La FA est moins fédéralement organisée, mais parvient à être une organisation efficace dans la construction de structures communes comme un hebdomadaire, une radio, une librairie et a de nombreux locaux pour des groupes, pour éditer des livres...
Cette différence est évidente dans leurs sites Web. Celui d’AL est bon, celui de la FA est mauvais, étant le symptôme de sa faiblesse fédérale.
Je ne veux pas être trop long, et je ne veux pas être trop précis sur l'histoire anarchiste française (et je ne suis pas un historien), n'étant plus dans la FA et étant conscient de beaucoup de ses faiblesses (manque d'efficacité de l’organisation fédérale, tendance idéologique à rester dans son "ghetto" anarchiste, son incapacité à surmonter les crises internes).
Mais une conséquence de cette histoire a été l’abandon du vote dans l'organisation et l'adoption du consensus pour éviter de futurs coup d’Etat.
Mais la FA a plus de problèmes aujourd'hui qu'avant, parce que maintenant il y a deux autres organisations en mesure d'organiser sérieusement le mouvement libertaire, AL et les CGA. Et la FA ne peut pas se régénérer facilement après chaque nouvelle crise, car il y a de la «concurrence», un choix pour les nouveaux militants. Je pense que l'efficacité fédérale d’AL lui permettra de croître dans les années à venir et peut-être à faire mieux que l'ancienne FA.
«Fontenis se battit toute sa vie pour donner consistance au mouvement révolutionnaire sur des lignes libertaires, se battant non contre des “idées” (comme le fit le groupe Joyeux) mais contre le nazisme, le franquisme, l’impérialisme français. Il n’hésita jamais à faire alliance avec d’autres combattants de l’oppression, ni à chercher un moyen risqué de réaliser les objectifs de la révolution sociale, pensant qu’il valait mieux faire des erreurs que de ne rien faire, mais pour certains “anarchos” c’est une aberration. Ils préfèrent éditer des journaux culturels, de la propagande qu’ils sont seuls à lire et parler, parler, parler de choses sans signification. Ils sont très heureux : ils ne “trahiront” jamais. Oui, ils ne changeront jamais la société. Mais cela n’a pas d’importance, bien sûr.»
«Une chose qui me stupéfie est l’image que certains anarchistes ont de la FA. Si nous les écoutons (ou si nous les lisons), la FA n’est qu’une bande de sycophantes vaporeux discutant avec langueur du sexe des anges, soulevant des questions qui n’ont aucun lien avec la réalité, publiant des “journaux culturels” destinés à personne d’autre qu’à nous-mêmes, et “causant, causant, causant de choses sans signification”, regardant passivement passer par la fenêtre le monde réel : le nazisme, le franquisme, l’impérialisme français, les exploités, les opprimés, les chômeurs et les sans abri, réduits à de simples “idées”. Et, bien sûr, considérant “l’inorganicité” comme vertu, ce qui est probablement ce que C. désigne comme le prétendu refus de l’organisation par la FA.»
«Georges Fontenis a les qualités d’un authentique révolutionnaire social. Il s’est consacré dès sa jeunesse à construire un mouvement révolutionnaire, pensant aux VRAIS problèmes de son temps et de son époque (Le Manifeste communiste libertaire, par exemple, fut écrit pour la FA dans les années 50). “Non conforme” pour le mouvement communiste libertaire et la gauche révolutionnaire au début du XXIe siècle et le renforcement des liens entre ceux qui se battent. Son héritage va perdurer.»
«Hélas, si Georges Fontenis a toujours le souci de “briser les tabous”, il ne le fait pas dans Non conforme avec beaucoup de pertinence. L’exercice tourne ici à la recherche d’une posture iconoclaste qui le plus souvent rate sa cible, quand elle ne se fourvoie pas carrément. Le propos est confus, et ambigu sur certaines questions de société. En fin de compte, Georges Fontenis veut poser des questions non conformes mais la rédaction souvent ambivalente de ses réponses risque de conduire des lecteurs (trices) à des conclusions trop conformes… à l’idéologie dominante.» (Guillaume Davranche et Patrice Spadoni, Alternative libertaire, décembre 2002.)
René a écrit :
7. La FA a été détruite par l’épisode Fontenis mais elle a « repris de la vigueur rapidement ».
« Inévitablement cela nécessite des conflits, des scissions, et la rupture des organisations existantes en tendances distinctes qui pour l’instant ne se combattent que de manière interne. Cela doit en fait être accueilli favorablement car cela clarifierait nos orientations et soulagerait quelques-unes des paralysies internes périodiques. » (Souligné par moi.)
« Dans un tel moment, les loyautés organisationnelles et idéologiques doivent être réévaluées en faveur des intérêts du prolétariat et du mouvement dans son ensemble. »
« Très respectueusement camarade, après avoir traversé suffisamment de “conflits, scissions et ruptures” ces 37 dernières années, je ne trouve malheureusement pas cela vraiment sain. (…)
« La volonté de s’engager dans ces sortes de luttes, de scissionner des organisations et de rendre les gens amers, cela, à mon avis, ne vaut pas le coup. (…)
« Les gens devraient se rassembler ou se séparer sur la base de points communs. Et les gens devraient se réunir ou de séparer dans un esprit de camaraderie lorsque ces points communs ne sont plus là. Les “conflits, scissions et ruptures” ne sont pas un moyen de construire et d’avoir des résultats durables bien au-delà du moment de la séparation politique. »
«Les gauchistes léninistes ont fini par se rendre compte qu’ils ne pourront plus jamais “prendre le Palais d’Hiver”. Ils se reconvertissent en simples partis social-démocrates qui développent, sans aucune imagination, des revendications un ou deux crans plus à gauche que leurs homologues dits “réformistes”, lesquels d’ailleurs ne sont même plus réformistes» (..) «Du côté libertaire également, il est nécessaire de faire le bilan. Les exemples historiques de mouvements de masse influencés par les libertaires ne sont plus reproductibles aujourd’hui. Pour construire une organisation d’un million d’adhérents capables de mener la population laborieuse à reprendre en main presque instantanément la production industielle, agricole, les transports et les services, comme en Espagne en 1936, il a fallu soixante-dix ans de propagande syndicaliste incessante. Sommes-nous prêts à faire la même chose ?» («Fin de l’anarchisme ?», texte d’une intervention lors d’un meeting à Rouen en 1995. Repris dans «Créons un mouvement pour une société alternative» 2009 [http://www.monde-nouveau.net/spip.php?article145].)
«Du point de vue de la lutte, le synthésisme n’est pas tant une théorie qu’un courant large qui a suscité le développement de théories de l’organisation plus serrées en réponse aux échecs issus du synthésisme».
René a écrit:Pour mémoire, la CNT espagnole avait reconnu le communisme libertaire comme objectif, le syndicalisme révolutionnaire comme moyen, le tout aboutissant à l'émancipation de l'individu.
«Le synthésisme regroupe des gens qui n’ont pas un niveau basique d’unité sur la stratégie et souvent sur la théorie. L’exemple classique sont les “fédérations anarchistes” (en particulier en Europe, bien que dans l’histoire US récente il y a eu la Fédération anarchiste sociale révolutionnaire (1) qui permettent à différentes tendances contradictoires d’exister dans la même organisation sans aucune unité fondamentale. Un exemple actuel serait les fédérations anarchistes française et italienne dans l’Internationale des fédérations anarchistes, qui sont lourdement inspirées par la synthèse, et qui rassemblent des gens sur la base d’un anarchisme largement conçu, incluant même des individualistes.»
Tonton-vélo a écrit:Déception que ce fil qui est basé sur la perception des mouvement anarchistes les uns par rapport aux autres, ça me saoule. Je pensais à une surveillance des autres forums ex-LCR, LO, voir fascistes.
René a écrit : Dans le registre de l’«unité», de l’«efficacité» et de la «cohérence», je dirais que le principal critère pour juger d’une organisation est sa capacité à gérer les emmerdeur/euses de service et à neutraliser leur capacité de nuisance.
SYNTHÈSE (ANARCHISTE)
http://www.encyclopedie-anarchiste.org/articles/s/synthese.html
On désigne par « synthèse anarchiste » une tendance qui se fait actuellement jour au sein du mouvement libertaire, cherchant à réconcilier et ensuite à « synthétiser » les différents courants d'idée qui divisent ce mouvement en plusieurs fractions plus ou moins hostiles les unes aux autres. Il s'agit, au fond, d'unifier, dans une certaine mesure, la théorie et aussi le mouvement anarchistes en un ensemble harmonieux, ordonné, fini. Je dis : dans une certaine mesure car, naturellement, la conception anarchiste ne pourrait, ne devrait jamais devenir rigide, immuable, stagnante. Elle doit rester souple, vivante, riche d'idées et de tendances variées. Mais souplesse ne doit pas signifier confusion. Et, d'autre part, entre immobilité et flottement il existe un état intermédiaire. C'est précisément cet état intermédiaire que la « synthèse anarchiste » cherche à préciser, à fixer et à atteindre.
Ce fut surtout en Russie, lors de la révolution de 1917, que la nécessité d'une telle unification, d'une telle « synthèse », se fit sentir. Déjà très faible matériellement (peu de militants, pas de bons moyens de propagande, etc. ) par rapport à d'autres courants politiques et sociaux, l’anarchisme se vit affaibli encore plus, lors de la révolution russe, par suite des querelles intestines qui le déchiraient. Les anarcho-syndicalistes ne voulaient pas s'entendre avec les anarchistes-communistes et, en même temps, les uns et les autres se disputaient avec les individualistes (sans parler d'autres tendances). Cet état de choses impressionna douloureusement plusieurs camarades de diverses tendances. Persécutés et finalement chassés de la grande Russie par le gouvernement bolcheviste, quelques-uns de ces camarades s'en allèrent militer en Ukraine où l'ambiance politique était plus favorable, et où, d'accord avec quelques camarades ukrainiens, ils décidèrent de créer un mouvement anarchiste unifié, recrutant des militants sérieux et actifs partout où ils se trouvaient, sans distinction de tendance. Le mouvement acquit tout de suite une ampleur et une vigueur exceptionnelles. Pour prendre pied et s'imposer définitivement, il ne lui manquait qu'une chose : une certaine base théorique.
Me sachant un adversaire résolu des querelles néfastes parmi les divers courants de l'anarchisme, sachant aussi que je songeais, comme eux, à la nécessité de les réconcilier, quelques camarades vinrent me chercher dans une petite ville de la Russie centrale où je séjournais, et me proposèrent de partir en Ukraine, de prendre part à la création d'un mouvement unifié, de lui fournir un fond théorique et de développer la thèse dans la presse libertaire.
J'acceptai la proposition. En novembre 1918, le mouvement anarchiste unifié en Ukraine fut définitivement mis en route. Plusieurs groupements se formèrent et envoyèrent leurs délégués à la première conférence constitutive qui créa la « Confédération anarchiste de l'Ukraine Nabat (Tocsin) ». Cette conférence élabora et adopta à l'unanimité une Déclaration proclamant les principes fondamentaux du nouvel organisme. Il fut décidé que très prochainement cette brève déclaration de principes serait amplifiée, complétée et commentée dans la presse libertaire. Les événements tempétueux empêchèrent ce travail théorique. La confédération du Nabat dut mener des luttes ininterrompues et acharnées. Bientôt elle fut, à son tour, « liquidée » par les autorités bolchevistes qui s'installèrent en Ukraine. A part quelques articles de journaux, la Déclaration de la première conférence du Nabat fut et restera le seul exposé de la tendance unifiante (ou « synthétisante ») dans le mouvement anarchiste russe.
Les trois idées maîtresses qui, d'après la Déclaration, devraient être acceptées par tous les anarchistes sérieux afin d'unifier le mouvement, sont les suivantes :
1° Admission définitive du principe syndicaliste, lequel indique la vraie méthode de la révolution sociale ;
2° Admission définitive du principe communiste (libertaire), lequel établit la base d'organisation de la nouvelle société en formation ;
3° Admission définitive du principe individualiste, l'émancipation totale et le bonheur de l'individu étant le vrai but de la révolution sociale et de la société nouvelle.
Tout en développant ces idées, la Déclaration tâche de définir nettement la notion de la « révolution sociale » et de détruire la tendance de certains libertaires cherchant à adapter l'anarchisme à la soi-disant « période transitoire ».
Cela dit, nous préférons, au lieu de reprendre les arguments de la Déclaration, développer nous-mêmes l'argumentation théorique de la synthèse.
La première question à résoudre est celle-ci :
L'existence de divers courants anarchistes ennemis, se disputant entre eux, est-ce un fait positif ou négatif ? La décomposition de l'idée et du mouvement libertaires en plusieurs tendances s'opposant les unes aux autres, favorise-t-elle ou, au contraire, entrave-t-elle les succès de la conception anarchiste ? Si elle est reconnue favorable, toute discussion est inutile. Si, au contraire, elle est considérée comme nuisible, il faut tirer de cet aveu toutes les conclusions nécessaires.
À cette première question, nous répondons ceci :
Au début, lorsque l'idée anarchiste était encore peu développée, confuse, il fut naturel et utile de l'analyser sous tous ses aspects, de la décomposer, d'examiner à fond chacun de ses éléments, de les confronter, de les opposer les uns aux autres, etc. C'est ce qui a été fait. L'anarchisme fut décomposé en plusieurs éléments (ou courants). Ainsi l'ensemble, trop général et vague, fut disséqué, ce qui aida à approfondir, à étudier à fond aussi bien cet ensemble que ces éléments. A cette époque, le démembrement de la conception anarchiste fut donc un fait positif. Diverses personnes s'intéressant à divers courants de l'anarchisme, les détails et l'ensemble y gagnèrent en profondeur et en précision. Mais, par la suite, une fois cette première œuvre accomplie, après que les éléments de la pensée anarchiste (communisme, individualisme, syndicalisme) furent tournés et retournés en tous sens, il fallait penser à reconstituer, avec ces éléments bien travaillés, l'ensemble organique d'où ils provenaient. Après une analyse fondamentale, il fallait retourner (sciemment) à la bienfaisante synthèse.
Fait bizarre : on ne pensa plus à cette nécessité. Les personnes qui s'intéressaient à tel élément donné de l'anarchisme, finirent par le substituer à l'ensemble. Naturellement, elles se trouvèrent bientôt en désaccord et, finalement, en conflit avec ceux qui traitaient de la même manière d'autres parcelles de la vérité entière. Ainsi, au lieu d'aborder l'idée de fusionnement des éléments épars (qui, pris séparément, ne pouvaient plus servir à grand chose) en un ensemble organique, les anarchistes entreprirent pour de longues années la tâche stérile d'opposer haineusement leurs « courants » les uns aux autres. Chacun considérait « son » courant, « sa » parcelle pour l'unique vérité et combattait avec acharnement les partisans des autres courants. Ainsi commença, dans les rangs libertaires, ce piétinement sur place, caractérisé par l'aveuglement et l'animosité mutuelle, qui continue jusqu'à nos jours et qui doit être considéré comme nuisible au développement normal de la conception anarchiste.
Notre conclusion est claire. Le démembrement de l'idée anarchiste en plusieurs courants a rempli son rôle. Il n'a plus aucune utilité. Rien ne peut plus le justifier. Il entraîne maintenant le mouvement dans une impasse, il lui cause des préjudices énormes, il n'offre plus - ni ne peut offrir - rien de positif. La première période - celle où l'anarchisme se cherchait, se précisait et se fractionnait fatalement à cette besogne - est terminée. Elle appartient au passé. Il est grand temps d'aller plus loin.
Si l'éparpillement de l'anarchisme est actuellement un fait négatif, préjudiciable, il faut chercher à y mettre fin. Il s'agit de se rappeler l'ensemble entier, de recoller les éléments épars, de retrouver, de reconstruire sciemment la synthèse abandonnée.
Une autre question surgit alors : cette synthèse, est-elle possible actuellement ? Ne serait-elle pas une utopie ? Pourrait-on lui fournir une certaine base théorique ?
Nous répondons : oui, une synthèse de l'anarchisme (ou, si l'on veut, un anarchisme « synthétique ») est parfaitement possible. Elle n'est nullement utopique. D'assez fortes raisons d'ordre théorique parlent en sa faveur. Notons brièvement quelques-unes de ces raisons, les plus importantes, dans leur suite logique :
1° Si l'anarchisme aspire à la vie, s'il escompte un triomphe futur, s'il cherche à devenir un élément organique et permanent de la vie, une de ses forces actives, fécondantes, créatrices, alors il doit chercher à se trouver le plus près possible de la vie, de son essence, de son ultime vérité. Ses bases idéologiques doivent concorder le plus possible avec les éléments fondamentaux de la vie. Il est clair, en effet, que si les idées primordiales de l'anarchisme se trouvaient en contradiction avec les vrais éléments de la vie et de l'évolution, l'anarchisme ne pourrait être vital. Or, qu'est-ce que la vie? Pourrait-on, en quelque sorte, définir et formuler son essence, saisir et fixer ses traits caractéristiques ? Oui, on peut le faire. Il s'agit, certes, non pas d'une formule scientifique de la vie - formule qui n'existe pas - mais d'une définition plus ou moins nette et juste de son essence visible, palpable, concevable. Dans cet ordre d'idée, la vie est, avant tout, une grande synthèse : un ensemble immense et compliqué, ensemble organique et original, de multiples éléments variés.
2° La vie est une synthèse. Quelles sont donc l'essence et l'originalité de cette synthèse? L'essentiel de la vie est que la plus grande variété de ses éléments - qui se trouvent de plus en un mouvement perpétuel réalise en même temps, et aussi perpétuellement, une certaine unité ou, plutôt, un certain équilibre. L'essence de la vie, l'essence de sa synthèse sublime, est la tendance constante vers l'équilibre, voire la réalisation constante d'un certain équilibre, dans la plus grande diversité et dans un mouvement perpétuel. (Notons que l'idée d'un équilibre de certains éléments comme étant l'essence bio-physique de la vie se confirme par des expériences scientifiques physico-chimiques.)
3° La vie est une synthèse. La vie (l'univers, la nature) est un équilibre (une sorte d'unité) dans la diversité et dans le mouvement (ou, si l'on veut, une diversité et un mouvement en équilibre). Par conséquent, si l'anarchisme désire marcher de pair avec la vie, s'il cherche à être un de ses éléments organiques, s'il aspire à concorder avec elle et aboutir à un vrai résultat, au lieu de se trouver en opposition avec elle pour être finalement rejeté, il doit, lui aussi, sans renoncer à la diversité ni au mouvement, réaliser aussi, et toujours, l'équilibre, la synthèse, l'unité.
Mais il ne suffit pas d'affirmer que l'anarchisme peut être synthétique : il doit l'être. La synthèse de l'anarchisme n'est pas seulement possible, pas seulement souhaitable : elle est indispensable. Tout en conservant la diversité vivante de ses éléments, tout en évitant la stagnation, tout en acceptant le mouvement - conditions essentielles de sa vitalité - l'anarchisme doit chercher, en même temps, l'équilibre dans cette diversité et ce mouvement même.
La diversité et le mouvement sans équilibre, c'est le chaos. L'équilibre sans diversité ni mouvement, c'est la stagnation, la mort. La diversité et le mouvement en équilibre, telle est la synthèse de la vie. L'anarchisme doit être varié, mouvant et, en même temps, équilibré, synthétique, uni. Dans le cas contraire, il ne sera pas vital.
4° Notons, enfin, que le vrai fond de la diversité et du mouvement de la vie (et partant de la synthèse) est la création, c'est-à-dire la production constante de nouveaux éléments, de nouvelles combinaisons, de nouveaux mouvements, d'un nouvel équilibre. La vie est une diversité créatrice. La vie est un équilibre dans une création ininterrompue. Par conséquent, aucun anarchiste ne pourrait prétendre que « son » courant est la vérité unique et constante, et que toutes les autres tendances dans l'anarchisme sont des absurdités. Il est, au contraire, absurde qu'un anarchiste se laisse engager dans l'impasse d'une seule petite « vérité », la sienne, et qu'il oublie ainsi la grande vérité réelle de la vie : la création perpétuelle de formes nouvelles, de combinaisons nouvelles, d'une synthèse constamment renouvelée.
La synthèse de la vie n'est pas stationnaire : elle crée, elle modifie constamment ses éléments et leurs rapports mutuels.
L'anarchisme cherche à participer, dans les domaines qui lui sont accessibles, aux actes créateurs de la vie. Par conséquent, il doit être, dans les limites de sa conception, large, tolérant, synthétique, tout en se trouvant en mouvement créateur.
L'anarchiste doit observer attentivement, avec perspicacité, tous les éléments sérieux de la pensée et du mouvement libertaires. Loin de s'engouffrer dans un seul élément quelconque, il doit chercher l'équilibre et la synthèse de tous ces éléments donnés. Il doit, de plus, analyser et contrôler constamment sa synthèse, en la comparant avec les éléments de la vie elle-même, afin d'être toujours en harmonie parfaite avec cette dernière. En effet, la vie ne reste pas sur place, elle change. Et, par conséquent, le rôle et les rapports mutuels de divers éléments de la synthèse anarchiste ne resteront pas toujours les mêmes : dans divers cas, ce sera tantôt l'un, tantôt l'autre de ces éléments qui devra être souligné, appuyé, mis en action.
Quelques mots sur la réalisation concrète de la synthèse.
1° Il ne faut jamais oublier que la réalisation de la révolution, que la création des formes nouvelles de la vie incomberont non pas à nous, anarchistes isolés ou groupés idéologiquement, mais aux vastes masses populaires qui, seules, seront à même d'accomplir cette immense tâche destructive et créatrice. Notre rôle, dans cette réalisation, se bornera à celui d'un ferment, d'un élément de concours, de conseil, d'exemple. Quant aux formes dans lesquelles ce processus s'accomplira, nous ne pouvons que les entrevoir très approximativement. Il est d'autant plus déplacé de nous quereller pour des détails, au lieu de nous préparer, d'un élan commun, à l'avenir.
2° Il n'est pas moins déplacé de réduire toute l'immensité de la vie, de la révolution, de la création future, à de petites idées de détail et à des disputes mesquines. Face aux grandes tâches qui nous attendent, il est ridicule, il est honteux de nous occuper de ces mesquineries. Les libertaires devront s'unir sur la base de la synthèse anarchiste. Ils devront créer un mouvement anarchiste uni, entier, vigoureux. Tant qu'ils ne l'auront pas créé, ils resteront en dehors de la vie.
Dans quelles formes concrètes pourrions-nous prévoir la réconciliation, I'unification des anarchistes et, ensuite, la création d'un mouvement libertaire unifié ?
Nous devons souligner, avant tout, que nous ne nous représentons pas cette unification comme un assemblage « mécanique » des anarchistes de diverses tendances en une sorte de camp bigarré où chacun resterait sur sa position intransigeante. Une telle unification serait non pas une synthèse mais un chaos. Certes, un simple rapprochement amical des anarchistes de diverses tendances et une plus grande tolérance dans leurs rapports mutuels (cessation d’une polémique violente, collaboration dans des publications anarchistes, participation aux mêmes organismes actifs, etc.) seraient un grand pas en avant par rapport à ce qui se passe actuellement dans les rangs libertaires. Mais nous considérons ce rapprochement et cette tolérance comme, seulement, le premier pas vers la création de la vraie synthèse anarchiste et d'un mouvement libertaire unifié. Notre idée de la synthèse et de l'unification va beaucoup plus loin. Elle prévoit quelque chose de plus fondamental, de plus « organique ».
Nous croyons que l'unification des anarchistes et du mouvement libertaire devra se poursuivre, parallèlement, en deux sens, notamment :
a) Il faut commencer immédiatement un travail théorique cherchant à concilier, à combiner, à synthétiser nos diverses idées paraissant, à première vue, hétérogènes. Il est nécessaire de trouver et de formuler dans les divers courants de l'anarchisme, d'une part, tout ce qui doit être considéré comme faux, ne coïncidant pas avec la vérité de la vie et devant être rejeté ; et, d'autre part, tout ce qui doit être constaté comme étant juste, appréciable, admis. Il faut, ensuite, combiner tous ces éléments justes et de valeur, en créant avec eux un ensemble synthétique. (C'est surtout dans ce premier travail préparatoire que le rapprochement des anarchistes de diverses tendances et leur tolérance mutuelle pourraient avoir la grande importance d'un premier pas décisif.) Et, enfin, cet ensemble devra être accepté par tous les militants sérieux et actifs de l'anarchisme comme base de la formation d'un organisme libertaire uni, dont les membres seront ainsi d'accord sur un ensemble de thèses fondamentales acceptées par tous.
Nous avons déjà cité l'exemple concret d'un tel organisme : la confédération Nabat, en Ukraine. Ajoutons ici à ce que nous avons déjà dit plus haut que l'acceptation par tous les membres du Nabat de certaines thèses communes n'empêchaient nullement les camarades de diverses tendances d'appuyer surtout, dans leur activité et leur propagande, les idées qui leur étaient chères. Ainsi, les uns (les syndicalistes) s'occupaient surtout des problèmes concernant la méthode et l'organisation de la révolution ; les autres (communistes) s'intéressaient de préférence à la base économique de la nouvelle société ; les troisièmes (individualistes) faisaient ressortir spécialement les besoins, la valeur réelle et les aspirations de l'individu. Mais la condition obligatoire pour être accepté au Nabat était l'admission de tous les trois éléments comme parties indispensables de l'ensemble et le renoncement à l'état d'hostilité entre les diverses tendances. Les militants étaient donc unis d'une façon « organique », car, tous, ils acceptaient un certain ensemble de thèses fondamentales. C'est ainsi que nous nous représentons l'unification concrète des anarchistes sur la base d'une synthèse des idées libertaires théoriquement établie.
b) Simultanément et parallèlement audit travail théorique, devra se créer l'organisation unifiée sur la base de l'anarchisme compris synthétiquement.
Pour terminer, soulignons encore une fois que nous ne renonçons nullement à la diversité des idées et des courants au sein de l'anarchisme. Mais il y a diversité et diversité. Celle, notamment, qui existe dans nos rangs aujourd'hui est un mal, est un chaos. Nous considérons son maintien comme une très lourde faute. Nous sommes d'avis que la variété de nos idées ne pourra être et ne sera un élément progressif et fécond qu'au sein d'un mouvement commun, d'un organisme uni, édifié sur la base de certaines thèses générales admises par tous les membres et sur l'aspiration à une synthèse.
Ce n'est que dans l'ambiance d'un élan commun, ce n'est que dans les conditions de recherches de thèses justes et de leur acceptation, que nos aspirations, nos discussions et même nos disputes auront de la valeur, seront utiles et fécondes. (C'était précisément ainsi au Nabat.) Quant aux disputes et aux polémiques entre de petites chapelles prêchant chacune « sa » vérité unique, elles ne pourront aboutir qu'à la continuation du chaos actuel, des querelles intestines interminables et de la stagnation du mouvement.
Il faut discuter en s'efforçant de trouver l'unité féconde, et non pas d'imposer à tout prix « sa » vérité contre celle d'autrui. Ce n'est que la discussion du premier genre qui mène à la vérité. Quant à l'autre discussion, elle ne mène qu'à l'hostilité, aux vaines querelles et à la faillite.
- VOLINE.
vroum a écrit:René a écrit : Dans le registre de l’«unité», de l’«efficacité» et de la «cohérence», je dirais que le principal critère pour juger d’une organisation est sa capacité à gérer les emmerdeur/euses de service et à neutraliser leur capacité de nuisance.
tiens ça me fait justement penser au forum anarchiste !
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