LA SYMBOLIQUE ANARCHISTE

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Au terme d'une gestation d'environ un an, Anarchik est présenté "officiellement" (avec son nom et sa version graphique définitive) dans le premier numéro (et le seul) de Il nemico dello stato (l'ennemi de l'Etat) en 1967. Il apparaît alors dans des bandes de 4 vignettes qui présentent une réflexion sur l'époque et le pressant besoin d'agir. Anarchik exprime déjà sa réplique fétiche: "Faro del mio peggio !" (Je ferai de mon pire !).

Il se présente alors sous un style cartoon simplifié au mépris de toute morphologie réaliste.

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Son nom en "k" est typique des antihéros de l'époque (Satanik, Diabolik) et il arbore une attitude ironique de mauvais garçon.

Sur le plan idéologique, son message est encore peu défini et l'humour y a plus de place que les idéaux politiques.

L'attentat de la Piazza Fontana (Milan 1969), avec sa bombe fasciste et meurtrière, conduit l'auteur à une attitude plus consciente et militante. Anarchik commence à apparaître dans des dessins commentant des évènements qu'il considère comme importants.

C'est la phase la plus intense de la vie publique d'Anarchik qui se prête volontiers à devenir instrument de propagande. Ses devoirs politiques grandissants motivent la disparition de la bombe (oubliée ou cachée en l'attente de temps meilleurs). En effet, dans ce contexte de lutte, l'emploi ludique du symbole de la bombe dans un but humoriste semble déplacé.

Photo: Attentat de la Piazza Fontana:

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La présence d'Anarchik augmente en dehors de la bande dessinée. De 1968 à 1969, il jouit d'une vie précaire sur des dépliants, tracts et manifestes - certains sérigraphiés. Il devient alors une sorte de logo de l'ère militante, est repris par d'autres branches du mouvement anarchiste et dépasse les frontières italiennes.

L'auteur, dans le but de maintenir un contrôle moral sur l'évolution de sa créature, recourt alors parfois à l'adjonction d'un copyright qui n'est autre qu'une invitation à une appropriation libre mais respectueuse.

Puis en 1971, il se trouve une place dans les pages de la revue A rivista anarchica et y reste quelque temps. C'est une période de stabilité où il laisse libre cours à son humour libertaire.

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A cette époque apparaissent d'autres personnages récurrents, comme un gros prêtre un peu pathétique qui fuit en relevant ses jupes sous la menace de la bombe d'Anarchik. Celle-ci finit toujours par le cueillir et l'exploser avec des conséquences toutefois modestes. La bombe d'Anarchik est en effet symbolique et n'a d'autre but que de permettre une chute humoristique au dessinateur.

Puis Anarchik abandonne peu à peu la vie active. Sa tendance à se transformer en symbole s'accentue avec le temps. Ses géniteurs sont occupés par d'autres devoirs et subissent une progressive et inévitable baisse d'inspiration.

La production va donc en décroissant et l'auteur ne travaille plus que sur deux vignettes génériques. La première est plus esthétique que politique, montrant Anarchik le manteau ouvert, au vent, et les mains libres permettant l'ajout d'objets. La seconde représente un Anarchik plus torve et machiavélique, utilisable pour représenter des sentiments d'hostilité envers des ennemis. Ces deux images sont aisément adaptables et sont les seules travaillées par l'auteur à partir de ce moment.

Les images d'Anarchik ont traversé les années et sont toujours utilisées régulièrement afin d'apporter leur message inéquivoque de subversion libertaire avec une touche d'ironie.

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Gerhard SEYFRIED inventa un personnage d'apparence similaire aux alentours de 1973, alors qu'il dessinait pour le magazine anarchiste munichois Blatt. Il se nomme "Zwille", le terme berlinois pour les catapultes, et deviendra le héros de quatre livres. Il fera également de nombreuses apparitions dans différents journaux.

Photo: Gehrard SEYFRIED:

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Squat et occupations

A Paris au tout début du XX° siècle, Georges COCHON et d'autres se battent contre les multiples abus des propriétaires comme avant lui Tortelier et d'autres militants de la Ligue des Antipropriétaires.
Ils organisent des déménagements d'urgence avant que les propriétaires ne puissent saisir les meubles des locataires ne pouvant payer leur loyer. Ces déménagements se font "à la cloche de bois" -celle qui ne tinte pas- et sont clandestins. Cette dénomination provient de la comparaison avec la cloche bruyante des charrettes à bras des déménageurs officiels.

Photos: Georges COCHON:

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Georges COCHON sera secrétaire général de l'Union Syndicale des Locataires en 1911 ; leur emblème est une clochette de bois ornée d'un ruban rouge. Le symbole de la cloche de bois sera repris dans de nombreux dessins et chants.

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A partir du 31 décembre 1911, Georges COCHON tiendra avec sa famille un siège mémorable de 5 jours face aux autorités qui désirent l'expulser. Il tendra une banderole rouge à son balcon dénonçant les agissements des expulseurs.

Il confectionnera également avec des amis ouvriers une maison de bois montée très rapidement qui leur permettra d'occuper des places publiques telles que le Jardin des Tuileries, la cour de la Chambre des députés, l'Hôtel de Ville, la caserne du Château-d'Eau, l'Eglise de la Madeleine et même la préfecture de police.

Il est l'auteur d'un ouvrage nommé "les 39 manières de faire râler son concierge" et sera à l'origine de nombreux changements légaux en faveur des locataires.

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Le mouvement d'occupation démarre vraiment en tant que revendication de masse pour le droit au logement vers 1925 en Angleterre et en France. Il s'étend notablement pendant la période d'après-guerre. Les autorités anglaises tentent de légaliser certaines occupations vers le début des années 1970 mais c'est à cette même période que les squatteurs se politisent en masse et que la lutte pour le logement se radicalise.

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Intuitivement ou par expérience, nous savions qu'il ne faut rien attendre de ceux qui sont au pouvoir, que la liberté ne se mendie pas mais qu'elle se conquiert. L'occupation de bâtiments vides s'est donc présentée comme la voie d'action la plus logique. En plus de nous fournir un espace, on s'attaquait ainsi au pilier central du système: la propriété. Face à la propriété privée, nous revendiquons la propriété d'usage (les maisons à celles et ceux qui les occupent). A défaut d'être légale, l'occupation est légitime, puisqu'en habitant et en rénovant ces maisons, nous leur redonnons vie et les rendons à leur fonction première, celle d'être occupées.

Espace Autogéré de Lôzane, 2003.

Photos: Squats de Lausanne:

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Durant les années 1980, les occupations se comptent par dizaines de milliers et les pays les plus représentatifs du mouvement sont l'Allemagne et la Hollande.

Berlin, par exemple, où la mouvance alternative est très présente, notamment à partir de 1978, est le théâtre d'occupations spectaculaires et coordonnées. Les squatters s'y organisent et élaborent de nombreuses activités annexes à l'occupation (lieux de rencontre, de spectacle, etc.) et des quartiers entièrement occupés prennent vie.

Photos: squats berlinois dont le fameux Tachele:

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Ce que nous revendiquons pour nous, nous le revendiquons pour tout le monde. Par exemple le fait de ne pas payer de loyer constitue l'ouverture d'une brèche pour remettre en question le racket légal des loyers qui étrangle une majorité de la population et non un privilège par rapport aux locataires obligéEs de travailler pour avoir un toit sur la tête.

Espace Autogéré de Lôzane, 2003

Photos: Squats de Lausanne:

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Le logo représentant un éclair ascendant dans un cercle semble être apparu en Allemagne dans ces années d'intense activisme occupationnel. Ce symbole peut également être perçu comme celui du piratage d'énergie par analogie avec l'éclair représentant les différentes formes d'énergie.

Parfois, le haut de la flèche pouvant évoquer le symbole mâle par analogie au symbole de Mars, on rajoute une barre à l'autre extrémité de la flèche dans le but de rééquilibrer la balance des sexes par la présence du symbole de Vénus.

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Atelier populaire

Le 6 mai 1968, les étudiants de l'école des Beaux-Arts de Paris se mettent en grève. Le 13 mai, des manifestations de masse ont lieu à l'appel des syndicats et réunissent étudiants et travailleurs. Le 14 mai se crée un comité de grève provisoire qui informe l'administration de l'école que les étudiants prennent possession des locaux.

Dès le 14 mai, les étudiants se retrouvent dans l'atelier de lithographie et prennent le parti de l'action directe avec présence dans la rue. Ils tirent alors une première affiche et se constituent en "Atelier Populaire". Ce dernier produira des centaines d'affiches dont certaines sont encore employées aujourd'hui.

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La France dénombre à cette époque environ 10 millions de grévistes.

Les participants de l'Atelier populaire vont à la rencontre des usines occupées, chantiers et dépôts afin d'apprendre des travailleurs en lutte, alors qu'eux-mêmes se proclament de l'avant-garde du conflit.

La collaboration entre Atelier populaire et ouvriers est très prolifique et permet aux étudiants de sans cesse faire usage de la critique et de l'autocritique afin d'éliminer les pratiques de la création individualiste bourgeoise qui resurgit sans cesse.

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Des lithographies et sérigraphies sont réalisées à grand régime par des équipes se relayant jour et nuit et des hordes de colleurs d'affiches sillonnent les rues.

Le travail de l'Atelier populaire exprime le désir de se rapprocher des besoins réels des travailleurs, d'avoir pour base les réalités de lutte qui constituent alors le quotidien des innombrables grévistes de France.

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Bestiaire

"Le jour où le coq rouge chantera, bien des coeurs battant de joie et les vrais anarchistes seront prêts à épauler la carabine et, drapeaux rouges en tête, marcheront à la conquête de la liberté."

Le Réveil des Masses, Newfoundland, Pennsylvanie, série A n° 7, août 1889.

Le premier coq est donc rouge, tout comme le drapeau. En 1912 surgit un autre coq en Chine, sans couleur celui-ci, mais cocoriquant tout autant: la Société du Coq qui chante dans la nuit (Huiming Xueshe) est fondée à Guangzhou par Shifu et ses amis, un journal éponyme paraît l'année suivante avant de prendre pour titre Minsheng (la Voix du Peuple, titre répandu alors). A l'époque de la Révolution espagnole, il semble qu'un groupe anarchiste de Shanghai autour de Li Pei KAN (Pa KIN ou Ba JIN) aurait repris ce nom ; mais les sources sont incomplètes et l'iconographie inexistante. Il va falloir attendre bien longtemps pour trouver d'autres coqs amateurs de sérénades, en Grèce ( Kokkoras, à Athènes en 1981) et en Allemagne ( Der schwarze Gockler, Karlsruhe, 1978-1980).

Photo: Pa KIN:

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Quant au corbeau, ses origines sont plus sombres encore. Le premier apparaît probablement comme acronyme en Hollande ( De Raaf, anarchisties stencil stapel werk, 1985-1999), un autre à Saragosse ( Cuervo negro, vers 1979), sans guère d'explication. Le dernier en date fut la revue londonienne The Raven (1987-2002), qui se présente à ses lecteurs avec une bonne dose d'ironie et de culture:

Why The Raven ? I'm sure it's not Poe's raven, "Nevermore"... Is it a symbol of disobedience, referring to Noah's raven who left the job to the obedient doves ? Or is it the bird of Odin, flying around the world and whispering all the news right into his ear ? Do you refer to the flag of the Danish Vikings, typifying their warlike power ? Is it the wise prophetic bird of the Greeks, the bringer of light to the Indians ? The mimic, the trickster, who learns readily to imitate and even in captivity is known for its courage fearing neither cats nor dogs nor children and often living to a great age.
Or is it Pugachev's soaring bird that symbolizes the coming revolution ? -No, of course not ! How could we be so pretentious ? Ravens are just black birds, "as black as they might be", plumage, beak, mouth and tongue, legs ; even the feets are black.
The Raven is the bird that "wyll not gyue her black pennes for the pecocke".

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Une trace est encore évoquée par Trotsky:

Pendant la période de la révolution -chacun le sait et l'idéaliste anarchiste honnête mieux que tout autre- toutes sortes de voyous, de gibiers de prison, de voleurs et de bandits de grand chemin se sont rassemblés sous le drapeau de l'anarchisme. Hier encore, l'homme purgeait sa peine de travaux forcés pour viol, ou de prison pour vol, ou était déporté pour banditisme, et aujourd'hui il déclare:
"Je suis anarchiste - membre des clubs le Corbeau, la Tempête, l'Orage, la Lave", etc., de nombreux noms, de très nombreux noms. [...] Nous disons aux anarchistes: vous devez tracer une ligne stricte entre vous et ces bandits, car il n'y a pas de plus grand danger pour la révolution.

Un paradis pour ce monde, 14 avril 1918.

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Quelques exemples de noirs journaux anarchistes

Bien longtemps après le Drapeau noir lyonnais (voir p. 2), on en trouve un à Bruxelles en 1929 (Bandiera nera). Les autres n'apparaissent que depuis une quarantaine d'années: en italien encore (Pescara), en français (Lyon, Paris, Besançon), en espagnol (Bandera negra à San Sebastian), en anglais (Black Flag à Londres), en japonais et espéranto (Kuro Hata = La Nigra Flago), en danois (Sorte Fane), en norvégien (Svart Fane)...