Pouf, tant que je suis dans la série, Kropotkine
Avons-nous besoin, en effet, d’un gouvernement pour instruire nos enfants ? que le travailleur ait seulement le loisir de s’instruire, - et vous verrez comme partout surgiront, de par la libre initiative des parents, des personnes aimant la pédagogie, des milliers de sociétés d’instruction, d’écoles de tout genre, rivalisant entre elles pour la supériorité de l’enseignement. Si nous n’étions pas écrasés d’impôts et exploités par nos patrons comme nous le sommes, ne saurions-nous pas le faire infiniment mieux nous-mêmes ? Les grands centres prendraient l’initiative du progrès et prêcheraient d’exemple : et le progrès réalisé - personne de vous n’en doute - serait incomparablement supérieur à ce que nous parvenons à obtenir de nos ministères.
L’État est-il nécessaire même pour défendre un territoire ? Si des brigands armés viennent attaquer un peuple libre, ce peuple armé, bien outillé, n’est-il pas le rempart le plus sûr à opposer aux agresseurs étrangers ? Les armées permanentes sont toujours battues par les envahisseurs, et - l’histoire est là pour le dire - si on parvient à les repousser, ce n’est jamais que par un soulèvement populaire.
Excellente machine pour protéger le monopole, le gouvernement a-t-il su nous protéger contre les quelques individus qui parmi nous seraient enclins à mal faire ? En créant la misère, n’augmente-t-il pas le nombre de crimes, au lieu de les diminuer ? En créant les prisons, où des populations entières d’hommes et d’enfants viennent s’engouffrer pour en sortir infiniment pires que le jour où ils y sont entrés, l’État n’entretient-il pas, aux frais des contribuables, des pépinières de vices ?
En nous obligeant à nous décharger sur d’autres du soin de nos affaires, ne crée-t-il pas le vice le plus terrible des sociétés, - l’indifférence en matière publique ?