Anarchisme(s) ?

Espace de débats sur l'anarchisme

Anarchisme(s) ?

Messagede vroum le Dim 21 Mar 2010 18:21

Encore un texte de ce satané John Rackham ! (que nous avons le plaisir de ne plus subir sur ce forum !)

(Texte ayant fuité des réseaux d'information internes top-secret de la FA !)

(honte sur moi !)

Voici un petit texte, en guise de présentation, toute subjective, de l'anarchisme. Pour résumer ce que j'en pense, histoire de donner quelques billes aux gens qui se posent des questions, et éventuellement leur donner envie. Bien évidemment, ce n'est pas exhaustif, bien entendu ce n’est que ma vision : il y a autant d’anarchismes que d’anarchistes. J'ai préféré privilégier une forme assez courte, au prix de quelques simplifications - sans doute abusives ! Ces thèmes de réflexion gagnent évidemment à une réflexion plus approfondie, à des lectures… et aussi (et surtout) à une expérimentation toute personnelle, dans les luttes et les alternatives.


ANARCHISME(S) ?


L’anarchie, une autre conception de la liberté

L’anarchisme est la lutte contre l’autorité, mais aussi et surtout une affirmation permanente de la possibilité et de la capacité à gérer ses affaires par soi-même, en s’organisant librement avec les autres, afin que tou-te-s puissent exercer leurs libertés réelles, en libérant un maximum de potentialités. Contrairement au libéralisme, qui considère que la liberté des un-e-s limite celle des autres, l’anarchisme est fondé sur une vision dynamique, potentielle et mutuelle de la liberté : la liberté des un-e-s contribue à élargir les champs de ma liberté. Contrairement à l’idée reçue, relayée par la pensée dominante, l’anarchisme n’est donc pas le désordre ni la violence, mais la recherche permanente d’une harmonie sociale, dans l’épanouissement de chacun-e. Il est le combat contre le chaos et la violence de ce monde. Reclus, un géographe anarchiste, disait que l’anarchie c’est l’ordre moins le pouvoir.


Origines historiques et philosophiques

L’anarchisme trouve ses origines historiques dans le mouvement ouvrier au XIXème siècle, où il se distingue peu à peu du marxisme sur un certain nombre de points découlant tous du ferme rejet de l’autorité. Ce qui implique la responsabilité individuelle et la libre organisation.
Le postulat anarchiste de la légitimité de la liberté individuelle et son corollaire, la conscience de la responsabilité individuelle, est certes bien plus ancien : on peut les faire remonter aux sceptiques grecs, au taoïsme etc… mais l’originalité du mouvement anarchiste, né au XIXème siècle, est de penser et de mettre en pratique l’articulation de la liberté individuelle et de l’organisation collective, permettant le maximum de liberté individuelle pour tou-te-s. Liberté individuelle car nul n’est légitime à contraindre quiconque. Liberté collective car il n’y a fondement de légitimité que sociale : il n’est possible de fonder auprès des autres la légitimité de sa liberté individuelle qu’à la condition évidente de ne pas contraindre autrui en retour. Liberté et égalité ne sont donc pas seulement des valeurs théoriques complémentaires, encore moins antinomiques : elles sont des valeurs pratiques et indissociables, aussi bien d’un point de vue éthique que d’un point de vue économique.


Le rejet de l’Etat

L’affirmation de la liberté individuelle ne peut aller qu’avec le choix libre de l’organisation par les individus, selon les contractualités qui leur conviennent, à l’exception de toute forme de domination et d’exploitation des un-e-s par d’autres. Ce rejet d’une même contractualité pour tou-te-s, du centralisme, d’une loi unique et donc totalitaire, amène au rejet de la notion de Parti, et donc d’Etat, comme autorité sociale instituée. Pas seulement parce que l’Etat actuel est au service du capitalisme et de la classe dominante : les anarchistes rejettent aussi le principe marxiste-léniniste d’un Etat ouvrier. Plus profondément, l’Etat étant l’ensemble des outils d’une légitimation de la même loi pour tou-te-s, il a pour fonction intrinsèque de délégitimer et donc de condamner la légitimité des volontés individuelles à exercer leurs libertés. Il prétend faire le bien de tou-te-s, mais c’est d’autant plus impossible que l’Etat se dit légitime à le faire. Car sa ligne est globale, centraliste, et donc totalitaire ; elle exclue par principe la légitimité des minorités à fonctionner autrement. L’Etat est par nature coercition et atteinte à la libre dynamique des individus.


Le fédéralisme et les règlements

Mais ce rejet de l’Etat et du centralisme par les anarchistes ne les mène pas pour autant à l’anomie, ou absence de règlement collectif ; dès que deux humains se rencontrent et agissent ensemble, ils s’organisent. Bien au contraire, l’anarchisme a toujours eu au cœur de sa réflexion les enjeux de l’organisation entre les individus. L’anarchisme consiste précisément à redonner aux individus la capacité à s’organiser par eux-mêmes, à reprendre en main la capacité de créer leurs propres « règles » d’organisation, non pas au sens de coercition, mais d’ajustement permanent pour l’épanouissement de tou-te-s. Le centralisme doit disparaître, pour faire place au fédéralisme. Le fédéralisme est fondé sur deux principes corollaires. A savoir, à une première échelle, la libre organisation des groupes humains selon les « affinités » : les volontés, les goûts culturels, les pensées, les désirs de production et de consommation… (et non des affinités au sens de catégorisations fictives d’individus en genres, races, nations et autres balivernes). A une seconde échelle, c’est la libre association de ces groupes humains (et des individus ayant fait le choix de ne pas s’y associer), sur des contractualités elles aussi librement consenties. L’individu changeant, les projets évoluant, la contractualité doit elle-même évoluer librement, par l’élaboration permanente d’un consensus collectif, toujours à réajuster aux contextes complexes des situations, et aux volontés individuelles qui les vivent.


Mandat impératif contre mandat représentatif

Selon cette vision, les anarchistes rejettent donc en général le vote dans le cadre des élections représentatives (y compris non-étatiques), consistant à désigner des représentants à un pouvoir décisionnel avec carte blanche pour le temps de leur mandat. Les anarchistes considèrent que la démocratie (la vraie) est antinomique avec la représentativité. Nul ne peut incarner la « volonté nationale », nul ne peut décider au nom d’une collectivité. Les anarchistes, conscients de la nécessité de s’organiser en démocratie réelle, c’est-à-dire directe, préfèrent élaborer des décisions collectives prises en assemblées, si possible au consensus. Ils recourent parfois au vote s’il le faut, tout en préservant le principe de libre-association si des individus minoritaires souhaitent s’organiser autrement. S’il est nécessaire de désigner des responsables (en particulier à des échelles plus larges et fédérales, mais aussi pour traiter de tel ou tel sujet spécifique), les anarchistes préfèrent le mandat impératif, consistant à accorder à un individu ou à plusieurs (en commission par exemple), le soin et la responsabilité individuelle d’exécuter techniquement une tâche décidée collectivement en amont (information, mise en œuvre…), s’il le faut avec une certaine marge de manœuvre, mais aussi à pouvoir tout autant et à tout moment, en aval, demander des rapports et des comptes à ces mandaté-e-s, et à pouvoir infléchir voire révoquer collectivement ces mandats.


Le rejet des « spécialistes »

Ils sont aussi conscients de la nécessité d’empêcher des spécialisations, et donc de faire le plus possible tourner les mandats et les tâches nécessaires au collectif ; avec nécessité d’organiser des formations transitoires, afin que nul-le ne puisse, de gré ou de fait, monopoliser un savoir-faire indispensable aux autres. Afin que nul-le n’exerce ainsi un pouvoir : car le savoir est aussi un capital. Ainsi, nul-le ne se spécialise définitivement, se privant d’une vision globale ; chacun-e peut apprendre tout au long de sa vie, en s’enrichissant auprès des autres ; et plus nombreux-ses sont en capacité de juger du travail des mandaté-e-s désigné-e-s et révocable-e-s. Bien sûr, certaines personnes, par goût ou par passion, développeront sans doute tant de connaissances dans un domaine qu’il deviendra difficile d’avoir un avis précis sur toutes les questions qui les préoccupent. Mais jamais aucune décision ne devrait pouvoir passer sans contrôle de la base.


Les conflits et les violences

Quant à la résolution des conflits et des violences, les anarchistes savent qu’une bonne partie des contraintes d’individus par d’autres est liée aujourd’hui à l’exploitation capitaliste, avec son lot d’inégalités économiques et de déresponsabilisation structurelle des individus, par l’imprégnation constante du pouvoir, de la domination et de la concurrence dans les esprits. Et que ces contraintes liées au capitalisme n’auront plus lieu d’être dans une société libertaire où chacun-e aura accès à une vie digne, à la satisfaction de ses besoins vitaux et culturels, et à la prise en compte du respect intégral de sa dignité au sein du groupe social. Malgré cette évidence, et ses conséquences sur l’harmonisation profonde des relations entre les individus jusque dans l’intimité, le paradis sur Terre n’existera jamais et il y aura toujours des violences passionnelles et des dissensions s’exprimant violemment. Elles ne pourront être évitées, et devront être traitées sans déposséder la victime et l’agresseur de leur dignité et de leur possibilité de pouvoir continuer à s’inscrire dans la vie sociale. La coercition et la privation de liberté ne peuvent qu’accroître la violence. Néanmoins, au nom de la liberté de chacun-e, il est aussi nécessaire d’empêcher cette violence commise de menacer d’autres individus, sinon ce serait permettre la violence. Compte tenu de cela, hors de question de balayer la question d’un revers de manche, en lynchant ponctuellement les violeurs et assassins. La responsabilisation individuelle (formation à la vie de groupe, à la défense personnelle, à la capacité de refuser la violence et de gérer la violence) mais aussi collective (commissions de règlement des conflits, développement de groupes de parole non-directifs, où la collectivité s’implique) sont infiniment préférables à la spécialisation de missions sécuritaires et « psychiatriques » par des vigiles, miliciens et autres policiers. Plus que tout autre mission, il faut au maximum éviter de déléguer un rôle de sécurité à des spécialistes, fussent-ils mandatés, pour lutter contre les oppressions. Les oppressions des un-e-s concerne l’ensemble du groupe humain. Chacun-e doit apprendre à ne pas fuir les conflits, mais à s’en emparer pour éviter qu’ils dégénèrent en violence, pour faire de la conflictualité une richesse et non un appauvrissement des relations entre individus. De fait, ce n’est pas une utopie : travailleurs sociaux, enseignants et psychologues savent combien le travail sur la confiance et la main tendue pour tisser des liens sociaux responsables sont plus efficaces pour régler les conflits que de punir, enfermer et exclure.


L’oppression capitaliste

Les oppressions sont diverses. Beaucoup sont liées au capitalisme, système qui organise la société en classes : une classe dominante (appelée « bourgeoisie » dans toute l’histoire du mouvement social) et classe dominée (appelée « prolétariat »), n’ayant comme richesse que sa force de travail. La bourgeoisie est la classe qui contrôle le capital, au sens des moyens de production (gisements de ressources naturelles, usines, terres agricoles…), d’échange (monnaies, banques, bourses, institutions économiques et financières nationales et internationales) et de distribution (des réseaux de communication et de transports aux supermarchés…). La bourgeoisie fonde son pouvoir décisionnel économique sur la propriété privée (au sens exclusif et privatif, à savoir qu’elle limite l’usage au seul détenteur), qui permet elle-même, au nom de la détention exclusive des moyens cités au-dessus, de décider de ce qui doit être produit par la société (en général, dans le seul but du profit et non de l’utilité sociale réelle), de qui doit produire (d’où chômage, hiérarchisation du travail et division du travail) et de comment cela doit être produit (spécialisation de la recherche autour d’activités engendrant profit et du contrôle social, dépossession des méthodes de fabrication, des savoirs-faires artisanaux) et surtout, de comment les richesses sont réparties (ce qui permet de prélever un important profit, toujours croissant). Tout cela est rendu possible par le biais du monopole capitalistique écrasant la concurrence et l’alternative (historiquement fondé sur des exactions, l’esclavage, le colonialisme, l’expropriation de paysans…), mais aussi sur le salariat, qui est vente de la force de travail physique et-ou intellectuel par les gens qui n’ont qu’elle pour seule richesse. Par le salariat, la bourgeoisie extorque légalement une « plus-value » aux travailleurs. Le travail rémunéré en société capitaliste est toujours aliéné à une exploitation, d’un bout à l’autre de la chaîne de production. Il s’oppose toujours à la libre activité. Et ce n’est pas parce que les frontières ont été floutées par la création délibérée de pseudo-« classes moyennes » que l’aliénation et la société de classes sont remises en cause. Nul n’y échappe, pas même « l’artisan indépendant », et encore moins « l’auto-entrepreneur », qui en réalité ne décident de rien, dépendent totalement des monopoles capitalistes fixant prix et rareté des produits, sont tondus par des impôts écrasants d’Etats complices, et ne bénéficient même pas des quelques droits encore détenus par des salariés. Ils peinent tout autant à survivre que les salariés.


L’intime connexion entre pouvoir économique et politique

Mais l’anarchisme va plus loin qu’un simple constat d’exploitation économique, de vol généralisé des travailleurs : il critique ce qui fonde ce vol gigantesque organisé légalement : le pouvoir économique de décider ce qui est produit, de qui le produit, comment, et de qui perçoit quoi. L’anarchisme dénonce aussi la soumission à celui-ci. Le capitalisme associe intimement pouvoir économique et politique, en donnant l’illusion d’une séparation de ces deux questions, attribuant même l’accumulation de pouvoir économique à une « liberté » dans laquelle le politique n’aurait pas à faire ingérence. Les anarchistes savent que l’on ne peut se débarrasser de l’accumulation des richesses et du pouvoir économique qu’en se réappropriant la décision économique, qui est aussi la décision politique. Prétendre s’attaquer à l’accumulation du pouvoir économique en abdiquant la lutte contre l’accumulation du pouvoir politique est donc absurde. C’est ce qui distingue l’anarchisme du libéralisme économique et politique, mais aussi du marxisme, qui affirme qu’une avant-garde politique doit s’emparer du pouvoir politique et donc économique au nom de l’égalité économique de tous. La « dictature du prolétariat » n’est jamais que la dictature d’une bureaucratie sur le prolétariat. Encore une fois : l’Etat est tout autant à abolir que le Capital.


La nécessité révolutionnaire

Il ne peut donc y avoir égalité économique sans égalité politique… comme il ne peut y avoir reprise en main du politique sans reprise en main économique. Expropriation des patrons et de l’Etat, pour une reprise des terres, des champs, des usines, des services, par les travailleurs eux-mêmes, ce que les anarchistes appellent « l’autogestion ». L’autogestion peut aussi être pratiquée ici et maintenant, à travers maintes formes « d’alternatives » (amap, coopératives, mutuelles, gratuité et entraide…) Néanmoins ces diverses formes d’autogestion ne sauraient durer sans péricliter ou se corrompre, si elle restent isolées au sein du système capitaliste. Elles dépendront en effet de fournisseurs et d’acheteurs, intégrés au capitalisme et à son exigence de profit. De plus, si elles prennent une importance réelle, elles seront fatalement réprimées par les appareils de l’Etat (justice, police, médias…). Parce que l’Etat, qu’il soit de type fasciste, libéral ou marxiste, est l’alpha et l’omega du Capital, dont il est absolument indissociable. Ses institutions servent à protéger la propriété capitaliste, par un travail de légitimation de l’horreur capitaliste (droits de l’homme –affirmant la sacralité de la propriété privée- et constitution basée sur le pouvoir représentatif, justice fondée sur la répression du « vol », école autoritaire et hiérarchiste, médias abrutissants…), de dépossession des questions sociales par leur monopolisation le rendant en apparence « indispensable » (sécurité sociale par exemple), et de violence si le capital est attaqué (police, armée, renseignements…). L’Etat n’a de « bonnes » institutions que ce qu’il a été contraint de lâcher, suite à des luttes radicales, pour éviter sa débâcle. Seules des grèves générales reconductibles et des luttes radicales, révolutionnaires, ont permis au mouvement social d’inquiéter assez Capital et Etat pour qu’ils consentent à lâcher des miettes (« acquis sociaux »), par ailleurs rapidement remises au service du capital (comme les retraites pour contrecarrer les caisses de solidarité ouvrières, comme la sécurité sociale au profit des lobbys pharmaceutiques, ou l’école républicaine pour contrecarrer les écoles populaires etc…). Il n’y a donc rien à attendre des partis qui entretiennent l’illusion d’un changement par les urnes. Ils ne font que légitimer l’aliénation intrinsèque que suppose le pouvoir étatique. Le capitalisme sait se servir de la droite nationaliste et sécuritaire pour détourner la colère du peuple contre les étrangers et les contestataires et éventuellement pour accroître la répression et le contrôle social. Mais il sait aussi utiliser la « gauche » et ses politiques plus keynésiennes, pour maintenir, soutenir et légitimer, via l’intervention « sociale » de l’Etat, ses fondamentaux d’oppression capitaliste. Quant à « taxer » le capital, mesure qui ne sert qu’à cesser d’exiger son abolition pure et simple, elle n’a jamais empêché le capital de continuer à fructifier par d’autres moyens. La propriété capitaliste est à abattre et pour cela, son cerbère étatique est aussi à abattre.


De l’utilité et des limites des « îlots libertaires » en société capitaliste

Si tisser des alternatives aguerrit, permet d’expérimenter ce à quoi peut ressembler une économie libertaire plus vaste, habitue à la reprise en main de sa vie, redonne confiance, permet aussi de nourrir les gens et de pourvoir à leurs besoins en cas de crise révolutionnaire, ces alternatives sont insuffisantes si elles sont isolées et détachées d’une lutte sociale plus globale et radicale. Pour renverser la dictature globale de la marchandise, l’exil et le repli en communautés « autogérées » est aujourd’hui impossible. La lutte doit être construite globalement, par la fédération des groupes révolutionnaires et des alternatives de vie. Et ce, sans plus aucune illusion sur les partis politiques et les centrales syndicales cogestionnaires.


Les alternatives libertaires au capitalisme : une fédération de projets

Notons à ce sujet de l’anticapitalisme, que les anarchistes sont divisés sur les questions économiques, entre les partisans d’une propriété individuelle excluant l’exploitation et le profit d’individus sur d’autres (anarchistes individualistes), les partisans d’une contractualisation libre par coopératives et mutuelles (anarchistes proudhoniens) et les partisans d’une propriété collective (anarchistes communistes), eux-mêmes divisés entre partisans d’une planification collectiviste (Bakounine) et partisans de la prise au tas (Kropotkine), etc…Entre les partisans du maintien de la valeur et de l’échange et éventuellement de la monnaie (librement contractualisés), et les partisans de la gratuité, etc…
Les un-e-s et les autres font d’ailleurs des remarques critiques pertinentes sur les dérives « capitalistes » que peuvent entraîner les positions des autres. Pour le plus grand profit de chacun-e, ce qui permet d’aiguiser sa réflexion et ses pratiques. Mais s’il est bien un point de convergence, c’est que face à l’horreur du système capitaliste, nou devons tou-te-s lutter ensemble, et que la libre expérimentation doit ensuite prévaloir : nul-le ne peut être contraint de participer à un système qu’il réprouve. Là encore, le fédéralisme entre groupes (communes) et/ou individus, demeure un fondamental des anarchistes : même les anarchistes collectivistes ont bien souligné (à la différence des marxistes) que le collectivisme ne pourrait jamais être imposé aux individus par la force, et que seul l’exemple et la réussite concrète pouvait stimuler les individus à rejoindre des communes de ce type. Dans l’histoire révolutionnaire, contrairement aux marxistes qui collectivisaient généralement par la force et dépossédaient totalement, au nom du Parti, les paysans de la décision économique, les anarchistes qui ont mis en place une économie libertaire (Espagne, Ukraine, Kronstadt…) ont toujours laissé un lopin de terre individuel aux paysans, afin de leur laisser la liberté de s’organiser comme ils le souhaitaient. C’est aussi cela qui a donné tellement de fil à retordre aux pouvoirs, lorsqu’il s’est agi d’écraser les anarchistes dans le sang : le peuple était enthousiaste, et se défendait avec acharnement. Ce sont les armées noires d’Ukraine (Makhno) qui ont à elles seules, avec 30.000 partisans anarchistes (essentiellement des paysans ayant acquis leurs propres lopins de terre), ont su repousser les armées de Denikine… et les colonnes libertaires d’Espagne qui ont su tenir aussi longtemps contre les armées franquistes - qui bénéficiaient pourtant de l’aide massive des dictateurs fascistes d’Europe, et du silence coupable des « démocraties » (y compris de « gauche », comme en France sous le front populaire). Rien n’est plus heureux et stimulant que de redevenir maître de sa vie, encore plus si c’est fait avec les autres : le pouvoir des canons et des fusils est grand, mais rien n’a pu jusqu’à aujourd’hui, malgré la répression et l’étouffement de ces luttes, éteindre la flamme de l’esprit libertaire.


Ecologie et anarchisme

Ajoutons que le capitalisme est fondé, par un ensemble de mécanismes de concentration du pouvoir économique (comme l’inflation monétaire basée sur la dette érigée en système), sur la croissance et la création de besoins factices de consommation ; Il suppose donc, à terme de plus en plus court, la destruction totale de l’environnement. L’anarchisme ne peut donc contourner la question écologique. Mais il la lie fondamentalement à la lutte contre le capitalisme et, plus intimement encore, à la lutte pour la reprise en main par les individus de la décision collective. Seul le retour de la politique parmi les gens eux-mêmes et pour eux-mêmes, peut permettre d’orienter la production et la consommation dans un souci d’utilité réelle, de pérennité, de gestion rationnelle des ressources limitées de la planète. L’urgence écologique ne consiste pas à couper l’eau en se brossant les dents, argument de culpabilisation individuelle par les capitalistes, qui financent la reconversion de leurs profits dans le « développement durable » ; mais bel et bien à reprendre le contrôle économique et politique de nos vies, seul capable de préserver l’humanité de sa destruction.


Les oppressions ne peuvent être hiérarchisées : luttons contre toutes les oppressions

L’oppression capitaliste se nourrit néanmoins d’autres oppressions, basées sur des catégorisations factices des individus, qu’elle contribue fortement à construire et à développer car elles le sous-tendent à travers toute son histoire. L’oppression économique, de « classe », si elle est plus que jamais d’actualité, ne peut donc être considérée comme la seule oppression à combattre. Les oppressions sont toutes spécifiques et toutes liées, et il est indispensable de ne pas les hiérarchiser, et de les combattre toutes sans relâche. Qu’elles soient basées sur le racisme, les catégorisations en races (blancs-noirs-jaunes…), sur le patriarcat et le sexisme, catégorisations des individus en genres sexués et sexualisés (garçons-filles, hétéros-homos) impliquant une domination masculine et hétéronormée, sur l’âgisme, ou discrimination des individus par âge (mineurs-majeurs, jeunes-vieux) permettant la domination des « plus expérimenté-e-s » sur la jeunesse et légitime l’aliénation des individus dès l’enfance, sur l’handiphobie qui est la catégorisation des individus sur les « performances » physiques et mentales (valide-handicapé), sur la religion (toutes par nature déniant la légitimité à l’individu à créer ses propres valeurs, puisque posant comme sacrées et indiscutables des valeurs « divines »), sur l’identitarisme basé sur le territoire, qu’il soit nationaliste ou régionaliste avec la division d’individus en pseudo-nations (avec leur lot de frontières, de divisions entre « nationaux » et « immigrés » etc…)… elles sont toutes une négation des individus, de leur complexité, de leur légitimité absolue à construire leur vie comme ils l’entendent et à se re-créer en permanence.


Contre l’aliénation identitaire, les étiquettes et les dogmes

Les étiquettes, les discriminations et hiérarchisations des humains sont toutes à remettre profondément en cause ; ce qui nécessite aussi une réflexion profonde sur le langage oral ou écrit, qui traduit et diffuse largement ces catégorisations au fondement du pouvoir. Ce qui nécessite aussi de ne pas s’enfermer dans une « chapelle anarchiste » : l’anarchisme est avant tout une pratique, un effort vers un monde meilleur, et non un dogme. Cela nécessite de combattre aussi le dogmatisme, car nul n’est plus dangereux que la conviction fanatique (fût-elle anarchisante). Si l’anarchisme nie le divin, c’est pour redonner la possibilité de redéfinir la vie en permanence, et ce qui l’opprime, c’est pour se questionner sur le pouvoir, par quelque nouvel interstice qu’il se glisse. Pensée et action sont donc indissociables, et le droit à l’erreur non seulement évident, mais même, indispensable. Les anarchistes veillent souvent, tout aussi convaincu-e-s qu’ils-elles soient, tout aussi conscient-e-s qu’ils-elles soient de l’étendue catastrophique de l’oppression, tout aussi ardent-e-s de partager leurs analyses qu’ils-elles soient, à relativiser leurs points de vue, à se taire aussi, pour laisser l’opinion autre s’élaborer et se construire, à rire aussi, rire beaucoup ! L’avant-gardisme, si sa tentation menace toujours, en particulier les anarchistes les plus pétri-e-s de convictions parfois les plus généreuses, est à bannir de la pensée anarchiste, car c’est aux personnes de se libérer par elles-mêmes ; pas à pas ; sans quoi, elles ne seront jamais réellement libres. C’est la volonté d’émancipation elle-même qui libère. D’ailleurs, l’anarchiste n’est jamais « libéré-e ». Il tend vers l’anarchie, graduellement. C’est toute sa vie que l’anarchiste veille, réfléchit et agit, se libère, jouit de ses victoires et tente d’apprendre de ses échecs. En ayant conscience qu’il-elle ne fait qu’expérimenter, et n’a aucune légitimité à décider de ce qui est bon pour les autres, mais uniquement de défendre ce qu’il-elle juge légitime pour soi-même.


Désobéissance

Dès lors, le discours révolutionnaire anarchiste proscrit les notions de parti, d’avant-garde, de propagande imposée. C’est par l’éducation non-autoritaire, par l’exemple et l’échange, par le débat et dans les luttes sociales que les anarchistes se font connaître. Ils parlent, parfois fort, mais n’imposent pas. L’anarchiste ne revendique pas, il n’exige pas non plus des lois différentes d’un pouvoir quelconque. Il préfère prendre (et fermement s’il le faut) ce qu’il juge légitime : « Les libertés ne se donnent pas, elles se prennent » (Kropotkine). Face à la soumission, à la base de tout pouvoir, il désobéit. Il désobéit à ce qu’il juge injuste, et affirme sa légitimité à le faire, contre la légalité d’une soumission à l’inacceptable. Face à la violence de la contrainte systémique d’individus par d’autres, qu’il abhorre, il défend les autres mais se défend aussi lui/elle-même. Ce qui n’est, lorsqu’on y songe bien, pas qualifiable de « violence », mais bien plutôt ce que l’on pourrait qualifier de non-violence conséquente - c'est-à-dire une attitude qui ne tolère pas que la violence soit perpétrée ; et qui adapte sa réponse au contexte de cette violence. Par exemple, si l’on défend la dignité de tou-te-s, on ne peut considérer comme violent le fait de prendre au capital des choses nécessaires à une vie digne –un logement, du pain, des vêtements- lorsque cela ne prive pas quelqu’un d’autre du même besoin. On pense au contraire que c’est le vol capitaliste, qui affame légalement une partie de l’humanité, qui est illégitime et violent.


La question de la « violence » dans les luttes anarchistes

Face à la violence structurelle, l’anarchiste tâche de construire une société la moins violente possible et en vue de cela, tend à adapter ses moyens aux fins proposées, car c’est indissociable. Pour cela, il/elle s’organise, car le mouvement social, le collectif des individus libres est la meilleure réponse à la violence capitaliste, dont il est l’antinomie. Mais il-elle sait aussi que lorsque la souffrance est cumulée depuis trop longtemps, rien ne peut arrêter la colère du peuple et des opprimé-e-s : malgré tous les efforts des anarchistes, elle est de toute façon inévitable. L’anarchisme, s’il peut parfois être en désaccord stratégique avec des stratégies violentes jugées inutiles voire contre-productives, et s’il préfère généralement la force du collectif à l’action violente contre des individus, qui entraîne souvent de la part du pouvoir une répression plus forte encore, ne justifiera jamais la répression d’actes violents dirigés contre le système. Il est injustifiable de hurler avec les loups qui portent la tartuffe condamnation de la « violence populaire ». Le débat sur la violence est, de fait, toujours pipé. Il porte le sceau du pouvoir, qui exerce la violence structurelle et ne conteste aucune réponse.


La diversité des luttes anarchistes

Il y a une infinité de moyens de se bagarrer pour une vie libertaire…
Information et éducation non-autoritaire, par la recherche, la dynamique d’une mutualisation des ressources et le débat (infokiosques, affiches et tracts, écoles libertaires, universités populaires). Les luttes sociales, associatives, syndicales (grève générale, rassemblements et manifs, occupations symboliques…). Les réappropriations (squats, auto-réductions). Les actes de désobéissance civile (refus du service militaire, etc…). La construction d’alternatives temporaires au système, pour manger, se chauffer, se vêtir, dormir, créer… (écoles, ateliers, jardins collectifs, yourtes, astuces techniques…) La culture alternative (musique, grafs, théâtre de l’opprimé…) Mais aussi la réflexion sur les mécanismes d’aliénation au sein de sa vie intime, car l’intime est essentiellement politique ; et souvent la famille, le couple ou le psychisme individuel même, sont les lieux de relégation de la violence sociale redirigée contre les individus. L’immense foisonnement de ces luttes et alternatives, au-delà des divergences et des visions, des préférences de champs de lutte et d’émancipation à investir, gagne à s’associer, à se fédérer, afin que les efforts des uns puissent être mutualisés pour le profit de tou-te-s. Afin aussi de partager des savoirs-faire, des astuces, pour éviter la répression et gagner le soutien actif d’un nombre toujours plus grand de gens. C’est à la fois cette autonomie des individus et des groupes, et cette fédération, par la construction d’outils de luttes adaptés aux exigences du réel, que nous avons à construire, ici et maintenant, dans les luttes mais aussi la fête, le rire, l’amour, la joie des rencontres.



John Rackham
Dernière édition par vroum le Dim 5 Déc 2010 23:12, édité 1 fois.
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Re: Anarchisme(s) ?

Messagede Denis le Mar 23 Mar 2010 21:15

Ourf! que nous avons le déplaisir de ne plus voir sur ce Forum, plutôt !

Et Hop, p'tit Noir !
Denis
 

Re: Anarchisme(s) ?

Messagede conan le Mar 23 Mar 2010 22:03

Mais si, il passe de temps à autre... même s'il n'a plus beaucoup le temps. :D
"L'anarchie, c'est la victoire de l'esprit sur la certitude" Georges Henein
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Re: Anarchisme(s) ?

Messagede Alayn le Mer 24 Mar 2010 04:26

Bonsoir ! Ca sera également sur http://anarchie23.centerblog.net (si tu le permet bien sûr John ! Arf !) + d'autres textes de ta plume que je compile amoureusement. (ourf !) [des inédits même si je ne m'abuse !]

Amitiés Anarchistes !
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Re: Anarchisme(s) ?

Messagede conan le Ven 3 Déc 2010 00:20

A télécharger, une nouvelle mise en page de la petite brochure "anarchisme(s)".
Copyleft, en user et abuser sur vos tables de presse.
http://pavillon.noir.over-blog.fr/artic ... 88340.html
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Re: Anarchisme(s) ?

Messagede fabou le Ven 3 Déc 2010 02:45

Trés sympa ce texte conan ^^
fabou
 

Re: Anarchisme(s) ?

Messagede conan le Ven 3 Déc 2010 08:11

Cette brochure synthétique a été remise en forme par le groupe Pavillon Noir, copyleft pour mettre sur vos tables de presse !

téléchargeable ici : http://pavillon.noir.over-blog.fr/artic ... 88340.html
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Re: Anarchisme(s) ?

Messagede l'Eunuque le Ven 3 Déc 2010 14:26

Encore un texte bourré de formules/concepts débiles:
(...) l’anarchisme (...) est le combat contre le chaos et la violence de ce monde. Reclus, un géographe anarchiste, disait que l’anarchie c’est l’ordre moins le pouvoir.

"L'ordre moins le Pouvoir" vs "le chaos et la violence"? Raaaah! Plein le cul de ces notions-fantômes!
Merde à l'ordre. Merde au Pouvoir. Merde à la défiance et à la peur, merde à la violence manipulée et mystifiée. Le chaos est l'épouvantail de la société bienheureuse et bien pensante, conservative et incapable de réfléchir. Le chaos n'existe pas et n'existera jamais.

Contrairement au libéralisme, qui considère que la liberté des un-e-s limite celle des autres, l’anarchisme est fondé sur une vision dynamique, potentielle et mutuelle de la liberté : la liberté des un-e-s contribue à élargir les champs de ma liberté.

"La liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres" a beau avoir été "retourné" par "La liberté des autres étend la mienne à l'infini", MOI J'AFFIRME: "Ma liberté ne s'arrête nulle part" (et si t'es pas content, appelle les flics).

(...)il n’est possible de fonder auprès des autres la légitimité de sa liberté individuelle qu’à la condition évidente (...)

Fonder la légitimité de sa liberté individuelle? Il n'y a pas lieu de le faire, la liberté ne se discute pas, elle n'est pas conditionnelle, elle n'est même pas légitime puisqu'elle échappe à la loi. Moi-même (ma vie, mon corps, mon esprit) je suis bien plus que la loi, l'Etat, la Société, le Capital etc... parceque MOI J'EXISTE (et pas eux). Je n'ai aucune légitimité à débattre ou à marchander.

Ce rejet d’une même contractualité pour tou-te-s, du centralisme, d’une loi unique et donc totalitaire, amène au rejet de la notion de Parti, et donc d’Etat (...)

... et au rejet de n'importe quel contrat! C'est quoi un contrat? Qu'est-ce qu'il y a dans un contrat, et qu'est-ce qu'il n'y a pas? LA VIE est contractuelle? MA LIBERTE est contractuelle? Vous croyez vraiment que j'ai envie de passer des contrats, des accords ou des règles avec les gens?

Mais ce rejet de l’Etat et du centralisme par les anarchistes ne les mène pas pour autant à l’anomie, ou absence de règlement collectif OUAAAAH!; dès que deux humains se rencontrent et agissent ensemble, ils s’organisent. Bien au contraire, l’anarchisme a toujours eu au cœur de sa réflexion les enjeux de l’organisation entre les individus. L’anarchisme consiste précisément à redonner aux individus la capacité à s’organiser par eux-mêmes, à reprendre en main la capacité de créer leurs propres « règles » d’organisation, non pas au sens de coercition, mais d’ajustement permanent pour l’épanouissement de tou-te-s. Le centralisme doit disparaître, pour faire place au fédéralisme. Le fédéralisme est fondé sur deux principes corollaires. A savoir, à une première échelle, la libre organisation des groupes humains selon les « affinités » : les volontés, les goûts culturels, les pensées, les désirs de production et de consommation… (et non des affinités au sens de catégorisations fictives d’individus en genres, races, nations et autres balivernes). A une seconde échelle, c’est la libre association de ces groupes humains (et des individus ayant fait le choix de ne pas s’y associer), sur des contractualités elles aussi librement consenties. L’individu changeant, les projets évoluant, la contractualité doit elle-même évoluer librement, par l’élaboration permanente d’un consensus collectif, toujours à réajuster aux contextes complexes des situations, et aux volontés individuelles qui les vivent.

J'ai même pas envie de commenter ce tissus de conneries. L'anti-centralisme qui s'évacue par le fédéralisme c'est de la plomberie. "Redonner aux individus la capacité à s’organiser par eux-mêmes" c'est un discours proprement démagogue (et dans "démagogue" y'a "gogue").

Je me casse, c'est trop long-trop con.
Merde à cet anarchisme de curés soc-dem.
Pêtez un coup, ça détend.
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Re: Anarchisme(s) ?

Messagede l'Eunuque le Ven 3 Déc 2010 15:20

Putain jsuis colère!
Ce qui me met le plus hors de moi c'est que les gamines qui font leur PFE-mes-couilles tombent direct sur ces programmations politiques à deux balles.
A quoi ça sert de titrer "Anarchisme(s)?" si ni le "s" ni le "?" ne sont pris en compte?
Pourquoi ne pas plutôt mettre en évidence le fait que bien que que très différents -et d'avis très divergents- nous sommes plus libres que les autres? Que nous n'avons pas peur de vivre libres (et différents)? Que nous sommes prêts à assurer/assumer notre épanouissement (individuel et collectif) sans diktat comportemental?
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Re: Anarchisme(s) ?

Messagede conan le Ven 3 Déc 2010 15:39

Ta réponse est une caricature d'individualisme qui ne rend pas franchement hommage à l'individualisme anarchiste. Moi aussi je trouve tes remarques trop long -trop con, tant elles sont une lecture tronquée et grotesque de Stirner ou d'autres auteurs intéressants. Et je ne me sens pas trop de me fatiguer à y répondre, mais je vais quand même m'y mettre, en tâchant de faire rapide.

-il s'agissait de renverser la notion de chaos (attribuée à l'anarchisme) en qualifiant le fonctionnement de la société actuelle. Tu as mal lu ?

-tu affirmes, dans ta puissance égotique, "ma liberté ne s'arrête nulle part"... ah... tu te sens libre toi ? Réellement ? La liberté c'est pouvoir faire ce que l'on veut, toi tu peux ? Tu me donneras la recette alors, parce que perso je me sens pas super libre.
Qui limite la liberté individuelle ? une conception coercitive de la société, et c'est pour cela que je parle d'une autre forme de liberté, la liberté mutuelle et dynamique, où les humains au lieu de se limiter les uns les autres, se rendent mutuellement plus libres.
Mais toi tu affirmes que ta liberté ne s'arrête nulle part, ce qui est précisément le présupposé d'une liberté des uns limitée par celle des autres, bref d'une conception violente de la société.
Pour ma part je pense que la liberté sans aucune limite ne veut non seulement rien dire vu le monde actuel, mais qu'elle est même la justification de la violence envers les autres. La liberté, comme possibilité réelle de faire, peut-elle être encore appelée ainsi lorsqu'elle prive l'autre de liberté ? Est-ce que tuer, violer, bâillonner, priver, forcer, bref réduire la liberté d'autrui... tu considères cela comme une liberté ? La liberté est un concept social, résultant de ce que l'on se permet mutuellement comme actions afin de'étendre nos libertés individuelles ! Si tu revendiques une conception de la liberté comme toute-puissance, grand bien te fasse mais je t'invite plutôt à fréquenter les cercles de l'extrême-droite, perso j'appelle cela du POUVOIR. Et je ne crois pas, en effet, que revendiquer le pouvoir absolu sur les autres soit une liberté, c'est plutôt cette notion-là de liberté, qui est celle de la loi de la jungle, que combattent les anarchistes (y compris individualistes).

-tu rejettes toute forme de contractualité ? mais la contractualité n'est pas forcément coercitive, la contractualité peut améliorer le possible lorsqu'elle relève de l'organisation de personnes agissant ensemble, le temps qu'elles le souhaitent, pour développer ensemble leurs libertés individuelles. Là encore, tu as une conception de l'autre comme forcément te limitant toi.

-quand je dis que "l'anarchisme doit redonner aux individus", il ne s'agit pas de personnes, mais d'anarchisme, donc d'idées et de pratiques d'autogestion et d'action directe (sinon je dirais "les anarchistes doivent redonner aux individus", ce qui serait une monstruosité que je ne défends pas, ce que tu admettrais si tu avais un tant soit peu d'honnêteé intellectuelle en relisant mle reste.
Quand au fédéralisme, dont la définition chez les anars consiste en une association libre, je pense en effet que c'est l'inverse du centralisme. Mais je conçois, là encore, que tu rejettes cela puisque tu sembles voir tout contact humain et toute collaboration comme restreignant ta LIBERTE.

C'est d'ailleurs à se demander ce que tu recherches en discutant avec d'affreux ennemis ici-même...
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Re: Anarchisme(s) ?

Messagede panic le Ven 3 Déc 2010 22:32

:clap:
je ne sais pas ou tu cherches ta motivation, conan, à toujours répondre si incollable à ces débilitées...
Faudra que tu me donnes l'adresse un de ces jours...
Chapeau bas!
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Re: Anarchisme(s) ?

Messagede l'Eunuque le Sam 4 Déc 2010 19:13

Salut,
Merci pour ta patience et ta réponse.
Je pense devoir te répondre aussi puisqu'on en est là, mais à vrai dire je suis pas sûr que ça intéresse quelqu'un, pas même toi. Je vais donc faire simple-rapide.

Tout d'abord (je commence par ta dernière remarque) je voudrais que tu saches que je n'ai pas "d'ennemis" (je ne suis pas en guerre), ni sur ce site ni ailleurs; bien que fortement individualiste, j'aime très spontanément les gens et je leur voue un immense respect (bien au-delà de ce que tu sembles imaginer). Est-ce concevable, mon individualisme est plus humaniste qu'il n'y paraît; je ne cherche pas à asseoir la suprématie de mon MOI-JE (sinon je ne serai effectivement pas sur ce site) mais plutôt à solliciter/émanciper le MOI-JE des autres; je ne pense donc pas être l'égoïste égotique que tu décris (et d'ailleurs je crois que tu le sais). Mais ça, tu me diras, on s'en fout.

il s'agissait de renverser la notion de chaos (attribuée à l'anarchisme) en qualifiant le fonctionnement de la société actuelle

Je ne crois pas aux notions d'ordre et de chaos (ni au bien ou au mal), et encore moins lorsqu'il s'agit desystèmes politiques. Ce sont des notions qui exploitent la peur de l'inconnu, mais qui ne disent pas si les gens en seront satisfaits ou pas. Pour pas mal d'anarchistes, "l'ordre actuel" est bien pire que le chaos (mystifié) de l'anarchie; pour moi, les deux se vaudront probablement de ce point de vue là, aucune stabilité n'étant à attendre (ni d'ailleurs à souhaiter) dans l'anarchie; c'est pourquoi cet argument de l'ordre vs le désordre n'est pas valable (mais peut-être sommes-nous déjà d'accord).

tu affirmes dans ta puissance égotique (oh là!), "ma liberté ne s'arrête nulle part"... Qui limite la liberté individuelle ? une conception coercitive de la société, et c'est pour cela que je parle d'une autre forme de liberté, la liberté mutuelle et dynamique, où les humains au lieu de se limiter les uns les autres, se rendent mutuellement plus libres.

Tu as beau être anarchiste, ta conception de la liberté limitée par un "consensus coercitif" est une acceptation du principe du libéralisme ("libéralisme, qui considère que la liberté des un-e-s limite celle des autres"); quand bien même tu essayes d'y répondre par une "contamination" (ou répartition?) mutuelle, dynamique, et conscientisée, je reste assez sceptique, la limitation n'étant en soi pas très productive ni dynamique.
A mon avis la liberté n'est qu'individuelle, pleine et entière, primale et inaliénable, et sa limitation ne concerne que les individus. Personne, ni la société, ni même la liberté des autres, n'ont le droit de l'écorner de l'extérieur, et c'est bien pour ça que les gens sont autonomes, responsables, et libres de leurs choix.
De là, je considère que le consensus que la vie en collectivité nous appelle à faire fait aussi partie de notre liberté individuelle, tu l'acceptes ou pas, au cas par cas, car tu n'y es pas obligé; mais quoi que tu fasses, fais-le sciemment, volontairement, et de ton propre chef. Ta servitude ne doit être que volontaire; si le consensus n'est pas envisageable, ne le fais pas et trouve d'autres solutions (tu peux aussi tout simplement partir ou tenter de limiter ta dépendance sociale).

tu affirmes que ta liberté ne s'arrête nulle part, ce qui est précisément le présupposé d'une liberté des uns limitée par celle des autres (non), bref d'une conception violente de la société (...) La liberté sans aucune limite ne veut non seulement rien dire vu le monde actuel (mais qui te parle du monde actuel? On n'est pas en train d'essayer de le changer?), mais qu'elle est même la justification de la violence envers les autres. La liberté, comme possibilité réelle de faire, peut-elle être encore appelée ainsi lorsqu'elle prive l'autre de liberté ?

"Ma liberté ne s'arrête nulle part" ne s'oppose pas à la liberté des autres qui est, elle aussi, infinie (et en ça j'adhère totalement à la très jolie phrase de Bakounine).
Je ne vois pas en quoi mon intégrité va à l'encontre de celle des autres, je ne vois pas l'autre en ennemi, ni en concurrent, ni à priori même en limite indiscutable. Je suis profondément pacifiste, persuadé que le bonheur (oh ce terme!) collectif est bien une des conditions essentielles de mon bonheur personnel, c'est d'ailleurs la plus belle chose que j'ai appris au cours de mes voyages (notamment en Asie du Sud-Est).

Est-ce que tuer, violer, bâillonner, priver, forcer, bref réduire la liberté d'autrui... tu considères cela comme une liberté ?

Qui te parle de ça? Là encore tu tombes dans les présupposés-épouvantails de la propagande libérale: le crime généralisé, le meurtre, la violence, la loi de la jungle... La violence existe déjà et existera de toutes façons, et en cela ce n'est n'est pas une fatalité, ni d'ailleurs un phénomène persistant. Je n'ai pas peur de la violence parceque je m'y attends déjà, et quelque part je crois aussi qu'elle n'est pas systématiquement à éviter (bien que la violence engendre couramment la violence). Pour autant, je n'envisage pas la violence comme un moyen à priori efficace: d'une manière pragmatique il est plus simple de demander que de prendre, de partager que de donner envie, de laisser aller que de contraindre. Et la tolérance et la fraternité ne sont pas que des concepts, ce sont des inclinations naturelles (de même que l'empathie). L'envie de Pouvoir n'est à mon avis qu'une transfiguration de la peur du refus (et c'est bien ridicule d'en arriver là).

tu rejettes toute forme de contractualité ? mais la contractualité n'est pas forcément coercitive, la contractualité peut améliorer le possible lorsqu'elle relève de l'organisation de personnes agissant ensemble, le temps qu'elles le souhaitent, pour développer ensemble leurs libertés individuelles. Là encore, tu as une conception de l'autre comme forcément te limitant toi.

Si je rejette la contractualité, c'est que je regrette qu'on y ait systématiquement recours, et aussi que j'ai peur des formes pré-établies. Je n'envisage pas avoir systématiquement besoin d'établir un cadre "coercitif" dans mes rapports avec les autres, dans aucun domaine, et encore moins un cadre préalablement conçu (et donc figé, non-évolutif). Personnellement je suis tout à fait capable de me tromper ou de changer de point de vue (je suis très humble quand à ma connaissance), et je ne vois pas pourquoi je serais le seul. Tu crois que c'est agréable quand on te dit: "ah, j'ai changé d'avis, je vous plante"? C'est pourtant assez légitime de changer, non?
Peut-être, sur ce point-là, suis-je encore un peu naÏf, ou peut-être qu'au fond je suis d'accord avec toi, je ne le sais pas encore.

quand je dis que "l'anarchisme doit redonner aux individus"

Je citais l'ensemble de la phrase: "L’anarchisme consiste précisément à redonner aux individus la capacité à s’organiser par eux-mêmes".
Je crois que c'est de la langue de bois, parceque la démocratie le fait déjà (donner aux individus la capacité à s’organiser par eux-mêmes). Ou du moins les fondements de la démocratie sont ceux-là.
Alors je suis pour, même si je n'accepte pas le "cratos" de la "démo", mais l'anarchisme est en ça assez semblable, non dans les formes, mais dans le fond.

Quand au fédéralisme, dont la définition chez les anars consiste en une association libre, je pense en effet que c'est l'inverse du centralisme.

Le fédéralisme ressemble plus à la coexistence de systèmes exclusifs qu'à une coexistence de regroupements "non limités". Je te propose de revenir sur le petit jeu que j'avais proposé dans le topic "virer la politique de nos luttes" et aussi ce que j'avais dit dans le topic "panarchie". Pour moi la liberté d'association ne devrait pas servir de base à une quelconque structuration plus grande, au risque de la faire péricliter (et donc de faire péricliter les autres) si l'association s'arrête. Mais là encore je suis peut-être trop naïf.

Je finis, en vrac (et de manière moins délicate, j'en suis désolé):
"Ta réponse est une caricature d'individualisme qui ne rend pas franchement hommage à l'individualisme anarchiste." Qu'est-ce que j'en ai à foutre? On est à quel congrès?
"lecture tronquée et grotesque de Stirner ou d'autres auteurs intéressants" que je n'ai pas lus, parceque je suis trop feignant (ou que c'était trop compliqué, ou trop imbuvable, dans le cas de Stirner).
"Tu te sens libre toi ? Réellement ? La liberté c'est pouvoir faire ce que l'on veut, toi tu peux ? Tu me donneras la recette alors, parce que perso je me sens pas super libre."
Tu n'en as pas envie, tu as déjà toi-même TES réponses qui TE vont. Si tu veux vraiment être libre, tu n'as qu'à l'être, mais je crois que tu as trop peur de ne pas trouver l'adhésion dont tu as besoin (à moins qu'il s'agisse des petits empêchements qu'on se fout soi-même dans les pattes).
"Si tu revendiques une conception de la liberté comme toute-puissance, grand bien te fasse mais je t'invite plutôt à fréquenter les cercles de l'extrême-droite, perso j'appelle cela du POUVOIR."
Je crois que tu sais déjà que je suis pas un tordu de facho égoïste qui recherche le pouvoir. D'ailleurs je ne suis pas sûr que cette phrase s'adresse réellement à moi, mais puisque le débat est public et que tu t'es senti agressé, je conçois que tu aies besoin de te défendre.
"C'est d'ailleurs à se demander ce que tu recherches en discutant avec d'affreux ennemis ici-même..."
Parceque tu crois que je ne me pose pas, moi-même, la question?
Quand aux "ennemis", hein...

Sur ce, salut Conan.
C'est ton cul, c'est tes doigts, y'a plus qu'à...
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Re: Anarchisme(s) ?

Messagede conan le Sam 4 Déc 2010 23:10

A part l'allusion au cul et aux doigts que je pige pas vraiment, je partage une bonne partie de tes arguments une fois développés avec un peu plus d'esprit de dialogue, et en effet les ajouts en termes éthiques et de rapport intelligent aux autres montrent que ton présupposé de liberté absolue et a-morale, qui peuvent être tout aussi fascistes qu'anars, sont en effet anars. Mais sans préciser ces ajouts (et il ne s'agissait pas pour moi de me "défendre" parce qu'agressé par tes propos initiaux, mais bel et bien d'un constat de fond), l'affirmation de la liberté absolue sans morale est aussi un fondement (paradoxalement) du fascisme, qui joue sur le discours de l'a-moralité et du culte de la force comme légitimité absolue de certaines personnes supérieures ou de "peuples" à faire comme bon leur semble.

Tu as beau être anarchiste, ta conception de la liberté limitée par un "consensus coercitif" est une acceptation du principe du libéralisme ("libéralisme, qui considère que la liberté des un-e-s limite celle des autres"); quand bien même tu essayes d'y répondre par une "contamination" (ou répartition?) mutuelle, dynamique, et conscientisée, je reste assez sceptique, la limitation n'étant en soi pas très productive ni dynamique.


Tu m'as mal compris, je rejette au contraire cette conception d'individus s'opposant et donc se limitant. C'est précisément ce que j'appelle le "consensus coercitif". Là où je ne comprends pas ton raisonnement, c'est que tu mettes dans le même sac une conception contraire, à savoir une liberté dynamique, mutuelle (plus les autres sont libres plus je le suis).

A mon avis la liberté n'est qu'individuelle, pleine et entière, primale et inaliénable, et sa limitation ne concerne que les individus. Personne, ni la société, ni même la liberté des autres, n'ont le droit de l'écorner de l'extérieur, et c'est bien pour ça que les gens sont autonomes, responsables, et libres de leurs choix.


Bien sûr, dans l'abstraction, on est parfaitement d'accord : aucune "légitimité" ne fonde mon droit absolu à faire comme je l'entends.
Le problème c'est que le "droit" dont tu parles, est une notion supposant la relation à l'autre, puisqu'un droit est accordé par les autres. Tu pourras dire : "tu n'as pas le droit d'écorner ma liberté", et te dire "je suis libre" au fond de ta tête, les autres peuvent s'en foutre et te mettre derrière des barreaux (et là c'est pas abstrait mais réel). Revendiquer une liberté absolue, abstraite de situations sociales, ne te garantira absolument pas, hélas malgré les vertus du dialogue, que les autres cessent leur coercition sur toi.
D'accord avec toi pour dire que la liberté dans l'absolu est individuelle, mais si tu envisages concrètement ta relation aux autres, tu ne peux nier qu'elle est limitée par la coercition des autres. Dès lors, tu es bien obligé de fonder socialement la légitimité de la liberté réelle comme potentiel d'action réelle (je sais pas si je suis clair ?)
Ce que je veux dire, c'est que lorsqu'on sort de l'abstraction, il y a du boulot pour arriver à une liberté absolue réelle de tous les individus, puisque pour l'instant la liberté est considérée comme contraignant autrui.

Je ne vois pas en quoi mon intégrité va à l'encontre de celle des autres, je ne vois pas l'autre en ennemi, ni en concurrent, ni à priori même en limite indiscutable. Je suis profondément pacifiste, persuadé que le bonheur (oh ce terme!) collectif est bien une des conditions essentielles de mon bonheur personnel, c'est d'ailleurs la plus belle chose que j'ai appris au cours de mes voyages (notamment en Asie du Sud-Est).


Oui toi, tu es persuadé (et moi aussi, dans l'abstraction comme dans les faits). Le problème c'est que revendiquer une liberté individuelle absolue en niant les contractualités, peut aussi être pour des individus éduqués dans la peur et la haine... synonyme de te défoncer la tronche (et sois-en sûr, certaines personnes de ce genre existent).
L'argument que tu développes, c'est la raison, la réflexion, l'éthique, voulant que l'autre accroît ton bonheur. Je suis d'accord, mais si les autres ne partagent pas cela, ce sera la guerre, que tu le veuilles ou non. Et cette guerre est d'ailleurs déjà là.
D'où le travail collectif pour rendre tes réflexions légitimes (je ne sais pas si je suis clair ?) à une échelle concrète, avec des fonctionnements horizontaux concrets... ce qui suppose de le dire, de créer de la légitimité individuelle élargie au collectif, bref du fonctionnement collectif.

Qui te parle de ça? Là encore tu tombes dans les présupposés-épouvantails de la propagande libérale: le crime généralisé, le meurtre, la violence, la loi de la jungle... [...] Et la tolérance et la fraternité ne sont pas que des concepts, ce sont des inclinations naturelles (de même que l'empathie).


Je n'ai pas de présupposé, je constate le monde réel ! la "propagande libérale" ne constate pas une "nature violente" (qui n'existe pas à mon sens) mais FABRIQUE de fait un monde socialement violent !
Par contre, toi tu as le présupposé que la tolérance et la fraternité sont des inclinations "naturelles". Je ne crois pas plus. Je crois que beaucoup de nos "inclinations" sont en fait le résultat de fonctionnements sociétaux.
Une société fondée sur la propriété privative, sur l'inégalité et la concurrence, sur la hiérarchie, engendre crime, meurtre, violence, que tu le veuilles ou non.
Une société fondée sur la mutualisation-socialisation, sur l'égalité et l'entraide, sur l'horizontalité, favorise l'inverse.
Et cela, c'est le résultat d'un travail sur les rapports sociaux !

Si je rejette la contractualité, c'est que je regrette qu'on y ait systématiquement recours, et aussi que j'ai peur des formes pré-établies. Je n'envisage pas avoir systématiquement besoin d'établir un cadre "coercitif" dans mes rapports avec les autres, dans aucun domaine, et encore moins un cadre préalablement conçu (et donc figé, non-évolutif). Personnellement je suis tout à fait capable de me tromper ou de changer de point de vue (je suis très humble quand à ma connaissance), et je ne vois pas pourquoi je serais le seul. Tu crois que c'est agréable quand on te dit: "ah, j'ai changé d'avis, je vous plante"? C'est pourtant assez légitime de changer, non?
Peut-être, sur ce point-là, suis-je encore un peu naÏf, ou peut-être qu'au fond je suis d'accord avec toi, je ne le sais pas encore.


Là, je suis parfaitement d'accord avec toi, quoique j'ai l'impression que tu envisages la contractualité comme forcément coercitive, alors même qu'elle peut au contraire être par principe non-coercitive, et donc un règlement évolutif des gens sur les autres de façon à accroître les possibilités (et donc la liberté bien réelle) de chacun-e. Respecter des règles avec des autres, au sens d'ajustement dans les tâches profitables à tou-te-s, qu'on s'est soi-même données de sorte d'être plus libre au final, tout en restant libre de sortir du contrat à tout instant (ce qui peut être fixé dans le contrat !!), où est le problème ?
C'est là où je trouvais, dans ta façon de concevoir les rapports contractuels aux autres comme forcément source d'embrouilles et de limitation individuelle, un fondement libéraliste.

Alors je suis pour, même si je n'accepte pas le "cratos" de la "démo", mais l'anarchisme est en ça assez semblable, non dans les formes, mais dans le fond.

Là je te rejoins, sauf qu'en plus je pense que "demos" est une abstraction qui ne veut rien dire, le "peuple" en son entier comme sujet ne veut rien dire (sauf en régime stalinien). Je suis pour l'association libre, le fédéralisme.

Le fédéralisme ressemble plus à la coexistence de systèmes exclusifs qu'à une coexistence de regroupements "non limités". Je te propose de revenir sur le petit jeu que j'avais proposé dans le topic "virer la politique de nos luttes" et aussi ce que j'avais dit dans le topic "panarchie". Pour moi la liberté d'association ne devrait pas servir de base à une quelconque structuration plus grande, au risque de la faire péricliter (et donc de faire péricliter les autres) si l'association s'arrête. Mais là encore je suis peut-être trop naïf.


Là désolé mais je n'arrive pas à piger ?

Si tu veux vraiment être libre, tu n'as qu'à l'être, mais je crois que tu as trop peur de ne pas trouver l'adhésion dont tu as besoin (à moins qu'il s'agisse des petits empêchements qu'on se fout soi-même dans les pattes).


Je ne crois pas à l'incantation, au "y'a qu'à". Je crois que ça fait en effet beaucoup, que de désobéir, ça marche et ça permet de devenir souvent beaucoup plus libre. Mais ça ne suffit pas ! Et là ce n'est pas une affaire d'adhésion dont on a besoin et qu'on trouve pas ! La répression (patronale, policière, etc...) existe, elle arrive vite quand ton refus devient sérieux. A un niveau individuel comme à un niveau collectif. Au bout d'un moment le pouvoir cogne, te prive de liberté, t'enferme, t'empêche, et c'est un fait !
C'est pour cela qu'encore une fois, autant je suis d'accord avc toi dans le principe abstrait, autant le concret quant à lui est fondé sur le contraire de ces beaux principes, et qu'il s'agit de trouver comment faire pour que nos libertés deviennent effectives, ce qui supposent de transformer les relations sociales !
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Re: Anarchisme(s) ?

Messagede l'Eunuque le Dim 5 Déc 2010 16:36

Salut.
Après relecture, il ressort de notre discussion que sur le principe, dans l’abstraction (ou « dans l’absolu »), nous avons l’air d’être assez d’accord ; mais que la confrontation de nos beaux idéaux libertaires à la « réalité concrète » est la source de nos divergences (ou l’une des).

Je reconnais que ma conception d’une liberté totale et inaliénable, et surtout sa conservation, reposent sur des présupposés d’humanisme, de tolérance, de fraternité… qui restent des présupposés fumeux.
Anarchistes, nous sommes assez enclins à penser que le bonheur (collectif et partagé, bien sûr) peut être atteint « à la force du cerveau » (sinon on n’essayerait même pas d’y croire), mais en réalité, je ne suis vraiment pas sûr que « les gens sont bons par nature » (c’est tout à fait ridicule), ni qu’ils puissent tous être suffisamment réflexifs et responsables pour -justement- réfléchir avant d’agir (l’inverse serait d’ailleurs plus commun). Je ne peux donc pas garantir le « bon fonctionnement » de cet individualisme généralisé, et c’est pour ça que je n’accorde pas beaucoup d’intérêt aux notions d’ordre/désordre, ou de persistance de la société d’une manière générale. Pour moi, dans l’anarchie, comme d’ailleurs dans tout autre système (et dans la vie en général), tout se fait « au cas par cas », et rien n’est gagné d’avance (certains pensent d’ailleurs que « la révolution » (beurk) ne pourra qu’être perpétuelle). On n’a jamais rien en un jour, et on n’a jamais rien pour toujours ; la lutte continue, qu’elle soit individuelle ou collective. Ça c’est déjà plus réaliste.

Mais ces arguments s’opposent aussi à tes propositions.
Bon, ok, tu ne crois pas au « demos » (bien que curieusement tu croies en "le capitalisme", "le système politique", "le Pouvoir", "l'Etat"), mais en la libre association (volontaire) de gens qui partagent -du moins- un projet politique commun. Mais s’il ne s’agit pas d’une intelligentsia, comment penses-tu qu’une population « non réflexive » (ou « peu réflexive ») puisse adhérer d’elle-même au consensus coercitif que tu proposes (autrement que par une révolution des esprits ou par une forme d’éducation/dressage social) ? Comment espères-tu assurer un minimum de persistance, pour que la libre association reste libre, et que le « contractuel » (et même pire : les contrats cumulés) ne se transforme pas en… je sais pas… la démocratie (et encore, je reste gentil)?

Nous avons le même problème.
Tu y réponds en proposant une structuration quelque peu coercitive et paramétrée (bien que consentie) de la société, et par une sorte d’entraînement comportemental (bien qu’intelligent) au maintien de la cohabitation/cohésion sociale.
J’y réponds en ne proposant rien, ou plutôt en proposant de ne plus se soucier de la société (dans sa globalité) et en improvisant sa vie au mieux (pour soi, et donc pour les autres, et réciproquement).
Mais toi comme moi, nous n’avons aucune garantie de réussite, ni de bonheur pour chacun.

Alors le plus important, Conan, c’est que tu peux encore venir chez moi, et moi chez toi (t’inquiètes, c’est une image). Quoi qu’il se passe, tâchons de rester tolérants (et sereins).
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Re: Anarchisme(s) ?

Messagede conan le Dim 5 Déc 2010 22:54

l'Eunuque a écrit:Bon, ok, tu ne crois pas au « demos » (bien que curieusement tu croies en "le capitalisme", "le système politique", "le Pouvoir", "l'Etat"), mais en la libre association (volontaire) de gens qui partagent -du moins- un projet politique commun.


Ce n'est pas une croyance que tout ce que tu cites (capitalisme, système politique, pouvoir, etat), mais des réalités - coercitives, répressives. Tandis que "le demos", c'est-à-dire le peuple uni comme sujet politique, est une abstraction, une vue de l'esprit, une construction, je dirais même une idéologie (la base de toutes les idéologies du pouvoir politique). Il n'existe pas en lui-même, puisque la diversité des vues et des désirs caractérise (si tant est qu'on puisse la caractériser) l'humanité ; seules les conséquences de la croyance en un demos, en un peuple uni, existent - généralement douloureuses pour toutes les nombreuses personnes qui ne correspondent pas aux caractéristiques mouvantes définies pour "le peuple" (esclaves et métèques en Grèce antique, handicapés juifs ou tziganes pour les fascistes, sans-papiers sdf ou anarcho-autonomes pour les républicains d'aujourd'hui... la liste est aussi longue que les besoins de boucs-émissaires sont pressants pour permettre au pouvoir de se maintenir)
A l'Etat, je préfère donc la libre association, en effet ; et pour ma part, je ne la crois possible durablement, contre toute tentative coercitive, que dans le cadre d'une réflexion fédéraliste anarchiste, c'est-à-dire (pour dégonfler ces mots un peu ronflants) faisant de la liberté de s'associer (sous quelque mode que choisissent les associés temporaires) le seul "liant" humain souhaitable, la seule contractualité sociale souhaitable, car la seule qui ait pour principe premier de refuser que la socialisation des individus se fonde sur la légitimation d'une coercition.

Mais s’il ne s’agit pas d’une intelligentsia, comment penses-tu qu’une population « non réflexive » (ou « peu réflexive ») puisse adhérer d’elle-même au consensus coercitif que tu proposes (autrement que par une révolution des esprits ou par une forme d’éducation/dressage social) ? Comment espères-tu assurer un minimum de persistance, pour que la libre association reste libre, et que le « contractuel » (et même pire : les contrats cumulés) ne se transforme pas en… je sais pas… la démocratie (et encore, je reste gentil)?


En proposant, en faisant de la propagande au moins autant par le fait (vivre autrement selon la marge de manoeuvre dont on dispose, par l'exemple, par l'action et par les choix) que par le discours, et en se défendant concrètement contre l'oppression réelle (désobéissance, résistances) - et non en agressant, non en imposant.
Pas tant par des énoncés philosophiques déconnectés des autres et des réalités, que par l'action empreinte d'une éthique concrète (mais pas spontanée chez les humains !) imprégnant les actes et les paroles d'antiautoritarisme, d'antihiérarchie, de respect des individus. Tant en termes d'organisation humaine plus ou moins structurée (librement associative, créatrice) que de gestion des ressources (recherche d'égalité, répondre aux besoins réels exprimés), qu'il s'agisse des luttes ou des alternatives. En fonction des contextes, des situations et de la créativité qui surgit des individus et des groupes qui se constituent et agissent ensemble. Bref, dans nos rapports avec les autres, à mon sens se trouve la seule révolution individuelle et sociale possible et souhaitable, et il ne s'agit pas tant d'un moment de rupture (qui parfois survient en effet, lorsqu'une peur est vaincue et que l'expérimentation réelle est vécue), que d'une façon de vivre, préparant la société de fait à atteindre un jour un seuil de rupture révolutionnaire avec les structures d'oppression. Rupture qui ne sera jamais totale, je ne crois pas au paradis... je crois au mouvement de la vie, au fait de tâtonner, de chercher, d'expérimenter....

Alors le plus important, Conan, c’est que tu peux encore venir chez moi, et moi chez toi (t’inquiètes, c’est une image). Quoi qu’il se passe, tâchons de rester tolérants (et sereins).


Quand tu veux passe boire un jus d'orange (je ne bois pas d'alcool j'peux plus). :^^:
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Re: Anarchisme(s) ?

Messagede l'Eunuque le Lun 6 Déc 2010 01:33

Ce n'est pas une croyance que tout ce que tu cites (capitalisme, système politique, pouvoir, etat), mais des réalités - coercitives, répressives. Tandis que "le demos", c'est-à-dire le peuple uni comme sujet politique, est une abstraction, une vue de l'esprit, une construction, je dirais même une idéologie (la base de toutes les idéologies du pouvoir politique).

Tu réussis (on en a déjà parlé) à établir des distinctions là où je n'en vois pas -ou elles sont très partielles. Dans le Panthéon de l'Humanité, "capitalisme, système politique, pouvoir, état" sont des mythes qu'on alimente, et c'est bien tout un chacun qui leur donne à bouffer. Pareil pour "la société", "l'écologie", "avant", "on", "les flics" (encore que là il y a des preuves). C'est des idées, ça pourrait être des chiffres ou des couleurs, on ne les fait exister que si on le veut, pour les raisons qu'on veut.

Alors d'accord, parmi nos divinités pratiques, je préfère aussi
la liberté de s'associer sous quelque mode que choisissent les associés temporaires

...mais je ne sais pas si je lui allumerai beaucoup de cierges (quel mécréant!).

Mais pour le reste:
En proposant, en faisant de la propagande au moins autant par le fait (...) que par le discours, et en NOUS défendant concrètement (...) par l'action empreinte d'une éthique concrète (...) [et] imprégnant les actes et les paroles d'antiautoritarisme, d'antihiérarchie, de respect des individus [d'antisexisme, d'antiethnocentrisme, d'anti-ce que je ne veux plus voir demain, ni pour moi, ni pour les autres].

et particulièrement ça:
En fonction des contextes, des situations et de la créativité qui surgit des individus et des groupes qui se constituent et agissent STOP! C'est très bon!(...) je crois au mouvement de la vie, au fait de tâtonner, de chercher, d'expérimenter....

Je suis tout à fait d'accord.
Vive la vie, mec! N'ayons pas peur de vivre!

Quand tu veux passe boire un jus d'orange (je ne bois pas d'alcool j'peux plus).

Et là on est encore bien d'accord (mais ça, je le regrette). (pas toi?).
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Re: Anarchisme(s) ?

Messagede conan le Lun 6 Déc 2010 22:02

Oui je regrette, c'est vrai j'avoue. Mais je peux plus, c'est comme ça... au moins je ne suis plus malade les soirs trop arrosés (mieux vaut voir le verre à moitié plein qu'à moitié vide, sans mauvais jeu de mot !).
A bientôt en tout cas !
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