Unanimité ou vote à tant de %...

Espace de débats sur l'anarchisme

Re: Unanimité ou vote à tant de %...

Messagede Mango le Ven 23 Jan 2009 20:31

Si c'est comme ça que ça fonctionne c'est grave parce que ça veut dire que c'est un mandat irrévocable et qui n'est limité que dans le temps


En 50 ans de vie de la FA je ne crois pas qu'une seule fois la question de révoquer un mandater a été posé sérieusement.... J'étais à la FA durant les dernières crises internes et je ne me rappelle pas que la révocation de qui que ce soit ait été envisagé. C'est surement un manque de la FA de ne pas pouvoir révoquer un mandater mais il existe quand même un contrôle en amont sur les mandatés, ils se font taper sur les doigts quand ils font des bêtises, et des mandatés ont déjà été remplacé. Voilà je ne pense pas que ce soit si grave en soit puisque la question ne se pose jamais.

Je ne suis pas un chaud partisan de l'unanimité, je pense que la FA est vraiment mal organisé (j'appellerai même pas ça une organisation d'ailleurs) mais il faut quand même reconnaitre que malgré ses grosses faiblesses organisationnelles les autres orgas n'ont jamais fait mieux. C'est ça le pire, ça ne devrait pas être difficile ! Les organisations libertaires sont ultra-groupusculaires, je ne crois pas que c'est en votant que la FA pourra être plus grosse ni que cela évitera les conflits internes.
Mango
 
Messages: 30
Inscription: Mer 17 Déc 2008 12:49

Re: Unanimité ou vote à tant de %...

Messagede Sed le Mar 27 Jan 2009 11:47

[effacé par l'auteur]
Dernière édition par Sed le Ven 20 Mar 2009 12:41, édité 1 fois.
Sed
 

Re: Unanimité ou vote à tant de %...

Messagede Berckman le Mar 27 Jan 2009 14:24

Pour la révocation des mandatés à la FA, voir les principes de base :
http://fa.federation-anarchiste.org/spip.php?article2
Cherchez "révoc". Ca apparaît deux fois.
Première fois, dans L’action de la Fédération anarchiste :
Pour cette raison, la Fédération anarchiste reconnaît :
[...]
La révocabilité des secrétaires et mandatés.

Sans procédure donc autre que l'évocation au congrès suivant...

Deuxième fois dans Comité de rédaction :
Nommés et révocables par le congrès, les membres du Comité de rédaction peuvent coopter en cours de mandat, à l’unanimité, un ou plusieurs camarades en cas de défection d’un ou plusieurs de ses membres.

Là il ne s'agit pas de révocation mais de remplacer un mandaté défaillant...


Pour la CGA, j'ai pas trouvé. Si quelqu'un a un lien pour les "principes de base" de la CGA, c'est le bienvenu.



http://www.c-g-a.org/public/modules/new ... storyid=15


Prise de décisions

Modification du présent document
Les décisions de modifications concernant ce document hors la partie Principes, se font selon les modalités suivantes :
Instances décisionnelles
Les congrès ainsi que les réunions de coordination sont habilités à décider sur ce sujet.
Information
La proposition de modification doit être présentée dans le Bulletin Intérieur au moins 2 mois avant la prise de décision.
Vote
Les modalités de vote sont les mêmes que pour les décisions ordinaires.

Prises de décision ordinaires
Les décisions se font à un vote majoritaire à 3/4 des mandats potentiels arrondis au supérieur. Le processus inclus la possibilité d'un vote indicatif.

Décompte des mandats
Un groupe dispose de 2 mandats jusqu'à 5 adhérents, et obtient un mandat supplémentaire par tranche de 5 adhérents supplémentaires. Une liaison dispose de 1 mandat.
Un groupe peut répartir ses mandats entre les différentes propositions. La façon de les répartir est laissée à la charge des groupes.
Lors d'un vote, un groupe ne pourra pas porter plus de mandats que de délégués présents.





Les Mandats

Mandats de fonctionnement
Les mandats de fonctionnement constituent les moyens humains dont se dote la structure pour fonctionner. Dans cette perspective, on utilise le fonctionnement de démocratie directe que constitue le mandatement. Ces mandats sont permanents dans le sens où leur existence n'a pas de fin prédéterminée.
Les mandats sont régis par les principes suivants : rotation, précision, contrôle et possibilité de révocation.
Le contrôle s'effectue grâce aux comptes-rendus du ou des mandatés et lors des réunions de coordination. La révocation éventuelle est une décision traitée comme les autres. Le mandatement peut être donné à la charge d'un individu, de plusieurs individus, ou d'un groupe.
[/quote]

En clair, la révocabilité est possible dans toutes les réunions de coordination bimensuelles, à la majorité des 3/4 des mandats de groupes ordinaires arrondis au supérieur.

P.S. : la question n'est pas de "descendre" qui que ce soit, mais la discussion sur les modes de regroupement organisationnels. Pour moi ce n'est pas une question secondaire...
Berckman
 

Re: Unanimité ou vote à tant de %...

Messagede Mango le Sam 31 Jan 2009 13:38

Je vois qu'à la CGA vous avez un système de décision par mandat, mandats donnés selon le nombre d'adhérents par groupe. Ça me turlupine grandement : déjà sans ce système plus un groupe est important numériquement plus il va avoir du poids naturellement au sein de l'organisation. Par exemple un groupe de 16 personnes de fait participera plus aux activités fédérales qu'un groupe de 3-4 militants, le gros groupe écrira plus souvent des tracts, des articles, aura peut-être même un local, disposera d'une trésorerie plus étoffée pour sortir son propre matériel, aura surement plusieurs mandatés pour le fonctionnement de l'orga alors qu'un petit groupe sera moins visible fédéralement (moins d'articles, moins de tracts, pas de mandatés etc).
Alors cette notion de mandats pour les décision n'est elle pas une source de déséquilibre supplémentaire dans l'engagement fédéral de chaque groupe ?
Mango
 
Messages: 30
Inscription: Mer 17 Déc 2008 12:49

Re: Unanimité ou vote à tant de %...

Messagede L'autre facteur le Sam 31 Jan 2009 15:06

Pas réellement car on y a pensé :) . On a mis un système de pondération entre deux options : une personne = une voix ou un groupe = une voix. On a un nombre de mandat progressif en fonction du nombre, mais avec un "bonus" aux petits groupes. Du coup il y a un équilibre (certes jamais parfais) pour pondérer les déséquilibres.
De plus, les groupes ont leurs déplacements remboursés pour participer aux réunions décisionnelles. Du coup, cela n'empêche pas les petits groupes de particper aux réunions et de peser aussi sur nos choix collectifs. Enfin, les petits groupes ont aussi du matos fédéral gratuis, pour aider au développement.
Rien n'est parfais, tout est à améliorer tout le temps, mais on a quand même pris tout ça en compte.
L'autre facteur
 

Re: Unanimité ou vote à tant de %...

Messagede vroum le Lun 9 Fév 2009 15:36

La Méthode du Consensus - Présentation
entre éthique, pragmatisme et esthétique par Roberto Tecchio,

LA METHODE DU CONSENSUS


Une définition et quelques considérations pour commencer

La MC est un processus qui se déroule en plusieurs phases et dans lequel on utilise diverses techniques de discussion, d’analyse et de débat, et grâce auquel, un groupe arrive à prendre des décisions sans avoir recours au vote.

Consensus signifie que l’on est d’accord sur quelque chose, mais ne signifie pas nécessairement accord total de tous sur tout, c’est à dire unanimité. L’unanimité peut être atteinte, mais ce n’est certes pas un objectif : le consensus tend à faire cohabiter les différences, non à les éliminer. Ainsi lors d’une décision consensuelle, il peut y avoir différents degrés d’accord et de nombreuses nuances au regard des engagements que les différents membres assument par rapport à une décision déterminée, cependant le tout a lieu de façon explicite et globalement accepté.

L’adoption de la MC de la part d’un groupe peut se produire sur des bases consensuelles. La MC une fois acceptée n’exclut pas le recours à des modes de décisions, basés ou pas sur le vote, pourvu qu’un tel recours advienne sur la base d’un décision consensuelle.

LES BASES DU CONSENSUS : ENTRE ETHIQUE, PRAGMATISME ET ESTHETIQUE

La fin ne justifie pas les moyens ; les moyens contiennent la fin

La MC naît de la conviction que le rapport entre les moyens et les buts doit être cohérent . par exemple si on a des objectifs justes et solidaires, les moyens de les réaliser devront d’emblée exprimer concrètement, équité et solidarité. En pratique ceci se manifeste dans la façon de gérer le pouvoir et en particulier dans la façon de prendre les décisions.

L’utilisation du pouvoir : l’individu ne se fait pas écraser par le groupe, le groupe n’est pas bloqué par l’individu

En ayant un regard superficiel, la MC semble donner un pouvoir excessif au simple individu(ou à la petite minorité) par rapport au groupe. Ainsi, il semble que, même après une longue discussion tournerait en sa défaveur, quelqu’un puisse bloquer un groupe important en refusant son accord à la décision. Mais ceci n’est rien d’autre que l’exercice du soi disant pouvoir de veto, qui n’a rien à voir avec la MC.

La MC donne effectivement un grand pouvoir à l’individu (à chaque individu sans distinction) parce elle en reconnaît la valeur, la dignité, l’unicité. Mais l’individu peut bloquer le groupe seulement s’il réussit à démontrer la validité de son opposition, c’est à dire que la décision qui va être prise est vraiment dommageable au groupe et/ou en contradiction avec ses principes fondamentaux. Si le groupe reconnaît le bien fondé de l’opposition, alors la décision peut être bloquée, sinon la responsabilité de décider de ce qu’il faut faire incombera à la partie adverse, si possible en l’annonçant en termes clairs et explicites.

Donc, pour que la MC fonctionne bien, l’individu doit reconnaître et accepter le pouvoir du groupe à déterminer quels sont les problèmes qui peuvent être résolus, ceux qui nécessitent plus d’attention, et ceux qui bloquent la décision : le piège du veto consiste à être incapable de reconnaître les limites du pouvoir individuel ! L’individu a le pouvoir et la responsabilité de soulever les problèmes ; le groupe a le pouvoir et la responsabilité de les reconnaître et de les résoudre.
"Prolétaires du monde entier, descendez dans vos propres profondeurs, cherchez-y la vérité, créez-la vous-mêmes ! Vous ne la trouverez nulle part ailleurs." (N. Makhno)
Image
Avatar de l’utilisateur
vroum
 
Messages: 6910
Inscription: Mar 22 Juil 2008 23:50
Localisation: sur les rails

Re: Unanimité ou vote à tant de %...

Messagede alcibiade le Ven 27 Fév 2009 20:20

Salut , actuellement la méthode par consensus ou unanimité est une absurdité, car comme sur ce site et dans la plus part des groupes importants il suffit d'un petit nombre pour saborder les dynamiques collectives majoritaires . Cela favorise l'immobilisme au depens des dynamiques comme on le sait depuis au moins 50 ans . Cela au profit d'un dogmatisme paranoîaque du type "Si j'agis je ne suis plus un anarchiste pur" . En effet il y aura toujours quelqu'un pour vous dire que vous êtes un hérétique ,un chef, un social traitre, un opportuniste ,un idiot ... si vous proposez une action collective d'envergure .
Je ne dis pas que la majorité a toujours raison je constate que si une majorité est entravée elle devient agressive ou se barre . Aussi faut il laisser le nombre expérimenter son intelligence collective sous peine de frustrations . Quand aux magouilles il y en aura toujours même chez les anars à chacun de les éviter .
La force d'un mouvement comme le LKP n'est pas dans l'unanimité bien au contraire . Il y a des UMP, des indépendantistes, des extrèmes gauches, des socialistes , des apolitiques des pauvres, des noirs et des blancs cependant ils ont réussi à se mettre d'accord sur des revendications et une méthode commune . Gréves barrages, écoute de la population, fêtes, chansons, objectifs communs à court terme .
Qui plus est l'unanimité comme la majorité peuvent se tromper donc le débat est à mon avis absurde; seul le résultat de dynamiques révolutionnaires est interessant s'il débouche sur de nouvelles dictature ou par le chaos généralisé alors nous aurons échoués . L'anarchie s'apprend en marchant comme la vie . Dire l'inverse est mortifère .
Salutations anarchistes .
alcibiade
 
Messages: 298
Inscription: Jeu 30 Oct 2008 12:43

Re: Unanimité ou vote à tant de %...

Messagede sebiseb le Ven 27 Fév 2009 21:30

A une proposition il faut demander qui s'y oppose, et que pour chaque opposition faire une proposition modifiée ou alternative..
#apt-get install anarchy-in-the-world
#world restart
Anar'mitiés - sebiseb
Avatar de l’utilisateur
sebiseb
 
Messages: 1961
Inscription: Jeu 14 Aoû 2008 14:51
Localisation: Île de France - Centre

Re: Unanimité ou vote à tant de %...

Messagede L'autre facteur le Ven 27 Fév 2009 22:20

et s'il y a une nouvelle opposition à la proposition modifiée ou alternative ?
:siffle: :)
L'autre facteur
 

Re: Unanimité ou vote à tant de %...

Messagede sebiseb le Sam 28 Fév 2009 10:54

Oui..
Je ne prétends pas que le principe soit parfait, mais je pense que c'est mieux de prendre le problème à l'envers ; ne pas attendre l'adhésion unanime de tout le monde, mais se baser sur le fait qu'il n'y ai pas une opposition nette à une décision. Cela nécessite également un changement d'habitude prise par notre société électoraliste.
#apt-get install anarchy-in-the-world
#world restart
Anar'mitiés - sebiseb
Avatar de l’utilisateur
sebiseb
 
Messages: 1961
Inscription: Jeu 14 Aoû 2008 14:51
Localisation: Île de France - Centre

Re: Unanimité ou vote à tant de %...

Messagede vroum le Mer 28 Oct 2009 18:23

Un article sur le sujet de l'excellente revue Noir & Rouge :

Majorité et minorité

paru dans Noir & Rouge n°10, printemps 1958



Une majorité peut-elle prétendre être l’expression d’une organisation ; ses décisions ont-elles la valeur de décisions organisationnelles ; comment la minorité est-elle traitée dans son expression, sa conduite, son existence même au sein de cette organisation ?

Toutes ces questions ont au premier abord un intérêt secondaire, mais sont en réalité d’une importance considérable quand on veut vivre dans une organisation et quand on veut que celle-ci vive. Et on ne peut pas « laisser faire, on verra ça au cours de l’expérience, chaque cas est un cas d’espèce, avec de la bonne volonté… » Car souvent l’expérience est très convaincante — mais quand on s’en aperçoit il est trop tard pour changer quelque chose, et faut ou tout accepter ou tout lâcher. Il faut, dès les premiers pas communs, élaborer une ligne de conduite théorique et pratique acceptée par tous, et dans ce contexte, la question minorité/majorité peut influencer le marche dans l’un ou l’autre sens.

Pour nous, le fonctionnement d’une organisation fédéraliste est incompatible avec le maintient du principe de majorité. Il existe une vraie majorité, celle de l’unanimité, librement conçue, librement acceptée. Toute autre majorité, au 2/3, absolue ou simple, avec toutes sortes d’arrangements — est une majorité seulement pour ceux qui l’ont acceptée ; pour les autres, elle ne peut avoir de valeur, ni être une obligation.

Chaque fois que l’on veut imposer, pour une raison ou une autre, on arrive à une unité artificielle, fragile, instable. Bien sûr, on trouve et on trouvera toujours dans chaque cas « des. conditions, exceptionnelles, des nécessités historiques », mais quel moment n’est pas historique dans la marche de l’humanité vers son bonheur ? Et il n’est pas difficile pour ceux qui ont besoin de cette majorité de discourir sur les conditions exceptionelles.

Mais… sans majorité on ne peut prendre de décision, et sans décisions, une organisation ne sert à rien, c’est la pagaille. C’est l’objection majeure adressée aux libertaires par les amateurs d’autorité, et aussi, il faut le dire, par certains libertaires. L’expérience n’est pas en accord avec ce raisonnement. Non seulement il existe des organisations construites sur cette base, mais il existe des cas où, sans compter les voix, la majorité était réelle : le 19 juillet 1936, les journées de mai 1937 à Barcelone ; mais la majorité n’existait pas lorsque les anarchistes étaient « obligés » de collaborer avec le gouvernement, et c’est alors que nos alliés ont commencé à s’indigner de l’existence d’une opposition et d’une minorité et à faire des reproches sur la faiblesse et le manque de discipline des anarchistes. C’est cependant l’existence de cette minorité qui a sauvé l’honneur de tout le mouvement, y compris ceux qui avaient accepté le compromis.

Le principe de la majorité vient de la pratique de la lutte politique, du suffrage universel, du parlementarisme. Là, il est nécessaire, plus, il est l’unique facteur indispensable à la bonne marche du système. La lutte pour la majorité n’a jamais été et ne pourra jamais être franche et honnête. Pour gagner des voix, personne ne dévoile son vrai visage, les mécanismes de son jeu ni les brais buts qu’il poursuit. Les appels les plus révolutionnaires ne sont que de simples propositions, vagues et susceptibles de rallier un vaste spectre d’individus ; les sermons les plus solennels ne sont que les cris des démagogues qui essaient de toucher les sentiments bas de la foule, soit égoïste, soit faussement humanitaire. Cette vaste mascarade des beaux parleurs est bien orchestrée dans les coulisses par les jeux d’intimidation, de menaces économiques et autres, ainsi que des promesses et des avantages. Dans les régimes autoritaires, ces mêmes coulisses sont encore plus transparentes, et les vrais acteurs de la majorité (la police officielle et politique, répression directe ou indirecte) sont sur les planches, brandissant leurs « arguments » ; ils ne se gênent même pas pour faire quelques petites démonstrations contre les réticents pour donner des exemples aux autres, et pour arriver à la majorité idéale… 99,99%. Mais ce danger existe même dans les organisations non-autoritaires, démocratiques, voire même libertaires, quand on accepte le principe de la majorité et de la lutte pour la majorité. On a vu des congrès dits libertaires préparés dans les coulisses, avec des rôles et des discours distribués à l’avance, avec une propagande appropriée à chaque délégué même ; et on a aussi vu les résultats. Ce phénomène « à la Fontenis » ne doit pat se reproduire.

Mais on trouvera toujours des individus non convaincus, réticents, même pour des raisons strictement personnelles ; vous savez quel rôle non avoué jouent les relations personnelles ; même dans les organisations strictement politiques, économiques et idéologiques. On ne peut demander à tout le monde d’avoir de la sympathie pour tout le monde. On arrivera alors aux obstructions absurdes, non motivées, qui peuvent paralyser et bloquer l’organisation justement quand elle doit agir le plus vite — et alors, que faire ? Ça peut arriver.

Mais cette explication repose sur deux erreurs : celle de la conception d’une organisation spécifique et homogène, et celle de la morale anarchiste.

Quand les membres d’une organisation sont liés entre eux non seulement par des liens personnels plus ou moins en sympathie, mais aussi et avant tout par un certain nombre de principes idéologiques et tactiques suffisamment grand pour qu’on puisse dire que cette organisation est homogène — les risques de divergences importantes sont alors très minimes. C’est une des raisons pour laquelle nous tenons aux conceptions et la pratique d’un « groupe anarchiste spécifique », et que nous refusons de nous diluer ou de nous faire diluer dans la quantité. Si on accepte l’autre pratique « venez, tous ceux qui sont pour la liberté », ou « contre l’État » ou même « pour l’anarchisme en général » — dès le lendemain, sur n’importe quelle question, les accrochages seront inévitables. Cet aspect hétérogène a une autre conséquence : l’existence de groupe « d’initiés » (même de plusieurs groupes à la fois) le plus souvent secrets ou semi secret ; et chacun d’eux se propose de mener le jeu, avec la bonne conscience de « conduire les autres dans la bonne voie »… ce qui dégénérera vite en luttes internes, en OPB, en dirigeants et masse. Il existe ainsi non seulement une une majorité et une minorité mais plusieurs cercles concentriques, gravitant le plus souvent autour d’une « forte tête » (qui dispense les autres de penser), se méfiant les uns des autres, chacun faisant son petit travail à l’ombre ou au petit jour, tachant d’attirer les autres vers son groupe, et le tout bien couvert par une apparence heureuse d’unité. C’est une atmosphère malsaine qui ne peut éduquer ni construire des individus droits et honnêtes. C’est un « gouffre du parlementarisme » en miniature.

Mais il ne faut tout de même pas idéaliser, malgré l’homogénéité des vues, des différences et des discussions peuvent se produire. Les idées elles-mêmes ne sont pas figées et peuvent évoluer. Si les divergences sont alors d’un ordre théorique important, il sera mieux pour l’organisation qu’elle éclate et qu’il existe deux ou plusieurs nouvelles organisations plus ou moins homogènes, que de garder une organisation hétérogène. C’est inévitable, et si l’on cherche à empêcher cette évolution, c’est alors qu’on risque de tout bloquer et paralyser, en cherchant des compromis anodins qui empêcheront l’éclatement et empêcheront aussi toute action dans l’un ou l’autre sens.

L’autre facteur mentionné plus haut — la morale anarchiste — s’il est bien compris et bien appliqué dans la vie, aidera beaucoup à l’aplanissement des petits conflits, et aussi quand peut se produire l’éclatement de l’organisation — en acceptant une opinion qui n’est pas identique à la nôtre, sans la considérer comme celle d’un ennemi, ni déclencher une lutte contre lui. À condition, bien sûr, qu’il ne s’agisse pas d’une opinion complètement sortie du concept de l’anarchisme. Dans l’histoire de l’anarchisme il existe seulement quelques cas particuliers de cette sorte, et cette dernière possibilité peut pratiquement être éliminée.

Le rôle d’un bulletin intérieur dans une organisation anarchiste où l’on peut discuter ouvertement de toutes les questions intéressent l’organisation, y compris les différents points de vue, est considérable.

Il existe aussi un dernier facteur lié à l’organisation : les camarades qui entrent dans cette organisation doivent accepter librement sa nécessité et son rôle. C’est l’évidence même. Celui qui n’a pas dépassé un stade individuel strict, qui ne peut pas imaginer d’autres structures sociales que celles des individus isolés et dispersés, fera mieux de rester isolé, d’aider les autres quand il le veut, mais de ne pas encombrer la vie de l’organisation par ses pratiques individualistes et intransigeantes. Pour cette catégorie de camarades, souvent d’ailleurs très bons camarades, il faut trouver une autre nomenclature et les accepter tels qu’ils sont.

Une organisation vraiment démocratique se reconnaît d’après sa conduite envers sa propre opposition. C’est encore plus valable pour une organisation libertaire qui prétend préparer la société de demain. Chaque fois qu’une majorité discute et applique les limites imaginées par la majorité elle-même dans lesquelles l’opposition doit exercer son activité, on peut en trouver deux causes : ou l’admission des membres était très large, ou il existe, dans cette même organisation, des individus qui veulent jouer le rôle de dirigeants. Ces deux possibilités ne s’excluent pas l’une l’autre : tel ou tel membre qui veut s’emparer de l’organisation y fera rentrer de nouveaux membres pour augmenter les chances de sa propre majorité.

En dehors de nos organisations, peut-on exiger et pratiquer le refus de la majorité ? C’est plus difficile, les conditions ne sont pas les mêmes, le but est avant tout de faire progresser nos idées sans les trahir. Mais ici aussi, il faut veiller ce que la majorité même triomphante n’écrase pas l’esprit de la minorité, non seulement parce que nous risquons de nous trouver un jour dans cette position (les mouvements révolutionnaires sont le plus souvent minoritaires), mais aussi esprit anti-autoritaire et de tolérance. Chaque fois qu’un dirigeant ou une équipe de dirigeants commence à prétendre être le maître absolu, ils finiront par se dévorer eux-mêmes et arriveront. à une dictature camouflée ou ouverte. Le premier signe d’un futur « chef d’État » ou « chef du peuple » est sa haine contre ses propres camarades qui ne l’acceptent pas dans ce rôle. Ensuite, son appétit d’autorité ne s’arrête pas, au contraire ses limites deviennent de plus en plus vastes, illimitées…

Chaque organisation, qu’elle qu’elle soit, est un compromis entre un individu et les autres devant les impératifs de la vie sociale. C’est-à-dire que chaque individu doit inévitablement renoncer à certaines tendances et certaines habitudes inadmissibles et nuisibles dans la société. Et par conséquent, dans chaque organisation il existe le risque que les sacrifices demandés aux individus au nom de la société dépassent les nécessités de la société elle même et deviennent l’objet d’une abstraction comme l’État, la bureaucratie, le chef, les nécessités historiques, etc. Une barrière à ce danger est la possibilité pour l’individu de ne pas accepter certains faits ou certaines tendances qu’il juge inadéquates et inutiles pour la société, c’est la possibilité d’être en opposition, c’est-à-dire en minorité. Il existe d’autres barrières : l’organisation fédéraliste elle-même, l’élection. directe et limitée des responsables, la participation réelle des simples membres de l’organisation, le caractère économique et non politique de la lutte, etc.

En résumé
— le principe de la majorité ne peut avoir de valeur décisive dans une organisation anarchiste.

— les votes de congrès et des réunions marquent seulement le nombre de propositions et le nombre de camarades pour chacune d’elles, mais sans en imposer aucune.

— la seule majorité est l’unanimité librement acceptée.

— si cette unanimité n’est pas réalisée, chaque proposition a le droit d’exister et d’agir.

— la minorité ainsi que la majorité ont les mêmes droits et les mêmes possibilités de travail et d’action.

— l’organisation anarchiste spécifique est basée sur l’identification des principes et des tactiques. Si cette identification manque, il doit exister plusieurs groupes plus ou moins homogènes, mais point du tout hostiles les uns aux autres.


MIT
"Prolétaires du monde entier, descendez dans vos propres profondeurs, cherchez-y la vérité, créez-la vous-mêmes ! Vous ne la trouverez nulle part ailleurs." (N. Makhno)
Image
Avatar de l’utilisateur
vroum
 
Messages: 6910
Inscription: Mar 22 Juil 2008 23:50
Localisation: sur les rails

Re: Unanimité ou vote à tant de %...

Messagede willio le Jeu 29 Oct 2009 19:41

Pas mal ce texte. A quelques détails près il est même excellent de mon point de vue.
Vous avez cru jusqu’à ce jour qu’il y avait des tyrans ? Et bien ! vous vous êtes trompés, il n’y a que des esclaves : là où nul n’obéit, personne ne commande.
Anselme Bellegarrigue
Avatar de l’utilisateur
willio
 
Messages: 5206
Inscription: Sam 14 Juin 2008 22:00
Localisation: Grenoble

Re: Unanimité ou vote à tant de %...

Messagede vroum le Sam 2 Jan 2010 19:26

un article de la revue de réflexion anarchiste Réfractions

Tout lien avec le forum n'est qu'un pure coïncidence :D

Un périlleux exercice de démocratie directe à 300 personnes, ou comment construire l’intelligence collective et l’émancipation politique

http://refractions.plusloin.org/spip.php?article299

Ce texte est issu d’une lettre écrite par une des personnes ayant vécu le processus de démocratie directe décrit ci-après. Cette lettre a ensuite été retravaillée et enrichie en groupe, de façon à refléter le mieux possible les visions différentes des événements vécus. Les commentaires de l’auteure de cette lettre originelle sont inscrits en italique pour situer son implication particulière.

Les rencontres des Ami-e-s de S !lence, c’est quoi ?

L’association des « Ami-e-s de S !lence » (AdS) est née en 2002 avec la première rencontre de lecteurs/lectrices du journal S !lence au CUN du Larzac, organisée par cette revue pour ses 20 ans. La revue S !lence (Écologie – Alternatives – Non-Violence) se veut un lien entre toutes celles et ceux qui pensent qu’aujourd’hui il est possible de vivre autrement sans accepter ce que les médias et le pouvoir nous présentent comme une fatalité. C’est donc dans cet esprit que depuis 2003 des lecteurs/lectrices et des sympathisant-e-s se retrouvent une fois par an sur le principe de l’auberge espagnole. Rapidement ces rencontres ont rassemblé de plus en plus de monde dans des lieux choisis à chaque fois pour leur implication dans des alternatives au système dominant. De 70 personnes au Biolopin dans le Jura en 2003 (Brocéliande en 2004, l’écocentre du Périgord en 2005, la ferme de « La Terre » dans le Lot en 2006), on est passé à 400 personnes en 2007 au « camp du Geais » sur la commune de Courbiac.

Ces rencontres durent deux semaines. L’objectif est d’y vivre nos engagements et nos idées en collectif responsable. Cela demande une construction permanente : réfléchir, se concerter, prendre des décisions, faire des choix.

Comment ces rencontres s’organisent-elles ?

Une « collégiale » se forme chaque année, pendant l’A. G. finale, pour organiser les rencontres suivantes. Ces personnes se concertent toute l’année pour la logistique, le choix du lieu, l’économat, les inscriptions etc.

Une semaine avant les rencontres, la collégiale et des volontaires viennent préparer les lieux : installation des dômes, yourtes, chapilopin, toilettes sèches, douches, cuisines…

Pendant les rencontres, quelques référents de la collégiale, accompagnent les participant-e-s afin de transmettre les informations dans un but d’autogestion. Nous avons des assemblées générales journalières de régulation, au cours desquelles toutes les questions peuvent être posées et débattues, sur des sujets pratiques ou débat d’idées. Nous concluons un sujet après avoir obtenu un consensus. Sinon, un collectif se met en place, ainsi que des ateliers de réflexions, pour dépasser les problèmes, afin de parvenir à un consensus.

De quoi sont-elles faites ?

Des ateliers participatifs et interactifs sont proposés et organisés par les participant-e-s, à leur libre initiative et sans contrôle en amont jusqu’à cette année. Cet été à Courbiac, nous avons eu trois films, treize ateliers culturels, trentecinq de réflexion (écologie, nonviolence, pouvoir, décroissance, valeurs des AdS, désobéissance civile, éducation, bien commun, féminisme, ethnologie et peuples premiers, capitalisme…), quinze pour les enfants, vingt pratiques (constructions d’habitats légers, hygiène alternative, vélo couché, chauffe-eau solaire, cuiseur économe…), quatre sur des projets alternatifs (écovillages et nomade), douze de développement personnel (massage, relaxation, co-écoute) et onze ateliers qui ont suscité des controverses (Dissidence SIDA, Le mythe du VIH, Terrorisme d’état : l’OTS et le 11 septembre, Hérésiologie, L’arnaque du changement climatique…)

Il y a aussi tout le quotidien pris en charge par des équipes qui tournent en autogestion pour l’organisation, la transmission : la cuisine végétarienne, les toilettes sèches, la vaisselle, l’eau, l’accueil, le compostage et le tri des déchets, la gestion de l’économat, le feu et le bois… 44 postes étant à pourvoir chaque jour, il suffisait de s’inscrire à deux tâches dans la semaine pour faire tourner le camp.

Et ne pas oublier les moments informels au coin des feux, les chants improvisés, tous les élans de bienveillance les uns envers les autres. C’est ça aussi qui donne aux rencontres des Ami-e-s de S !lence beaucoup de chaleur humaine et qui permet de nous dépasser dans les moments difficiles, grâce aux relations de confiance, de respect et d’empathie construites au quotidien.

Courbiac 2007 : une rencontre pas comme les autres

Les rencontres de l’été 2007, avec une pointe de 400 personnes, certains ateliers controversés, la difficulté de mettre en place une action de désobéissance civile, nous ont obligés d’acquérir une maturité politique.

Des personnes issues du mouvement conspirationniste ont proposé onze ateliers dont le contenu idéologique a déclenché inquiétude, questionnements et malaise parmi les participant-e-s. Beaucoup d’ailleurs refusaient de cohabiter avec eux à cause de leur prosélytisme sur le site. Ils se réclamaient « neutres » concernant la Shoah, alertaient sur le « complot mondial », niaient l’existence de l’hépatite C, diffusaient une revue parlant de « menace cosmique »…. et véhiculaient auprès des personnes les plus naïves des affirmations du genre « le VIH n’existant pas, le préservatif est inutile pour s’en protéger ». Nous n’avons pas eu d’autre choix que de nous attaquer collectivement à des questions délicates, notamment : comment se protéger contre l’entrisme et la manipulation sans trahir nos valeurs ? C’était d’autant plus délicat que nous avions des points de vue très différents sur le problème : certain-e-s étaient plus gêné-e-s par la forme verbalement violente des réactions de ceux et celles qui s’opposaient aux conspirationnistes que par le contenu des thèses conspirationnistes. Dans les valeurs défendues par le journal S !lence il n’y a pas que « écologie » et « alternatives », il y a aussi « non-violence ». Pour prendre une décision, nous avons donc suivi le processus de fonctionnement démocratique contenu dans les statuts, en respectant les personnes incriminées.

Le nœud du problème

Les membres de l’association se sont dotés d’un outil excellent : le processus du consensus, mais qui nécessite de l’habitude et de la pratique. C’était ce fonctionnement de réelle démocratie directe qui m’avait attirée l’an dernier, car on l’y expérimentait très concrètement. Dans ce cas précis, le fonctionnement basé sur la confiance n’a pas abouti à une solution. De nombreuses personnes ont été choquées par la lenteur de la réaction collective, exaspérées de tant de « naïveté », tandis que d’autres s’attristaient de la panique, de l’agitation et la discorde qui soudain régnaient sur le camp. Des AG interminables ont mené à la désaffection du processus démocratique. Dans la confusion des trois jours qui précédèrent l’AG finale, nous avons résisté à la tempête.

Jusqu’à ce que ce flottement destructeur prenne fin, j’ai fait partie de ceux et celles que cette « mollesse » catastrophait. J’ai donc, avec d’autres, recueilli les témoignages de ceux et celles qui avaient assisté aux ateliers incriminés. Témoignages dont certains émanaient de militants d’Act Up Toulouse promettant de porter plainte si l’association ne réagissait pas plus vite, et aussi témoignages de parents dont les enfants avaient été dissuadés par l’un des protagonistes d’utiliser des préservatifs. Et rien n’était simple, car certains témoins avaient pour seul point commun avec les conspirationnistes de jouer les provocateurs et de ne pas adhérer au processus de décision au consensus, voire de le mettre en péril.

Le processus du consensus : notre outil Les huit ateliers sur le pouvoir issus de l’atelier sur la “micropolitique des groupes”(1), ceux sur la “Communication NonViolente”, ceux sur les peuples premiers, un atelier nocturne improvisé, où toutes les positions purent s’exprimer, nous ont permis de nous former, de réfléchir et de mieux maîtriser les processus du consensus, pour les réinvestir ensuite directement dans la pratique. Par exemple, nous avons réussi à mettre en place un moment d’analyse à la fin des ateliers, un vrai moment de conceptualisation, pour comprendre - là, dans l’atelier - Où est le pouvoir ? Comment il circule ? Où sont les erreurs ? Bref, construire le processus démocratique.

L’aboutissement du processus dans l’AG finale

Pendant l’AG finale (d’une durée de 8 heures !), la conscience du groupe et son intelligence collective se sont révélées puissantes. Les trois facilitateurs-trices ainsi que le donneur de parole, le scrutateur des émotions, la gardienne du temps, les adhérents participant aux débats et ceux qui préparèrent à manger, montrèrent leur efficacité.

Il fut décidé de travailler d’abord sur ce qui rassemblait les AdS avant de passer au point de l’ordre du jour proposant la radiation de certains membres, voire la dissolution de l’association. Ce travail sur les valeurs défendues par les AdS et les valeurs exclues par les AdS fut réalisé par l’AG scindée en une dizaine de groupes de 10 à 15 personnes. Le fruit de ce travail a été la base, dès le lendemain, de la rédaction d’une charte, d’un règlement intérieur et d’un communiqué au journal S !lence, approuvés à l’AG prolongée du lendemain.

Il fut encore nécessaire de rappeler que le processus de décision au consensus ne procédait pas de la même logique que le vote. On ne choisissait pas entre la solution A, B ou C. Il n’y avait pas de “camp adverse”. Il y avait le camp des Ami-e-s de S !lence et ensemble, nous pouvions, par un processus d’intelligence collective, en partant des points de départ A, B et C, aboutir à une construction collective D.

Solution "D" comme dépassement

C’est par un processus d’éducation populaire, un athénée grandeur nature, aidé par une technique qui a montré là toute son efficacité dans l’urgence, le conflit et l’hétérogénéité des groupes, que

1- Ces événements ont contribué à nous faire passer d’un fonctionnement implicite à un fonctionnement mature avec la rédaction de la charte et du règlement intérieur.

2- Les deux personnes concernées, lorsque la décision fut prise de rédiger le règlement intérieur, démissionnèrent sans que l’on ait à aborder la question de leur radiation.

On voit là que résister à l’envie de “mettre de l’ordre dans tout ça” permet de ne pas bousiller les apprentissages en respectant le processus.

Nous avons expérimenté collectivement, en temps réel, une démocratie vivante, directe, respectueuse des différences, qu’on peut réinvestir dans notre vie quotidienne. Les milieux de la militance étant souvent le théâtre de manipulations et dominations, nous avons tout à gagner à nous inspirer de cet exemple d’intelligence collective. Nous avons assisté et contribué à un véritable processus d’émancipation politique.

Les rencontres des Ami-e-s de S !lence, c’est le défi de se réapproprier les domaines si politiques de la vie que sont : la gestion décroissante des travaux nécessaires à l’existence, la répartition des tâches, le soutien à des luttes sociales, la production de comptes-rendus d’atelier, de musique et de chants improvisés, le tout dans un esprit de bienveillance et de non-violence. On pratique là, tant dans la théorie et son application directe, que dans la vie quotidienne, un réel “art d’habiter” et une “convivialité” qu’aurait appréciés Ivan Illich.

Claire Chevalier, Astrid Géraud, Monique Labarthe, Françoise/Raphaelle Maquin

1 - “Micropolitique des groupes” David Vercauteren – collab : Thierry Müller, Olivier Crabbé


Infos complémentaires :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Consensus

http://www.passerelleco.info/article.php?id_article=83

"Prolétaires du monde entier, descendez dans vos propres profondeurs, cherchez-y la vérité, créez-la vous-mêmes ! Vous ne la trouverez nulle part ailleurs." (N. Makhno)
Image
Avatar de l’utilisateur
vroum
 
Messages: 6910
Inscription: Mar 22 Juil 2008 23:50
Localisation: sur les rails

Re: Unanimité ou vote à tant de %...

Messagede vroum le Mar 27 Juil 2010 08:38

Majorité et minorité

in Noir et Rouge N° 10 — Juin 1958 —


Une majorité peut-elle prétendre être l'expression d'une organisation ; ses décisions ont-elles la valeur de décisions organisationnelles ; comment la minorité est-elle traitée dans son expression, sa conduite, son existence même au sein de cette organisation ?

Toutes ces questions ont au premier abord un intérêt secondaire, mais sont en réalité d'une importance considérable quand on veut vivre dans une organisation et quand on veut que celle-ci vive. Et on ne peut pas «laisser-faire, on verra ça au cours de l'expérience, chaque cas est un cas d'espèce, avec de la bonne volonté...» Car souvent l'expérience est très convaincante mais quand on s'en aperçoit il est trop tard pour changer quelque chose, et il faut ou tout accepter ou tout lâcher. Il faut, dès les premiers pas communs, élaborer une ligne de conduite théorique et pratique acceptée par tous, et dans ce contexte, la question minorité/majorité peut influencer la marche dans l'un ou l'autre sens.

Pour nous, le fonctionnement d'une organisation fédéraliste est incompatible avec le maintien du principe de majorité. Il existe une vraie majorité, celle de l'unanimité, librement conçue, librement acceptée. Tout autre majorité, au 2/3, absolue ou simple, avec toutes sortes d'arrangements — est une majorité seulement pour ceux qui l’ont acceptée ; pour les autres, elle ne peut avoir de valeur, ni être une obligation.

Chaque fois que l'on veut imposer, pour une raison ou une autre, on arrive à une unité artificielle, fragile, instable. Bien sûr, on trouve et on trouvera toujours dans chaque cas «des conditions exceptionnelles, des nécessités historiques» ; mais quel moment n'est pas historique dans la marche de l'humanité vers son bonheur ? et il n'est pas difficile pour ceux qui ont besoin de cette majorité, de discourir sur les conditions exceptionnelles.

Mais... sans majorité on ne peut prendre de décision, et sans décisions une organisation ne sert à rien, c'est la pagaille. C'est l'objection majeure adressée aux libertaires par les amateurs d'autorité, et aussi, il faut le dire, par certains libertaires. L'expérience n'est pas en accord avec ce raisonnement. Non seulement il existe des organisations construites sur cette base, mais il existe des cas où, sans compter les voix, la majorité était réelle : le 19 juillet 1936, les journées de mai 1937 à Barcelone ; mais la majorité n'existait pas lorsque les anarchistes étaient «obligés» de collaborer avec le gouvernement, et c'est alors que nos alliés ont commencé à s'indigner de l'existence d'une opposition et d'une minorité et à faire des reproches sur la faiblesse et le manque de discipline des anarchistes. C'est cependant l'existence de cette minorité qui a sauvé l'honneur de tout le mouvement, y compris ceux qui avaient accepté le compromis.

Le principe de la majorité vient de la pratique de la lutte politique, du suffrage universel, du parlementarisme. Là, il est nécessaire, plus, il est l'unique facteur indispensable à la bonne marche du système. La lutte pour la majorité n'a jamais été et ne pourra jamais être franche et honnête. Pour gagner des voix, personne ne dévoile son vrai visage, les mécanismes de son jeu ni les vrais buts qu'il poursuit. Les appels les plus révolutionnaires ne sont que de simples propositions, vagues et susceptibles de rallier un vaste spectre d'individus ; les sermons les plus solennels ne sont que les cris des démagogues qui essaient de toucher les sentiments bas de la foule, soit égoïste, soit faussement humanitaire. Cette vaste mascarade des beaux parleurs est bien orchestrée dans les coulisses par les jeux d'intimidation, de menaces économiques et autres, ainsi que des promesses et des avantages. Dans les régimes autoritaires, ces mêmes coulisses sont encore plus transparentes, et les vrais acteurs de la majorité (la police officielle et politique, l'oppression directe ou indirecte) sont sur les planches, brandissant leurs «arguments» ; ils ne se gênent même pas pour faire quelques petites démonstrations contre les réticents pour donner des exemples aux autres, et pour arriver à la majorité idéale... 99,99%. Mais ce danger existe même dans les organisations non-autoritaires, démocratiques, voire même libertaires, quand on accepte le principe de la majorité et de la lutte pour la majorité. On a vu des congrès dits libertaires préparés dans les coulisses, avec des rôles et des discours distribués à l'avance, avec une propagande appropriée à chaque délégué même ; et on a aussi vu les résultats. Ce phénomène «à la Fontenis» ne doit pas se reproduire.

Mais on trouvera toujours des individus non convaincus, réticents, même pour des raisons strictement personnelles ; vous savez quel rôle non avoué jouent les relations personnelles ; même dans les organisations strictement politiques, économiques et idéologiques. On ne peut demander à tout le monde d'avoir de la sympathie pour tout le monde. On arrivera alors aux obstructions absurdes, non motivées, qui peuvent paralyser et bloquer l'organisation justement quand elle doit agir le plus vite — et alors, que faire ? ça peut arriver.

Mais cette explication repose sur deux erreurs: celle de la conception d'une organisation spécifique et homogène, et celle de la morale anarchiste.

Quand les membres d'une organisation sont liés entre eux non seulement par des liens personnels plus ou moins en sympathie, mais aussi et avant tout par un certain nombre de principes idéologiques et tactiques suffisamment grand pour qu'on puisse dire que cette organisation est homogène — les risques de divergences importantes sont alors très minimes. C'est une des raisons pour laquelle nous tenons aux conceptions et à la pratique d'un «groupe anarchiste spécifique», et que nous refusons de nous diluer ou de nous faire diluer dans la quantité. Si on accepte l'autre pratique «venez, tous ceux qui sont pour la liberté», ou «contre l'État» ou même « pour l'anarchisme en général» — dès le lendemain, sur n'importe quelle question, les accrochages seront inévitables. Cet aspect hétérogène a une autre conséquence : l'existence de groupe « initiés» (même de plusieurs groupes à la fois) le plus souvent secrets ou semi-secrets ; et chacun d'eux se propose de mener le jeu, avec la bonne conscience de «conduire les autres dans la bonne voie»... ce qui dégénérera vite en luttes internes, en OPB, en dirigeants et masse. Il existe ainsi non seulement une majorité et une minorité mais plusieurs cercles concentriques, gravitant le plus souvent autour d'une «forte tête» (qui dispense les autres de penser), se méfiant les uns des autres, chacun faisant son petit travail à l'ombre ou au petit jour, tâchant d'attirer les autres vers son groupe, et le tout bien couvert par une apparence heureuse d'unité. C'est une atmosphère malsaine qui ne peut éduquer ni construire des individus droits et honnêtes. C'est un «gouffre du parlementarisme» en miniature.

Mais il ne faut tout de même pas idéaliser, malgré l'homogénéité des vues, des différences et des discussions peuvent se produire. Les idées elles-mêmes ne sont pas figées et peuvent évoluer. Si les divergences sont alors d'un ordre théorique important, il sera mieux pour l'organisation qu'elle éclate et qu'il existe deux ou plusieurs nouvelles organisations plus ou moins homogènes, que de garder une organisation hétérogène. C'est inévitable, et si l'on cherche à empêcher cette évolution, c'est alors qu'on risque de tout bloquer et paralyser, en cherchant des compromis anodins qui empêcheront l'éclatement et empêcheront aussi toute action dans l'un ou l'autre sens.

L'autre facteur mentionné plus haut — la morale anarchiste — s'il est bien compris et bien appliqué dans la vie, aidera beaucoup à l'aplanissement des petits conflits, et aussi quand peut se produire l'éclatement de l'organisation — en acceptant une opinion qui n'est pas identique à la nôtre, sans la considérer comme celle d'un ennemi, ni déclencher une lutte contre lui. A condition, bien sûr, qu'il ne s'agisse pas d'une opinion complètement sortie du concept de l'anarchisme. Dans l'histoire de l'anarchisme il existe seulement quelques cas particuliers de cette sorte, et cette dernière possibilité peut pratiquement être éliminée.

Le rôle d'un bulletin intérieur dans une organisation anarchiste où l'on peut discuter ouvertement de toutes les questions intéressant l'organisation, y compris les différents points de vue, est considérable.

Il existe aussi un dernier facteur lié à l'organisation : les camarades qui entrent dans cette organisation doivent accepter librement sa nécessité et son rôle. C'est l'évidence même. Celui qui n'a pas dépassé un stade individuel strict, qui ne peut imaginer d'autres structures sociales que celles des individus isolés et dispersés, fera mieux de rester isolé, d'aider les autres quand il le veut, mais de ne pas encombrer la vie de l'organisation par ses pratiques individuelles et intransigeantes. Pour cette catégorie de camarades, souvent d'ailleurs très bon camarades, il faut trouver une autre nomenclature et les accepter tels qu'ils sont.

Une organisation vraiment démocratique se reconnaît d'après sa conduite envers sa propre opposition. C'est encore plus valable pour une organisation libertaire qui prétend préparer la société de demain. Chaque fois qu'une majorité discute et applique les limites imaginées par la majorité elle-même dans lesquelles l'opposition doit exercer son activité, on peut en trouver deux causes : ou l'admission des membres était très large, ou il existe, dans cette même organisation, des individus qui veulent jouer le rôle de dirigeants. Ces deux possibilités ne s'excluent pas l'une l'autre : tel ou tel membre qui veut s'emparer de l'organisation y fera rentrer de nouveaux membres pour augmenter les chances de sa propre majorité.

En dehors de nos organisations, peut-on exiger et pratiquer le refus de la majorité ? C'est plus difficile, les conditions ne sont pas les mêmes, le but est avant tout de faire progresser nos idées sans les trahir. Mais ici aussi, il faut veiller à ce que la majorité même triomphante n'écrase pas l'esprit de la minorité, non seulement parce que nous risquons de nous trouver un jour dans cette position (les mouvements révolutionnaires sont le plus souvent minoritaires), mais aussi par esprit anti-autoritaire et de tolérance. Chaque fois qu'un dirigeant ou une équipe de dirigeants commence à prétendre être le maître absolu, ils finiront par se dévorer eux-mêmes et arriveront à une dictature camouflée ou ouverte. Le premier signe d'un futur «chef d'État» ou «chef du peuple» est sa haine contre ses propres camarades qui ne l'acceptent pas dans ce rôle. Ensuite, son appétit d'autorité ne s'arrête pas, au contraire ses limites deviennent de plus en plus vastes, illimitées.

Chaque organisation, qu'elle qu'elle soit, est un compromis entre un individu et les autres devant les impératifs de la vie sociale. C'est à dire que chaque individu doit inévitablement renoncer à certaines tendances et certaines habitudes inadmissibles et nuisibles dans la société. Et par conséquent, dans chaque organisation, il existe le risque que les sacrifices demandés aux individus au nom de la société dépassent les nécessités de la société elle-même et deviennent l'objet d'une abstraction comme l'État, la bureaucratie, le chef, les nécessités historiques ; etc... Une barrière à ce danger est la possibilité pour l'individu de ne pas accepter certains faits ou certaines tendances qu'il juge inadéquates et inutiles pour la société, c'est la possibilité d'être en opposition, c'est à dire en minorité. Il existe aussi d'autres barrières : l'organisation fédéraliste elle-même, l'élection directe et limitée des responsables, la participation réelle des simples membres de l'organisation, le caractère économique et non politique de la lutte, etc...

En résumé,

— Le principe de la majorité ne peut avoir de valeur décisive dans une organisation anarchiste.

— Les votes de congrès et des réunions marquent seulement le nombre de propositions et le nombre de camarades pour chacune d'elles, mais sans en imposer aucune.

— La seule majorité est l'unanimité librement acceptée.

— Si cette unanimité n'est pas réalisée, chaque proposition a le droit d'exister et d'agir.

— La minorité ainsi que la majorité ont les mêmes droits et les mêmes possibilités de travail et d'action.

— L'organisation anarchiste spécifique est basée sur l'identification des principes et des tactiques. Si cette identification manque, il doit exister plusieurs groupes plus ou moins homogènes, mais point du tout hostiles les uns aux autres.


MIT
"Prolétaires du monde entier, descendez dans vos propres profondeurs, cherchez-y la vérité, créez-la vous-mêmes ! Vous ne la trouverez nulle part ailleurs." (N. Makhno)
Image
Avatar de l’utilisateur
vroum
 
Messages: 6910
Inscription: Mar 22 Juil 2008 23:50
Localisation: sur les rails

Re: Unanimité ou vote à tant de %...

Messagede fabou le Mar 27 Juil 2010 09:52

Voilà un texte qui remet les points sur les i ! :)
fabou
 

Re: Unanimité ou vote à tant de %...

Messagede pit le Mar 27 Juil 2010 10:58

Il avait déjà été posté juste en dessus, 3 posts plus haut,
et par vroum, et avec la même phrase : "Un article sur le sujet de l'excellente revue Noir & Rouge :"
Il se perd dans ses "copier/coller", ce n'est pas l'age quand même.
Avatar de l’utilisateur
pit
 
Messages: 5500
Inscription: Lun 21 Déc 2009 16:33

Re: Unanimité ou vote à tant de %...

Messagede tatave le Mar 27 Juil 2010 11:12

pierot a écrit:Il avait déjà été posté juste en dessus, 3 posts plus haut,
et par vroum, et avec la même phrase : "Un article sur le sujet de l'excellente revue Noir & Rouge :"
Il se perd dans ses "copier/coller", ce n'est pas l'age quand même.

"Noir & Rouge" : encore des cocos-lib :mrgreen:
tatave
 
Messages: 2050
Inscription: Dim 7 Fév 2010 17:32

Re: Unanimité ou vote à tant de %...

Messagede vroum le Mar 27 Juil 2010 11:23

Quand on aime on ne compte pas !

comme quoi, Noir et rouge qui était la revue d'expression communiste libertaire de l'époque, n'en appelait pas pour autant au vote et à l'unité tactique et idéologique
"Prolétaires du monde entier, descendez dans vos propres profondeurs, cherchez-y la vérité, créez-la vous-mêmes ! Vous ne la trouverez nulle part ailleurs." (N. Makhno)
Image
Avatar de l’utilisateur
vroum
 
Messages: 6910
Inscription: Mar 22 Juil 2008 23:50
Localisation: sur les rails

Re: Unanimité ou vote à tant de %...

Messagede tatave le Mar 27 Juil 2010 11:33

comme quoi depuis 1958, y 'en a qui ont évolué.
tatave
 
Messages: 2050
Inscription: Dim 7 Fév 2010 17:32

Re: Unanimité ou vote à tant de %...

Messagede vroum le Mer 25 Mar 2015 12:46

Nénika a écrit:Pour la petite histoire quierrot a dit qu'il cherchait partout des structures fonctionnant à l'unanimité et qu'il n'en trouvait aucune. Moi j'en connais une, c'est le Vatican.


Je préfère la notion de recherche du consensus que la notion d'unanimité

des exemples il y en a de plus en plus :

Statuts de l'Union syndicale Solidaires :

Toute décision de l’Union syndicale Solidaires se prend au consensus.


Congrès constitutif de l’Union syndicale Solidaires des 14 et 15 janvier 1998 : http://www.sudptt.org/spip.php?article18

Pendant les deux jours de débats, ce qui a dominé c’est la volonté de chacun et de chacune de participer réellement à quelque chose de nouveau qui doit être imaginé ensemble et mis en place ensemble. Chaque militant a pu constater que le fonctionnement "au consensus" oblige à des relations non conflictuelles entre organisations ce qui favorise la discussion, le débat, pour se connaître, se comprendre et progresser ensemble.


la plupart des syndicats SUD fonctionnent également au consensus :

SUD educ :
Les décisions engageant la Fédération des syndicats SUD éducation sont prises au consensus.


SUD Rail ou je milite c'est pareil...
"Prolétaires du monde entier, descendez dans vos propres profondeurs, cherchez-y la vérité, créez-la vous-mêmes ! Vous ne la trouverez nulle part ailleurs." (N. Makhno)
Image
Avatar de l’utilisateur
vroum
 
Messages: 6910
Inscription: Mar 22 Juil 2008 23:50
Localisation: sur les rails

Précédent

Retourner vers Théories

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum: Aucun utilisateur enregistré et 9 invités