leNouveau a écrit:Bonjour, je ne connaissais pas The Venus Project, donc j'ai regardé des bouts de la vidéo proposée par Rebecca,
puis je suis allé sur le site thevenusproject.com et j'ai regardé d'autres vidéos.
Toute cette communication est très scientiste et axée sur un futurisme qui me semble assez puéril.
Il y a de très jolis dessins, beaucoup de verdure, mais je n'ai pas entendu parler d'écologie, plutôt de "méga machines"
qui construisent les superbes bâtiments et les moyens de transport à grande vitesse ultra fonctionnels.
(méga-machines est le terme employé dans la vidéo dans un sens élogieux, celui qui a écrit le texte n'a vraisemblablement
pas lu Jacques Ellul)
Il est question de temps en temps de "Plan", mais jamais de la façon dont celui-ci est conçu, débattu, mis en question,
en fait ce projet semble celui d'un seul homme - Jacque Fresco, maintenant décédé - qui à force de communication
a réussi à recruter un certain nombre d'adeptes qui continuent à diffuser son message et recruter d'autres adeptes
après sa disparition ... tout ça n'est pas très rationnel
- pour Frigouret : il me semble que le principe qui conditionne la "prise au tas" est "de chacun selon ses moyens vers
chacun selon ses besoins", or dans la vidéo, l'interviewé dit clairement que celui qui fait mal ou pas son boulot est "viré
de l'entreprise", donc déchu de sa citoyenneté et donc il n'aura plus accès aux magasins gratuits et probablement
prié de quitter la cité idéale; on n'est donc pas dans un système de "prise au tas"
Si votre référence c'est Ellul, effectivement cela ne laisse pas beaucoup de possibilités. Bien entendu, certaines de ses réflexions sont intéressantes, mais il n'en reste pas moins un militant technophobe, très radical dans ses positionnements, clivant. On sait à quel public il s'adresse et quelle est la filiation idéologique ou philosophique dans laquelle il s'inscrit, donc il y a forcément des nuances à apporter, il n'incarne pas la vérité ultime. Typiquement, pour lui, toutes les technologies, au prétexte qu'elles ont été créées dans un cadre marchand, commercial et militaire, sont à jeter. Donc si on l'écoutait, la logique finale serait de revenir au Moyen-Âge et de renoncer à améliorer sa condition. Ne pas distinguer la technologie et son usage est une position que je ne partage pas, du moins pas pour la plupart des technologies. Autant je n'ai aucun problème à admettre clairement que les armes sont créées pour tuer, autant je n'estime pas que bénéficier d'un smartphone, d'un ordinateur ou de la télévision ferait automatiquement de moi quelqu'un qui veut alimenter le système capitaliste, car je me tiens à distance du sensationnalisme, des fake news, de l'addiction au numérique, et je m'enrichis culturellement et socialement.
Par ailleurs, je suis convaincu que la recherche de la facilité, la création et le dépassement de sa condition sont aussi un moteur de l'existence. Cette idée, issue de l'écologie la plus radicale, selon laquelle l'humain vivrait en complète harmonie dans la "pureté" (débarrassée des "vilaines technologies qui aliènent") me paraît bien plus utopique que le système technicien, ne serait-ce que parce qu'elle culmine dans une vision très romantique de la nature qui ne correspond pas à la réalité et qui implique un certain nombre de problèmes souvent mis sous le tapis par ses promoteurs, comme les épidémies, les guerres tribales, une espérance de vie ridicule, une vie de servitude (consacrée à sa propre survie), une méconnaissance du monde et de son environnement, des libertés très limitées, etc. Il faut garder à l'esprit que moins il y a de technologie, moins il y a de civilisation, de démocratie et d'égalité, puisque, dans la nature sauvage, c'est la loi du plus fort qui prime, et il n'y a ni santé ni éducation ni instruction, si ce n'est celle de l'intuition et des instincts avec éventuellement en arrière-fond de la mystique ; ce n'est pas un hasard si les endroits les plus pauvres de la planète sont ceux qui baignent le plus dans la spiritualité et les religions. Qui dit "système" (un mot péjoratif pour Ellul) dit aussi "régulation" et "protection".
Aussi, je suis convaincu que le système capitaliste sera dépassé, comme le féodalisme a été dépassé, et que tous ces systèmes basés sur l'argent, qui, certes, se sont réalisés au prix d'énormes sacrifices humains et environnementaux, malgré tout, auront été les "moins pires" en leur époque, et que l'usage vertueux de la technologie est tout-à-fait possible. Il y a un héritage, il ne s'agit pas ici de le nier. Mais le "tout blanc / tout noir" ne nous mènera nulle part. Il y a encore une place pour la défense du progrès et le positivisme.
De la même manière, si, quand vous cherchez de l'écologie, vous vous attendez à entendre des discours hostiles à la technologie, vous partez avec un biais cognitif. Opposer bêtement écologie et complexes cybernétiques, bâtiments ou transports à grande vitesse est très intuitif, mais irrationnel. La ville intelligente dans le cas présent est justement imaginée pour que tout soit construit en fonction du biomimétisme et de l'efficience énergétique, excluant d'ailleurs les énergies fossiles. Il n'y a plus de véhicule motorisé individuel dans la ville. Si l'aspect marchand et monétaire disparaît, il n'y a plus d'intérêt à polluer et gaspiller les ressources. Sans compter qu'ici, le cadre socio-économique est radicalement différent et on en finit avec l'esclavage (les activités sont choisies et pas subies). Donc projeter les défauts du système actuel sur le Venus Project n'a aucun sens en réalité.
Il ne faut pas oublier qu'on parle ici d'une
économie basée sur les ressources, ce qui signifie que la disponibilité des ressources devient la seule boussole.
Ceci dit, je vous conseille de lire le livre "La prospérité sans en payer le prix" ou regarder d'autres vidéos en Français pour avoir une idée plus précise et complète et éviter de tomber dans la caricature et la simplification. À ce sujet, il y a une vidéo très explicative qui devrait vous aider beaucoup :
https://youtu.be/TIYqrFtF3WoPour le reste, il est vrai que c'est lui qui a créé le Venus Project et qu'il a d'ailleurs consacré toute sa vie à l'ingénierie sociale, avec Roxanne Meadows. Mais l'idée à la base vient du Mouvement Technocratique créé aux USA en 1930, et elle s'inspire de Thorstein Veblen notamment, qui est un économiste peu connu du public mais qui s'est distingué de tous par son aspect évolutionniste et beaucoup plus scientifique. Sinon, l'économie de l'abondance en soi n'est pas une idée farfelue, elle a déjà été développée par Karl Marx, notamment dans son ouvrage "Introduction à l'économie politique" dans lequel il n'exclut pas un dépassement du capitalisme par l'automatisation.
L'absence de plan formel est effectivement le point faible, pour le moment, du Venus Project, mais les choses se construisent et avancent. Et cela ira plus vite si davantage de personnes participent et y apportent leur contribution d'une manière ou d'une autre.
Pour finir, le type de la vidéo n'a rien compris à la philosophie du Venus Project, sinon il saurait que celle-ci sort des valeurs éculées qui façonnent notre civilisation depuis 2'000 ans, au premier rang desquelles la valeur travail. Il n'est donc pas question ici de perpétuer ni de réinventer un système fondé sur l'esclavage, ni aucun autre asservissement par ailleurs. L'idée c'est bien une économie de l'abondance et de l'accès, non-marchande, dans laquelle les biens vitaux sont distribués à l'ensemble de la population sans condition. La monnaie, si elle existe ici, ne sert qu'à fournir des biens ou services non-vitaux.