Les Anarchistes, le sionisme et la naissance d'Israel

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Les Anarchistes, le sionisme et la naissance d'Israel

Messagede bajotierra le Ven 28 Fév 2014 17:20

LES ANARCHSITES, LE SIONISME , ET LA NAISSANCE DE L'ETAT D'ISRAEL
SYLVAIN BOULOQUE

Il peut sembler paradoxal d'entendre un militant anarchiste expliquer " j'éprouve une profonde fidélité pour l'État d'Israël ". Ce militant, Nikola Tchordadieff [1] est né le 23 octobre 1900 à Plodiv en Bulgarie. Il commence à militer très jeune dans le mouvement libertaire. Il se réfugie en France en 1923, après le coup d'État, où il rejoint les rangs libertaires et participe aux activités des groupes anarchistes juifs de Paris. Après avoir été résistant, il reprend son action. Décédé le 6 juillet 1994, il avait souhaité que ses cendres soit transférées en Israël. Ce lien est révélateur d'une sensibilité particulière. En effet, les anarchistes n'adhèrent qu'exceptionnellement à une conception étatiste. Dès la naissance du sionisme politique, cette question nationale se pose aux libertaires et provoque d'âpres débats. Ces polémiques rebondissent au gré des événements. Lors de la naissance de l'État d'Israël, les anarchistes adoptent une position officielle. Ils refusent la guerre au Proche-Orient et apparemment la création d'un nouvel État. Cependant l'expérience des kibboutzim, qui renvoie par analogie aux images des collectivités agricoles de l'Espagne révolutionnaire, suscite une très vive sympathie.

LES DEBATS SUR LE SIONISME

Les anarchistes confrontés à l'affaire Dreyfus, et à sa conséquence directe la naissance du sionisme politique, prennent position. Bernard Lazare théorise le sionisme libertaire, dont les options divergent de celles Théodore Herzl. Il n'évoque pas l'idée d'un État juif, mais d'une nation juive. Dans son sillon, d'autres militants libertaires comme Henri Dorr [2] ou Mécislas Golberg [3] deviennent sionistes [4]. Leurs déclarations engendrent de vives réactions chez les autres militants. Cependant, chez les pères fondateurs de l'anarchisme - à l'exception de Proudhon - la nation est reconnue comme une entité intrinsèque à toute entité humaine. C'est sa forme étatique qui est condamnée. Cette nuance disparaît chez leurs épigones, pour la grande majorité des militants français, qui raisonnent dans le cadre d'un État-nation déjà constitué, et gomment les dimensions spécifiques de la question nationale. Certains dénoncent un nouveau nationalisme : la spécificité juive renie l'aspiration à l'universalité anarchiste [5], d'autres encore ne sont pas hostiles à l'idée d'une nation juive, mais ils estiment que le départ vers la Palestine n'est pas la meilleure des solutions : ils jugent le climat hostile [6] et pensent que la révolution sociale qui serait privée par le départ des juifs de nombre de révolutionnaires actifs.[7]
Le débat naissant s'estompe lorsque s'achève l'Affaire Dreyfus. Le mouvement libertaire maintient dans son ensemble un discours conventionnel et refuse, à ceux qui proposent un renouvellement de la pensée anarchiste, le droit de parler en son nom. Si la question du sionisme resurgit périodiquement, elle est traitée de manière marginale, les anarchistes ne s'en préoccupent guère. Après la Première Guerre mondiale, les libertaires portent une attention plus soutenue aux événements internationaux, du fait de l'arrivée de militants anarchistes expulsés de nombreux pays. C'est seulement au cours des années 1930, que le mouvement anarchiste se penche à nouveau sur le sionisme. L'Encyclopédie anarchiste, dirigée par Sébastien Faure [8], qui paraît entre 1930 et 1934, comporte quatre notices ayant trait au sionisme (Israélites, Ghetto, Judaïsme et Sionisme). Ces articles développent une thématique identique : le sionisme est un mouvement généreux, qui permet d'échapper aux persécutions et qui par la colonisation agricole et les fermes collectives rend possible un développement égalitaire de la société, mais qui dans le même temps ajoute des barrières nationales, entrave à une possible révolution. Le discours libertaire n'évolue pas : le sionisme est une idée noble mais la révolution reste le premier des impératifs. Les libertaires ne conçoivent le monde que dans un processus révolutionnaire.

Les conflits de 1936-1939 en Palestine modifient le discours libertaire. Ainsi, Jules Chazoff [9] s'en prend violemment au sionisme à travers deux articles, qui paraissent dans le Libertaire, dans lesquels il dénonce la mainmise des sionistes sur la Palestine et l'exploitation dont seraient victimes les Arabes. Pour lui, le soutien aux opprimés n'est qu'une des facettes de la lutte révolutionnaire, le sionisme représente à ses yeux un détournement de l'idée même de révolution. La parution du premier de ces articles provoque la réaction du Groupe anarchiste juif de Paris [10]. Ses militants rappellent, comme Bernard Lazare un demi-siècle auparavant, que le sionisme est une étape émancipatrice, prémices des révolutions futures. Ce sont les ultimes débats de l'avant guerre.

LA NAISSANCE DE L' ETAT D' ISRAEL

Dans l'immédiate après guerre, trois organes composent, pour l'essentiel, la presse libertaire : Le Libertaire, représentant de tous les anarchistes, Le Combat syndicaliste, d'orientation anarcho-syndicaliste et Ce qu'il faut dire, de tonalité pacifiste [11]. La naissance de l'État d'Israël suscite de nombreux articles. Les libertaires cherchent répondre aux questions liées à la guerre, aux enjeux internationaux, à la naissance d'un État, et corrélativement s'interrogent sur la possibilité d'une présence anarchiste au Proche-Orient.
Un article présenté comme un reportage effectué en Israël présente un panorama de la situation. L'auteur ne fait qu'évoquer la présence libertaire : " Les anarchistes, eux, diffusent à Tel-Aviv des journaux en Yiddish d'origines diverses. Freie Arbeiter Stimme [12] (La Voix de l'ouvrier libre) et Der Freie Gedank (La Pensée libre) et également un périodique anarchiste en langue russe, édité par des émigrés " [13]. Pourtant les groupes anarchistes juifs sont nombreux et auraient dû représenter une source privilégiée d'information [14]. Ainsi le groupe anarchiste juif de Paris, Der Fraier Gedank "La Pensée libre", héritier du même groupe qui avant guerre portait le nom de L'Autodidacte, dont Samuel Schwartzbard [15] était membre, édite de 1949 à 1963 un bulletin du même nom. Ce groupe d'une vingtaine de militants est composé notamment de Jacques et Rosa Doubinsky, David et Golda Stettner, et de Nikola et Léa Tchorbadieff-Kamener. Si comme les autres militants, ils éprouvent une défiance à l'égard du nouvel État, celle-ci est nettement moins marquée et est compensée par une vive sympathie pour les kibboutz. Cette méfiance relative à l'égard du nouvel État disparaît, les militants du groupe juif estiment que l'État d'Israël représente finalement une terre d'accueil possible en cas de nouvelles persécutions [16]. Certains des militants partent s'installer en Israël où ils participent à la fondation d'un journal, Problemen [17], dirigé par Alexandre Thorn et Yosef Loden, et dont l'un des principaux correspondants est David Stettner. Cependant, ce groupe reste en marge de l'anarchisme officiel comme en témoigne la non prise en compte de leur position dans la presse libertaire.
La guerre et la naissance d'un État sont les éléments qui par définition heurtent les anarchistes. Mais face à cette réalité nouvelle, les militants sont dans l'obligation de prendre position. Après l'utilisation des éléments traditionnels, comme le pacifisme et l'athéisme qui représentent deux des fondements de la pensée anarchiste, une analyse de l'actualité se greffe sur le discours libertaire. Ainsi la situation géographique et le ferment antireligieux sont réinvestis pour justifier une prise position pacifiste :
" Le sang coule en Palestine où l'on se dispute une étroite bande de terre brûlée par le soleil, une terre qui ne doit son prestige qu'au témoignage illusoire de cette escroquerie mystique qui en fit la terre promise [...] Pourtant le Brésil est un pays exceptionnellement doué sous le rapport de la fertilité du sol " [18].Ce discours ancien se combine avec celui du refus de la guerre auquel s'ajoute un thème nouveau, le danger des rivalités internationales et des concurrences impérialistes. Lors de l'entrée dans la guerre froide, les anarchistes tentent de mettre en pratique la théorie du troisième front, imaginée pour refuser les diktats et les volontés hégémoniques de l'Union soviétique et des États-Unis : " La grande guerre n'aura pas lieu. Mais nous avons l'espoir que dans un Proche Orient pacifié grâce à un équilibre des forces et à une conjoncture impérialiste favorable, les forces sociales déviées de leurs buts essentiels vers des objectifs raciaux et nationaux, se réveilleront [...] Car, entre le "Schalom" des communautaires juifs et le "Salam" des cultivateurs arabes, il n'est de différences qu'à Londres, à Washington ou à Moscou " [19].Le militant qui signe cet article et qui théorise cette pratique du troisième front a l'un des itinéraires les plus originaux de l'anarchisme. Son nom d'emprunt le plus connu est Louis Mercier [20]. Il est parti combattre en Espagne dans la colonne Durrutti, en juillet 1936 ; déserteur au début de la Seconde Guerre mondiale; il s'engage dans les Forces Françaises Libres en 1942, où il travaille pour le service d'information de Radio Levant à Beyrouth. Après la guerre, il participe à la création de Force ouvrière et au Congrès pour la Liberté de la Culture. Il est l'un des militants le mieux informé de la situation au Proche-Orient. Si Mercier met en avant la théorie du troisième front ses attaques sont essentiellement tournées contre les visées de Moscou : " Pendant des années les communistes ont mené une campagne contre les 'fascistes [21]' juifs, disciples de Jabotinsky, mais aujourd'hui ils donnent une grande place à l'action de l'Irgoun Zvai Leumi dirigés contre la Grande Bretagne. Toute lutte contre Londres est présenté par Moscou comme une lutte progressiste [22] ".Il met en garde par cet article les militants contre des jugements trop hâtifs: " Nous connaissons d'authentiques militants révolutionnaires juifs qui agissent dans les groupes terroristes parce qu'ils défendent en premier lieu leur droit à l'existence[...] Si les meilleurs Arabes et les meilleurs Juifs en sont à se replier sur des positions et des activités nationalistes, c'est parce qu'il n'existe dans le monde aucune internationale ouvrière et révolutionnaire capable de présenter aux écrasés un espoir, une foi, une issue [23]".Son article a une triple valeur : informer les libertaires des événements, mettre en lumière la complexité de la situation et en même temps rechercher une cohérence avec une analyse libertaire.
Son point de vue n'est pas partagé par l'ensemble des militants libertaires. Nombres d'entre eux voient dans le conflit la naissance d'un État, source de guerre : " En Palestine, l'État apporte l'indiscutable preuve qu'il provoque la guerre du fait même de sa présence [24]". Ils refusent de choisir un camp dans une guerre qui somme toute n'oppose que deux nationalismes :
" Seul le rejet de tout nationalisme et l'entente libre et fraternelle des populations travailleuses pourront sauver la Palestine de la barbarie qui va en s'étendant [25] ".Cependant, dès la fin de la guerre le discours de Mercier est à nouveau normatif. Le nouvel État possède les caractéristiques classiques de tout État avec une bourgeoisie et un système capitaliste en plein développement. Mercier fonde encore ses espoirs dans les kibboutz, possible " contrepoids important aux volontés capitalistes ou à l'envahissement de l'État [26]". Si la guerre et le nouvel État génèrent des protestations, des méfiances et des regards critiques, les kibboutz passionnent les anarchistes.


LES KIBBOUTZ , UNE SOCIETE IDEALE

Les expériences de travail collectif sont depuis toujours pour eux le lieu d'expérimentation de la société future. Les kibboutz deviennent alors une terre d'imagination, un nouveau rêve. De nombreux articles rendent compte des séjours, des installations et du caractère libertaire - réel ou imaginée - des collectivités agricoles. Ainsi les témoignages sont nombreux tant dans la presse libertaire française que dans la presse anarchiste internationale. Le Libertaire s'en fait l'écho. George Woodcock [27] exprime sa vive sympathie pour les " collectifs palestiniens "qui ont mis : " en application la théorie anarchiste : la décentralisation et la suppression du profit individuel ". Quelques mois plus tard, Jean Maline analyse, l'ensemble des formes de travail collectif et des progrès du travail collectif qui là sont l'illustration pratique des théories anarchistes " de chacun selon ses moyens. A chacun selon ses besoins " [28]. Quelques militants de diverses origines, nombre de militants juifs mais également des espagnols, s'installent en Israël et travaillent dans les kibboutz. Ces derniers deviennent le moyen d'information privilégié pour les libertaires. Elie Barnavi rapporte l'itinéraire d'un certain Ramon, militant anarchiste espagnol. Il arrive en Palestine en 1948, participe aux combats de la guerre d'Indépendance dans une brigade composée d'immigrants de divers nationalités dont quelques libertaires. Ces militants se dispersent et s'installent respectivement dans différents kibboutz [29]. Parallèlement d'autres militants arrivent en Israël, souvent pour des raisons familiales. C'est le cas de Joseph Ribas, militant de la Confédération national du travail, qui participa à la guerre civile espagnole, où il fut grièvement blessé. Après être resté plus de dix ans en France, il part avec sa femme et ses deux enfants pour Jérusalem puis s'installe dans le Kibboutz Hahotrim, au Sud de Haïfa, où il retrouve, selon son témoignage, le même mode de vie que durant la Révolution espagnole [30]. C'est à partir des témoignages de ces libertaires que Gaston Leval [31] et Augustin Souchy, militants de renom, donnent à la presse libertaire espagnole en exil de nombreux renseignements sur les conditions de vie dans les kibboutz. Augustin Souchy se rend en Israël en 1952. Il publie un livre Le nouvel Israël, un voyage dans les kibboutz [32], dans lequel, il compare les kibboutz aux collectivisations espagnoles. Les anarchistes individualistes, adeptes de la révolution sexuelle, publient un reportage sur " La famille, l'enfant et les relations sexuelles dans les kibboutz " [33]. Ce mouvement est amplifié par d'autres récits de séjours. Le Combat syndicaliste livre durant six mois un reportage sur cette société naissante [34]. Dans son compte rendu de voyage, l'auteur dresse un tableau emprunt d'une sympathie affichée, s'attachant à décrire les réalisations et les acquis sociaux conquis par l'Histradrout.
Les kibboutz, et de manière plus générale les formes de travail collectif, sont mis en valeur, idéalisés au point d'en faire des sociétés libertaires à part entière. Au-delà de la méfiance que les anarchistes conçoivent pour un État, force est de constater que les anarchistes ont de facto reconnu la naissance de l'État d'Israël, même si par la suite la critique de l'État hébreu est plus acerbe. Plusieurs facteurs expliquent cette reconnaissance, les kibboutz en sont l'élément déterminant. La naissance d'un État et l'affirmation du nationalisme juif - au-delà du discours antiétatiste et antinationaliste affiché - n'est finalement pas un obstacle à la reconnaissance d'Israël et de sa légitimité. En effet, l'objectif est le dépassement du cadre national et étatique né d'une vision quasi théologique et millénariste de l'évolution des sociétés. Cependant cette reconstruction de la société selon un imaginaire qui néglige les réalités au profit de la construction d'idéaux-types, dont les kibboutz sont la pierre angulaire, permet aux anarchistes d'éviter de se poser réellement la question de la naissance d'un État et de l'adhésion des populations à cette forme de société. Ils passent par cette non réflexion volontaire au dessus des interrogations qui remettraient en cause les fondements traditionnels de l'anarchisme. Il est également notable qu'à la différence des autres groupes de l'extrême gauche, les anarchistes n'aient pas calqué leur discours sur celui du parti communiste, ni créé une mythologie révolutionnaire anti-impérialiste. En cela, ils se rapprochent de la tradition socialiste.




Notes
1. Sur Nikola Tchorbadieff, cf. Sylvain Boulouque, " A la Mémoire de Nikola Tchorbadieff ", Gavroche, n° 79, janvier-févier 1995 pp. 22-23.
2. Henri Dorr, de son vrai nom Lucien Weil (1865- vers 1914 ?), militant anarchiste correspondant du Libertaire signe deux articles " Le Droit d'être juif "dans Le Journal du peuple, n° 6, 24 septembre 1899 et " Ohé les Juifs "no 11, 31 octobre 1899.
3. Cf. Catherine Coquio, " Une mutation politique pendant l'affaire Dreyfus, Mécislas Goldberg en 1898-1899 "in Archives Juives n° 1, 1er semestre 1994, Paris, Liana Lévi, pp. 45-57.
4. Pour une analyse plus développée de la question, cf. Philippe Oriol " Bernard Lazare anarchiste ", Sylvain Boulouque " 1899 : Les débats sur le sionisme dans la presse anarchiste "in Mélanges Bernard Lazare, Honoré Champion, 1997 et Zosa Szajkowski, " L'antisémitisme et le mouvement ouvrier français à l'époque de l'Affaire Dreyfus ", in Tsafon, no16, 1994, pp. 26-68.
5. Ludovic Malquin, " A propos du droit d'être juif ", Le Journal du peuple, n° 7, 1 octobre 1899.
6. Cf. Anarchistes en exil, Correspondance inédite de Pierre Kropotkine à Marie Goldsmith, 1897-1917. Lettres présentées et annotées par Michael Confino, Paris, Institut d'études slaves, coll. Cultures et sociétés de l'est, vol. 22. Lettre du 30 juin 1907, p. 296.
7. Étudiants socialistes révolutionnaires internationalistes, " Antisémitisme et sionisme ", Supplément littéraire aux Temps Nouveaux, Éditions de l'Humanité nouvelle, Paris, 1900, pp. 274-279.
8. Sébastien Faure (1858-1942) est le fondateur du Libertaire, auquel succède Le Journal du peuple créé pour engager les anarchistes dans le combat dreyfusard. Faure anime le mouvement libertaire, par divers conférences, création de publications.
9. Jules Chazoff de son vrai nom Chazanoff (1891-1946), militant libertaire et rédacteur au Libertaire depuis le début des années vingt. Il s'est intéressé au sionisme puisqu'il rédige les notices de l'Encyclopédie anarchiste. Les deux articles de Chazoff sont " Quand Israël règne "n° 615, 18 août 1938 et " Les Juifs et la Palestine ", N° 617, 1 septembre 1938.
10. La réponse parvenue la semaine suivante n'est publiée que quinze jours plus tard, Un groupe d'anarchistes juifs, " La question juive et la Palestine "n° 618, 8 septembre 1938.
11. Il existe d'autres bulletins mais ils ne traitent pas, sauf exception mentionnée, du sionisme. La Révolution Prolétarienne n'a pas été retenue. Car elle confie la majeure partie de ses articles à Robert Louzon (1882-1976) qui n'est pas anarchiste et qui dès ses débuts dans le militantisme pris des positions antisémites. Cf. Michel Drouin, " Une thèse exemplaire au paroxysme de l'Affaire Dreyfus : La première enquête scientifique sur le prolétariat juif ", pp. 45-53 in Cahiers Jean Jaurès, no138, Octobre-Décembre 1995.
12. Groupe libertaire juif américain dont l'hebdomadaire a cessé sa parution en 1981.
13. Moishé Chaym, " Départ en Israël ", Le Libertaire, n° 237, 11 août 1950. Sauf mention contraire tous les articles cités sont tirés du Libertaire.
14. Pour l'avant Première Guerre mondiale, cf. Nathan Weinstock " Le mouvement anarchiste juif ", in Point critique, n° 35, Bruxelles, juillet 1988, pp. 20-37.
15. Samuel Schwartzbard (1888-1938) assassina, en mai 1926, l'Hetman Petlioura, responsable des pogromes durant la guerre civile en Ukraine. Il fut acquitté. " Le procès des pogromes "fut à l'origine de la fondation de la Ligue internationale contre l'antisémitisme.

16. Témoignage de Claude Doubinsky [juin 1996] qui a assisté aux réunions du groupe anarchiste juif de Paris. Les libertaires yiddishistes qui auparavent étaient proches des positions du Bund les abandonnent pour une sympathie non dénuée de critique vis-à-vis de l'État d'Israël.
17. Problemen a cessé sa parution en 1993.
18. Samuel Vergine, " Massacres en terre promise ", Ce qu'il faut dire, n° 56/57, 20 mai 1948. S.Vergine de son vrai nom Louis Dorlet (1905-1989) est l'animateur des revues d'orientations pacifistes.

19. Damashki, " La paix serait-elle proche en Palestine ", n° 128, 6 mai 1948.
20. Louis Mercier-Vega de son vrai nom Charles Corvint (1914-1977) , il utilise pour la presse libertaire notamment les pseudomynes de Ridel et Couramy (pour l'avant guerre) et de Damashki, Parane (pour l'après guerre)
21. On peut supposer que Mercier a déjà fait la connaissance d'Arthur Kostler, qui a appartenu aux "sionistes révisionnistes" et que le terme fasciste est utilisé pour montrer la stratégie communiste et non s'en prendre aux héritiers de Jabotinsky.
22. S. Parane, " Pour une action internationaliste. Le creuset palestinien ", n° 83, 26 juin 1947.
23. Ibid. Mercier utilise la même argumentation dans ses articles ultérieurs : " Le jeu impérialiste et les réalités sociales en Proche-Orient ", n° 177, 15 avril 1949. Même s'il lui arrive parfois de tenir de construire une analyse stéréotypé " Palestine 1948 ", n° 111, 8 janvier 1948.
24. Eric-Albert " Palestine terre stratégique ", n° 133, 11 juin 1948. La même terminologie est utilisée dans les semaines précédentes et suivantes : " Guerre officieuse en Palestine ", n° 130, 21 mai 1948 ; " Luttes stériles ", n° 136, 2 juillet 1948.
25. Gaston, " Juifs et arabes sacrifiés par les "grands" ", n° 131, 28 mai 1948. Gaston de son vrai nom Armand Schuer est un militant anarchiste d'origine autrichienne, proche du conseillisme.
26. "La raison d'État en Israël ", n° 211, 13 mai 1950.
27. George Woodcock (1912-1995) est un militant anarchiste anglais. Il est directeur de la revue Now, auteur de Kropotkine, le prince anarchiste, Paris, Calmann-Lévy, collection " Traduit de ", 1953. Il est l'ami de George Orwell et de Manès Sperber. " Les collectifs palestiniens "n° 123, 1 avril 1948.
28. J. Maline " Les communes libres en Israël. Leur caractère - leur vie ", n° 203 et 204, 18 et 25 novembre 1949
29. Cf. Elie Barnavi, " Les ennuis de Ramon ou les ambiguïtés de la nationalité israélienne ", pp. 14-17 in M, Mensuel, Marxisme, Mouvement, n° 61-62, mai-juin, consacré à Israël et témoignage de l'intéressé Tel Aviv, août 1996.
30. Témoignage de Joseph Ribas (Hahotrim, août 1996). Il devient le correspondant du mouvement anarcho-syndicaliste, ainsi dans A.I.T., (Mensuel de l'Association internationale des travailleurs), n° 37, janvier 1961, il signe une chronique sur les célébrations du quarantième anniversaire de l'Histradrut. Il témoigne des conditions de vie dans les kibboutz dans le Bulletin intérieur de la Fédération anarchiste, (n° 55, mars 1965), et livre une brochure en 1972 sur les kibboutz (Ruta, deuxième formule, troisième année, mars 1972).
31. Gaston Leval de son vrai Pierre Pillier (1895-1978). Son engagement aux cotés des anarchistes espagnols date de la guerre de 1914-1918 durant laquelle il est insoumis. Il joue un rôle important dans les organisations libertaires espagnoles. Il participe également à la collectivisation des terres pendant la guerre civile espagnole. Il rentre en France en 1938 et fonde après la guerre diverses revues. Il est un des correspondant attitré de la presse libertaire espagnole.
32. Augustin Souchy (1898-1984), militant anarchiste allemand réfugié en Espagne en 1933, puis en Amérique latine. Son livre est édité à Mexico, 1953 (en espagnol, il est également publié sous le même titre en allemand en 1984). Il se rend également en Israël en 1962 et 1979.
33. L'Unique, n° 51, 1 septembre 1950.
34.Le Combat syndicaliste, " Impression d'Israël "paraît du n° 56, 23 février 1951, au n° 63, 1 juin 1951. L'auteur de cet article est présenté comme un " typographe parisien révolutionnaire éprouvé ", syndiqué depuis 1907. Il a été malheureusement impossible de retrouver le nom de ce témoin.


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Re: Les Anarchistes, le sionisme et la naissance d'Israel

Messagede vroum le Ven 28 Fév 2014 17:57

ISRAËL — PALESTINE
MONDIALISATION ET MICRO-NATIONALISMES
Rene Berthier
Editions Acratie 1998

Ce livre n’aurait pas pu voir le jour sans l’amitié de Moïse Saltiel, sans nos longues conversations, sans les documents qu’il m’a fournis et sans sa thèse, non publiée, dont il m’a donné connaissance, Sur la Palestine, terre nourricière, Israël, base militaire (Paris, mai 1988).

Il y a cinquante ans s’est constitué, sous les yeux du monde, un Etat, l’Etat d’Israël. La chose peut sembler banale, mais elle ne l’est pas. L’observation de ce phénomène aurait dû intéresser les anarchistes ; pourtant, peu nombreux sont ceux qui ont compris que quelque chose d’important se passait, c’est-à-dire la possibilité de confronter la validité de leurs théories avec la réalité ([1]. Bien sûr, ce n’était pas la seule raison de s’intéresser au phénomène, mais ç’en était une parmi d’autres.

On pourra objecter que bien des Etats se sont constitués pendant la période de la décolonisation, mais il s’agit là d’un problème différent. Les Etats issus de la décolonisation se sont constitués sur la base de structures mises en place par et pour l’ancien colonisateur, qui s’est retiré, ou à l’imitation des structures étatiques du colonisateur. A bien des égards, l’embryon d’Etat palestinien en constitution relève de ce type d’Etat-là.

L’Etat d’Israël au contraire correspond à peu près au modèle d’Etat constitué progressivement en Occident. C’était l’intention de ses promoteurs. Il constitue de ce fait un exemple pertinent à partir duquel on peut analyser le processus de fondation d’un Etat. La militante anarchiste Emma Goldman définissait le sionisme comme « le rêve des capitalistes juifs du monde entier pour un Etat juif avec tous ses attributs, tels que le gouvernement, les lois, la police le militarisme et le reste. En d’autres mots, une machine d’Etat juive pour protéger les privilèges de quelques-uns contre le plus grand nombre » [2].

Emma Goldman prend soin de préciser que les sionistes ne furent pas les seuls soutiens de l’émigration juive en Palestine, et que les masses juives de tous les pays, et en particulier des Etats-Unis d’Amérique ont donné de grandes quantités d’argent pour soutenir cette cause, motivés par « l’espoir que la Palestine pourrait être un asile pour leurs frères cruellement persécutés dans presque tous les pays européens ».


la suite :
:arrow: http://1libertaire.free.fr/RBerthier15.html
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Re: Les Anarchistes, le sionisme et la naissance d'Israel

Messagede René le Jeu 20 Mar 2014 12:17

.
Pour les anglosaxophones, Il y a un petit livre en anglais publié par Freedom qui rassemble des textes, d’un point de vue anarchiste, liés à la Palestine et à Israël :

British Imperialism & The Palestine Crisis, selections from the Anarchist Journal Freedom, 1938-1948.

Cet intérêt vient de ce que la Palestine était sous mandat britannique et les anarchistes britanniques se sont naturellement intéressés à la question.

Pour comprendre ce qu’est le sionisme, il faut se référer à un certain Wladimir Jabotinsky, qui a écrit un article, « Le Mur de Fer (Nous et les Arabes) » paru le 4 novembre 1923 dans le magazine Rasswyet. Publié en anglais dans le Jewish Herald (Afrique du Sud) du 26 novembre 1937.
La lecture de ce texte ne laisse aucune ambiguïté sur le caractère colonial du projet sioniste, quel que soit le côté "sympathique" des kibboutzim. Expulser par la plus extrême violence des paysans qui occupent une terre et instaurer dessus l'«autogestion» ne retire rien à la nature coloniale de l'occupation. («Colonial» dans le sens de «installer des colons».)

Il n’y a pas une ligne à retirer aujourd’hui du texte de Jabotinsky.
Les empiétements territoriaux au détriment des Palestiniens continuent, et finalement le mur a été construit, pas en acier, mais en béton.

Pour l’anecdote, le père de Benjamin Netanyahou a été, dans les années 30, le secrétaire de Jabotinsky

« Il ne peut être question d’une réconciliation volontaire entre nous et les Arabes, ni maintenant ni dans un futur prévisible. Toute personne de bonne foi, mis à part les aveugles de naissance, a compris depuis longtemps l’impossibilité complète d’aboutir à un accord volontaire avec les Arabes de Palestine pour la transformation de la Palestine d’un pays arabe en un pays à majorité juive. Chacun d’entre vous a une compréhension globale de l’histoire de la colonisation. Essayez de trouver un seul exemple où la colonisation d’un pays s’est faite avec l’accord de la population autochtone. Ça ne s’est produit nulle part.
« Les autochtones combattront toujours obstinément les colonisateurs – et c’est du pareil au même qu’ils soient civilisés ou non. Les compagnons d’armes de Hernan Cortez ou de Francisco Pizarre se sont conduits comme des brigands. Les Peaux-Rouges ont combattu avec ferveur et sans compromis les colonisateurs au bon cœur comme les méchants. Les indigènes ont combattu parce que toute forme de colonisation n’importe où à n’importe quelle époque est inacceptable pour le peuple indigène.
« Tout peuple indigène considère son pays comme sa patrie, dont il veut être totalement maître. Il ne permettra pas de bon gré que s’installe un nouveau maître. Il en est ainsi pour les Arabes. Les partisans du compromis parmi nous essaient de nous convaincre que les Arabes sont des espèces d’imbéciles que l’on peut tromper avec des formulations falsifiées de nos buts fondamentaux. Je refuse purement et simplement d’accepter cette vision des Arabes palestiniens.
« Ils ont exactement la même psychologie que nous. Ils considèrent la Palestine avec le même amour instinctif et la ferveur véritable avec laquelle tout Aztèque considérait Mexico ou tout Sioux sa prairie. Tout peuple combattra les colonisateurs jusqu’à ce que la dernière étincelle d’espoir d’éviter les dangers de la conquête et la colonisation soit éteinte. Les Palestiniens combattront de cette façon jusqu’à ce qu’il n’y ait pour ainsi dire plus une parcelle d’espoir. « Peu importe les mots que nous utilisons pour expliquer notre colonisation. La colonisation a sa propre signification intégrale et inévitable qui est comprise par tous les Juifs et tous les Arabes. La colonisation n’a qu’un but. C’est dans la nature des choses. Changer cette nature est impossible. Il était nécessaire de mener la colonisation contre la volonté des Arabes palestiniens et cette nécessité existe aujourd’hui de la même manière. Même un accord avec les non-Palestiniens est une lubie du même type. Pour que les nationalistes arabes de Bagdad, de La Mecque et de Damas acceptent de payer un tel prix, il faudrait qu’ils refusent de maintenir le caractère arabe de la Palestine. .
« Nous ne pouvons offrir aucune compensation contre la Palestine, ni aux Palestiniens ni aux Arabes. Par conséquent, un accord volontaire est inconcevable. Toute colonisation, même la plus réduite, doit se poursuivre au mépris de la volonté de la population indigène. Et donc, elle ne peut se poursuivre et se développer qu’à l’abri du bouclier de la force, ce qui veut dire un Mur d’acier que la population locale ne pourra jamais briser. Telle est notre politique arabe. La formuler de toute autre façon serait de l’hypocrisie.
« Que ce soit au travers de la déclaration Balfour ou au travers du mandat, l’exercice d’une force étrangère est une nécessité pour établir dans le pays les conditions d’un pouvoir et d’une défense par lesquels la population locale, quels que soient ses désirs, soit privée de la possibilité d’empêcher la colonisation, par des moyens administratifs ou physiques. La force doit jouer son rôle – brutalement et sans indulgence. De ce point de vue, il n’y a pas de différence significative entre nos militaristes et vos végétariens. Les uns préfèrent un Mur d’acier fait de baïonnettes juives, les autres un Mur d’acier constitué de baïonnettes anglaises.
« Au reproche habituel selon lequel ce point de vue est immoral, je réponds “absolument pas”. C’est notre morale. Il n’y a pas d’autre morale. Aussi longtemps qu’il y aura la moindre étincelle d’espoir pour les Arabes de nous résister, ils n’abandonneront pas cet espoir, ni pour des mots doux ni pour des récompenses alléchantes, parce qu’il ne s’agit pas d’une tourbe mais d’un peuple, d’un peuple vivant. Et aucun peuple ne fait de telles concessions sur de telles questions concernant son sort, sauf lorsqu’il ne reste aucun espoir, jusqu’à ce que nous ayons supprimé toute ouverture visible dans le Mur d’acier. »
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Re: Les Anarchistes, le sionisme et la naissance d'Israel

Messagede bajotierra le Jeu 20 Mar 2014 13:33

Pour comprendre ce qu’est le sionisme, il faut se référer à un certain Wladimir Jabotinsky,


Jabotinsky représentait l'aile minoritaire la plus extrêmiste du sionisme , Ben Gourion l'appelait "Vladimir Hitler " , il serait donc tout a fait partiel de le prendre pour référence dan ce domaine ..

au contraire , il suffit de lire aujourd'hui la presse israelienne pour comprendre comment le sionisme fût déchiré entre différentes tendances et y compris celles se référant a l'influence historique de l'anarchisme (surtout Kropotkine )

Le kibboutz puise ses racines dans le parti Hapoel Hatzaïr, un parti politique influencé par le socialisme populiste russe, dont le principal inspirateur est Aharon David Gordon. L’idéal prôné est celui d’un socialisme rural, anti-industriel et anti-autoritaire, très marqué par l’anarchisme (refus des structures élues). En 1910, un petit groupe de jeunes immigrants juifs originaires d’Europe de l’Est, mus par les idéaux sionistes et socialistes, fondent sur les rives du lac de Tibériade Degania, le premier kibboutz d’Israel. Kinneret, où je me trouve, est le second, né en 1913. Leur kvoutza (« groupe ») se veut démocratique et égalitaire, fondée sur la propriété collective des moyens de production et de consommation. Un cadre de vie où tous les membres prennent les décisions à la majorité, et se partagent équitablement droits et devoirs.

http://www.jpost.com/Edition-française/Israel/Kibboutz-la-fin-dun-idéal-345732
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Re: Les Anarchistes, le sionisme et la naissance d'Israel

Messagede René le Dim 23 Mar 2014 16:34

.
Il est tout à fait exact que Jabotinsky représentait une aile extrémiste du sionisme, mais c’est en gros sa politique qui a été appliquée par l’Etat d’Israël et qui est encore appliquée aujourd’hui, à peu de chose près. Le mouvement sioniste a certes été parcouru de différents courants, dont certains vaguement influencés par l’anarchisme, avec des projets angéliques et pleins de bonnes intentions. Ceux-là ont pu créer le premier kibboutz sur les rives du lac de Tibériade Degania. Pendant les premières années, de nombreux libertaires ont été impressionnés par les réalisations de ces kibboutzim et y ont vu soit l’application de ce qui avait été fait en Espagne, soit la préfiguration de ce qui aurait pu être fait ailleurs. On peut comprendre l’absence de sens critique de ces camarades qui n’avaient évidemment pas le recul nécessaire.
Le « sionisme » a éclaté en de multiples tendances et courants. A la limite, le sionisme, en s’en fout, ce n’est plus la question. Aujourd’hui le problème n’est même plus de prendre une position sur le « sionisme » mais sur la politique de l’Etat d’Israël, tout simplement.
Or sur cette question on ne peut pas examiner les faits historiques avec le manuel du Bisounours.
Le « petit groupe de jeunes immigrants juifs originaires d’Europe de l’Est, mus par les idéaux sionistes et socialistes » que tu mentionnes n’est absolument pas représentatif de la politique menée par les autorités israéliennes dans les faits, aujourd’hui.

La difficulté est de savoir quel critère de référence on adopte quand on parle d’Israël :
1. Soit on considère que la création d’un Etat hébreu a été le prix à payer pour le génocide des Juifs, en quelque sorte une « réparation ». Et dans ce cas ce qui se passe en Israël entre Juifs et Palestiniens ne nous regarde pas et on n’a qu’à fermer notre gueule.
2. Soit on raisonne sur la politique menée par Israël de la même manière dont on raisonne avec n’importe quel Etat. En gros, Israël est un Etat comme un autre. Il va de soi que je préfère la seconde option.

Que Ben Gourion ait appelé Jabotinsky « Vladimir Hitler » est une chose, il n’empêche que Ben Gourion a appliqué une politique impitoyable à l’égard des Palestiniens, et je pense que Jabotinsky aurait reconnu en lui un disciple. Et la politique menée depuis par l’Etat d’Israël n’a pas varié beaucoup par rapport au projet de Jabotinsky, et elle se résume en deux points : 1. S’approprier un maximum de terres palestiniennes ; 2. Expulser un maximum de Palestiniens.

Et ledit Ben Gourion n’était pas plus tendre avec les Palestiniens que Jabotinsky.
Il se lamentait que les premières vagues d’immigration aient été faites par des Juifs qui se sont intégrés dans la société palestinienne. Dans sa biographie, il raconte que « parmi les premières déceptions, il y eut le spectacle des Juifs de la première aliya, vivant maintenant comme des effendis, tirant leurs revenus de plantations et de champs cultivés par de la main-d'œuvre embauchée, ou de métiers du genre de ceux par lesquels nous ne réaliserons jamais de réhabilitation nationale. » (David Ben Gourion, Years of Challenge, Londres 1964.)
Quant aux juifs orientaux autochtones, ils avaient des liens très serrés avec les autres communautés de la Palestine. Eliahou Aliachar raconte dans son livre Vivre avec les Palestiniens [Liḥyot ʻim Palestinim], paru en 1975, que lorsqu'en 1921, des notables Juifs orientaux se présentèrent comme médiateurs entre les dirigeants sionistes et les notables palestiniens, leur offre fut catégoriquement rejetée par l'establishment sioniste.
L’assimilation est quelque chose d’inacceptable.

Après la fondation de l’Etat d’Israël, les autorités du nouvel Etat hébreu se rendirent compte que les Juifs d’Europe et d’Amérique faisaient preuve d’un manque total d’enthousiasme à émigrer vers l’Etat qui avait pourtant été créé pour eux. Cela posait un sérieux problème, car le pays manquait cruellement de chair à canon pour l’armée et de petit personnel d’encadrement pour un prolétariat alors constitué presque exclusivement de Palestiniens.
C’est ainsi que Ben Gourion déclara : « Augmenter la natalité juive est un besoin vital pour l'existence d'Israël, et une femme juive qui ne met pas au moins quatre enfants au monde trahit sa mission (Cité par Simona Sharoni, « Sexe, occupation militaire et violence contre les femmes en Israël », L'Homme et la Société, n° 114.).
Cette exhortation n’ayant pas donné de résultats, on fit donc venir beaucoup de juifs orientaux, que certains appellent « juifs arabes » ou « juifs arabes orientaux », mais leur mode de vie était trop proche de celui des Arabes. En outre, ils étaient venus avec leur clergé. Leurs rabbins prônaient pour la plupart la coexistence avec les musulmans. Ils constituaient donc pour des hommes comme Ben Gourion et les autres dirigeants sionistes ashkénazes un obstacle à la transformation de ces nouveaux immigrants en chair à canon pour les projets expansionnistes de l'Etat. La plupart de ces rabbins furent donc démis de leurs fonctions, et ceux qui furent maintenus – payés avec un salaire inférieur de moitié à celui des rabbins ashkénazes – furent placés sous l'autorité du ministère des Cultes dirigé par des rabbins ashkénazes fanatiques et ultra-nationalistes. Une nouvelle génération de rabbins d'origine orientale fut ainsi formée à la haine des Palestiniens, avec plein salaire, cette fois.

Le passage que j’ai cité de Jabotinsky évoque sans détour l’expulsion des Palestiniens. Mais toute la politique de l’Etat d’Israël depuis sa fondation est orientée précisément vers leur expulsion. Une de mes amies a vécu des années dans un kibboutz. Un jour, elle se promenait aux alentours et elle s’est heurtée à une grosse pierre, et en creusant un peu elle a vu d’autres pierres au ras du sol, plein de pierres qui formaient des motifs géométriques. Elle a interrogé des vieux du kibboutz, qui restaient évasifs, et finalement elle a appris qu’il y avait eu là un village palestinien qui avait été complètement rasé, dont la plupart des gens dans le kibboutz ne connaissaient même pas l’existence et encore moins ne nom. Elle finit par apprendre le nom du village par un paysan palestinien, qui lui indiqua même dans quel camp les gens avaient été déportés. Elle se rendit dans ce camp et rencontra les survivants du village. Elle s’aperçut avec stupeur que tous les Palestiniens déportés dans des camps se regroupaient par villages et perpétuaient la mémoire de ce village. Les vieux étaient très émus de voir cette femme qui s’était intéressée à eux.
La crédibilité de cette histoire est confirmée par un speech que fit le général Moshe Dayan, le héros de la guerre des Six-Jours, aux étudiants de l'Institut de technologie israélien en 1969 :

« Nous sommes arrivés ici dans un pays peuplé d'Arabes, et nous construisons ici un Etat hébreu, juif. A la place des villages arabes, nous avons établi des villages juifs. Vous ne connaissez même pas le nom de ces villages et je ne vous le reproche pas, car les livres de géographie correspondants n'existent plus. Et non seulement les livres, mais les villages n'existent plus (...) Il n'y a pas une seule implantation de colons qui n'ait été faite sur les lieux d'un ex-village arabe. » (Moshe Dayan, Ha'aretz, 4 avril 1969)


La politique actuelle de l’Etat d’Israël n’a jamais varié sur la question de l’accaparement de terres palestinienne et du « transfert » (c’est l’euphémisme officiel) des Palestiniens. Israël n’a pas construit de « mur d’acier », il a construit un mur de béton.
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Re: Les Anarchistes, le sionisme et la naissance d'Israel

Messagede Lehning le Lun 24 Mar 2014 03:42

Bonsoir !

A ce stade, j'ai une question:
-Que pensez des moshavs ? (avatar des kibboutz mais où l'habitat est individualisé)
Moshavs qui semblent se substituer de + en + en fait aux kibboutz, si l'on ne regarde que l'aspect organisationnel.

Que pensez-vous des différences entre les kibboutz et les moshavs ?

D'avance merci !
(J'ai eu l'occasion d'aller en Israël -2 mois- il y a certes une bonne trentaine d'années -début des annéées 80 et je rêvais même d'aller au Liban-mais c'était impossible au débuts des années 80 -Moshé Dayan tenait déjà la frontière israëlo-libanaise et impossible de passer. J'aurais même pu me faire descendre à cette époque si je m'étais rapproché de cette frontière. C'est clair ! (mais j'étais jeune et un peu inconscient :arf:
De toutes façons, j'ai été vite refoulé par la soldatesque israélienne :haha:

J'ai fait ensuite un peu mon touriste en Israël: Jérusalem, Acra, Béthléem (J'ai vu où serait né Jésus ! :religion: :haha: :arf: ), la Mer morte et puis lassé, ensuite l'Egypte.
Et puis retour en Israël (avec visa très draconien) et retour à la base Athènes (Grèce) où je passais beaucoup d'hivers durant les années 80.

Mais je pense que ce qui m'a le + marqué en Israël, c'esr l'enrôlement obligatoire dans l'armée, aussi bien des filles que des garçons. 3 ou 5 ans je ne sais +.
Et le summum fut quand une soldate me dit: "Je suis fière ! Je fais cela pour défendre Israël ! Bla-bla...", avec sa Kalashnikov prête à me flinguer si je fais ou dit un pas de travers.
J'en suis presque à mon 3ième tour du monde et j'avoue que le régime israélien m'a laissé un goût et un parfum de militarisation assez fort.
Une sensation que ce pays et cet Etat est toujours sur le qui-vive d'une attaque.
Surarmé-e-s, nombreux-ses et vigilant-e-s (comme les voisins-nes :roll: ), tout cela aboutissant à une gestion militarisée et militaire, restreignant de + de l'autre côté les libertés évidemment.

Bref...

Salutations Anarchistes !
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Re: Les Anarchistes, le sionisme et la naissance d'Israel

Messagede René le Mar 25 Mar 2014 19:09

POUR INFO

Un rapporteur de l'Onu accuse Israël de "nettoyage ethnique"

Reuters Par par Stephanie Nebehay | Reuters – ven. 21 mars 2014

GENEVE (Reuters) - Le rapporteur spécial de l'Onu sur la situation des droits de l'homme dans les territoires palestiniens occupés a accusé vendredi Israël de pratiquer une forme de "nettoyage ethnique" à Jérusalem-Est d'où, selon lui, les Palestiniens sont expulsés.
La politique d'Israël comporte "des caractéristiques inacceptables propres au colonialisme, à l'apartheid et à un nettoyage ethnique", a déclaré Richard Falk lors d'une conférence de presse.
Il s'est exprimé alors que les négociations de paix sont dans l'impasse et qu'Israël accélère les mises en chantier dans les colonies ce qui, selon les Palestiniens, réduit leurs chances de mettre un jour sur pied un Etat viable.
"Tout ce qui permet d'agrandir des colonies et toutes les démolitions de maisons sont une façon d'aggraver la situation (...) et de réduire les perspectives de trouver une issue aux prétendues négociations de paix", a estimé Richard Falk.
Aux journalistes qui lui demandaient de préciser sa pensée, il a répondu que 11.000 Palestiniens avaient perdu leur droit de résidence à Jérusalem-Est depuis 1996 en raison des lois israéliennes donnant la priorité aux juifs.
"Ce chiffre de 11.000 ne représente que la partie émergée de l'iceberg car de nombreuses autres personnes sont confrontées à des problèmes concernant leurs droits de résidence", a dit le rapporteur.
Selon lui, Israël tente de "modifier la composition ethnique de Jérusalem-Est", dont les Palestiniens aimeraient faire leur future capitale, en dissuadant les Palestiniens d'y vivre tout en encourageant les colonisations, illégales au regard de la législation internationales.
Le gouvernement israélien n'a pas immédiatement réagi à ces commentaires mais a toujours réfuté les accusations de persécution à l'égard des Palestiniens, qu'il rend responsables du blocage actuel.
Richard Falk, spécialiste du droit international et professeur émérite à l'université de Princeton, a plusieurs fois créé la polémique, notamment en 2008 quand il a comparé les frappes contre le Hamas à Gaza à des pratiques nazies.
En juin dernier, le rapporteur, lui-même de confession juive, avait rejeté les soupçons d'antisémitisme à son encontre en affirmant que ces accusations constituaient une tentative de détourner l'attention de la politique israélienne.
(Simon Carraud pour le service français, édité par Betrand Boucey)
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Re: Les Anarchistes, le sionisme et la naissance d'Israel

Messagede kuhing le Mar 25 Mar 2014 20:34

bajotierra a écrit: LES ANARCHSITES, LE SIONISME , ET LA NAISSANCE DE L'ETAT D'ISRAEL
SYLVAIN BOULOUQUE


bajotierra, dans la suite logique de son soutien acharné au CRIF, antenne française du gouvernement ultra-réactionnaire Netanyahou, nous balance sans le moindre commentaire un long texte de Sylvain Boulouque sur "les anarchistes, le sionisme et la naissance de l'Etat d'Israël."

L'enfumage utilisé par ce personnage qui a pu s'emparer des commandes de ce forum avec quelques compères, est habituel.
Après la tentative de faire l'amalgame entre "anti-sionisme et antisémitisme", bajotierra, visiblement pro-sioniste convaincu, espère peut-être nous noyer derrière des textes assez long pour qu'ils puissent décourager de les lire ?
A moins qu'il cherche à intégrer, sans en avoir l'air, Sylvain Boulouque parmi les théoriciens de l'anarchisme ?

Alors rappelons, à toutes fins utiles, que Sylvain Boulouque, l'auteur de ce texte, est un contributeur régulier de "fondapol", structure qui se présente elle-même comme " Un Think Tank libéral, progressiste et européen"
http://www.fondapol.org/lexique/sylvain-boulouque/

Sur wiki à propos de Sylvain Boulouque :
Selon le politologue et ancien fondateur de l'organisation d'extrême gauche Révolution !, Henri Maler sur le site Acrimed : « Un phénomène étrange s’est produit [en 2012] sur le site du Nouvel Observateur [...] : l’apparition d’un… « Observatoire de la gauche radicale ». Curieusement, cet observatoire ne comporte (pour l’instant…) qu’un seul titulaire. Il s’agit d’un historien - un « expert » donc - du nom de Sylvain Boulouque. Plus étonnant : cet observateur est membre du comité de rédaction de la revue Communisme dont l’anticommunisme (c’est leur droit…) confond allègrement enquête historique et enquête policière (ce qui semble moins bien…). Dernière stupéfaction : Sylvain Boulouque est aussi contributeur (voire membre ?) de Fondapol, un think tank particulièrement engagé dans la défense effrénée du libéralisme. Son président n’est autre que Dominique Reynié »11.
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Re: Les Anarchistes, le sionisme et la naissance d'Israel

Messagede bajotierra le Mer 26 Mar 2014 10:24

salut ,

kuhing toujours aussi aigri :D

Selon le politologue et ancien fondateur de l'organisation d'extrême gauche Révolution !, Henri Maler sur le site Acrimed : « Un phénomène étrange s’est produit [en 2012] sur le site du Nouvel Observateur [...] : l’apparition d’un… « Observatoire de la gauche radicale ». Curieusement, cet observatoire ne comporte (pour l’instant…) qu’un seul titulaire. Il s’agit d’un historien - un « expert » donc - du nom de Sylvain Boulouque. Plus étonnant : cet observateur est membre du comité de rédaction de la revue Communisme dont l’anticommunisme (c’est leur droit…) confond allègrement enquête historique et enquête policière (ce qui semble moins bien…).




et alors ?

Le terme HISTOIRE vient du mot grec "HISTORIA" qui signifie "enquête".


Mon commentaire sur ce texte de Bouloque va de soi , j'y trouve des éléments intéressants , et peu connus, concernant l'HISTOIRE de l'influence des idées ANARCHSITES dans LA NAISSANCE DE L'ETAT D'ISRAEL et le SIONISME , c'est pour ça que je l'ai posté

Sinon Kuhing a t il quelque chose a dire qui infirme , ou au contraire, approfondisse des éléments portés par ce texte de Bouloque ?
Mais Kuhing connait il la signification du terme débattre ?
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Re: Les Anarchistes, le sionisme et la naissance d'Israel

Messagede René le Mer 26 Mar 2014 12:43

.
Personnellement je lis assez régulièrement Boulouque (un ancien de la FA, mais je peux me tromper).
Y compris des textes qu'il a écrits dans Communisme, qui a été semestrielle et qui est maintenant publiée une fois par an. J'ai d'anciens numéros de cette revue : je fais actuellement un travail sur l'Internationale syndicale rouge et il a écrit des choses intéressantes là-dessus. Bref, c'est un universitaire, un historien. Je ne suis pas historien, mon intervention se situe en "aval" de celui des historiens, ils font le boulot de recherche et moi j'interprète et j'utilise leurs travaux à ma sauce avec l'intention parfaitement affichée de faire de la vulgarisation et de la formation pour les militants.
C'est pas très glorieux mais de cette manière on finit quand même par acquérir un savoir; si on ajoute à ça une (grosse) pincée d'esprit critique, on peut finir par écrire des choses à peu près intéressantes.

Il y a un mec qui s'appelle René Berthier, qui a écrit un bouquin intitulé Israël-Palestine, Mondialisation et micro-nationalismes, publié par Acratie. Je vous suggère de vous y reporter. Je pense que le bouquin est épuisé, mais il doit se trouver en ligne sur monde-nouveau.net.

Pour en revenir à Boulouque, que je ne connais pas, je trouve effectivement curieux son éclectisme, mais participer à une revue intitulée Communisme mais qui n'adhère pas précisément aux thèses communistes, et à un "think tank" ouvertement libéral n'est pas si incohérent que ça. Le fait que Boulouque cherche une reconnaissance sociale par ses écrits et qu'il aille en même temps à la gamelle n'a pas de quoi surprendre: chez les universitaires, il ne serait pas le seul.
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Re: Les Anarchistes, le sionisme et la naissance d'Israel

Messagede René le Mer 26 Mar 2014 12:46

J'ajoute une conclusion à mon précédent message : selon moi on ne doit juger d'un texte que sur la base de ce qui est écrit dedans. On peut, ensuite, faire des commentaires sur les intentions réelles ou supposées de son auteur.
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Re: Les Anarchistes, le sionisme et la naissance d'Israel

Messagede bajotierra le Mer 26 Mar 2014 19:02

Bien d'accord avec rené sur les deux points suivants :

Le fait que Boulouque cherche une reconnaissance sociale par ses écrits et qu'il aille en même temps à la gamelle n'a pas de quoi surprendre: chez les universitaires, il ne serait pas le seul.



: selon moi on ne doit juger d'un texte que sur la base de ce qui est écrit dedans. On peut, ensuite, faire des commentaires sur les intentions réelles ou supposées de son auteur.
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Re: Les Anarchistes, le sionisme et la naissance d'Israel

Messagede Pierre-Joseph le Mer 17 Oct 2018 01:03

Je ressors ce texte parce qu'il me semble assez emblématique de comment les anarchistes, avec quelques flagorneries, peuvent, assez facilement, se laisser balader, très loin de leurs idées et même contre leurs intérêts.
Dans un autre sujet, je montrais comment James Guillaume a porté avec Ferdinand Buisson une éducation nationale qui nous opprime. Il a aussi soutenu, avec Kropotkine et d'autres, l'union sacrée contre l'Allemagne, alors que ce n'est pas l'Allemagne qui a massacré la Commune mais bien la 3ème république, qu'ils ont ralliée.
Dans ce texte, plus actuel, il est question de soutenir le sionisme.
Je ne sais pas si le texte a vraiment convaincu grand monde… On voit quand même, heureusement, que les quelques commentateurs restent la plupart assez sceptiques.
Il fallait quand même oser, et c'est fait avec talent, il faut le reconnaître, essayer de démontrer que les anarchistes ont toujours été pour le sionisme, non seulement pour protéger les juifs opprimés, mais même plus, parce que le sionisme serait une étape de la réalisation de l'idéal libertaire, à travers les kibboutz notamment...
Je résume en deux lignes car je n'ai pas le même style.
Bien sûr, derrière cet exposé, le but de la manœuvre est plutôt de convaincre les anarchistes d'aujourd'hui de suivre, comme leurs aïeux l'ont fait, ou l'auraient fait, les sionistes dans leur "mouvement généreux" et "noble".
Pour les besoins de la démonstration, l'auteur commence quand même par écarter le père fondateur de l'anarchisme, Pierre-Joseph Proudhon. Je pense qu'il aurait en effet apprécier la précaution. En lieu et place de ce dernier, resitué comme un simple auteur parmi d'autres, il préfère citer un groupe anarchiste juif de Paris et quelques auteurs méconnus…
Mais alors, de quoi s'agit-il ici? D'anarchistes ou d'anarcho-juifs? Je pencherais pour la seconde option car cela expliquerait combien les deux idées défendues par ce texte me semblent absurdes:
D'abord l'idée d'un état protecteur pour une communauté religieuse opprimée : depuis quand l'état est-il protecteur? L'état est au contraire oppresseur: il défend les privilèges d'une petite minorité qui exploite l'ensemble des travailleurs.
Ensuite, le supposé rapport entre kibboutz et anarchisme, supposé évident et même indubitable: tout cela m'échappe totalement.
Notamment, le rapprochement avec les collectivités de la révolution espagnole me parait hautement fallacieux: les premiers récupéraient la terre qu'ils avaient toujours travaillée pour ne plus se faire voler, tandis que les seconds volaient collectivement une terre à ceux qui la travaillaient avant eux. Les premiers avaient toutes les puissances impérialistes contre eux, les seconds tout leur soutien. Révolution et colonisation sont deux choses bien différentes.
Il pouvait certes y avoir quelques ressemblances dans l'organisation de la vie tribale de part et d'autre, mais il faut vraiment avoir une étroite vision de l'anarchisme pour s'arrêter à ce genre de considérations, porte ouverte à toutes les perversions: certains ouvrages cités, concernant cette vie communautaire, par exemple " La famille, l'enfant et les relations sexuelles dans les kibboutz" ont des titres assez évocateurs… Je revois le sourire narquois de Cohn-Bendit quand il se ventait de s'être fait tripoter par des gamines de 5 ans...
De toute façon, l'idéal communiste "de chacun, à chacun" n'est pas l'idéal anarchiste. Proudhon démontrait combien cette vision est liberticide car elle suppose une autorité qui arbitre les capacités et les besoins de chacun: au lieu de dépendre d'un patron, je dépends d'un administrateur qui me dicte quels sont mes capacités et quels sont mes besoins, ce que je peux faire et ce à quoi j'ai droit, puis qui profite de son pouvoir pour voler la communauté. Nous voulons au contraire être autant libres qu'égaux, c'est donc la réciprocité dans les échanges qui nous importe le plus : personne ne doit être volé. Hors, un kibboutz, commence d'abord par un vol.
Pour conclure, je dirai qu'il y a au moins deux bonnes raisons pour les anarchistes d'être antisionistes:
1) Nous sommes contre toutes les religions
2) Nous sommes contre tous les états.
Le judaïsme n'est pas plus compatible avec l'anarchisme que n'importe quelle religion, le sionisme n'y est pas plus compatible que n'importe quel étatisme. L'anarchojudaïsme, l'anarchosionisme, tout comme l'anarchocapitalisme, sont des dégénérescences de l'anarchisme qui doivent être combattues énergiquement, sous peine d'être encore manipulés, comme nous l'avons été maintes fois, à l'encontre de nos intérêts.
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Re: Les Anarchistes, le sionisme et la naissance d'Israel

Messagede bajotierra le Jeu 18 Oct 2018 10:32

1) Nous sommes contre toutes les religions
2) Nous sommes contre tous les états.



D'accord avec cela mais ce qui fait débat , c'est la question spécifique de l'antisionisme


L' antisionisme dans la pratique ce n'est pas du tout le fait de s'attaquer au concept d'Etat , puisqu'en général les antisionistes militent en paralléle pour la création d 'un Etat palestinien, l'antisionisme c'est la négation discriminante (et c 'est en quoi il est un nid de l'antisémitisme) , du droit a l'existence du seul état israelien .
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Re: Les Anarchistes, le sionisme et la naissance d'Israel

Messagede Pierre-Joseph le Jeu 18 Oct 2018 14:36

Mais mon objectif était précisément de replacer le débat d'un point de vue anarchiste. Le texte de départ de ce fil ne se contentait pas seulement de critiquer certaines formes d'antisionisme, ce à quoi j'aurais pu m'accorder, il tentait plutôt de prouver que l'anarchisme serait nécessairement sioniste, ce que je récuse farouchement.
Le but n'est pas d'applaudir indistinctement à toute forme d'antisionisme, sans distinctions, mais de mettre en garde contre une éventuelle manipulation.
Evidemment que l'on peut être antisioniste pour de mauvaises raisons, par exemple, par volonté de créer un état palestinien. Face à un tel discours, je pense qu'il faut réaffirmer une position anarchiste antisioniste, en récusant la légitimité de ces deux états avec la même force et pour la même raison: les états ne sont pas protecteurs, ils nous oppriment.
Je me souviens d'un débat enflammé dans une librairie, quand j'étais jeune, sur ce sujet, où un vieux sautait sur son tabouret pour crier, à peu près, "moi, je suis anarchiste, mais on a bien débattu et réfléchi et je vous dis que la solution, c'est 2 états". J'étais mort de rire mais tout le monde ne riait pas… Apparemment, certains n'y voient pas de contradiction, il faut donc la réaffirmer avec conviction: les anarchistes sont contre toute création d'état.
Depuis le temps maintenant, tout le monde sait très bien que cette fameuse solution à deux états ne mène à rien: plus les palestiniens ont avancé dans leur processus de création d'un état, plus ils ont reculé en réalité sur le terrain. Les faits sont là et nous donnent raison. C'est donc avec d'autant plus de convictions qu'il faut porter nos idées antiétatistes:
A bas l'état d'Israël! A bas l'état de Palestine!
Mais dire cela est une chose, le faire une autre. Il n'y a pas un état qui soit plus légitime que l'autre mais il y en a un qui est beaucoup plus puissant que l'autre. Il n'est donc pas injustifié de concentrer sa critique spécifiquement sur celui-là.
A moins, bien sûr, de préférer s'attaquer aux faibles.
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Re: Les Anarchistes, le sionisme et la naissance d'Israel

Messagede bajotierra le Jeu 18 Oct 2018 15:37

Mais dire cela est une chose, le faire une autre. Il n'y a pas un état qui soit plus légitime que l'autre mais il y en a un qui est beaucoup plus puissant que l'autre. Il n'est donc pas injustifié de concentrer sa critique spécifiquement sur celui-là.
A moins, bien sûr, de préférer s'attaquer aux faibles.


Si le rapport de force est peut être en faveur de l'état israelien, cela n'a pas toujours été le cas, et c'est précisément avec ce style d'argument que l'état d'israel s'est développé car les premières années de son existence c' était un nain géopolitique face aux pays arabes coalisés . Ensuite ne confondons pas Etat et société , l'Etat est un concept , il ne peut être ni fort ni faible , il est toujours le plus fort contre les populations qu'il domine, jusqu'à exercer une répression féroce contre ses opposants et l'état palestinien bien sûr n'échappe pas a la règle , voir a ce titre les exactions du Hamas a Gaza ...

D'un point de vue anarchiste non seulement comme tu le dis la défense d'un Etat n'est pas légitime , mais qualifier de fort ou du faible un Etat est une erreur puisqu'on lui donne un aspect humain . Il faut rester dans la réalité , et ce qui m'intérésse ce sont les populations , les individus , leur liberté , leur condition de vie , je rappelle que nous militons en france et qu'aucun palestinien n 'a fait ces dernières années l'objet d'actes criminels et qu' aucune famille palestinienne n'y a vu ses enfants abattus a tir portant ..
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Re: Les Anarchistes, le sionisme et la naissance d'Israel

Messagede Pierre-Joseph le Jeu 18 Oct 2018 17:08

L'état est un concept mais c'est un concept défendu par une force armée et tous les états ne sont pas défendus par la même force armée. C'est ce que j'ai voulu dire par "l'un est beaucoup plus puissant que l'autre". Ce n'est pas l'état en lui-même qui est plus puissant mais la force armée qui le défend.
Je ne pense pas qu'Israël était un nain géopolitique à l'époque de sa création. On pouvait peut-être s'y tromper à l'époque, en sous-estimant tous ses soutiens internationaux, mais aujourd'hui, avec le recul, on voit plutôt un état agressif, expansionniste, qui a remporté haut la main toutes ses guerres contre ses voisins.
On est certes en France mais on est aussi sur la Terre et on sait, après deux guerres mondiales, que lorsque des états belliqueux ont des ambitions d'élargissement territorial, ils peuvent générer des conflits militaires sur toute la surface du globe. Ce n'est pas le cas pour l'instant ici, à part quelques attentats. Mais il vaut mieux prévenir que guérir.
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Re: Les Anarchistes, le sionisme et la naissance d'Israel

Messagede bajotierra le Dim 21 Oct 2018 10:03

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Re: Les Anarchistes, le sionisme et la naissance d'Israel

Messagede Pierre-Joseph le Dim 21 Oct 2018 21:39

C'est un peu la même histoire que le montage photo publié par Filoche. D'ailleurs, il a été relaxé sans que la justice ne se prononce clairement sur le caractère antisémite du montage. Filoche s'est mis à plat ventre, en disant qu'il n'avait pas fait attention, qu'il regrettait, qu'il avait été cofondateur d'SOS racisme et j'en passe…
Pour moi, le message n'était ni antisémite, ni antijuif mais anti-Macron et comme Macron n'est pas juif, je ne comprends pas pourquoi les juifs auraient dû se sentir visés à sa place, je dis même qu'une telle interprétation est à la limite de l'antisémitisme.
La provenance du document est un autre débat. On peut très bien apprécier une oeuvre isolée d'un auteur et détester tout le reste.
Je n'ai pas vu le dessin censé être un excellent motif de licenciement mais de la description qui en est faite, c'est évidemment la politique agressive d'Israël envers les Palestiniens qui y était dénoncée, caricaturée, à outrance, peut-être, mais là n'est pas la question. Encore une fois, je ne comprends pas pourquoi les juifs seraient censés se sentir visés à la place de l'état d'Israël, c'est au contraire l'interpréter ainsi qui est antisémite, sinon paranoïaque. Beaucoup de juifs, mêmes israéliens, ne soutiennent pas cette politique, voire même la combatte. Ils n'ont donc aucune raison de se sentir visés dans ce dessin. Si l'étoile est un symbole du judaïsme, elle est aussi le symbole du drapeau israélien.
Je pense que Floréal se gourre totalement dans son interprétation et qu'elle se trompe aussi totalement sur la meilleure façon de montrer qu'on n'est pas antisémite. Je pense au contraire qu'une critique antisioniste anarchiste est nécessaire, parce qu'elle est légitime et qu'il ne faut pas l'abandonner aux antisémites, cathos intégristes et autres, sous peine de leur ouvrir un boulevard doré.
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Re: Les Anarchistes, le sionisme et la naissance d'Israel

Messagede bajotierra le Lun 22 Oct 2018 16:00

Je pense au contraire qu'une critique antisioniste anarchiste est nécessaire



L 'anarchisme est antiétatiste , pourquoi faire un cas a part de l'état d'Israel ? Il n'y a pas que je sache de critique anarchiste spécifiquement antirusse , antichinoise ou antiaméricaine .
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