Le patriarcat est très dur à remettre en question quand on vit dedans depuis toujours...
La Commune, même tarif.
Sins We Can't Absolve a écrit:Berckman a écrit:Il existe historiquement, et malheureusement, un courant antiféministe dans le mouvement libertaire.
Moins dans la mouvance individualiste, voire pas du tout, vu que l'on parle d'individu (ça neutralise).
?
Bonsoir ! Berckman a écrit: "Il existe historiquement, et malheureusement, un courant anti-féministe dans le mouvement libertaire".
Tu peux préciser Berckman ? (essaye de nous trouver autre chose quand même que le sexisme de Proudhon, archi-connu, merci !)
Il n'y a aucune animosité de ma part dans cette demande, c'est juste pour mettre à jour mes fiches...(arf !)
André Lorulot. Notre ennemie : la femme. Conférence prononcée le 12 février 1921. Conflans-Honorine, Editions de l'Idée libre, 1923
La question féminine dans nos milieux : lettre au camarade Vazquez
http://www.monde-libertaire.fr/antisexisme/16891-la-question-feminine-dans-nos-milieux-lettre-au-camarade-vazquez
Lucía Sánchez Saornil, l’auteur du premier texte reproduit ci-après, est née à Madrid le 13 décembre 1895 dans une famille modeste. Entrée en 1916 à la compagnie du téléphone Telefónica, elle prend part aux conflits sociaux comme militante de la CNT anarcho-syndicaliste. Parallèlement, elle poursuit des études à l’académie des Beaux-Arts, participe, à partir de 1918, au mouvement littéraire Ultraïsmo, et publie alors ses premiers poèmes. En 1927, elle collabore à la presse anarchiste – notamment Tierra y Libertad et Solidaridad Obrera –, puis devient secrétaire de rédaction du journal CNT en 1929. Évoluant dans un milieu essentiellement masculin et dans une société fondamentalement machiste, elle touche aux limites d’un mouvement par ailleurs d’avant-garde, estimant que les revendications des femmes requièrent une organisation spécifique.
En 1935, à la fin de sa « Lettre au camarade Vasquez », Lucía Sánchez Saornil évoque son « projet de créer un organe indépendant pour servir les fins qu[’elle s’est] fixées ». En effet, suite à l’échec de l’enseignement de cours élémentaires organisés par la fédération locale des syndicats de Madrid, un groupe de femmes anarchistes choisit de créer une organisation féminine et met en place une école non mixte comprenant des cours d’alphabétisation et de formation professionnelle. En 1936, avec un groupe d’ouvrières de Barcelone et les intellectuelles madrilènes Mercedes Comaposada et Amparo Poch y Gascon, elle fonde le mouvement des Mujeres Libres (Femmes libres) qui édite, à partir de mai, la revue du même nom. En 1937, la fédération regroupe 20 000 femmes (en majorité des ouvrières) sur un programme, extrait de son journal, qui revendique :
« 1. De permettre à la femme de s’émanciper du triple esclavage auquel elle a été et continue généralement d’être soumise : l’esclavage de l’ignorance, celui de la femme et celui de la travailleuse.
2. De faire de notre organisation une force féminine consciente et responsable, agissant comme avant-garde de la révolution.
3. D’arriver à ce que les camarades, hommes et femmes, soient véritablement d’accord ; qu’ils parviennent à vivre ensemble et à collaborer sans s’exclure ; qu’ils rassemblent leur énergie dans le travail commun. »
Durant la révolution, Lucía Sánchez Saornil se jette à corps perdu dans le combat, aussi bien sur le front qu’à Radio Madrid. En mai 1938, elle est nommée secrétaire de la Solidarité internationale antifasciste, chargée d’organiser l’aide internationale au mouvement libertaire espagnol. Réfugiée en France en 1939, elle revient clandestinement en Espagne en 1942 pour échapper à la déportation dans les camps nazis. Elle y vit dans une totale clandestinité jusqu’en 1954 et s’éteint à Valence le 2 juin 1970.
Charles Jacquier et Béatrice Vincent
Pour la revue Agone
En commençant ma série d’articles sur la question féminine, ce n’était pas le désir de remplir en vain quelques colonnes de notre journal qui me guidait, mais celui de commencer à donner forme à une aspiration longuement mûrie.
Peut-être vais-je entreprendre une tâche supérieure à mes forces, peut-être que les difficultés de ma vie m’empêcheront d’atteindre mon objectif, qu’à cela ne tienne. Il ne manquera pas de gens, plus instruits, qui prendront sur eux l’obligation de poursuivre le travail commencé.
Je me suis proposée d’ouvrir, pour la femme, les perspectives de notre révolution, en lui offrant des matériaux pour qu’elle se forme elle-même une mentalité libre, capable de distinguer le vrai du faux, le politique du social. Je crois qu’avant de l’organiser dans les syndicats – sans que je dédaigne cela – il est urgent de la mettre en conditions de comprendre la nécessité de cette organisation.
Je sais, la tâche est longue et difficile et je devine qu’un camarade – si toutefois les camarades me lisent –, de ceux qui voient la révolution au coin de la rue, sourira avec suffisance et me dira qu’il est trop tard pour emprunter cette voie. Moi aussi, je me dois de sourire et de lui rappeler que pour avoir tous les jours la révolution à portée de main, sans jamais l’atteindre, j’ai vu l’éducation de nos jeunes laissée de côté et beaucoup d’entre eux croire que pour s’appeler anarchiste il suffit de savoir charger un pistolet. Il est bien de croire à la révolution tous les jours, il est encore mieux d’aller à sa recherche en la forgeant minute après minute dans les intelligences et dans les cœurs.
Je ne sais pas jusqu’à quel point mes propos peuvent intéresser les camarades. J’en soupçonne beaucoup d’y avoir tourné le dos en pensant qu’il y a des problèmes plus importants à résoudre pour ne pas gaspiller son temps et son attention à des « choses de femmes ». Néanmoins, moi qui connais toute l’importance de la question, je ne faiblirai pas, et, avant d’envisager d’autres aspects, je veux, une fois de plus, en résumant mes propos antérieurs, mettre bien en évidence les conclusions contenues dans ceux dont j’ai pu supposer qu’ils n’ont pas été compris.
Mes articles avaient pour titre : « La question féminine dans nos milieux ». Cela ne veut pas dire : la question féminine en termes généraux, ni dans le domaine psychologique, mais en termes anarchistes.
Hors de notre milieu, camarade Vazquez, il est très compréhensible, très excusable, et même très humain que, comme le bourgeois défend sa position et son privilège de commandement, l’homme désire conserver son hégémonie et se sente satisfait d’avoir une esclave.
Mais moi, je ne parlais pas pour tous les hommes, camarade, je parlais pour les anarchistes exclusivement, pour l’homme conscient, pour celui qui, ennemi de toutes les tyrannies, se doit, s’il est conséquent, d’extirper de lui, dès qu’il la voit poindre, toute trace de despotisme.
C’est pour cela que l’anarchiste – j’ai dit l’anarchiste, remarque bien – qui demande à la femme sa collaboration pour la subversion sociale doit commencer par reconnaître en elle son égale avec toutes les prérogatives de l’individualité.
Le contraire serait « très humain » mais pas anarchiste. […] Ce qui est anarchiste, je le répète, c’est de laisser la femme agir en usant de sa liberté, sans tutelle ni coercition…
Et maintenant, camarade Vazquez, comment t’est-il venu à l’esprit de comparer la situation de la femme par rapport à l’homme avec celle du salarié par rapport au patron ?
Tu oublies que les intérêts du patron et ceux de l’ouvrier sont opposés, incompatibles, alors que ceux de l’homme et de la femme – qui sont les intérêts de l’humanité, de l’espèce – sont complémentaires, ou plutôt ne font qu’un. Des intérêts de sexe, incompatibles en tout point avec la conception anarchiste de la vie, peuvent seulement exister dans l’absurde système actuel.
Tu conçois, toi, un bourgeois en train de dire qu’il faut émanciper les travailleurs ? Donc, si tu trouves logique que, comme un bourgeois avec le salarié, l’anarchiste en tant que mâle garde la femme enchaînée, il est absurde de penser l’entendre crier : « Il faut émanciper la femme. » Et s’il le criait, ne crierait-il pas à la femme : « Commence toi-même à t’émanciper ? » […]
La lutte des sexes ne convient pas aux prolétaires, il faut établir l’interpénétration des intérêts entre les hommes et les femmes. Et cela non pas par caprice mais parce que le monde ne trouvera son équilibre que lorsqu’il sera organisé et régi par eux deux. […]
Comprends-tu maintenant qu’il ne s’agit pas tant de l’émancipation de la femme que de l’édification du futur, et que les anarchistes, s’ils sont sincères et s’ils ne sont pas venus à l’anarchisme par pur activisme, sont obligés de suivre la voie que j’indique ?
Et ça, pour sûr que c’est mettre à profit le temps, camarade, parce que, pour réaliser une œuvre en commun ce qui est important, ce n’est pas de se disputer mais de se mettre d’accord.
Et, mon ami, il ne faut rendre responsable l’esclave de son esclavage que lorsque celui-ci est accepté de plein gré et en toute conscience, mais pas quand il est imposé par la violence comme c’est le cas pour la femme.
Nous mettrons-nous enfin d’accord ? Aurai-je réussi à la fin à être comprise ? […]
Bien que cela soit intéressant, je n’accepte pas ta proposition d’une page féminine dans Solidaridad Obrera, car mes ambitions vont plus loin, j’ai le projet de créer un organe indépendant pour servir les fins que je me suis fixées.
Lucía Sánchez Saornil
Solidaridad Obrera, 8 novembre 1935
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