Nous pensons qu’il faut être là où les travailleurs sont, et que
l’expérience du mouvement anarcho-syndicaliste montre qu’il est suicidaire
de se marginaliser de la masse des travailleurs, qu’à la limite c’est une
démission. Etre organisé, avec les travailleurs, parmi les travailleurs, telle
reste notre préoccupation constante.
« LA QUESTION DE LA CNT(F). Il existait à l’époque une CNT, en France, avec laquelle nous avions pris contact, selon le principe que l’Alliance, ne remettant pas en cause les appartenances des uns et des autres, se contentait de coordonner les luttes des militants libertaires.
« Je me souviens d’une rencontre avec une sorte de petit coq arrogant qui nous a sommés d’adhérer à la CNT(f) ou de cesser de l’importuner, l’Alliance n’ayant pas de raison d’être parce que tous les libertaires devaient passer à la CNT(f), un point c’est tout. Sur le principe, nous n’étions pas opposés à l’idée que les libertaires devaient envisager peut-être un jour de quitter les centrales « réformistes », mais nous estimions que ce jour-là n’était pas encore arrivé. Passer à titre individuel à la CNT(f) ne présentait aucun intérêt ; il s’agissait d’y passer avec armes et bagages, c’est-àdire avec les structures syndicales, ou en tout cas avec une quantité substantielle de militants.
« Au début des années 70, à tort ou à raison, nous estimions qu’il y avait encore du travail à faire dans le mouvement syndical traditionnel ; beaucoup de nos camarades étaient militants ou occupaient des fonctions électives dans les structures de base et les structures intermédiaires. Nous pensions que de l’eau coulerait encore un peu sous les ponts avant que ces militants soient en mesure d’emmener avec eux des sections syndicales et des syndicats à la CNT(f). Notre prévision a d’ailleurs fini par se réaliser, plus tard, mais la CNT(f) n’y était pour rien et elle est passée complètement à côté du phénomène. Je fais évidemment référence à la constitution de syndicats de SUD, au sein desquels se trouvent d’ailleurs beaucoup de libertaires.
« Nous pensions également que, en attendant, la CNT(f) pourrait se développer dans les secteurs pas ou peu organisés, et qu’une collaboration pourrait être envisagée. Notre jeune coq, qui était d’ailleurs étudiant, a écarté ce genre de compromission d’un revers de main. »
Les camarades de l’Alliance n’étaient pas à la CGT, à la CFDT ou à FO pour être « parmi les travailleurs » mais parce que la plupart d’entre eux étaient déjà militants syndicalistes dans l’une ou l’autre organisation avant de découvrir l’anarchisme ou l’anarcho-syndicalisme. Beaucoup d’entre eux avaient des mandats et avaient des années d’expérience derrière eux. Leur préoccupation n’était donc pas de créer une « centrale syndicale anarcho-syndicaliste » où il n’y aurait eu quasiment personne mais de faire appliquer les principes anarcho-syndicalistes dans les syndicats, sections syndicales, unions locales ou départementales dans lesquelles ils militaient déjà.
Il y a une certaine raideur mentale à affirmer qu’il n’y a qu’une façon d’être anarcho-syndicaliste. Pour moi un anarcho-syndicaliste est quelqu’un qui milite pour que les travailleurs reprennent en main leur organisation de classe et y définissent eux même leurs stratégies. Selon les contextes, cette activité peut être plus efficace ici ou là.
Je pense, camarade Protesta, que les militants qui en tiennent pour l’une ou l’autre CNT (je crois avoir compris que c’est ton cas) sont mal venus de dire que « rejoindre F.O ou la CGT pour être "parmi les travailleurs" n'a pas donné non plus une grande réussite, pour le mouvement Anarchiste, ça à même donné à mon avis encore plus de confusion. »
On pourrait dire exactement la même chose pour ceux qui ont voulu créer une CNT française.
René a écrit:
Si nous étions moins cons et moins mentalement rigides, il y a longtemps que nous aurions créé quelque chose ressemblant peu ou prou à l’Alliance syndicaliste pour coordonner l’activité des camarades dans les différentes structures où ils militent, échanger des informations, etc. Je suis convaincu que si nous faisons ça, nous représenterions une réelle force.
Amicalement
R..
René a écrit:C’est en effet l’une des originalités de l’Alliance que si, au départ, beaucoup d’anarchistes nous ont rejoints, la plupart d’entre eux sont repartis. Nous nous sommes développés dans le mouvement syndical auprès de militants et de militantes qui n’étaient pas anarcho-syndicalistes, mais qui découvraient dans les pratiques que nous leurs exposions exactement ce qu’ils faisaient ou voulaient faire. ...
Si nous étions moins cons et moins mentalement rigides, il y a longtemps que nous aurions créé quelque chose ressemblant peu ou prou à l’Alliance syndicaliste pour coordonner l’activité des camarades dans les différentes structures où ils militent, échanger des informations, etc. Je suis convaincu que si nous faisons ça, nous représenterions une réelle force
apeqli a écrit : pourquoi l'alliance a rejoint la FA ? il y avait essoufflement ? ou, il y avait des outils intéressants à prendre au sein de la FA (militants, radio, journal...) ? était ce un moyen plus facile pour "coordonner" ? y a t il eu résistance ? quelle a été l'influence de l'alliance, parmi d'autres notamment lamberto-hebertistes, au sein de la FA ?
L’ALLIANCE SYNDICALISTE S’EST CONSTITUÉE au lendemain des grèves de mai 68 lorsque nombre de syndicalistes libertaires ont fait le constat de l’échec du mouvement libertaire à s’organiser efficacement lors de ces grèves . L’initiative vient donc du mouvement libertaire lui-même, et plus particulièrement de la partie syndicaliste du mouvement. Au début, tous ne se définissaient d’ailleurs pas comme anarcho-syndicalistes, certains étaient tout simplement des anarchistes qui avaient une activité syndicale. Au début, dans les réunions de constitution du groupe, il y avait d’ailleurs des militants de la Fédération anarchiste, notamment parmi les plus anciens et les plus en vue (des militants « historiques », dirait-on), de Paris et de Bordeaux, et qui étaient pour l’essentiel à FO. Au risque de surprendre, Maurice Joyeux et Suzie Chevet ont donné leur « bénédiction » aux débuts de l’Alliance, mais ces deux camarades ne s’en sont pas occupés une fois qu’elle a été « lancée ».
L’OBJECTIF INITIAL DU PROJET était fort modeste : coordonner l’activité des militants libertaires qui se trouvaient dans les centrales syndicales existantes. Parmi ces militants, il y avait bien sûr des militants dits « de base », mais il y avait aussi pas mal de militants qui avaient des responsabilités syndicales dans leur entreprise ou au niveau local. Il ne s’agissait donc pas à proprement parler de créer une « organisation » mais tout simplement une coordination. Les choses ne se déroulèrent pas ainsi.
Certains militants ont vite fait de comprendre l’enjeu d’une telle initiative et nous avons dû réagir vigoureusement pour ne pas devenir, par l’intermédiaire d’Alexandre Hébert, une sorte d’antenne FO de la pseudo-tendance anarcho-syndicaliste de l’OCI . La tentative a heureusement échoué.
L’attrait de la nouveauté s’estompant, nous nous trouvâmes une poignée de militants confrontés à une tâche qui semblait impossible à réaliser.
Quant au « courant anarcho-syndicaliste de FO mené par Alexandre Hébert », nous avions coupé tout contact avec lui, pour plusieurs raisons : parce qu’il nous était apparu avec évidence que ce « courant anarcho-syndicaliste » était manipulé par les lambertistes (nous soupçonnions Hébert de faire partie du bureau politique de l’OCI), et que les militants de FO nous semblaient prendre un peu trop parti en faveur de leur direction confédérale.
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