tout État sera fatalement bourgeois et qu’un « État ouvrier » est une illusion ou une tromperie, en concluent, logiquement, que cette nouvelle « justice » ne serait autre chose que la justice des nouveaux privilégiés, encore plus habilement masquée et dirigée contre les éternels exploités. La « justice » fameuse, exercée de nos jours dans l’État soviétiste, leur donne entièrement raison. Ils estiment, donc, que la véritable justice humaine aura lieu, après la Grande Révolution, en dehors de tout État et dans des formes n’ayant rien de commun avec les procédés politiques, étatistes, juridiques.

Les uns et les autres - les socialistes et les anarchistes - savent bien que l’armée moderne est une armée de classe appelée à défendre la classe possédante. Mais, tandis que les socialistes prévoient, après la révolution, une nouvelle armée d’État(« Armée Rouge » en Russie) qui, d’après eux, devra défendre les travailleurs, les anarchistes affirment que toute armée d’État défendra les privilégiés contre les travailleurs. Ils conçoivent la défense de la révolution dans des formes non étatistes, par les forces organisées des travailleurs, établies sur d’autres bases que celles d’une armée d’État.

Nous pourrions multiplier les exemples de ce genre, en parlant de l’éducation de classe, de l’enseignement de classe, de lascience de classe, et ainsi de suite. Après tout ce qui précède, nous le tenons pour superflu.



* * *



Une objection est faite assez souvent aux anarchistes, surtout par les « communistes » autoritaires. Si ce ne sont ni le parti politique, ni le pouvoir politique, ni l’État ouvrier, ni la dictature du prolétariat qui guideront l’action, la lutte de la classe ouvrière, la révolution sociale, qui assureront leur succès, leur victoire et la solidité de celle-ci, qui sera-ce alors ? Quelles seront les forces, les éléments et les organisations qui mèneront au succès complet, toute cette lutte formidable, et compliquée des classes exploitées et opprimées ?

La réponse des anarchistes ne serait point difficile, surtout aujourd’hui.

Les forces et les éléments ? Mais ce seront, naturellement, les classes exploitées et opprimées elles-mêmes.

Les organisations ?... Il y a une quarantaine d’années, les anarchistes y répondaient : la lutte des classes et son point culminant et final : la Révolution, devant être l’œuvre de ces classes mêmes, celles-ci trouveront sûrement les formes de lutte appropriées et créeront certainement leurs organisations qui répondront aux besoins de l’heure. Aujourd’hui, cette prévision s’est déjà, en partie, réalisée. La réponse peut, donc, être plus précise encore : des travailleurs ont créé dans tous les pays leurs organisations de lutte et de combat : les syndicats révolutionnaires. Tout en n’étant pas sans défauts - comme, du reste, toutes les institutions humaines, à notre époque surtout, - et sans qu’on songe à réduire à elles seules toute l’action, toute la conduite de la lutte et de la révolution, les organisations syndicales sont les prototypes des organisations de classe appelées à prendre sur elles quelques tâches fondamentales de cette lutte et de cette révolution.

C’est le syndicalisme révolutionnaire qui, en dépit de ses quelques faiblesses naturelles, excusables et peu importantes, en dépit aussi de son recul momentané à la suite de la guerre et de ses conséquences, donne aux partis politiques une réponse concrète. Elle est celle-ci. Ce ne seront ni les partis politiques, ni les groupements anarchistes qui mèneront la lutte de classe, l’action ouvrière, toute la formidable révolution à la victoire et au succès complet : ce seront les masses elles-mêmes, les millions et les millions de travailleurs des villes et des champs rassemblés dans leurs organisations sociales de classe, et non de politique - syndicats et autres - qui s’en chargeront (voir Syndicalisme ).

Les anarchistes sont en grande majorité d’accord avec cette réponse. La vie, l’histoire, l’avenir prochain décideront.

Pierre Besnard
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