à propos des Anarchistes dans la résistance

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à propos des Anarchistes dans la résistance

Messagede Protesta le Jeu 27 Aoû 2015 20:43

à l'heure ou dans le mouvement Anarchiste la tendance est au relativisme politique, et voire carrément au révisionnisme historique, ou certain affirment sans rire que les Anarchistes qui ont participer dans la résistance pendant la seconde guerre mondiale étaient des réformistes, et de toutes façon peu nombreux.
Je poste ceci pour contrer certaines idioties venant d'individus sans scrupules et j'invite tous les Anars de toutes les organisations à faire pareil et posté sur ce fil, des témoignages, et des faits historique sur la participation des Anars à la résistance contre le nazisme et le gouvernement de vichy, durant la seconde guerre mondiale. merci;

A PROPOS DES ANARCHISTES DANS LA RESISTANCE

A Toulouse et dans la région, les anarchistes occupèrent une place majeure dans la résistance. On peut citer en particulier :

- Antonin et Raoul LION, imprimeurs anarchistes, qui imprimèrent des quantité de faux papiers pour les persécutés, des tracts et des journaux pour toute la résistance. Arrêtés par la Gestapo, ils furent gazés au camp de concentration de Hartheim le 21 septembre 1944.

- Alphonse TRICHEUX, ancien responsable de la CGTSR, fut un des supports actifs de la résistance. Les résistants poursuivis trouvaient toujours refuge dans sa fermette.

- André ARRU, militant anarchiste Marseillais, qui organisa à Toulouse en 1943, un congrès clandestin de groupes anarchistes résistants de tout le sud France.

- Umberto MARZOCHI, qui sera plus tard secrétaire de l’internationale des fédérations anarchistes, emprisonné à Toulouse pour fait de résistance.

Plusieurs de ces militants anarchistes résistants sont parmi les fondateurs de la CNT-AIT de Toulouse à la Libération. On peut citer :

- François JAMMES, membre du Comité départemental de libération de la Haute-Garonne décédé en 1962

- Victor NAN, résistant toulousain notoire, décédé dans les années 60.

- Etienne GUILLEMEAU, anarchiste pacifiste. Il s’illustra en protégeant des juifs et en donnant à manger, au sens propre du terme, des dizaines de persécutés dans son restaurant végétarien. Il est mort voici quelques années, étant toujours adhérent à la CNT-AIT de Toulouse.

Des enfants ou conjoints de nombreux autres anarchistes résistants exécutés par les nazis, peuvent être cités parmi lesquels :

- la fille de Francisco PONZAN VIDAL, militant de la CNT espagnole, créateur d’un des principaux réseaux de résistance du sud de la France, fusillé et brûlé par les nazis à Buzet-sur-Tarn. Elle prit encore la parole au cours d’une de nos dernières commémorations du 19 juillet.

- Maria MONBIOLA (que nous appelions affectueusement Maria Dinamita), dont le mari fut fusillé au maquis de Sept-fond. Elle participa à toutes nos activités publiques jusqu’à son dernier souffle voici quelques années.

Aujourd’hui, certains osent prétendre que les compagnons qui agirent ainsi dans la résistance étaient des réformistes.

Sans doute leurs préfèrent-ils des « grands révolutionnaires », tels que le Syndicaliste révolutionnaire René BELIN, secrétaire général adjoint de fait de la CGT, devenu sous Vichy, ministre du travail, et, à ce titre, un des signataires (avec Pétain, Laval et Darlan) de la loi portant statut des juifs et de la Charte du travail, instituant un corporatisme fasciste.

Sans doute, ceux qui critiquent les résistants anarchistes, préfèrent-ils les révolutionnaires entre guillemets qui basculèrent dans la milice, ou les révolutionnaires, toujours entre guillemets, qui collaborèrent passivement en fermant leur gueule pour ne l’ouvrir qu’après la Libération
.

Pour notre part, nous sommes fiers d’appartenir à une organisation créée par de véritables révolutionnaires qui ont été nombreux à militer à la CNT-AIT jusqu’à leur mort après s’être illustrés en quittant la France pour aller se battre dans la révolution espagnole dès juillet 36 (par exemple Antoine TURMO) et donc beaucoup d’autres firent parti des réseaux de résistance.

A l’heure où certains osent écrire, sur le forum anarchiste par exemple, que « Le nazisme est un humanisme », à l’heure de la montée du Front National, à l’heure ou certains commencent à lui faire allégeance au moins passivement (par exemple à Béziers) nous tenons à rappeler que, pour notre part, notre ascendance politique directe vient de ceux qui, à la fois, ont mené une révolution libertaire en Espagne et qui, en France ont su, les armes à la main et au péril de leur vie, lutter efficacement contre le nazisme.
"Salut Carmela, je suis chez FIAT! Je vais bien... Si,Si, nous pouvons parler tranquillement, c'est Agnelli qui paye!"
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Re: à propos des Anarchistes dans la résistance

Messagede Protesta le Jeu 27 Aoû 2015 20:47

mais aussi...

EMILE TRAVÉ

jeudi 10 juin 2010 par cnt ait

Emile Travé, lutteur acharné de l'Idéal, nous a quitté. Né en
Espagne vers 1915, travailleur du textile dès 14 ans il milite à
la CNT. Pendant la révolution, il intègre la Colonne Durruti.

Passé en France avec la retirada, il est interné dans divers camps
de concentration de la République française. Pendant l'occupation
il participe à la Résistance et prend part en 1945 aux combats
pour réduire les dernières poches nazies de l'Atlantique. Il était
alors membre du Bataillon Libertad, presque entièrement composé de
libertaires espagnols.

En 1946, il participe à la création de la CNT-AIT française dont
il allait être nommé secrétaire, tout en continuant à militer à la
CNT espagnole de l'exil. Dans les années 1960-1970 il profita de
ses voyages pour « affaires de famille » à Rubi pour assurer des
contacts avec les compagnons de l'intérieur. Après la mort de
Franco, il s'oppose à la transformation de la CNT espagnole de
l'exil en une régionale de l'extérieur, qui pour lui n'avait alors
plus de sens, et ne milita plus dès lors qu'à la CNT-AIT
française.

Mais, Emile, c'était avant tout une personnalité entière,
généreuse et chaleureuse. Je me souviens de notre première
rencontre. Nous étions en 1996, dans le bus loué par les
compagnons de Pau pour aller au Congrès de Madrid de l'AIT, où
devait se régler la question de notre dilemme avec la partie
réformiste de la CNT, connue aujourd'hui sous le nom des Vignoles.

Je venais de rejoindre la CNT depuis quelques années, et j'étais
impressionné face à ce que je me représentais comme un « monument
de l'histoire de l'anarchisme du XX siècle ». Mais Emile dissipa
très vite cette impression, tout naturellement : il était allé
directement s'asseoir au fond du bus sur la banquette arrière,
celle des chahuteurs, où nous avons passé le long trajet à parler,
rire et chanter. Arrivé à Madrid, il était là, vitupérant contre
les réformistes. Pendant le congrès, très attentif et clairvoyant,
il déjoua en les exposant publiquement les manuvres de coulisses
des réformistes, alors qu'ils essayaient de faire pression sur
certains vieux délégués (notamment de la FORA) pour qu'ils
changent leur vote.

Il était comme ça Emile : aimant la vie, l'amour, blaguant, poète
à ses heures, capable de grande tendresse comme de colères
énormes, mais toujours sérieux et sans compromis quand il
s'agissait de l'Idéal.

Emile était de ses personnages qui vous marquent pour la vie, un
Don Quichotte de l'idéal. A notre fidèle lecteur, à notre ami,
nous disons au revoir compagnon, que la terre te soit légère.
Puisse ton exemple de lutteur infatigable continuer à nous
inspirer.
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Re: à propos des Anarchistes dans la résistance

Messagede Lehning le Ven 28 Aoû 2015 00:19

Adrienne MONTEGUDET, qui a planquée des juifs roumains dans la Creuse durant la Seconde Guerre mondiale et qui fut secrétaire des Femmes Libertaires à Marseille à la fin des années 30, aidant ainsi des réfugiées espagnoles.

+ d'infos dans le topic: "Une anarchiste aubussonnaise ?"
http://anarchie23.centerblog.net

Salutations Anarchistes !
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Re: à propos des Anarchistes dans la résistance

Messagede bajotierra le Ven 28 Aoû 2015 11:40

Maria MONBIOLA (que nous appelions affectueusement Maria Dinamita), dont le mari fut fusillé au maquis de Sept-fond


Non , il a été fusillé a Ondes

Militant de la Fédération Ibérique des Jeunesses Libertaires (FIJL) Angel Mombiola Allue a été dès le début de la guerre civile volontaire dans la Colonne Durruti où il refusera de commander un bataillon : « Je ne veux commander personne, je veux être un comabattant et rien d’autre ». Opposé à la militarisation il poursuivit la guerre dans un groupe de dynamiteurs jusqu’à la chute du front d’Aragon où il réintégra son ancien bataillon dans la 26è Division (ex Colonne Durruti).

Exilé en France lors de la retirada, il fut interné dans divers camps. A l’automne 1943 il fut réquisitionné et fut interné, semble-t-il, au Fort du Ha (Bordeaux). Puis il participa avec sa compagne, Maria Lozano, à la résistance en Haute-Garonne et fut fusillé le 20 août 1944 avec deux autres compagnons de la CNT, Ricardo Garcia et Francisco Aguado, après avoir été capturé par les troupes allemandes près d’Ondes où le groupe s’apprêtait à faire sauter un pont sur la Garonne.

Un monument à leurs mémoires a été érigé près du lieu où ils ont été fusillés.


http://militants-anarchistes.info/spip.php?article4019
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Re: à propos des Anarchistes dans la résistance

Messagede bajotierra le Ven 28 Aoû 2015 11:40

Maria MONBIOLA (que nous appelions affectueusement Maria Dinamita), dont le mari fut fusillé au maquis de Sept-fond


Non , il a été fusillé a Ondes

Militant de la Fédération Ibérique des Jeunesses Libertaires (FIJL) Angel Mombiola Allue a été dès le début de la guerre civile volontaire dans la Colonne Durruti où il refusera de commander un bataillon : « Je ne veux commander personne, je veux être un comabattant et rien d’autre ». Opposé à la militarisation il poursuivit la guerre dans un groupe de dynamiteurs jusqu’à la chute du front d’Aragon où il réintégra son ancien bataillon dans la 26è Division (ex Colonne Durruti).

Exilé en France lors de la retirada, il fut interné dans divers camps. A l’automne 1943 il fut réquisitionné et fut interné, semble-t-il, au Fort du Ha (Bordeaux). Puis il participa avec sa compagne, Maria Lozano, à la résistance en Haute-Garonne et fut fusillé le 20 août 1944 avec deux autres compagnons de la CNT, Ricardo Garcia et Francisco Aguado, après avoir été capturé par les troupes allemandes près d’Ondes où le groupe s’apprêtait à faire sauter un pont sur la Garonne.

Un monument à leurs mémoires a été érigé près du lieu où ils ont été fusillés.


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Re: à propos des Anarchistes dans la résistance

Messagede bajotierra le Dim 6 Sep 2015 15:54

La rue des frères Lion

Ils ont donné leur nom à une rue du centre ville, mais qui étaient les #Frères_Lion ? Fils de Jean-Louis Lion, fer de lance du mouvement anarchosyndicaliste toulousain au début du XXème siècle, Henri et Raoul Lion étaient imprimeurs à Toulouse dans les années 1930/1940. Eux-mêmes anarchistes et libre-penseurs, ils imprimaient la presse libertaire dans leurs ateliers (dont le principal se situait dans l’actuelle rue Croix-Baragnon. Une grande plaque y commémore leur souvenir). Lorsque les nazis envahissent la France (juin 1940) et avant même qu’ils n’anéantissent la zone dite « libre », ils deviennent immédiatement les principaux imprimeurs de la Résistance. Ils éditaient dans la plus grande clandestinité les tracts et journaux du réseau Combat, du groupe Liberté (composé d’anarchosyndicalistes espagnols exilés à Toulouse) mais aussi d’autres réseaux de résistance (dont ceux de Maurice Fonvielle, de Raymond Naves, d’Adolphe Coll). Les frères Lion imprimaient tout aussi clandestinement des fausses cartes d’alimentation pour les combattants des maquis ainsi que des faux papiers pour sauver les personnes persécutées par la Gestapo et la police locale. Perquisitionnés deux fois par la police qui ne trouve rien dans l’atelier, Henri et sa compagne Amélie sont arrêtés le 4 février 1944 avec tous les travailleurs de l’imprimerie. Raoul est arrêté le 5 février. Un « bon français », un jeune collabo, les avait dénoncés. Emprisonné, torturé, Henri est déporté au camp de concentration de Mauthausen puis assassiné le 21 septembre 1944 par gazage au camp du « Château de Hartheim ». Son frère Raoul avait été assassiné de la même façon neufs jours avant.Ils ont été assassinés alors que Toulouse venait de chasser l'occupant nazi (19 août 1944). Par leur longue action militante les frères Lion ont pris largement leur part dans la Libération de notre ville.


#Un_Autre_Futur supplément d’@anarchosyndicalisme ! n°145
http://www.cntaittoulouse.lautre.net/sp ... rtpage=4-4
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Re: à propos des Anarchistes dans la résistance

Messagede bajotierra le Dim 6 Sep 2015 17:48

Tiens "non fides " reprends un vieux texte de l'AFFRANCHI ( a l'époque revue des amis de l'AIT en Suisse )

http://www.non-fides.fr/?Les-anarchiste ... nols-et-la
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Re: à propos des Anarchistes dans la résistance

Messagede Protesta le Mer 16 Déc 2015 19:50

Image




uan Escoriza Martínez - de la columna Durruti


×Powered By CapricornusEl 14 de diciembre de 1980 muere en Aix en Provence (Provenza, Occitania) el anarquista, anarcosindicalista y resistente antifascista Juan Escoriza Martínez. Había nacido el 27 de octubre de 1917 en Olula de Castro (Almería, Andalucía, España). Con su familia emigró a Puigcerdà (Cerdanya, Cataluña), donde trabajó de albañil y se afilió a la Confederación Nacional del Trabajo (CNT) y la Federación Anarquista Ibérica (FAI). A raíz del golpe fascista, participó en la defensa revolucionaria del 19 de julio de 1936 y luego se enroló como miliciano en la «Columna Durruti». En 1939 cruzó los Pirineos y desde el 9 de febrero de 1939 figuraba en la lista de los militantes anarquistas buscados de la Dirección de Seguridad Nacional francesa. Fue internado en los campos de concentración de Sant Cebrià y de Argelers y luego pasó a trabajar en una Compañía de Trabajadores Extranjeros (CTE) en el pantano de Sent Cirgues la Loira (Lemosín, Occitania). En 1943 fue detenido por los alemanes, trasladado a Briva la Galharda y deportado hacia Alemania. Consiguió saltar del tren en marcha y se integró en el maquis que actuaba en el embalse del Aigle (Auvernia, Occitania).

Con José Berruezo Silvente, José Germán González y Manuel Morey Blanch creó uno de los núcleos más importantes de la CNT en el exilio. Participó, bajo el mando de Juan Montoliu del Campo, en una unidad de guerrilleros enteramente formada por libertarios españoles que actuaba en la zona. Integrado en el «Batallón Didier» del pantano del Aigle de las Fuerzas Francesas del Interior (FFI), dependiendo de la Organisation de Résistance del Armée (ORA, Organización de Resistencia del Ejército), participó en numerosas operaciones, especialmente en el camuflaje de vehículos y de armas en la zona de Clermont de Auvernia, en la recuperación de numerosos paracaidistas y en varias misiones clandestinas. Participó en los combates de la Liberación y el 10 de diciembre de 1944 fue desmovilizado. Durante la posguerra trabajó en la construcción de pantanos y en la penetración de túneles en Marinhana (Provenza, Occitania) y en 1969 se retiró minado por la silicosis.

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Re: à propos des Anarchistes dans la résistance

Messagede Protesta le Mer 16 Déc 2015 19:55

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Re: à propos des Anarchistes dans la résistance

Messagede SOLIDARITE le Jeu 18 Aoû 2016 23:03

le premirr acte de resistance en france fut certainement les tentatives de may picqueray aidee de sa fille et de compagnons de la cgt sr de toulouse (dont victor nan) pour extirper des militants anars du camp d internement du vernet et ce des l automne 40. les archives du camp du vernet sont tres instructives a cet egard, ainsi que les rapports de police sur la surveillance du mouvement anarchiste pendant la periode.
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Re: à propos des Anarchistes dans la résistance

Messagede Lehning le Dim 21 Aoû 2016 20:31

Bonsoir !

On peut aussi jeter un œil dans le topic "Un regard noir" qui est grandement consacré aux actes de résistance anarchiste durant la Seconde Guerre mondiale.
Il y est question notamment évidemment de May Picqueray et de sa fille Sonia Malkine.

Salutations Anarchistes !
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Re: à propos des Anarchistes dans la résistance

Messagede Protesta le Dim 18 Sep 2016 13:11

3 Septembre 2015

Publié par Patrick Granet
Les anarchistes espagnols et la résistance

« Ce n’est pas la patrie française qui est en danger, ni la liberté de la France qui est en jeu, c’est la Liberté, la culture et la paix mondiale »
Francisco Ponzan Vidal, dit « François Vidal », militant de la CNT, résistant exécuté par les nazis le 17 août 1944.

Sommaire

Un mouvement qui s’organise
La présence des anarchistes
L’UNE, l’hégémonie dans le (…)

Les espagnols sont plus de 500’000 à fuir Franco entre le mois d’août 1938 et le 12 février 1939. Parmi eux, beaucoup de miliciens aguerris aux armes et à la guerre, la tête pleine de compagnons tombés au front, d’amies violées, de parents massacrés ; des combattants défaits qui ne survivent que par leur haine du fascisme, sous la neige, dans des prés entourés de barbelés où sévit la dysenterie et la famine, appelés déjà « camps de concentrations », symbolisant à eux seuls l’hospitalité française fidèle à l’attitude criminelle des démocraties occidentales vis-à-vis du peuple espagnol durant la guerre civile. Ces militants ont eu du poids dans la résistance, un poids que l’on cache souvent. Pourtant la célèbre 2ème Division Blindée (DB) du Général Leclerc est composée d’espagnols à plus de 60% ; dans tous les maquis, ils sont des premiers résistants.

Parmi eux, les anarcho-syndicalistes — courant majoritaire durant la guerre civile — sont encore présents dans la lutte en France. Il n’est pas simple de suivre leur trajectoire. La victoire de Franco, c’est d’abord leur défaite militaire et politique. Durant toute la résistance (et même après) l’empreinte de cette défaite influe sur les décisions prises et celles qui ne le sont pas… Ce courant est aussi celui qui a le plus souffert et qui souffre encore, car il est isolé. Dans les camps, les militants du PCE noyautent les instances avec l’aide du PCF et discriminent les anarchistes. Par ailleurs, le gouvernement français les hait plus que tout et certains de leurs représentants les plus illustres, comme Juan Peiro, sont livrés à Franco par Dalladier et fusillés. Le courant anarcho-syndicaliste doit se réorganiser, il a du mal ; il doit faire face à une situation nouvelle… Comme toujours, dans les organisations libertaires, le vide organique est remplacé par la spontanéité des militants qui finissent par réorganiser le mouvement. Cela pose aussi des problèmes à qui veut en faire une rétrospective : la complexité due à la multitude des expériences parfois contradictoires.

Deux périodes distinctes apparaissent : la période de réorganisation où il faut faire la distinction entre le mouvement qui s’organise et l’action concrète des militants dans la lutte ; et la période des huit derniers mois avant la libération où se pose le problème d’adhérer ou non à la Union Nacíonal Española (UNE). Une organisation tenue par les militants du parti communiste espagnol (PCE) et du parti socialiste unifié de Catalogne (PSUC) qui se veut hégémonique parmi les résistants espagnols.
Un mouvement qui s’organise tant bien que mal

Dès le 25 février 1939, le mouvement tente de se réorganiser. Le comité national de la CNT et les comités péninsulaires de la FAI et de la FIJL [1] s’unissent dans une seule et même organisation : le Mouvement libertaire en exil (MLE). Dans le Conseil général du MLE, figurent des noms déjà célèbres et qui ont de l’importance durant toute la période tels que : Germinal de Souza, Mariano Rodriguez Vasquez, Gresco Isgleas, Germinal Esgleas (compagnon de Frederica Montseny), Pedro Herrera, Juan Gallego Crespo et Juan Manuel Molina (Juanel) qui est responsable des liaisons avec les camps de concentration. Par la suite et durant la guerre, le MLE s’organise, s’étend par le biais de plusieurs commissions en zone libre et en zone occupée qui représentent des groupes de militants affiliés dans des villes ou des lieux géographiques. Ainsi une des commissions les plus actives dans la reconstruction du mouvement libertaire est celle du Barrage de l’Aigle où, nous le verrons, le maquis est tenu par la CNT espagnole.

Il faut souligner que les mêmes militants sont partie prenante de la résistance et de la réorganisation du mouvement, ce qui est peu adéquat à l’action clandestine. Ainsi actions armées et structures organiques se chevauchent parfois, ce qui a des conséquences fâcheuses lors des arrestations. D’autant que le gouvernement de Vichy a fait de la neutralisation du MLE une priorité. Ainsi, dès fin 1941, la répression s’abat sur le MLE. C’est le premier mouvement de résistance espagnol qui subit un tel coup (les autres subissent le même sort par la suite). Les principaux responsables du MLE, c’est-à-dire les militants les plus aguerris qui ne sont pas encore emprisonnés ou morts, sont arrêtés. On reconnaît les noms de Germinal Esgleas (secrétaire du MLE), Federica Montseny, Germinal de Souza (secrétaire de la FAI), Francisco Isgleas Pierman, Valerien Mas Casas, Pedro Herra Camarero (membre du Comité péninsulaire de la FAI et délégué au Conseil général de SIA [2]) ainsi que des membres des « amis de Londres » (des anarchistes qui ont préféré agir directement avec les Anglais) tels que Manuel Gonzalez Marin « Marin Manuel », Eduardo Val Basco et Francisco Ponzan Vidal (dont nous reparlerons). Les premiers sont déportés en Afrique, afin de prévenir les tentatives d’évasions et empêcher tout contact avec le MLE. Celui-ci met du temps à se réorganiser après un tel coup.

Ce n’est que le 6 Juin 1943 qu’a lieu un plénum [3] du MLE où, pour la première fois, on aborde le thème de l’action conjointe avec la résistance française. Mais ce plénum n’apporte pas de solution. Il faut faire ici une parenthèse pour expliquer les problèmes qui se posent alors dans l’organisation. Cela nous évitera de tomber dans quelques erreurs faites par bon nombre d’historiens même aussi honnête que Marie-Claude Rafaneau Boj.

Le Mouvement Libertaire voit apparaître, dans ce plénum, deux tendances distinctes qui vont s’affronter durant une dizaine d’années allant jusqu’à la scission. Il s’agit d’une part, de la tendance « collaborationniste » ou « politique » et d’autre part, de la tendance « maximaliste » ou « apolitique » (c’est-à-dire anti-politique). Les premiers affirment que les conditions historiques de la guerre d’Espagne sont toujours d’actualité et que, par conséquent, la CNT doit prendre part au gouvernement républicain en exil, dans le cadre d’une stratégie frontiste de reprise de l’Espagne ; les seconds considèrent qu’il faut revenir aux positions rupturistes de la CNT et baser le renversement de Franco sur un combat insurrectionnel du peuple espagnol. Cette deuxième tendance souligne qu’il faut analyser les leçons de la défaite.

Ces deux tendances sont très marquées et le MLE se trouvera par la suite avec deux comités à sa tête : celui de Juanel (du nom d’un des leader du courant collaborationniste) et celui de Bézier (composé par les « apolitiques »). L’erreur trop répandue est de calquer sur ces deux tendances, les positions pour ou contre l’action dans la résistance française. On croit souvent que les « collaborationnistes » appelaient à rentrer dans la résistance alors que les « apolitiques » refusaient de prendre part à une guerre bourgeoise entre des gens qui avaient laissé massacrer le peuple espagnol. Or la réalité est bien différente. Le sous-comité national (comité de la zone occupée) qui regroupe les deux tendances pour cette partie du territoire français se prononce contre l’entrée dans la résistance dans des proportions qui ne recoupent pas le poids respectif des deux tendances en présence. Il y aurait beaucoup de recherches à faire pour retracer une ligne exacte de ce qui s’est passé au sein du MLE vis-à-vis de la résistance, indépendamment des autres problèmes que se posait le mouvement. Par contre, au plénum de Marseille, en décembre 1943, le MLE conseille « à tous les militants de la CNT et du MLE de rejoindre la résistance française plutôt que de se laisser emmener en Allemagne » [4].

Le MLE venait d’entériner une situation de fait, puisque bon nombre de militants avaient déjà rejoint la résistance française. Mais nous le verrons tout à l’heure, la réorganisation tardive du MLE qui l’amène à ratifier des situations de faits, au lieu d’agir directement sur le cours des choses, le met dans une situation difficile dans les derniers mois de la guerre lorsque l’UNE aura des prétentions hégémoniques.
La présence des anarchistes.

Dans les maquis, dans les réseaux, à Londres, dans la 2ème DB du général Leclerc, les anarchistes espagnols ont joué un rôle important dans la libération de la France et de l’Allemagne. Ils l’ont fait par conviction anti-fasciste, mais aussi dans l’espoir que De Gaulle tiendrait sa promesse : ouvrir les frontières et chasser Franco. Les grands hommes ont le geste noble : les Espagnols morts pour la France ont reçu des médailles, leurs noms sont gravés sur les monuments aux morts. Comme une insulte, chaque 8 mai, cynique, une gerbe tricolore vient honorer leur sacrifice. En 1945, De Gaulle a envoyé un émissaire pour normaliser les relations avec le Caudillo. En 1975, Franco est mort dans son lit, toujours au pouvoir, 30 ans après…

Parmi les nombreux militants anonymes, certains ont joué un rôle important dans la guerre d’Espagne, d’autre resteront à jamais inscrits dans les pages de la résistance. Ainsi Antonio Ortiz s’engage dans les corps francs d’Afrique, blessé il est hospitalisé, avant de repartir dans les « commandos d’Afrique » du Général Leclerc, puis dans le premier bataillon de choc comme instructeur du premier commando lourd. Il débarque à Saint-Tropez, participe à la bataille de Belfort et fait la campagne d’Allemagne où il est grièvement blessé. Ortiz n’est pas un inconnu de l’histoire de l’Espagne, le 24 juillet 1936, juste après la colonne Durruti, il avait pris la tête de la colonne de la CNT-FAI qui a porté son nom. C’était la deuxième colonne qui s’est levée contre Franco. Ces deux colonnes réalisèrent ce que personne d’autre ne fît : elles reprirent durablement du terrain sur les factieux (sur le front d’Aragon).

Ramon Villa Capdevilla avait lui aussi montré son courage durant la guerre civile. Il s’enfuit du camp d’Argelès et devient, en 1940, un des tous premiers résistants de la région. Il est plus connu sous le surnom de « commandant Raymond ». Spécialiste en explosif, son aide est précieuse pour le déraillement des trains, il commande deux cents résistants espagnols. Ce sont eux qui anéantissent la garnison qui avait massacré les habitants d’Oradour. Lui et ses compagnons rejoignent ensuite le bataillon « Libertad ». Ramon Villa Capdevilla est mort en 1963, dans une rixe avec des franquistes, alors qu’il était un des meilleurs passeurs d’hommes de la CNT et que depuis 1945, il faisait partie des groupes d’action qui n’ont de cessé de harceler le régime franquiste.

Enfin, avant de parler des résistants anarchistes espagnols de façon plus générale, il nous faut encore évoquer le parcours d’une figure exemplaire, qui fut la pierre angulaire du plus grand réseau de passeurs de la résistance, le réseau Pat O’Leary. Il s’agit de Francisco Ponzan Vidal, plus connu sous le nom de François Vidal. Militant de la CNT, il avait été responsable d’une comarcal [5] de la CNT en Aragon durant la guerre civile, puis il avait fait partie du groupe « Libertador » de la CNT, spécialisé dans la recherche d’informations militaires et dans les actions de sabotage derrière les lignes franquistes. Ce groupe fut, par la suite, intégré aux services secrets de la République espagnole. A partir de mai 1939, Vidal organise un réseau de passeurs d’hommes dans les Pyrénées pour faire sortir d’Espagne les militants en danger. Dès le début de la guerre ce groupe de cénétistes se met au service de la résistance et travaille activement avec l’Intelligence service et le Bureau central de renseignement et d’action (BCRA) de Gaulle, mais aussi avec le réseau Sabot et le groupe Combat. Ce réseau permet l’évasion de 1’500 personnes dont plus de 700 aviateurs alliés [6] et le passage de nombreux documents (sans compter tout ce qui sert la CNT et la lutte anti-franquiste). Le réseau couvre une zone qui va de Bruxelles à Lisbonne. Fait prisonnier en 1944 par la police française, Francisco Ponzan Vidal est livré aux Allemands et exécuté le 17 août 1944 par les nazis qui gardent la prison où il est enfermé à Toulouse.

D’une manière générale les anarcho-syndicalistes ont participé à pratiquement tous les réseaux de passeurs des Pyrénées (on en décompte une vingtaine). On les voit aussi dans les maquis. Voici la liste de ceux où leur présence fut suffisamment significative pour laisser des traces : le maquis de Dordogne, de la Montagne Noire, de Querigut (dans l’Aude), les maquis de l’Aveyron, du Pic Violent, de Savoie, les maquis du Lot, de Loches, de Belves, de l’Isère, de la Gouzette (Saint Girons), de Privas, les maquis du Cantal et de Corrèze, de Maleterne, de Bagnères, des Landes, du Rouergue, des Glières, du Limousin, le maquis Bidon 5 et le maquis du Vercors et n’oublions pas le maquis du COFRA (à moitié cénétistes) et du Barrage de Aigle (où les anarchistes sont hégémoniques).

Nous connaissons la présence d’anarchistes dans d’autres maquis, mais il s’agit souvent d’individus essaimés de-ci de-là sans lien entre eux. Notons aussi leur présence dans le réseau Robul Alfred et leur présence massive dans le Bataillon de la mort. Certains se retrouvent avec des responsabilité comme La Rey, membre de la CNT et responsable de la résistance à Montluçon ou Emilio Castro Ballesta qui, avec sa compagne, le commandant Pariset et l’épouse de Tavet dirigent, à l’arrestation de ce dernier, le maquis du Limousin. Dans le Gers, la moitié des résistants de l’UNE sont confédéraux et ce n’est pas un cas isolé. Faute d’organisation nationale de résistance, les anarchistes apparaissent peu, bien qu’ils soient très présents. Citons tout de même le maquis du Barrage de L’Aigle, dirigé par José German Gonzalez militant de la CNT, qui est un haut lieu de la reconstruction de la CNT en exil et un des maquis les plus actifs de la résistance. Ce maquis est pratiquement à 100% confédéral, tout comme le maquis de Bort les Orgues. D’une manière générale, les maquis du Massif Central sont en forte proportion composés d’anarchistes espagnols tout comme ceux issus des chantiers de barrages sur la Dordogne, des barrages de Marèges et de Chastang.

Bon nombre de ces maquisards se retrouveront dans le bataillon « Libertad » sous la responsabilité de l’anarchiste Santos. Ce bataillon atteint par la suite la pointe de Grave et libère le Lot et Cahors. Enfin, la présence anarchiste est particulièrement remarquable (et superbement ignorée) dans la 2ème DB du Général Leclerc. A plus de 60% espagnole, la 2ème DB compte bon nombre d’anarcho-syndicalistes tant et si bien qu’ils sont hégémoniques dans la 9ème compagnie du 3ème RMT, « la nueve », uniquement composée d’espagnols à l’exception du Capitaine Dronne qui la commande. C’est elle qui rentre la première dans Paris. Les premiers blindés portent des noms qui rappellent l’Espagne, les deux premiers se nomment « Ascaso » et « Durruti » rappelant les illustres solidarios (militants de la CNT), un autre s’appelle « Casas Viejas » pour ne pas oublier la répression anti-cénétiste de 1931 et un autre encore « Teruel » en référence à une grande bataille de la guerre civile. Les militants de la CNT-FAI sont bel et bien présents, la nueve installe un premier canon, nommé « El Abuelo », dans l’Hôtel de ville de Paris ainsi que le premier drapeau… ironie du sort. Cette présence est complètement occultée par bon nombre d’historiens tel Lapierre et Collins dans Paris brûle-t-il ? (édition R. Laffont 1964), Adrien Dansette dans Histoire de la libération de Paris (édition Fayard, 1946) où encore Henri Michel dans La libération de Paris (édition Comps, 1980). Même le Capitaine Dronne semble frappé d’amnésie dans son livre La libération de Paris alors que dans son journal de marche, il évoquait abondamment les combattants issus de la CNT-FAI [7]. Les six derniers mois de la guerre sont ceux d’un courage qui est effacé par un manque d’organisation nationale en réseau de résistance, qui condamne les anarchistes à l’oubli, pour certains à la mort.
L’UNE, l’hégémonie dans le sang

Le mouvement libertaire est empêtré dans ses problèmes internes qui tournent autour de la question de savoir s’il faut participer ou non au gouvernement de la république espagnole en exil. La défaite contre Franco est encore dans tous les esprits et la question gouvernementale, qu’il aurait fallu trancher en juillet 1936, les anarchistes se la posent toujours au point de négliger des aspects importants. Le plus dramatique est certainement cette absence totale d’organisation des anarcho-syndicalistes espagnols en tant que corps dans la résistance. Rien pour faire valoir leurs droits, aucune structure pour assurer l’arrivée d’armes, de ravitaillement : les anarcho-syndicalistes se sont fondus dans la résistance comme nul autre, sans se soucier un seul instant de leurs intérêts propres.

D’autres sont plus réalistes. Les communistes dirigent la UNE qui se veut hégémonique et se présente comme « l’unique mouvement de résistance espagnole ». Sur un plan historiographique, cette situation a permis aux historiens de passer allègrement sur la complexité des courants d’idées qui animaient les résistants espagnols en les décrivant comme de simples anti-franquistes voire carrément des communistes. Cette conséquence n’est que la moins dramatique, car les volontés hégémoniques de l’UNE ne s’arrêtent pas là.

Les militants anarchistes n’ont pas rejoint unanimement la UNE. Certains y sont rentrés à contre cœur, d’autres dans l’idée de contrecarrer l’influence des communistes, tels les militants de la Agnupacíon Cenetista en la Union Nacional (ACUN). Si certains, quoique méfiants, sont tentés par la reconquête de l’Espagne proposée par la UNE, beaucoup d’anarchistes y adhèrent sous la menace et par peur des représailles. Les groupes de militants les plus avertis ont préféré intégrer les Forces françaises de l’intérieur (FFI), notamment dans le bataillon « Libertad ». Il faut souligner ici le travail essentiel fait dans ce sens par José German Gonzalez, commandant du maquis du Barrage de l’Aigle qui organisa, à travers les Groupes de travailleurs étrangers (GTE), l’entrée des cénétistes directement dans la résistance française.

C’est que les réticences envers la UNE étaient grandes. Comme le disait Pierre Bertaux très cyniquement « le Parti communiste n’a pas de rancune, il n’a que des tactiques ». La phrase convient à merveille au Parti communiste espagnol. On trouve dans la UNE des communistes certes, mais aussi des anti-franquistes très tardifs comme certains requetes, ces monarchistes absolutistes qui ont toujours brillé par leur conservatisme, et aussi les membres de la CEDA de Gil Robles. La CEDA, c’est la droite espagnole qui était au pouvoir durant le bieno negro, ces années de toutes les répressions anti-anarchistes d’avant 1936, quand le mot d’ordre était « pas de blessé, tirez au ventre ». Les anarcho-syndicalistes espagnols ont tous en tête les actes de répression d’avant la guerre, au point que « Casas viejas » transpire sur leurs chars. Et surtout la UNE est tenue par les communistes, ceux qui ont tué Berneri, Nin et tant d’autres. La UNE, c’est le gouvernement de Negrin, c’est la telefónica… [8]

La suite des événements va prouver que les inquiétudes des anarchistes n’étaient pas vaines. La UNE se sert d’appuis pour éliminer ses adversaires de toujours. Le 20 septembre 1944, Santos, qui dirige le bataillon « Libertad », reçoit l’ordre du colonel Ravanel de transférer 350 de ses hommes à la UNE. En même temps, l’ordre est donné de ne plus ravitailler le bataillon « Libertad ». En cas de refus, le bataillon devait être désarmé par la UNE. Celui-ci préfère alors se dissoudre. Mais la UNE n’en reste pas là, elle fait pression, elle menace et elle tue ceux qui ne veulent pas se joindre à elle (anarchistes en particulier mais pas seulement, on connaît des cas de socialistes qui subirent le même sort). Angel Aransaez, secrétaire du comité régional CNT de l’Aveyron dénombre pour son département 56 exécutions sommaire. On en compte 13 dans l’Aude (crimes que des ex-guerilleros de la UNE avoueront en octobre 1953). Certains meurtres sont relatés dans Le Républicain du Midi d’août et novembre 1944. Tous sont commis sur des résistants socialistes et anarchistes en conflits avec la UNE. A Lavelanet, Francisco Alberich et Mercedes Miralles sont retrouvés morts après avoir été appréhendés par des guérilleros de la UNE. A Manse dans l’Ariège, Belmonte, anarchiste responsable d’une exploitation forestière où se cachent des réfractaires est abattu avec son compagnon Molina pour avoir refusé que la UNE vienne contrôler leur organisation. On peut aussi s’interroger sur toute la série d’exécutions sommaires d’anarchistes commises par des inconnus dans le Lot, dont celle de l’agent de liaison de tous les maquis du Lot : José Mana dit « Martins ». A Saint Girons, Royo et un de ses compagnons de la CNT, qui étaient en conflit avec la UNE, échappent miraculeusement à l’incendie et le mitraillage de la maison de Royo. Sa compagne, ses deux enfants et trois de ses amis n’ont pas eu la même chance… En Août 1945, Antonio Tellez, militant de la FIJL, lieutenant de la 9ème brigade des FFI de l’Aveyron, avertit Angel Aransaez que la UNE a prévu d’envoyer un commando à Decazeville, contre le Comité Régional de la CNT. Le capitaine espagnol Bariso, traducteur du commandant français du 412ème GTE, est enlevé. Aransaez va voir le responsable de la résistance Degoy dit « Valzergues » qui lui déclare « pas d’objection pour les traîtres ». Ce qui montre une fois de plus la collusion de certaines instances de la résistance avec la UNE. Aransaez et les principaux responsables de la CNT sont arrêtés par les Francs tireurs et partisans, mais ils sont libérés sous la pression des résistants libertaires qui les menacent d’insurrection armée (Aransaez était dans les FFI au barrage de l’Aigle).

Toute une série de cas similaires ont été répertoriés. On peut consulter à ce sujet Les dossiers noirs d’une certaine résistance, (Perpignan, Ed du CES, 1984) ainsi que le livre de Marie-Claude Rafaneau Boj, Odyssée pour la liberté. Les camps de prisonniers espagnols (Paris, Denoël, 1993) dans lesquels sont relatés les cas les plus flagrants, mais ces ouvrages ne tiennent pas compte de tous les charniers inconnus et de toutes les disparitions. Il est un fait historique qui prouve la gravité et l’importance de ces méthodes expéditives. Il s’agit du rassemblement de l’essentiel du camp républicain espagnol qui se réalise contre la UNE. Cette union se fait au sein de la Alianza Democratica Española (ADE) avec la participation de la Gauche républicaine, de l’Union républicaine, du Parti républicain fédéral démocratique, du Parti socialiste ouvrier espagnol, de la Gauche républicaine de Catalogne, du mouvement libertaire et des centrales syndicales UGT et CNT. L’ADE dénonce les agissements de la UNE au gouvernement provisoire de la République française en mentionnant, dans un communiqué officiel en 1944, toute une série d’exécutions sommaires, détentions abusives, pressions en tous genres perpétrées par la UNE.

Fin 1944, la famille Soler est brûlée vive dans sa ferme. Le fils en réchappe et parvient à contacter la CNT. Un plénum national est organisé et un ultimatum des plus menaçants est adressé au PCE : « à partir de cette communication, la CNT n’est plus disposée à tolérer ni une brutalité, ni un attentat de plus. Elle rend directement responsable la direction du PCE en la personne de ses dirigeants de ce qui pourrait arriver ». La vague d’attentats s’arrête…

Après ce bref aperçu qui ne prétend pas couvrir l’ensemble de la réalité, on peut se faire une idée de la complexité de la période, une complexité accentuée par la situation d’un mouvement libertaire qui se cherche, qui n’est pas remis de sa défaite. Le mouvement est en pleine reconstruction avec tout ce que cela implique de conflits, il n’a pas l’efficacité nécessaire au niveau national, ne serait-ce que pour protéger ses militants. Dans le même temps, les militants qui le composent sont des combattants aguerris, qui ont des réflexes de lutte, d’organisation clandestine au niveau local et qui sont très précieux pour la résistance.

Si bien que l’on se retrouve devant un paradoxe : le mouvement libertaire est en plein dans la résistance, mais ses préoccupations semblent ailleurs, dans un passé récent qu’il cherche à comprendre. Cela lui coûte cher… mais il n’a pas fini de souffrir. Pire que la lutte, il y a l’exil. Un exil de quarante ans, d’une vie.

Qu’ils étaient dignes ces Espagnols que l’on rencontrait parfois dans la rue (que l’on rencontre encore quand on a de la chance). Souvent raillés, souvent pauvres. Ils n’ont pas haï les Français, ils n’ont pas confondu la trahison de ceux qui dirigent à la bête ignorance du petit qui subit. Ils ne lui ont même pas reproché son ignorance. On a laissé Franco les massacrer, bourgeoisement, poliment, sans trop de vagues. On leur a promis l’Espagne pour qu’ils apprennent aux Français à se battre. On a envoyé des émissaires auprès de Franco. Et quand, ces résistants anarchistes espagnols qui se sont battus pour la France, les Sabaté, les Facerias, les Ramon Capdevilla, plutôt que de se venger sur ceux qui les ont toujours trahis, sont repartis combattre Franco, seuls avec ceux d’Espagne qui maîtrisaient encore leur peur, les gouvernements français de la quatrième et de la cinquième République, les ministres de l’intérieur de ces gouvernements de gauche comme de droite, « résistants » comme Mitterand, ces gouvernements ont collaboré avec la police franquiste et ont permis qu’ils soient abattus comme des chiens. Honneur aux braves !

[Extrait de L’Affranchi n°14, printemps - été 1997.]
P.-S.

Complément bibliographique

J. Borras, Politicas de los exilados españoles, 1944-1945, Paris, Ruedo Ibérico, 1976.
A. Tellez Sola, Sabaté, Toulouse, Repère-Siléna, 1990.
Les anarchistes espagnols dans la tourmente (1939-1945), Bulletin du Centre international de recherche sur l’anarchisme, Marseille, 1er trimestre 1989.
F. Montseny, Seis años de mi vida (1939-1945), Barcelone, Ed. Galba, 1978.
D. Wingeate Pike, Jours de gloire, jours de honte : le parti communiste d’Espagne en France…, Paris, SEDES, 1984.

Notes

[1] Confédération nationale du travail (CNT) qui constitue l’organisation syndicale, la Fédération anarchiste ibérique (FAI) et la Fédération ibérique des jeunesses libertaires (FIJL).

[2] Solidarité internationale antifasciste (SIA) est une organisation de soutien à la lutte antifranquiste qui est proche de la CNT espagnole. Après la guerre, des personnalités comme Jean Rostand, Louis Lecoin et Albert Camus adhèrent à SIA

[3] Dans les organisations libertaires espagnoles, le plénum réunit les délégués mandatés par leurs régions respectives et les organes représentatifs de l’organisation (tel le Comité national) dont le mandat et le travail est alors vérifié. Le plénum gère administrativement l’organisation, donne des directives et peut prendre des décisions ponctuelles.

[4] Déclaration du plénum de Marseille du MLE (déc 1943).

[5] Une comarcal est un regroupement de fédérations locales de la CNT espagnole, que l’on pourrait comparer, par la taille, à une union départementale.

[6] Sur le réseau Pat O’Leary, voir Henri Michel, La guerre de l’ombre, Paris, Grasset, 1970.

[7] Ce journal de marche est reproduit par Antonio Villanova dans son livre Los Olvidados, Paris, Ruedo Iberico, 1969, pp. 371-450.

[8] Camillo Berneri, anarchiste italien et Andres Nin, leader du Partido obrero de unificacíon marxista(POUM) furent assassinés à la suite des événements de la centrale téléphonique de Barcelone, en mai 1937, lorsque les communistes lancèrent une offensive contre le POUM et la CNT-FAI.
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Re: à propos des Anarchistes dans la résistance

Messagede Protesta le Dim 18 Sep 2016 13:51

Le Mouvement Libertaire voit apparaître, dans ce plénum, deux tendances distinctes qui vont s’affronter durant une dizaine d’années allant jusqu’à la scission. Il s’agit d’une part, de la tendance « collaborationniste » ou « politique » et d’autre part, de la tendance « maximaliste » ou « apolitique » (c’est-à-dire anti-politique). Les premiers affirment que les conditions historiques de la guerre d’Espagne sont toujours d’actualité et que, par conséquent, la CNT doit prendre part au gouvernement républicain en exil, dans le cadre d’une stratégie frontiste de reprise de l’Espagne ; les seconds considèrent qu’il faut revenir aux positions rupturistes de la CNT et baser le renversement de Franco sur un combat insurrectionnel du peuple espagnol. Cette deuxième tendance souligne qu’il faut analyser les leçons de la défaite.

Ces deux tendances sont très marquées et le MLE se trouvera par la suite avec deux comités à sa tête : celui de Juanel (du nom d’un des leader du courant collaborationniste) et celui de Bézier (composé par les « apolitiques »). L’erreur trop répandue est de calquer sur ces deux tendances, les positions pour ou contre l’action dans la résistance française. On croit souvent que les « collaborationnistes » appelaient à rentrer dans la résistance alors que les « apolitiques » refusaient de prendre part à une guerre bourgeoise entre des gens qui avaient laissé massacrer le peuple espagnol. Or la réalité est bien différente. Le sous-comité national (comité de la zone occupée) qui regroupe les deux tendances pour cette partie du territoire français se prononce contre l’entrée dans la résistance dans des proportions qui ne recoupent pas le poids respectif des deux tendances en présence. Il y aurait beaucoup de recherches à faire pour retracer une ligne exacte de ce qui s’est passé au sein du MLE vis-à-vis de la résistance, indépendamment des autres problèmes que se posait le mouvement. Par contre, au plénum de Marseille, en décembre 1943, le MLE conseille « à tous les militants de la CNT et du MLE de rejoindre la résistance française plutôt que de se laisser emmener en Allemagne » [4].
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