1918 - 1919 Révolutions sociales en Bavière

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1918 - 1919 Révolutions sociales en Bavière

Messagede bajotierra le Mar 12 Mar 2013 11:59

1918 - 1919 Révolutions sociales en Bavière


La quasi-unanimité, qui en 1914, avait rassemblé le peuple allemand derrière Guillaume II pour le "salut de l'Allemagne ", se brisa dans le début de l'année 1917. Après un premier mouvement de grèves en mars-avril 1917, une grève générale de protestation contre la guerre éclata en janvier 1918 et s'étendit à toute l'Allemagne. La recrudescence de l'agitation ouvrière, exacerbée par la décomposition de l'ordre ancien et par les défaites militaires, reprit avec une vigueur nouvelle, à partir de la mi-octobre à Berlin et en Bavière.
Nius vous proposons deux points de vue



GUERRE DES SOCIALISMES

L'épisode des conseils de Bavière nous apporte, avec le recul, plusieurs enseignements à propos de la valeur de l'expérience et de l'attitude possible des différentes " familles " du socialisme devant une situation révolutionnaire. En ce qui concerne ce dernier point, les faits se sont montrés accablants. Lorsque se produit la révolution bavaroise, les 7 et 8 novembre 1918, la direction sociale-démocrate (S.P.D.), débordée, feint de pactiser avec le mouvement révolutionnaire pour mieux le canaliser.

Elle constitue un gouvernement provisoire avec un séparatiste minoritaire : Kurt Eisner. Celui-ci fera la balance entre la voie réformiste (S.P.D.) et bureaucratique syndicale et celle, révolutionnaire, issue des conseils. Cela le conduira à faire arrêter l'anarchiste Erich Mùhsam et d'autres militants qui poussaient vers cette dernière solution.

Désavoué par des élections, Eisner se couvre ensuite de ridicule en manifestant avec les conseils contre son propre gouvernement ! Cette cohabitation ne pouvait durer très longtemps. La mort d'Eisner, puis la proclamation de la République des conseils le 7 avril 1919 dévoile le vrai visage des socialistes. Ils prennent alors la fuite et recrutent des troupes et des corps-francs.
Ceux-ci écraseront la révolution en mai. Mais cela leur sera difficile.

Il faudra que le gouvernement central de Berlin mobilise de nombreux renforts. Car, contrairement à ce qui s'est passé dans le reste de l'Allemagne, la révolution fut plus solide en Bavière, du moins en ce qui concernait sa défense. Cela justifia un châtiment exceptionnel : plus de sept cents exécutions sommaires et l'activité militante détruite à Munich pour tout l'entre-deux-guerres. Il faut signaler que, parmi les troupes qui écrasèrent la République des conseils se trouvaient de futurs nazis (Rudolf Hess, Himmler, Roehm,...) et que le point de départ de cette doctrine fut Munich, nettoyée de toute contestation ouvrière.

Les sociaux-démocrates ont, à cet égard, une lourde responsabilité historique. Dans un premier temps, les communistes (K.P.D.) furent à la remorque des anarchistes. C'est Erich Mùhsam qui pousse à une série d'actions menant à la République des conseils. La direction du K.P.D. envoie alors de Berlin un responsable "orthodoxe", Eugen Leviné, plus, habile à manoeuvrer contre Mùhsam. Les communistes appliquent aussitôt une tactique visant à leur donner le pouvoir comme en Russie. Ils boycottent la République lors de sa proclamation et noyautent entre-temps les comités. Lorsque les circonstances leur furent favorables, ils prirent pour eux seuls la direction des affaires (ce qui n'empêcha pas la répression de s'abattre sur la Bavière). Les justifications fournies quant à leur attitude ne tiennent pas : si la révolution n'était pas mûre en Bavière, pourquoi le serait-elle devenue après les magouilles du K.P.D. dans les comités de base ?

C'est, en fait, leur tendance totalitaire qui a dicté leur conduite et précipité l'effondrement de la République. En effet, il faut mettre à leur passif d'avoir exacerbé les divisions internes au sein des conseils. Les assemblées d'usine n'étaient plus que le lieu d'affrontements où ils lançaient leur tentative d'hégémonie.
Notons que, quelques jours avant l'effondrement (26 avril 1919), les ouvriers de Munich avaient tenu une assemblée des conseils d'entreprises où ils désavouèrent à une large majorité le comportement du K.P.D. Il était trop tard, hélas !

Quant aux anarchistes, qui furent influents, nous devons reconnaître qu'ils ont fait preuve, parfois, d'une grande naïveté. Parmi les responsables désignés par les conseils le 7 avril, se trouvaient Erich Mùhsam, Gustav Landauer, Silvio Gsell. De nombreuses propositions furent formulées, dans le domaine de l'éducation ou celui du logement notamment, mais il n'y eut pas de réquisitions, de réel démantèlement des anciennes structures. Les conseils manquèrent de coordination et d'expérience pour appliquer les nouvelles mesures.

Il ne suffit pas de proclamer la fin de l'appareil étatique, il faut le détruire et le remplacer, de même pour toutes les anciennes institutions. On ne peut pour cela faire abstraction, à un certain moment, de la violence révolutionnaire, comme ce fut le cas en Bavière. Lorsque la révolution fut en passe d'être écrasée, ex-policiers, juges et bourgeois n'ont eu qu'à ressortir de chez eux, parfois même en participant à la répression ! Sans compter les sabotages et les provocations dont fut victime la République des conseils pendant sa brève existence.
Un manque de fermeté pendant les événements paraît aujourd'hui évident. Autre erreur : on ne se lance pas dans une révolution si ses acteurs n'en ont pas la capacité ! Passé le stade de l'insurrection, paysans et ouvriers de Bavière s'avérèrent incapables de définir leurs objectifs. Ernst Toner, un des protagonistes écrivit : Le peuple savait ce qu'il ne voulait pas, mais pas ce qu'il voulait.
Sans pessimisme, nous devons savoir que l'échec est avant tout une leçon. Les anarchistes doivent être conscients que la véritable révolution est le fruit d'une préparation et qu'à la révolte doit succéder la pratique, amorce d'une autre société.

Yves (CLEA)

LA REVOLUTION DE NOVEMBRE

Le 7 novembre, à la suite d'une manifestation pacifiste, appelée par le S.P.D, et l'U.S.P.D l et à laquelle 200 000 ouvriers et soldats avaient participé, un conseil d'ouvriers et de soldats fut créé. "2 Dans la nuit et tandis que le roi s'enfuit de Munich, le conseil des ouvriers et des soldats se rendit à la Chambre des députés, destitua le gouvernement royal et proclama la république.
Le lendemain, K. Eisner (leader de l'U.S.P.D.) forma un gouvernement de coalition avec les réformistes du S.P.D. Dans les semaines qui suivirent, il tenta d'établir un mélange de parlementarisme et d'idée de conseils dans lesquels, d'ailleurs, il semblait voir plutôt des organes de contrôle que des organes de décision. " Mais, dès le début, cela signifiait l'existence d'un double pouvoir : d'un côté, il y avait le cabinet Eisner qui tentait de mener la révolution dans des voies légales ; et de l'autre, il y avait le conseil ouvrier de Munich, expression des fractions de la classe ouvrière qui poussaient à la révolution. " 2

Mais, à trop vouloir louvoyer entre les partisans du vieux monde et les forces révolutionnaires, Kurst Eisner mécontenta les deux camps. Sous la pression du S.P.D., il fut contraint d'organiser des élections législatives qui furent marquées par de graves perturbations dont la portée altérèrent la validité des résultats. Boycottées par les anarchistes et par le K.P.D. 3, ces élections désavouèrent totalement Eisner qui ne recueillit que 2,5% des voix au profit du Bayerrische Volkspartei (catholique) et du S.P.D. qui obtinrent respectivement 35% et 33% des suffrages.

La situation se dégrada définitivement après que Kurt Eisner eut été assassiné, le 21 février.
Le conseil central révolutionnaire 4, qui fut créé le jour même, décréta l'état de siège et la grève générale dans toute la Bavière. Mais après avoir rejeté la proposition, qui lui fut faite par Erich Mùhsam (un des leaders du mouvement anarchiste) le 28 février, de proclamer la République des conseils, le congrès des conseils, dominé par le S.P.D., donna les pleins pouvoirs au gouvernement Hofmann formé le 17 mars.

LA REPUBLIQUE DES CONSEILS

L'impuissance décevante du gouvernement Hofmann, la menace des corps-francs (à Berlin, les " troubles de mars " se produisaient alors 5 et la proclamation de la République des conseils hongrois le 21 mars intensifièrent l'aspiration de la classe ouvrière à un système des conseils (...) le 4 avril, la classe ouvrière d'Augsbourg, qui se trouvant en grève générale, proposa de proclamer la République des conseils de Bavière..." (2), ce qui fut fait le 7 avril, malgré l'abstention du K.P.D. "Rapidement, le gouvernement des Conseils se révéla pratiquement impuissant (...).
Tandis que le K.P.D. boycottait encore (ce qu'il fit jusqu'à ce que la république se pliât à son propre programme de parti) et freinait ainsi une véritable édification des conseils et de l'Armée rouge (6), les délégués du S.P.D. approuvaient verbalement toutes les mesures révolutionnaires et s'efforçaient, immédiatement après, d'en bloquer l'exécution.
Plus grave que la cassure qui se dessinait, était la confusion qui régnait au sein de la classe ouvrière. Les effets de l'abstention du K.P.D. se firent partout sentir"(2). Toutes les tentatives de négociations menées par certains révolutionnaires, comme Mùhsam, échouèrent et les dernières illusions s'envolèrent après la tentative de putsch militaire des 12 et 13 avril : "Une armée de volontaires qui avait été envoyée par le gouvernement Hofmann réfugié à Bamberg parvint à arrêter Mùhsam et onze autres membres du conseil central avant d'être repoussé..." (2).

La répression

Le K.P.D. vit alors sa chance arriver de se saisir du pouvoir et déposa l'ancien gouvernement des Conseils. (...) La deuxième phase de la République des conseils, qui se différencie considérablement de la première par les prises d'otages, les socialisations en masse et les combats militaires à Dachau, fut pourtant de courte durée, elle aussi. "Les appels à la fermeté du K. P. D. (. . . ), l'exécution d'otages (...) et, du côté adverse, l'excitation des soldats des corps-francs et des étudiants des groupes de droite fomentée par les rumeurs journalistiques, toutes ces conditions s'unirent pour donner une conclusion sanglante à la République des conseils.
Le chiffre de six cents morts, victimes de la répression militaire et des méthodes des conseils de guerre doit être largement en-dessous de la réalité."

Philippe Boubet, Groupe Kropotkine






KAIN, Revue éditée par E. Mühsam



Yves (Cléa) Philippe Boubet


La république des conseils de Bavière - E. Mühsam


Notes

1 Contre la collusion du S-P-D- (Social-démocrate) avec le régime impérial; son aile gauche avait scissionié en avril 1917 pour former l' U.S.P.D. (Socialiste-indépendant).
2 "Erich Mùhsam, Schrliftsteller dr Revolution ", W. Haug, pp. 31 à 38.
3 K-P-D- : parti communiste allemand fondé en janvier 1919.
4 Composé de onze membres dont È. Mùhsam pour les anarchistes et Max Lemen, pour le K-P-D- Le Conseil central réunissait en outre des représentants du S.P.D.de la Ligue des paysans.
5 Groupes para-militaires d'extrême droite, les corps-francs furent systématiquement utilisés par les gouvernants sociaux-démocratres pour réprimer toutes les tentatives révolutionnaires qui eurent lieu en Allemagne au cours de la période 1918-1919. La répression à Berlin fît plus de 1 200 victimes pour le seul mois de mars 1919.
6 Le nom donné à l'Armée des insurgés comme celui de toutes les instances révolutionnaires était directement inspirées de la révolution russe

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