de frigouret le Lun 7 Mai 2018 18:22
Toujours extrait du principe fédératif de Proudhon, là il s'approche très près d'une conception libertarienne disons minarchiste.
C’est l’État qui fixe les poids et mesures, qui donne le module, la valeur et les divisions des monnaies. Les types fournis, la première émission terminée, la fabrication des pièces d’or, d’argent et de cuivre cesse d’être une fonction publique, un emploi de l’État, une attribution ministérielle ; c’est une industrie laissée aux villes, et que rien au besoin n’empêcherait, de même que la fabrication des balances, bascules, tonneaux et bouteilles, d’être tout à fait libre. Le meilleur marché est ici la seule loi. Qu’exige-t-on, en France, pour que la monnaie d’or et d’argent soit réputée d’aloi ? Un dixième d’alliage et neuf dixièmes de fin. Qu’il y ait un inspecteur pour suivre et surveiller la fabrication, je le veux : le rôle de l’État ne va pas au delà.
Ce que je dis des monnaies, je le redis d’une foule de services, abusivement laissés aux mains du gouvernement routes, canaux, tabacs, postes, télégraphes, chemins de fer, etc. Je comprends, j’admets, je réclame au besoin l’intervention de l’État dans toutes ces grandes créations d’utilité publique ; je ne vois point la nécessité de les laisser sous sa main une fois qu’elles ont été livrées au public. Une semblable concentration, selon moi, constitue un véritable excès d’attributions. J’ai demandé, en 1848, l’intervention de l’État pour l’établissement de banques nationales, institutions de crédit, de prévoyance, d’assurance, comme pour les chemins de fer : jamais il n’est entré dans ma pensée que l’État, ayant accompli son œuvre de création, dût rester à tout jamais banquier, assureur, transporteur, etc. Certes, je ne crois pas à la possibilité d’organiser l’instruction du peuple sans un grand effort de l’autorité centrale, mais je n’en reste pas moins partisan de la liberté de l’enseignement, comme de toutes les libertés [2]. Je veux que l’école soit aussi radicalement séparée de l’État que l’Église elle-même. Qu’il y ait une Cour des comptes, de même qu’un bureau de statistique, établis pour rassembler, vérifier et généraliser toutes les informations, toutes les transactions, toutes les opérations de finance sur la surface de la République, à la bonne heure. Mais pourquoi toutes les dépenses et recettes passeraient-elles par les mains d’un trésorier, receveur ou payeur unique, ministre d’État, quand l’État, par la nature de sa fonction, ne doit avoir que peu ou point de service à faire, partant peu ou point de dépenses [3] ?… Est-ce qu’il est vraiment nécessaire aussi que les tribunaux soient dépendants de l’autorité centrale ? Rendre la justice fut de tout temps la plus haute attribution du prince, je le sais : mais cette attribution est un reste de droit divin ; elle ne saurait être revendiquée par un roi constitutionnel, à plus forte raison par le chef d’un empire établi sur le suffrage universel. Du moment donc que l’idée du Droit, redevenant humaine, obtient comme telle la prépondérance dans le système politique, l’indépendance de la magistrature en sera la conséquence nécessaire. Il répugne que la Justice soit considérée comme un attribut de l’autorité centrale ou fédérale ; elle ne peut être qu’une délégation faite par les citoyens à l’autorité municipale, tout au plus à la provinciale. La Justice est l’attribut de l’homme, qu’aucune raison d’État ne doit en dépouiller. — Je n’excepte pas même le service de guerre de cette règle les milices, les magasins, les forteresses, ne passent aux mains des autorités fédérales que dans les cas de guerre et pour l’objet spécial de la guerre ; hors de là, soldats et armements restent sous la main des autorités locales [4].