Ce texte est tiré du Bulletin N° 62 (mai 2006) du Centre International de Recherche sur l'Anarchisme de Lausanne (CIRA, avenue de Beaumont 24, CH - 1012 Lausanne, Suisse, cira@plusloin.org).
SUR LA SYMBOLIQUE ANARCHISTEUne belle illustration d'interprétation des symboles de l'imagerie anarchiste se trouve dans le récit de Marie-Christine Mikhaïlo rappelant Pier Carlo Masini, interrogé lors d'un repas à Lausanne au sujet de dessins ornant le fronton de journaux italiens (voir
bulletin du CIRA n° 55, 1999):
Cela commence par une mer démontée, disait-il, c'est la classe ouvrière qui s'éveille, et par la moitié d'un soleil à l'horizon, dont les rayons apportent l'espoir d'un monde meilleur. Le dessin a du succès, il va donc être repris par d'autres périodiques, chacun y ajoutant un détail pour l'améliorer. C'est ainsi qu'une année on voit le soleil darder ses rayons sur une mer plus calme, puis apparaître un navire dont les voiles se gonflent au vent de l'Histoire.
[...] Au cours des années, dit-il, certains journaux apportent des nouveautés à l'illustration première. On voit apparaître sur le rivage une femme nue, élevant une torche dont les flammes esquissent les lettres Liberta.
En face sa soeur, tout aussi dévêtue, écrase sous son pied la loi. Horreur ! Un serpent rampe vers elle et s'apprête à la mordre à la jambe. Heureusement un homme, torse nu, tout en muscles -un ouvrier, cela se voit !- vient frapper de son épée la bête infâme que nous avons reconnue, c'est l'Eglise...
[...] A quel moment [commente Marie-Christine]
l'imagination a-t-elle pris le relais sur les connaissances de l'historien ? C'est sans importance. Les jeunes regards fixés sur lui le stimulaient sans doute, et il a su les captiver. On devinait, derrière l'humour, une réelle admiration pour ceux qui, avec de pauvres moyens, avaient cherché à intéresser les lecteurs à l'Idée. La diffusion d'images à grande échelle est relativement récente au vu des moyens à disposition. Jusque-là, les seules images étaient celles des livres et des journaux.
C'est aux alentours des années 1960-1970 que les copies de documents deviennent vraiment abordables grâce à la photocopie et à l'impression offset. L'écriture et le dessin sur les murs sont des moyens d'expression qui n'existaient presque pas avant les revendications de Mai 68.
Certaines images ou symboles tendent alors à devenir des sortes d'icônes sans histoire (par exemple l'image de Che Guevara sur toutes sortes de produits de consommation). Le contexte de leur apparition et de leur évolution peut permettre de leur redonner un sens parfois peu perceptible par les générations suivantes.
Il s'agit ici de présenter quelques symboles graphiques récurrents de l'anarchisme, de les replacer dans le contexte historique de leur apparition et de les mettre en lien avec les théories et idées dont ils sont issus.
Le texte qui suit est une adaptation libre d'infos d'historiens et d'écrivains, parfois de traductions, dans le but de rassembler quelques écrits et réflexions sur le sujet.
May DUBOIS, avec la collaboration de Marianne ENCKELL.