"Ma plus grande victoire a été la truelle". Cipriano Mera

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"Ma plus grande victoire a été la truelle". Cipriano Mera

Messagede vroum le Jeu 4 Oct 2012 15:55

"Ma plus grande victoire a été la truelle". Cipriano Mera

source : http://www.autrefutur.net/Ma-plus-grand ... e-a-ete-la

Figure mythique de la guerre d’Espagne, Cipriano Mera (1896-1975), ouvrier maçon, fut membre de l’organisme Défense Intérieur (DI). Par la suite, il soutiendra la FIJL (Fédération internationale des jeunesses libertaires) contre les "immobilistes" de la CNT et militera au sein des Groupes de présence confédérale (GPC), regroupement des opposants à la "sainte famille" Esgleas-Montseny.

Deux publications récentes nous permettent de (re) découvrir Mera :

Guerre, exil et prison d’un anarcho-syndicaliste
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Dans son auto-biographie, Cipriano Mera [1], nous dit sa guerre et témoignage de façon simple et concise sur la participation des unités de la CNT dans un des secteurs géographiques les plus chauds de la guerre civile : la zone du centre de l’Espagne. Il nous raconte son expérience sans ambages ni circonlocutions, par le vif. Sans éluder certains aspects doctrinairement discutables, comme la militarisation des milices, il assume l’entière responsabilité de son intervention. Il ne passe rien sous silence et évite les justifications a posteriori.

Cipriano Mera Sanz / 1897-1975 / De la guerre à l’exil
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Cette biographie inédite [2] nous montre une figure emblématique et injustement oubliée du prolétariat révolutionnaire madrilène, maçon devenu général de l’armée populaire, au cœur d’un événement politique majeur du XXe siècle : la guerre civile espagnole. Comme Durruti, Cipriano Mera s’engage à fond dans la guerre de classes qui ravage l’Espagne. Comme Durruti, il a connu les cachots de la dictature de Primo de Rivera, puis ceux de la République. Cependant, à la différence du martyr fauché en pleine gloire en novembre 1936, Cipriano Mera gardera les armes à la main jusqu’en mars 1939, et bien au-delà…

Mais le dernier chapitre, "épilogue", n’aborde que brièvement la mise au ban de Mera suite aux tristes manœuvres de la "sainte famille" Esgleas-Montseny qui, dans les années 60, par ses politiques de normalisation, d’immobilisme habillé de démagogie puriste, favorisa clairement la passivité en faveur d’une évolution politique lente de prétendues forces politiques "progressistes et vaguement antifranquistes" [3]. Opposé à cette passivité, Mera sera désormais le "mouton noir" à écarter et la sainte famille usera de toutes moyens pour le discréditer, mettant en cause son honnêteté et l’accusant notamment de détournement de fonds de la DI.
La charge contre Mera fut violente, méthodique et assurément dogmatique. Affecté mais combatif, il résistera aux comportements nauséabonds et dans une lettre, il réfuta les accusations d’Esgleas et de Llansola, secrétaire de coordination du SI :

"J’accuse Germinal Esgleas, pour les raisons suivantes :"

- PREMIÈREMENT : avoir sciemment accepté le poste qu’il occupe aujourd’hui, en dépit du fait que le Congrès qui l’a nommé ait approuvé la gestion de la section D. I, dont il avait démissionné parce qu’il était contre cette gestion, et qu’il a sabotée, comme mission qu’on lui avait déléguée, dès le départ du dedans et du dehors.

- DEUXIÈMEMENT : Être responsable de la plupart des problèmes qui ont empêché la coordination normale des activités au sein de la Défense intérieure et à cause de son objectif de torpiller son fonctionnement, comme en témoigne le fait de sa démission quelques mois avant la Congrès confédéral, où il savait qu’il devait être présenté comme candidat au poste de secrétaire général. C’est ce qui se dégage de l’analyse de ce que fut sa conduite pour respecter l’engagement pris lorsqu’il était à la DI.

- TROISIÈMEMENT : En raison de son attitude opposée à toutes les normes organiques de l’éthique libertaire, et de ses manœuvres bolcheviques depuis son poste de secrétaire général, lequel lui a servi, durant son mandat, à empêcher que le problème soit présenté dans les règles à la Défense intérieure, afin d’y être examiné et résolu au profit du Mouvement libertaire, et par respect pour le poste qu’il occupe dans la CNT.

- QUATRIÈMEMENT : Étant donné qu’il est le plus grand responsable de la paralysie totale des accords de 1961 (unification des deux tendances de la CNT en exil) en matière de lutte clandestine, car il n’a pas répondu à notre dénonciation présentée à la Commission de Défense intérieure, en dépit du fait que lors de cette réunion incomplète de confrontation (11 avril 1964) nous ayons étayé notre accusation. Cela entrainait que ce cas soit posé à l’Organisation pour qu’elle le solutionne, puisqu’il était hors de toute éthique libertaire que les individus accusés résolvent eux-mêmes cette situation délicate.

- CINQUIÈMEMENT : Vu qu’il est complice de détournement de fonds (Pro-Espagne) qui sont le patrimoine de l’Organisation et du mouvement libertaire, car en tant que représentant de la CNT, comme secrétaire général, il a autorisé que les moyens financiers de ce fonds soient consacrés à des activités autres que celles pour lesquelles ils ont été recueillis, depuis l’entrée en vigueur des accords et des motions de 1961, paralysés dans la gestion actuelle.

"J’accuse Vicente Llansola :"

- PREMIÈREMENT : Pour les mêmes cinq premières raisons que pour Germinal Esgleas.

- DEUXIÈMEMENT : Pour avoir bafoué les résolutions du Comité de Défense intérieure en présentant sa démission, posant un grave problème d’irresponsabilité militante, vu qu’il s’agit d’une mission capitale.

- TROISIÈMEMENT : Pour irresponsabilité lors de cette mission capitale, puisqu’il l’avait volontairement choisie et pour détournement de fonds dans cette mission capitale, non réalisée. [...]

- Paris, 11 septembre 1964 -


… mais la rude bataille menée conjointement avec Octavio Alberola [4], pour incriminer ceux qui, au sein du DI, l’avaient systématiquement paralysée, eut si peu d’effet sur des délégués sous contrôle que Germinal Esgleas et Vicente Llansola se virent confirmés à leurs postes de secrétaire général et de secrétaire à la coordination.

Mera est mis à l’index d’une CNT qui tombe aux mains du clan.

Federica Montseny [5] comme son compagnon Germinal Esgleas et d’autres "familles" (dont les "arrancanos" [6] de Paris, Toulouse ou Bordeaux), occuperont alors de nombreux postes de permanents-rétribués au sein d’une mini-bureaucratie, que sécréta pendant longtemps l’exil "cénétiste"… Verrouillé, l’appareil pouvait prendre sa revanche sur les trublions activistes. Une authentique chasse aux sorcières fut ouverte, qui débarrassa la maison confédérale et ses dépendances de toute "impureté critique". "L’ordre régna" alors "Rue Belfort" [7].
Grâce à sa besogne inlassable, Esgleas réussit même à éviter les accusations de Mera et l’année suivante condamna un accord public entre des phalangistes et des cénétistes pour une sorte de "syndicalisme franquiste"… [8]

"Ma plus grande victoire a été la truelle… "

Cipriano Mera continua de travailler comme maçon. En 1968, avec d’autres cénétistes, il mettra en place les Groupes de présence confédérale et libertaire afin d’éviter les dérives idéologiques et de tirer la CNT de l’immobilisme. En 1969, il prend sa retraite. L’année suivante, il est exclu de la CNT. Les orthodoxes on gagné ! Il meurt le 24 octobre 1975, à peine un mois avant Franco…
Une partie de ceux qui crachèrent sur lui de son vivant (au nom de "l’anarcho-syndicalisme), vinrent (pour la photo) à ses funérailles, au cours desquelles, son compagnon Francisco Olaya Morales lui rendit hommage en une belle phrase résumant son action émancipatrice, en forme d’épitaphe : "Il mourut comme il avait vécu : en construisant des édifices que d’autres se consacraient à détruire"



P.-S.

- À consulter : le site À contretemps : http://acontretemps.org/

Notes

[1] Editions du Coquelicot, Toulouse, 2011- http://www.lecoquelicot.info/

[2] de Clément Magnier, Editions CNT-RP, septembre 2011- http://www.editions-cnt.org/

[3] Voir : Amère lecture d’ "Une résurgence anarchiste" de Tomas Ibáñez & Salvador Gurucharri

[4] Né en 1921 dans une famille de forte tradition libertaire – son père, José Alberola, maître d’école rationaliste, fut membre du Conseil d’Aragon –, Octavio Alberola marqua indiscutablement de son empreinte la FIJL (Fédération internationale des jeunesses libertaires) des années 1960. Séducteur pour les uns, manipulateur pour les autres, il se tailla une indéniable réputation – que d’aucuns jugent usurpée – de « chef militaire ».

[5] Intellectuelle, grande figure de l’anarchisme et de l’anarcho-syndicalisme, première femme ministre de la Santé entre 1936 et 1937, sous la seconde République espagnole.

[6] Terme tombé en désuétude pour désigner ceux qui avaient plus de force que d’intelligence

[7] La « Rue Belfort » était le siège toulousain du Secrétariat intercontinental de la CNT. Quant à la dissidence, elle nourrit, à partir de 1967, les Groupes de présence confédérale (GPC) – devenus, par la suite, Groupes de présence confédérale et libertaire (GPCL) –, qui donnèrent naissance, en 1970, au mensuel Frente Libertario. Cette mouvance regroupa un panel assez large d’opposants à l’ "esgléisme", parmi lesquels figuraient, bien entendu, d’anciens activistes de la FIJL.

[8] Sujet tabou que les militants sectaires n’aiment pas aborder : La phalange se gagna quelques militants de gauche avant 1936, comme l’ex-communiste du PC Oscar Pérez Solís - futur ministre des Relations Syndicales. Mais c’est surtout avec la victoire franquiste, l’appât du gain, les pressions policières, les tortures et menaces de mort, que la phalange va "conquérir" un certain nombre d’individus de tous les partis : PS, PC, POUM, UGT et CNT.
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Re: "Ma plus grande victoire a été la truelle". Cipriano Mera

Messagede bajotierra le Jeu 4 Oct 2012 17:02

8] Sujet tabou que les militants sectaires n’aiment pas aborder : La phalange se gagna quelques militants de gauche avant 1936, comme l’ex-communiste du PC Oscar Pérez Solís - futur ministre des Relations Syndicales. Mais c’est surtout avec la victoire franquiste, l’appât du gain, les pressions policières, les tortures et menaces de mort, que la phalange va "conquérir" un certain nombre d’individus de tous les partis : PS, PC, POUM, UGT et CNT.


celle c'est la meilleure de toutes !

le cincopuntisme , c'esta dire la collaboration avec le syndicat vertical , franquiste , fut le produit de la dérive de quelques secteurs réformistes de la CNT , secteur qui précisément semble avoir les préférences des éditeurs de l'autobiographie de cipriono mera , voici la trajectoire d'un de ces dirigeants réformistes

Nicolas Mallo Fernandez avait fui la Galice dès les premiers jours du coup d’état franquiste de juillet 1936 pour gagner les Asturies. A la fin de la guerre il passait en France d’où il embarquait immédiatement pour l’Amérique latine, d’abord en République Dominicaine, puis à Cuba et au Mexique.

Membre de la tendance dite collaborationiste, il était en 1945 l’un des représentants de la CNT au gouvernement républicain en exil dans lequel il occupait le poste de responsable de la Direction générale des eaux et forêts. Peu après il partait en Espagne pour renforcer à Madrid le Comité péninsulaire de tendance colaborationiste de la Fédération ibérique des jeunesses libertaires (FIJL) dont il devint en mars 1946 le délégué au Comité national de la CNT.

Après avoir participé au plenum clandestin tenu à Madrid en mars 1947, il était arrêté le 24 mars alors qu’il prenait le train pour aller remettre les accords du plenum aux Asturies et en Galice. Traduit devant un conseil de guerre, Nicolas Mallo était condamné à 30 ans de prison. En 1958 il était interné à San Miguel de los Reyes.

Après sa remise en liberté il continua de participer à la clandestinité et en 1967 était le secrétaire pour l’extérieur du Comité national de la CNT dont le secrétaire était Francisco Royano Fernandez. Il fut à cette époque l’un des promotteurs des accords signés entre d’anciens militants de la CNT et les syndicats verticaux franquistes (affaire du « Cincopuntismo »).

Après la mort de Franco et comme plusieurs autres vieux cénétistes il pârticipa à la fondation de l’Union démocatique des retraités (Union democratica de pensionistas) dont il allait être notamment le secrétaire de relations publiques, le vice président, puis le président de 1984 à son décès survenu le 26 juillet 1994 à Madrid.

http://losdelasierra.info/spip.php?article4539

ces individus étaient bien entendus combattus par le secteur dit "orthodoxe "
bajotierra
 
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Re: "Ma plus grande victoire a été la truelle". Cipriano Mera

Messagede Ateo le Ven 5 Oct 2012 06:30

C est triste ces anarchiste de la CNT qui sont avec les fachistes, mais c est l histoire. c est bien de savoir.
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Re: "Ma plus grande victoire a été la truelle". Cipriano Mera

Messagede vroum le Ven 7 Déc 2012 13:40

La mémoire d’un vaincu

6 décembre 2012 par florealanar http://florealanar.wordpress.com/2012/1 ... un-vaincu/

L’article reproduit ici,
rédigé sous le pseudonyme de Juan Roman,
a été publié dans « Le Monde libertaire » du 6 décembre 2012.



A l’entrée de l’été 1936, près de 100 000 travailleurs paralysent le secteur du bâtiment de la région madrilène. Membre du comité de grève, Cipriano Mera, maçon et militant de la CNT, est arrêté début juillet. Il se trouve en prison lorsque le soulèvement militaire impulsé par le général Franco éclate. Libéré le 19 juillet par ses camarades, il se distingue aussitôt par ses qualités de combattant et de stratège au sein d’une colonne anarchiste qui s’emparera très vite des villes, villages et territoires de Castille tombés entre les mains de la Garde civile et des militaires factieux aux premières heures du coup d’Etat.

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Dès lors, Cipriano Mera ne quittera plus le front de guerre jusqu’à la défaite finale du camp républicain, s’illustrant notamment lors de la célèbre bataille de Guadalajara où, avec ses soldats et en désaccord avec le commandement militaire de son propre camp, il mit en déroute les troupes franquistes et leurs alliés fascistes italiens.

La légendaire répugnance éprouvée par les libertaires envers tout ce qui touche au militarisme explique à n’en pas douter que les témoignages directs des combattants de la CNT et de la FAI quant au déroulement de la guerre et à leur participation aux combats, pourtant massive, aient été particulièrement rares, voire quasiment inexistants. On comprend aisément qu’après la fin des combats et l’exil qui s’ensuivit l’accent ait été mis sur l’œuvre constructive, indiscutablement unique et formidable, réalisée par les militants de ces deux organisations, entre 1936 et 1939, dans les domaines de la collectivisation agraire et de la socialisation de l’industrie. Cette absence de témoignages aura hélas pour néfaste conséquence de laisser place, dans ce domaine, côté dit républicain, aux seuls historiens-faussaires communistes, qui s’appliqueront avec constance à travestir les faits, à minimiser cette participation active des libertaires à la lutte armée, à calomnier, à salir.

Les Mémoires de Cipriano Mera, publiés dans sa langue maternelle en 1976 et enfin disponibles en français (1), viennent donc heureusement combler une importante lacune. Ils permettront au lecteur de ce côté-ci des Pyrénées de mieux comprendre comment l’immense espoir de voir enfin triompher une révolution digne de ce nom tourna à la tragédie. Cette lecture ne sera pas non plus sans faire naître certaines interrogations et nécessaires réflexions, chez les libertaires appelant à la révolution comme à une partie de plaisir, sur la guerre, l’exercice de la violence, l’ordre, la discipline, le commandement, l’obéissance, autant de notions assez étrangères au vocabulaire courant des anarchistes, mais auxquelles les compagnons espagnols furent confrontés.

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Emanant du cœur des combats menés contre le fascisme espagnol, le témoignage de Cipriano Mera permet de mieux cerner les graves questions posées au mouvement libertaire au cours de la guerre civile. Sur la très controversée militarisation des milices, par exemple, à laquelle Mera se ralliera pleinement, après avoir été partisan d’une autodiscipline qui n’allait hélas pas sans problèmes. Cette transformation des milices en une armée classique eut, bien sûr, de funestes conséquences, en permettant aux communistes de se développer, d’avoir une certaine mainmise sur les postes de commandement, tout en se livrant sans désemparer à leur vaste entreprise de trahison. Mais Cipriano Mera ne tait pas non plus le gros problème que causa le comportement parfois puéril et irresponsable des combattants opposés à l’armée de métier, attitude qui dans les faits appelle et justifie, au mieux inconsciemment, l’exercice d’une autorité que par ailleurs on dénonce et rejette. Problème récurrent au sein du mouvement libertaire, reconnaissons-le…

Certains ne manqueront pas, en effet, de qualifier de rudes, voire rigides parfois, les propos ou attitudes de l’homme qui relate ici, avec simplicité, clarté, précision et franchise, ce que fut sa guerre. On ne discutera jamais chez lui, en revanche, le sens aigu de la justice qui l’anime, et une droiture et une honnêteté sans faille. Cela nous vaut quelques pages magnifiques, notamment celles où Cipriano Mera rend compte de son entrevue avec Juan Negrin, alors président du gouvernement républicain et véritable marionnette entre les mains des staliniens espagnols, eux-mêmes sous tutelle moscoutaire. Sans jamais s’attarder longuement à brosser le portrait des principaux personnages qu’il fut amené à côtoyer ou à croiser, Cipriano Mera glisse çà et là quelques indications qui témoignent, selon les cas, de sa sympathie, de sa méfiance ou de sa franche aversion pour eux. Une réelle émotion affleure ainsi des pages consacrées aux derniers instants de vie de Buenaventura Durruti. On ne sera pas surpris, à l’inverse, à travers le rappel de ce que furent leurs basses manœuvres, de son absence manifeste de respect pour les chefs militaires communistes, en premier lieu l’ignoble Lister ou El Campesino (Valentin Gonzalez).

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Le sens critique de Cipriano Mera n’épargne toutefois pas les responsables de son propre camp, les camarades ministres anarchistes comme les membres du comité national de la CNT, qu’il exhortera, en vain, à ne pas quitter Madrid à l’heure où le gouvernement, face à l’avancée des troupes franquistes, décidera de quitter la capitale espagnole pour s’installer à Valence.
Ajoutons enfin qu’après la défaite, un premier exil en Algérie alors française, son renvoi en Espagne par les autorités de Vichy, sa condamnation à mort par un tribunal militaire, commuée en trente années d’incarcération, puis son second et définitif exil en France, Cipriano Mera, ex-lieutenant-colonel de l’armée de la République espagnole, retrouvera son métier de maçon et finira sa vie sans jamais jouer les héros de la révolution à la mode soviéto-cubaine. Il est bon, à cet égard, de reproduire ici la fin de l’article (2) que Fernando Gomez Pelaez lui consacrait, peu de temps après sa mort, pour la revue que faisait alors paraître le groupe Louise-Michel de la Fédération anarchiste :

« Une fois terminé son calvaire, recouvré sa liberté et repris son travail quotidien, il n’accorda aucune importance aux charges et aux missions qu’il avait eu à remplir. Une anecdote est, en ce sens, particulièrement significative. Dans les années 60, Mera reçut la visite du colonel Perea, un des plus prestigieux militaires républicains espagnols, réfugié au Mexique. Celui-ci sollicita sa collaboration pour mener à bien une romantique tentative insurrectionnelle en Espagne. Mera, tout en éprouvant de la sympathie pour ce projet, lui répondit qu’il ne pouvait lui être d’aucun secours et que le mieux qu’il avait à faire était de prendre contact avec son organisation. Comme Perea insistait et évoquait d’anciens combats victorieux, Mera lui déclara : « Tout ceci c’est le passé. Je ne renoncerai jamais à la lutte, mais je n’accorde aucune valeur aux hauts faits militaires. Je veux dire par là qu’en redevenant ouvrier maçon, comme je l’étais avant la guerre, j’ai remporté mon unique victoire : la truelle. Le reste n’a pas d’intérêt. »
Tel était cet exemplaire militant libertaire. »

_________________

(1) Guerre, exil et prison d’un anarcho-syndicaliste, de Cipriano Mera, éditions Le Coquelicot, Toulouse, 2012. Avec une belle préface de Fernando Gomez Pelaez.
(2) « Cipriano Mera », commenté par Fernando Gomez Pelaez, revue La Rue n° 21 (premier trimestre 1976).
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