Histoire de la Fédération anarchiste 1945-1953

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Histoire de la Fédération anarchiste 1945-1953

Messagede vroum le Jeu 26 Fév 2009 22:26

La nouvelle Fédération Anarchiste (F.A.)

Histoire du mouvement anarchiste 1945-1975 de Roland Biard
Editions Galilée pages 81-105


La reconstitution de la Fédération anarchiste se déroule en plusieurs temps. Tout d'abord, dans la clandestinité, un certain nombre de militants restés libres de leurs mouvements se réunissent dans une ferme de la région toulousaine le 19 juillet 1943. cene sera qu'un échange de vues : le mouvement n'est ni mûr, ni adapté à l'action clandestine.

A Agen, le 30 octobre 1944, les choses sont plus constructives. On discute de déclaration de principes et d'organisation. Des moutures qui avaient été élaborées lors d'une rencontre précédente (janvier) sont reprises et définitivement élaborées. Décision est aussi prise de refaire paraître le Libertaire. Conscients de ne pas représenter le mouvement, les participants (Laisant, Joyeux, Lapeyre, Arru, Vincey...) ne le conçoivent que comme un lien, une sorte de bulletin intérieur (les lois d'exception sur la presse ne permettaient pas d'ailleurs la création d'organes sans autorisation spéciale). Le Libertaire ne deviendra public qu'en septembre 1945. Ce n'est qu'à l'issue du Congrès constitutif de la F.A. qu'il deviendra l'organe de celle-ci.

Malgré cette réapparition, le mouvement ne se développe guère. Le Congrès d'Agen, comme l'édition du « Lib », ne sont que des initiatives individuelles. La mise en place d'un mouvement réel, reposant sur des groupes locaux, des régions, l'élection d'organes de liaison, mettront des mois à se réaliser. Cette lenteur s'explique par la résurgence quasi immédiate des divergences et polémiques au sein du mouvement. Se reconstituer était le but commun de tous ceux qui se référaient à l'étiquette anarchiste. Mais sur quelle base ? Il fallait donc, avant de convoquer un véritable Congrès, se mettre d'accord – tendance par tendance, « personnalité par personnalité » - sur le « visage » de la future organisation. Ces discussions seront laborieuses et dureront presque toute l'année 1945.

Ce n'est qu'en octobre 1945 que parviendront les invitations au Congrès constitutif de la F.A.

Celui-ci s'ouvre le 20 octobre 1945. il réunit les militants des organisations libertaires de l'avant-guerre : la Fédération anarchiste (organisation de « synthèse ») et l'Union anarchiste (organisation qui soutint la politique collaborationniste de la C.N.T.-F.A.I. Pendant la Révolution espagnole), ainsi que de nombreux jeunes militants issus des forcesd e la résistance et déçus par l'attitude réformiste de la gauche traditionnelle. Trois tendances se font jour : les individualistes et pacifistes qui défendent la thèse de l'organisation-bureau de liaison, les partisans de la « synthèse » (Lapeyre-Laisant...) qui demadent le minimum structurel (journal) mais refusent la responsabilité collective et le pouvoir souverain des Congrès, et une tendance « ouvrière » regroupant communistes libertaires et anarcho-syndicalistes (dont Joyeux) qui souhaitent la construction d'une organisation puissante et efficace.

Finalement c'est une motion « chèvre-choux » qui l'emporte. La Fédération anarchiste regroupe l'ensemble du mouvement à l'exceptiond e certains individualistes regroupés autour d'Emile Armand (qui publieront l'Unique et l'En Dehors jusqu'à la mort de celui-ci en 1962), et de certains pacifistes qui publient Contre-Courant jusque vers 1965-1966 (Louis Louvet et André Maille).

Par ailleurs, une structure confédérale est mise en place :le Mouvement libertaire destiné à coordonner les efforts de publications avec le courant Louvet, la minorité anarcho-syndicaliste de la C.G.T. et le Libertaire.

Avec le tripartisme qui naît à la suite du départ du général De Gaulle, la France entre dans une nouvelle période. L'« ordre est établi », un gouvernement bourgeois de Centre-gauche préside aux destinées du pays pour résoudre la crise. À l'instabilité relative de la période précédente et ses séquelles de situation révolutionnaire fait place une étape « pure et dure » pour le « redressement français ».

C'est cette situation que la nouvelle F.A. va devoir affronter. Contrairement – semble-t-il – aux voeux de certains, la F.A. sous l'impulsion de ses nouveaux militants va adopter une ligne dure et cohérente. Les ambiguïtés de la situation (gauche au pouvoir, aide américaine, début de la répression colonialiste...) vont être sans cesse dénoncées.

La F.A. se prononce pour le boycott actif des grandes consultations électorales (référendums constitutionnels, élections législatives) et dénonce en novembre le bombardement d'Haïphong, prélude à la première guerre d'Indochine.

Cette intense activité va d'ailleurs porter ses fruits et la F.A. atteindra cette année-là son extension maximale par rapport à la période qui nous intéresse. Le Libertaire tire à 78 000 exemplaires, dont une moyenne de 33 000 sont régulièrement vendus.

Un mouvement de jeunes sera même créé qui éditera une éphémère bulletin en juillet 1946.

Mais cette tendance ne va guère avoir de suites. L'année 1947, bien que fertile en événements sociaux, va voir un tassement des positions libertaires, qui amorcera le repli des années suivantes.

Sous l'impulsion de Georges Fontenis, élu secrétaire général de la F.A. au Congrès de Dijon (1946), réélu au Congrès d'Angers (1947), le Libertaire va continuer à participer activement à l'agitation. Les thèmes essentiels en seront la politique anti-sociale du gouvernement : politique anti-inflation (baisse autoritaire de 5%), la durée du travail à 48 heures (la durée « légale » du travail reste 40 heures, mais en pratique ce sont les 48 heures qui sont appliquées. Le rapprochement opéré par le gouvernement Ramadier de la France et des Etats-Unis permettra à la F.A. de développer un thème qui sera repris par la suite : celui de la double opposition aux impérialismes nord-américain et russe. De même, la question – dramatique – du ravitaillement sera un leitmotiv des campagnes du « Lib ». La F.A. soutiendra et justifiera (et participera lorsqu'elle y aura des militants) les violentes manifestations (qualifiées par la grande presse d'« émeutes ») contre l'incurie des services ministériels de Ravitaillement qui se déclencheront spontanément à Nevers, à Millau, en Côte-d'Or, en Haute-Vienne...

La lutte pour des salaires « décents » atteint son paroxysme en juin. Des grèves éclatent un peu partout et dans tous les secteurs (principalement à la S.N.C.F., à l'E.D.F., au G.D.F., dans les Grands Magasins parisiens...).

Malgré un changement de gouvernement, les grèves s'intensifeint en nombre et en violence : Nord (évacuation par les C.R.S. des mineurs grévistes qui occupent les fosses), Béziers (les ouvriers s'emparent de la Mairie), Saint-Etienne (les combats sont tellement violents que la police est obligée de se replier... abandonnant quelques automitrailleuses sur le terrain !), Nice, Marseille, Montpellier...

Mais dès le début septembre, me mouvement s'essoufle : le P.C.F. et la C.G.T. ne veulent pas pousser plus loin des mouvements de plus en plus incontrôlables.

La F.A. est totalement incapable de faire face à la situation. Sa faiblesse numérique (en particulier chez les mineurs et dans le midi de la France) ne lui permet guère plus qu'une agitation par la presse. Sur le plan offensif, cependant, elle semble prête. Dans son Congrès de 1947, elle adopte :

« La F.A. doit, en somme, viser à la généralisation, à la simultanéité et à l'internationalisation des grèves et autres mouvements sociaux.
Elle doit agir pour détruire le caractère politique ou réformiste des mouvements actuels : les conduire à la grève générale expropriatrice et gestionnaire de la production et des services publics ; inciter à la création de syndicats et de comités de consommateurs et d'usagers, pour combattre les intermédiaires, le commerce accaparateur et entraîner les consommateurs à la répartition des produits, à l'utilisation sociale des locaux et des services publics. »

La faiblesse chronique de la F.A. s'illustre parfaitement dans la « grève des grèves » de l'année 1947 : la grève des usines Renault.

Le 25 avril, toute une série d'ateliers débrayent et de mandent une augmentation uniforme de 10 francs. Très rapidement, la grève s'étend, et le 2 mai, celle-ci gagne toute l'usine. Un référendum organisé le 2 mai donne 11 354 partisans de la grève contre 8 015 et 1 547 abstentions (sur 21 286 votes exprimés).

À l'origine du mouvement, on retrouve essentiellement des militants trotskystes (de l'Union Communiste, dissidence de la Ivième Internationale, qui deviendra par la suite l'Union Communiste Internationaliste qui éditera Voix Ouvrière puis Lutte Ouvrière). Les militants libertaires sont peu nombreux chez Renault : un groupe C.N.T. et un groupe F.A. (qui d'ailleurs se recoupent). Pour cette dernière organisation, on ne compte que six militants actifs et huit sympathisants. La section C.N.T. regroupe un nombre supérieur d'inscrits (une cinquantaine ?), mais une partie de ceux-ci sont des réfugiés espagnols tenus à une certaine réserve sous peine de suppression de la carte de réfugiés politiques. La F.A. annonce d'ailleurs un chiffre de vente à peu près équivalent : quantre-vingt-dix.

Les anarchistes soutiennent à fond le mouvement. Ils en seront les plus fermes défenseurs. Lorsue les trotskystes, à leur tour, estimeront que la grève est terminée, les libertaires seront les seuls à s'y opposer. Cette attitude leur vaudra l'adhésion de nombreux ouvriers insatisfaits qui prendront leur carte à la C.N.T. en dénonçant le « Syndicat autonome Renault » crée par l'U.C.I.

L'absence de perspectives révolutionnaires à cette période va cependant rendre ce sursaut illusoire. La C.N.T., comme le syndicat autonome, s'effiloche très rapidement. Le raz de marée de la récupération, de l'isolement et de la lassitude feront d'ailleurs disparaître toute implantation libertaire aux usines Renault. Il faudra attendre 1968 pour qu'un éphémère groupe anarchiste de la R.N.U.R. réapparaisse.

La grève d'avril-juin 1947 chez renault n'a guère eu qu'une seule conséquence tangible : la « démission » des ministres communistes du gouvernement Ramadier.

La situation politique de l'année 1947 ne permettait pas un optimisme quelconque sur le plan révolutionnaire. Les débuts de la guerre froide, les restrictions, les difficultés de tous ordres, la répression provoquèrent les premiers vrais désenchantements de l'après-guerre.

Les mouvements révolutionnaires connurent à cette époque une période de recul... dont ils ne devaient plus guère sortir avant 1968.

La F.A. n'échappa pas à ce mouvement. Nous en voudrons pour témoins les chiffres de tirages du Libertaire en 1947 : tirage moyen par hebdomadaire : 47 000, ventes moyennes : 27 000 (soit 6 000 de moins que l'année précédente).

[...]

Dans l'euphorie des années précédentes, nombreux sont ceux qui souhaitent que la F.A. se double d'un « mouvement de masse ». La C.N.T. Leur semble être le terrain idéal. Inconsciemment ou non, ils si'inspirent de l'exemple espagnol... en oubliant que dans celui-ci la démarche a été inverse : c'est le mouvement syndical – C.N.T. - qui a secrété l'organisation politique – la F.A.I. Cette attitude n'est pas partagée unanimement, on s'en doute ! Mais celle-ci est le fait de la frange jeune du mouvement. Les jeunes militants qui « arrivent » à l'anarchisme à cette époque sont souvent fortement influencés par le marxisme. Certains d'entre-eux ont d'ailleurs rejoint le P.C.F. dans la clandestinité ou dans les premiers mois de la Libération. Ils s'en sont retirés rapidement devant l'inaction flagrante dont fait preuve ce Parti. Ceux qui n'ont pas adhéré aux divers mouvements trotskystes se trouvent dans le mouvement libertaire. Leur bagage anarchiste est fort mince. Tout au plus s'agit-il souvent d'une réaction « contre » : contre l'immobilisme, e réformisme, le bureau cratisme... Le mouvement libertaire en général et la F.A. en particulier n'offent aucune structure d'accueil ou de formation à ces militants. Immédiatement après leur adhésion, ils doivent participer aux querelles, divergences et autres polémiques qui agitent le mouvement. Très vite, certains s'en vont. Ceux qui restent, parce qu'ils ont le « virus anar », voient rapidement les défauts et les contradictions. Auusi vont-ils essayer d'agir pour que cesse cet état de fait. Les seuls instruments de référence qu'ils peuvent avoir est ce qu'ils ont vu ou étudié au P.C.F. ou dans les organisations trotskystes. Ces organisations sont perçues comme beaucoup plus efficaces. Le mythe de l'efficacité va devenir progressivement une règle de conduite. L'organisation est conçue dès lors, non plus comme une organisation de type fédéraliste libertaire, comme les « plate-formistes » avaient tenté de le faire, mais sur le modèle marxiste-léniniste. Nous verrons ultérieurement les implications organisationnelles de ce type d'attitude. En 1949, le « grand problème » posé par cette « tendance » est celui du mouvement de masse et de l'organisation syndicale.

Sous l'impulsion du courant qu'incarne parfaitement bien Georges Fontenis (qui redeviendra Secrétaire général de la F.A. en 1950), une dégradation progressive des rapports entre la F.A. et la C.N.T. se produit. Celle-ci n'est pas le fait de cette dernière organisation, mais le produit de conceptions de plus en plus « dirigéistes » qui se font jour à la F.A.

Nous en voudrons pour témoin le compte-rendu du quatrième Congrès de la Deuxième Région de la F.A. tenu à Narbonne en janvier 1949. On peut lire dans la résolution sur le problème syndical :

« ... (il faut) reconstituer le mouvement syndical, repartir presque à zéro, en s'appuyant sur la F.A. et la C.N.T. ... »

« La structure de la F.A. ne lui permet pas d'entraîner l'ensemble des travailleurs dans une action révolutionnaire. C'est à la C.N.T. que ce rôle est dévolu. C'est pour cette raison que les anarchistes doivent l'orienter et ne pas hésiter à prendre en main des postes responsables... »

« Le Congrès de la Deuxième Région de la F.A. constatant le détachement syndical de la classe ouvrière par le mouvement syndical décide de s'attacher à la création de groupes anarchistes d'entreprises et au regroupement des minorités syndicalistes en vue de recréer le syndicalisme révolutionnaire... »

On voit apparaître à travers ces citations tous les grands thèmes chers aux mouvements marxistes : contrôle de l'appareil syndical, double structure politique et syndicale dans les entreprises...

Cette orientation va s'accentuer en 1950. le 11 mars, le Congrès de la Région parisienne de la F.A. adopte une résolution qui va encore beaucoup plus loin :

« Toute organisation para-anarchiste, non affiliée statutairement à la F.A. devra, dans le cadre régional, être sous le contrôle direct du bureau de la Région, son action influencée par les militants de la F.A. Le Conseil régional restant seul juge de son fonctionnement et le cas échéant de sa dissolution.

Cette attitude parfaitement dirigiste à l'égard du « mouvement de masse » est une conception étrangère à l'anarchisme. Ce droit de contrôle, de direction et de liquidation que s'arroge l'organisation est typique de l'avant-gardisme.

La C.N.T. ne pouvait être indifférente à ces prises de positions successives qui visaient à la transformer en véritable « courroie de transmission ». Le Cartel d'Action Syndicaliste mis en place en 1949 entre la F.A. et la C.N.T., et qui publie un communiqué revendiquant la bagatelle de 150 000 adhérents, éclate, la C.N.T. reprenant son autonomie.

On peut, à juste titre, s'étonner de l'importance excessive prise soudainement par ces thèses à l'intérieur de la F.A. Deux éléments sont à considérer dans ce domaine. Tout d'abord l'élimination progressive des « chefs historiques » par les « jeunes ». les premiers ne pouvant suivre le rythme effréné en matière militante qu'imposent les seconds se retrouvent rapidement sur la touche : à leurs objections on oppose leur « non-militantisme ».

Le deuxième élément est à rechercher dans la baisse des effectifs et dans l'isolement preogressif de la F.A.

En 1948, le Libertaire ne tire plus qu'à 34 000 exemplaires et est vendu à 19 000 exemplaires (soit dans une moyenne hebdomadaire inférieure de 8 000 exemplaires par rapport à 1947). En 1949, la moyenne des ventes tombe à 16 000. Le Lien, le bulletin intérieur de la F.A., signale que la F.A. est devenue une « véritable passoire » (novembre 1949). Le nombre de militants ne cesse de baisser. Ceux qui restent sont incapables de discerner la vérité sur l'état de l'organisation. Le structures verticales ont été renforcées de congrès en congrès (1948 : Lyon, 1950 : Paris – pas de congrès en 1949). Le pouvoir politique appartient à une série de Comités : comité national, Comité régional, formant des écrans successifs. Les responsables sont élus aux Congrès sur des critères d'efficacité... ce qui permet d'éliminer les opposants.

À partir de 1950, le système est perfectionné. En effet, une opposition sourde commence à se faire sentir... surtout du côté du courant anarchiste « synthésiste ». Les « jeunes » décident alors de se regrouper en fraction clandestine : l'Organisation Pensée-Bataille (O.P.B.) du nom d'un ouvrage célèbre de Camillo Berneri. Nous verrons plus loin les conséquences dramatiques qu'eut sur la F.A. cette création.

Pour l'heure, il faut aux dirigeants de la F.A. tenter de résoudre l'impasse dans laquelle cette organisation semble s'être engagée. La rupture avec la C.N.T. la prive de son principal contact ouvrier. Par ailleurs, la situation politique de 1949 ne permet guère d'espoirs au niveau de la relance des luttes sociales. La « Guerre froide » est largement entamée. Le P.C.F. et la C.G.T. sont engagés dans des combats sectaires que leur défense « inconditionnelle » des « Grands Procès » et du stalinisme aggrave de jour en jour. F.O. s'engage de plus en plus dans la collabration de classe. La répression bat son plein. En 1950 sont votées les « Lois scélérates » qui limitent le droit de grève.

La F.A. publie fin 1949, début 1950, une brochure intitulée « Les Anarchistes et le problème social ». Ce texte est une véritable « Bible » qui s'inspire d'ailleurs étroitement du livre de Gaston Leval : « L'indispensable Révolution ». « Le lecteur y trouvera une solution aux problèmes angoissants de l'heure présente ».

Les activités économiques et sociales sont divisées en deux branches : les coopératives de consommation et les coopératives de production. Ces deux structures parallèles sont les bases de la réorganisation sociale :

« La production, qui aura tenu compte des chiffres fournis par les services de la statistique, livrera directement tous ses produits dans les entrepôts. De là, par un système spécialisé de répartition qui fonctionnera sous le contrôle des fédérations régionales de consommation, les produits et objets sont répartis dans les coopératives. »

Les syndicats deviendront alors les instruments du contrôle de la production et se transformeront en coopératives. Les commerçants disparaîtrons, les paysans et les artisans devront se regrouper dans des unions de producteurs associées aux coopératives ouvrières.

La Commune libre est la base de l'organisation territoriale. Elles sont autonomes et fédérées au sein d'un « Conseil inter-régional des Communes » qui aura charge de la sécurité individuelle et collective, de l'état-civil, de l'habitat, des loisirs, des communications...

Les moyens d'arriver à cette société ne sont guère étudiés. Une fois de plus, on attribue au mouvement syndical la part essentielle :

« L'action directe se traduit jusqu'à présent sous la forme de grèves, d'occupations de lieux de travail... mais c'est ici qu'intervient de façon importante le rôle du mouvement syndical. La lutte du peuple travailleur, lutte dans laquelle les techniciens et de nombreuses professions libérales ont leur place, trouve son terrain le plus fertile dans le syndicalisme.
C'est par le canal de son syndicat que le travailleur sans s'arrêter aux programmes des partis politiques, peut influencer les décisions de ses maîtres et peut déterminer leur attitude en conformité avec ses aspirations. »

Le programme de la F.A. reste conforme, comme le livre de Gaston leval, aux grandes données théorico-politiques de la Révolution espagnole. L'exemple de la C.N.T. reste le « grand exemple » !

Pour rompre son isolement, la F.A. définit à partir de 1950 une politique dite de « Troisième Front ».

Dès 1949, ele avait entamé ce processus en entrant dans un Cartel International de la Paix (Confédération générale pacifiste) aux côtés de toute une série d'organisations plus ou moins mythiques : Ligue des Anciens Combattants pacifistes, Ligue d'Action pacifiste et sociale, Ligue des Espérantistes pacifistes, Mouvement Apolitique d'Evolution par les sciences, Mouvement français pour l'Abondance, Mouvement international pour la Réconciliation, Mouvement pacifiste des Mères, Parti pacifiste international, Union pour une Humanité nouvelle, Au Service de la Paix, La Mère éducatrice, Internationale des Jeunes contre la guerre, Equipe « La Patrie mondiale », Missions de Paris, Groupe pacifiste des P.T.T. ...

La F.A. participe à ce regroupement pour le moins hétéroclite parce qu' « il nous a permis de côtoyer un certain nombre d'organisations, d'y faire rayonner l'idéal libertaire et d'y réunir de la documentation ». Il s'agit bien plutôt de rompre l'isolement de la F.A. Mais l'exiguïté des composantes ne permet guère d'envisager aucune action de masse. En 1951, la participation de la F.A. à ce cartel est remis en cause par le groupe de Mâcon (Le Lien, 1951). Celui-ci propose que la stratégie de « Troisième Front » soit plutôt axée vers les quelques mouvements de gauche ou d'extrême-gauche non inféodés au P.C.F. ou à la S.F.I.O. : Mouvement de Libération ouvrière, Economie et Humanisme, Libre Pensée, Rassemblement Démocratique Révolutionnaire, Citoyens du Monde, Libération économique. Cette proposition ne dépassera pas le stade des vélléités. Les contacts pris avec ces organisations s'avèrent infructueux, la politique de Troisième Front, trop floue, trop ambigüe, intervenant dans une période politique où les « Grands » de la gauche ont une hégémonie sans partage des militants et des électeurs.

La F.A. tentera une ultime démarche de type frontiste en s'associant aux campagnes de Gary Davis. Ce personnage assez étrange, d'origine américaine développe une campagne sur le thème des « Citoyens du Monde ». L'O.N.U. siégeant à cette époque à Paris, c'est dans cette ville qu'il mène l'essentiel de celle-ci. Bien que Gary Davis ne se réclame pas de l'anarchisme mais uniquement du mondialisme, et bien que des accusations graves pèsent sur lui (financement de ses campagnes par la C.I.A.), la F.A. s'engage à fond. Le Libertaire lui consacre des titres énormes. Il faudra les mises en garde répétées des intellectuels et l'effondrement politique du personnage, pour que la F.A. se dégage de cette campagne.

Il apparaît dès 1951, que le « Troisième Front » est un fétu de paille. Le terme continuera à être utilisé par la F.A. mais uniquement comme motif d'agitation. Aucun « Front » ne se constituera réellement, ni à cette date, ni ultérieurement.

L'échec du mouvement libertaire fut aussi flagrant dans un autre domaine : celui de la jeunesse.

Le Mouvement des Auberges de Jeunesse (F.N.A.J.) avait été reconstitué en 1945. Dès son origine, il connut un gros succès qui tenait à la fois de celui de l'avant-guerre et de celui des « Chantiers de la Jeunesse » du régime de Vichy. À l'origine, le mouvement était indépendant, géré par ses usagers, et financé en partie par eux, et en partie par la Ligue de l'Enseignement. Le 14 juin 1946, les A.J. passent sous la tutelle de l'Etat (décret André Morice). Les responsables gouvernementaux s'empressent d'éliminer des postes de « père » ou « mère aub » (celui ou celle qui a la charge d'une A.J.), les militants révolutionnaires. La première vague d'épuration touche les anarchistes. Pour cela, ils opposent entre elles les tendances politiques qui s'étaient fait jour au sein des A.J. La tendance « majo » et la tendance trotskyste (Unité ajiste) poussent à la rupture avec les anarchistes. Celle-ci ser acquise fin 1951 par la formation d'un Mouvement Indépendant des Auberges de Jeunesse (M.I.A.J.). Ce nouveau mouvement d'inspiration libertaire connaît en 1952 une progression foudroyante. Sur la région parisienne, de cinq groupes au moment de la scission, il comptabilise, fin 1952, vingt-cinq groupes. Mais très rapidement le mouvement décline. L'absence de subventions gouvernementales, le manque de cadres à plein temps, les dissenssions entre anarchistes l'amènent petit à petit à disparaître. À l'heure actuelle, semble-t-il, une seule auberge se réclame encore du M.I.A.J.

Le désintérêt de la F.A. durant cette période a été total. Seul un petit groupe, les Jeunes Libertaires, semble avoir soutenu les efforts du M.I.A.J. mais avec ds moyens extrêmement limités.

La F.A. de 1951 (Congrès de Lille) à 1953 (Congrès de Bordeaux de 1952, Congrès de Paris 1953) vit d'ailleurs une crise grave qui l'empêche d'avoir une attitude offensive et cohérente.

On a vu précédemment qu'en 1950 s'était créée une fraction clandestine au sein de la F.A. : l'O.P.B. Cette fraction regroupait de « jeunes militants » qui entendaient oeuvrer au redressement de la F.A. par l'élimination progressive des tendances traditionnelles ou individualistes. Pour ces militants, en effet, la crise de la F.A. depuis les années 1948-1949 ne pouvait être que la conséquence du « freinage » et de l'« obstruction » de ces tendances vis-à-vis de l'orientation générale de l'organisation.

Ces jeunes militants, par leur dynamisme, avaient investi, sans contestations, un organisme interne de la F.A. intitulé « groupe d'auto-défense ». ce groupe avait pour but de déceler les infiltrations policières ou provocatrices éventuelles. Il s'agissait en somme d'un groupe « de contre-espionnage ». Comme tel, il était clandestin vis-à-vis des autres militants. Ses membres étaient cooptés et ceux-ci ne devaient rendre de compte à personne.

L'O.P.B. se construisit donc sur le modèle du groupe d'auto-défense. Elle était administrée par un secrétariat et un secrétaire général... qui n'était autre que Georges Fontenis, également secrétaire général de la F.A. L'O.P.B. recevait des cotisations spéciales de la part de ses membres, ce qui la dotait de moyens financiers importants (elle n'avait pas de journal à éditer). L'O.P.B. « doublait » toutes les réunions de l'organisation. Tout Congrès régional, ou national, toute réunion du Comité national, était précédé d'une réunion O.P.B. Là on se mettait d'accord sur les motions à faire adopter, sur les désignations à proposer... L'O.P.B. s'efforçait aussi d'avoir au moins un militant par groupe F.A. D'ailleurs, elle s'arrangeait pour faire éliminer des Congrès les groupes qui lui échappaient (cas des groupes de Toulouse, Grenoble, Lille au Congrès de 1953).

En 1954, un groupe parisien fut exclu de la F.A. Il protesta de son exclusion dans un long mémorandum qui nous permet aujourd'hui de faire le point sur l'O.P.B. Les renseignements qu'il fournit montrent qu'à l'issue du Congrès de 1953, outre les exclusions qui eurent lieu duant celui-ci, l'O.P.B. s'assurait la majorité dans la Commission Presse (chargée de l'édition du Libertaire et des brochures), la Commission des Conflits (chargée de régler les différends entre les groupes, les militants...), la Commission du Contrôle financier.

L'O.P.B. se trouvait donc représenter un prototype connu dans d'autres milieux, en particulier trotskystes : le contre-appareil clandestin destiné à s'emparer de la F.A.

Le Congrrès de 1952 fut le premier durant lequel l'O.P.B. fut véritablement « opérationnelle ». Au cours de celui-ci fut adopté le principe du vote par mandat. En soi, cette proposition n'avait rien d'anti-libertaire, tout au contraire, elle permettait la libre expression de toutes les tendances... même celles non représentées au Congrès. Mais son application permettait à l'O.P.B. de prendre toute décision en vertu d'une majorité fabtiquée. Le vote « bloqué » de groupes favorables à ses thèses lui assurant une majorité confortable (ainsi le groupe de Clermond-ferrand disposant de quatorze mandats... n'avait en réalité que quatre militants)... Cette opération permis d'exclure des « têtes » du courant anarchiste traditionnel : Joyeux, Lapeyre, Fayolle, Arru, Vincey...

Dans le même temps fut adopté « à une large majorité » le Manifeste communiste libertaire de Georges Fontenis. Ce texte sous des allures « plate-formistes » était en fait une apologie de l'avant-gardisme et contenait une orientation nettement léniniste.

Ceux qui ne furent pas exclus lors du Congrès firent, dans les jours suivants, scission : Fernand Robert, Beaulaton, Louvet, Prudhommeaux... Ces dissidents créèrent en novembre une revue et une liaison qui prit le nom d'Entente Anarchiste. Les exclus ne s'y rallièrent qu'en partie espérant un retournement de situation à la F.A.

Au Congrès de 1953, à l'issue d'une nouvelle vague d'exclusions, la F.A. acheva sa transformation et devint Fédération communiste libertaire, ses structures furent renforcées et son orientation de plus en plus léniniste.

Cette situation acheva de décider les exclus et opposants à se regrouper. Fin 1953, la F.A. fut reconstituée.
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Re: Histoire de la Fédération anarchiste 1945-1953

Messagede vroum le Jeu 26 Fév 2009 22:27

Fabrice Magnone
Le Libertaire (1917-1956)
Autopsie d'un organe anarchiste


La Fédération anarchiste


Nous avons déjà évoqué au cours du chapitre précédent le début du processus de reconstrution du mouvement anarchiste sous l’Occupation. La Fédération libertaire unifiée également dénommée Fédération anarchiste était présentée par ses animateurs comme la réunion des deux courants antagonistes qui existaient avant la guerre : l’U.A. et la F.A.F. Dès le 15 janvier 1944, une discussion entre militants avait abouti à un projet de charte pour la F.A. qui sera adopté au cours du « pré-congrès » d’Agen les 29 et 30 octobre 1944. Henri Bouyé, Pierre Besnard [1], André Arru, Voline, Maurice Laisant, Aristide Lapeyre et Georges Vincey participent à la réunion d’Agen. Ils décident de relancer la publication du Libertaire dès que possible. Quelques semaines avant la Libération une première affiche réclamant le « retour à la liberté » [2] est placardée sur les murs de Paris. Elle invite le passant à rejoindre la Fédération anarchiste « qui combat l’oppression sous toutes ses formes ». Mais il faut attendre le mois de décembre 1944 pour assister à la reparution du Libertaire.

Dans l’intervalle, Louis Louvet et Simone Larcher vont prendre tout le monde de vitesse en lançant dès le 22 octobre 1944 une circulaire qui annonce la parution de leur propre journal. Cette publication, intitulée Ce Qu’il Faut Dire en hommage à Sébastien Faure, débute le 4 décembre avec le concours d’un vieux collaborateur du Lib : Pierre Mualdès. Quelques jours plus tard, le 10 décembre, les éditeurs de C.Q.F.D. organisent à Paris avec Charles Auguste Bontemps la première assemblée anarchiste publique après la Libération.

Le premier numéro du Libertaire, imprimé à Toulouse, est publié le 21 décembre 1944. En dépit des démarches de Roger Caron et Henri Bouyé [3], il paraîtra sans autorisation jusqu’au 25 mars 1946 avec la mention « bulletin intérieur » ; ce qui ne trompe personne compte-tenu de la présentation et des sujets des articles. Le journal se présente comme l’« organe du Mouvement libertaire ». A l’imitation du Mouvement libertaire espagnol (M.L.E.), la F.A. devait en effet constituer avec un syndicat autonome et une organisation de jeunes, un rassemblement intitulé Mouvement libertaire. Mais en l’absence d’une centrale anarcho-syndicaliste de masse, le modèle espagnol ne pouvait être importé en France avec les mêmes succès.

La véritable réunion de reconstitution du mouvement anarchiste après la Libération n’aura lieu que le 6 et le 7 octobre 1945 à la salle des Sociétés savantes. Ces Assises du Mouvement libertaire réunissent deux cents délégués représentant les groupes de la F.A., de la Fédération des Jeunesses libertaires (F.J.L.), de la Fédération syndicaliste française (F.S.F.) et du mouvement Egalité animé par Louis Louvet et Simone Larcher. Les individualistes rassemblés autour d’Armand et sa revue L’Unique ont décliné l’invitation. Louis Lecoin est également absent. Il préférera désormais rester en marge des organisations libertaires pour jouir d’une liberté d’action totale dans ses combats. Des éléments aussi disparates ne devaient parvenir qu’à un accord minimum faisant du Mouvement libertaire un comité de coordination entre les différentes tendances et laissant aux seuls membres de la F.A. le soin de publier Le Libertaire. Cet organisme constitue la première tentative de rassemblement vraiment œcuménique depuis la création de l’U.A. au lendemain de la Première Guerre mondiale. Chacune des organisations était censée envoyer trois délégués aux réunions du Mouvement libertaire. Mais le comité n’aura d’existence que sur le papier et sera vite oublié. En effet, le déséquilibre des forces entre la F.A., la F.J.L., la F.S.F. et les groupes C.Q.F.D. va rapidement entraîner son éclatement. La Fédération anarchiste finira par réunir la majorité des libertaires après l’adhésion, le 17 février 1946, des groupes animés par Louis Louvet.

Le congrès de la Fédération anarchiste ne débute véritablement que l’après-midi du 7 octobre. Pour permettre aux délégués de se prononcer sur un certain nombre de points d’importance, une conférence nationale est convoquée pour le 2 décembre à Paris. Véritable innovation dans le mode de fonctionnement des organisations libertaires, la F.A. adopte un système de cartes et de timbres similaire à celui utilisé dans les syndicats ou les partis politiques. Dans un premier temps, seuls les militants de la F.A. pourront lire dans Le Lien le compte-rendu de ce congrès mouvementé. Le Libertaire ne publiera que le texte des motions votées au cours de la conférence nationale du 2 décembre. Ces professions de foi très consensuelles ne disent rien des débats qui agitent déjà la nouvelle organisation. Une brochure à diffusion interne intitulée Assises du mouvement libertaire et congrès de la Fédération anarchiste [4] nous livre de précieux renseignements. Contrairement à ce qu’on pourraît croire à la lecture du Libertaire, les militants sont loin de parvenir à l’unanimité. Ces conflits internes contrarient le désir des refondateurs du mouvement de rompre avec les éternelles polémiques sur le type d’organisation à adopter.

Des méthodes périmées devront être rejettées. (...) On ne saurait envisager notre action aujourd’hui sous le même jour que celle menée depuis quelque quarante ans. Sachons nous débarrasser des pratiques qui firent notre faiblesse. [5]

En dépit de ces bonnes résolutions, les congrès suivants vont se dérouler dans la même ambiance de lutte de tendances et de règlements de comptes personnels. Au Congrès de Dijon, réunit du 13 au 15 septembre 1946, les membres de la commission administrative sont attaqués par les amis d’Aristide Lapeyre, André Arru et Louis Louvet. Cible principale de cette opposition, Henri Bouyé doit renoncer au poste de secrétaire général au profit de Georges Fontenis.

La personnalité de ce jeune instituteur qui va désormais jouer un rôle de tout premier plan au sein de la F.A., mérite qu’on s’y attarde. Il découvre l’anarchisme à l’âge de 16 ans, au moment du Front populaire, et débute alors sa carrière militante en vendant à la criée Le Libertaire et La Patrie humaine. Après la Seconde Guerre mondiale, il fait partie des animateurs de l’Ecole émancipée où il rencontre Solange Dumont qui le présentera aux membres de la F.A. Il participe ainsi, à Dijon, le 13 septembre 1946, au Congrès constitutif de la Fédération des jeunesses anarchistes dont il sera le premier secrétaire. Il peut sembler surprenant qu’un adhérent si jeune qui, de surcroît, ne cache pas ses sympathies pour le marxisme puisse assumer aussi rapidement la responsabilité de sécrétaire général de la F.A. Mais le manque de cadres anciens autant que le climat de conflits permanents peuvent justifier le choix de ce militant relativement inconnu. Pour sa part, l’intéressé expliquera son ascension précoce par une double tentative de manipulation :

(...) me voici, subitement, secrétaire général de la F.A., directeur du Libertaire, à 26 ans. Tout seul au fond. Mes amis ont vu là, sans doute, une aubaine inespérée pour sauver les acquis, les autres, ceux d’en face se disent peut-être qu’ils viendront facilement à bout d’un jeune militant inexpérimenté. [6]

En tous cas, la nomination de Georges Fontenis, même si elle sera confirmée l’année suivante au congrès d’Angers, ne permit d’apaiser les tensions que provisoirement, chacune des parties campant sur ses positions en attendant de pouvoir l’emporter sur l’autre. D’ailleurs, les rapports entre les membres de la Fédération anarchiste vont encore s’envenimer à cause de la constitution d’une centrale ouvrière syndicaliste révolutionnaire. Loin de les rassembler, l’existence de la C.N.T.F. est en effet un nouveau sujet de discorde.


[1] Pierre Besnard avait été mandaté par un syndicat pour intégrer la Légion des combattants. Il profita de la rencontre d’Agen pour se justifier devant ses compagnons qui, satisfaits par ses explications, votèrent une motion de confiance.

[2] Fac similé in René Bianco, « Les anarchistes dans la Résistance », vol. 2, op. cit., p. 111.

[3] Voir son témoignage in René Bianco, « Les anarchistes dans la Résistance », vol. 2, op. cit., p. 111-112.

[4] Assises du mouvement libertaire et congrès de la Fédération anarchiste, 6 et 7 octobre, 2 décembre 1945, tenus à Paris en la salle des Sociétés savantes, s.d., 25 p.

[5] La commission administrative du Mouvement Libertaire, « Tous à l’œuvre pour le congrès », Le Libertaire, n°8, août 1945.

[6] Georges Fontenis, L’Autre communisme. Histoire subversive du mouvement libertaire, Paris, Acratie, 1990, p. 91.
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Re: Histoire de la Fédération anarchiste 1945-1953

Messagede vroum le Jeu 26 Fév 2009 22:41

Chronologie des Congrès anarchistes 1944-1953 :

29-30 octobre 1944
Agen (Lot-et-Garonne)
Rencontre pré-congrès


6-7 octobre 1945
Paris
Assises du Mouvement libertaire


12-13 décembre 1945
Paris
Congrès constitutif de la F.A. / Premier Congrès de la Fédération anarchiste


13-14-15 septembre 1946
Dijon (Côte-d'Or)
Deuxième Congrès de la Fédération anarchiste


9-10-11 novembre 1947
Angers (Maine-et-Loire)
Troisième Congrès de la Fédération anarchiste


11-12-13-14 novembre 1948
Lyon (Rhône)
Quatrième Congrès de la Fédération anarchiste


27-28-29 mai 1950
Paris
Cinquième Congrès de la Fédération anarchiste


12-13-14 mai 1951
Lille (Nord)
Sixième Congrès de la Fédération anarchiste


31 mai, 1er et 2 juin 1952
Bordeaux (Gironde)
Septième Congrès de la Fédération anarchiste

23-24-25 mai 1953
Paris
Eclatement de la F.A. Changement de nom en F.C.L.
Premier Congrès de la Fédération communiste libertaire


25-26-27 décembre 1953
Paris
Congrès de reconstruction de la F.A., aussi compté comme huitième Congrès de la Fédération anarchiste ou Premier Congrès de la Fédération anarchiste reconstituée
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Re: Histoire de la Fédération anarchiste 1945-1953

Messagede vroum le Jeu 26 Fév 2009 22:46

La Fédération anarchiste devant les grands problèmes actuels ; les militants anarchistes, réunis en congrès, les 6 et 7 octobre, puis le 12 décembre 1945, ont pris les résolutions suivantes :

Le syndicalisme,

Constatant :

que les grands courants qui se disputent l'influence au sein de la C.G.T. ont pris une physionomie nettement réformiste ;

que les mots d'ordre des organisations syndicales s'inspirent de la collaboration avec l'État capitaliste et le patronat ;

que les politiciens tentent de détourner les luttes des travailleurs au profit de leurs partis respectifs, sans tenir compte des intérêts des syndiqués ;

que la prédominance de groupes syndicaux puissants représentant des intérêts extrasyndicaux au sein de la F.S.M. risque d'entraîner nos organisations syndicales dans une nouvelle guerre idéologique à la suite des impérialismes se disputant les richesses du monde.

Décident d'appeler tous les travailleurs à la lutte sur les bases suivantes :

pour un syndicalisme de Revendications et de lutte de classe ;

pour un syndicalisme antimilitariste et laïc ;

pour un syndicalisme indépendant des partis politiques ;

pour un syndicalisme expurgé d'une bureaucratie de carrière ;

pour un syndicalisme de lutte contre toutes les guerres ;

pour un syndicalisme militant vers son véritable but, tel que la défini la Charte d'Amiens : abolition du salariat et du patronat en vue de l'émancipation intégrale de tous les travailleurs avec, comme moyen d'action, la grève générale. Le syndicat de groupement de résistance et de combat qu'il est aujourd'hui, étant demain groupe de production et de répartition de l'économie, gérée par les travailleurs eux-mêmes.

L'antimilitarisme

La Fédération anarchiste décide d'intensifier la lutte antimilitariste.

Elle constate :

que dans tous les pays, quelle que soit la forme de leur gouvernement, le militarisme est le meilleur outil que possède l'appareil d'État pour opprimer les hommes ;

que l'existence d'une armée engendre la méfiance de l'État voisin dont l'objectif devient alors d'en créer une plus forte et par là même de déclencher cette course aux armements qui amène fatalement la guerre ;

que l'existence d'une armée est incompatible avec les buts que prétendent se fixer les grandes puissances alliées, signataires de la Charte de l'Atlantique ;

que l'existence d'une armée est incompatible avec l'esprit internationaliste et la morale révolutionnaire qui doit demain régir les rapports entre les peuples ;

que l'existence d'une armée est incompatible par les charges qu'elle impose à la nation et par l'esprit de caste qu'elle forge aux militaires, avec les buts des travailleurs du monde entier : la libération de l'Homme par la suppression de son exploitation par une minorité de privilégiés.

En conséquence, la Fédération anarchiste condamne tous les militarismes, quels qu'ils soient, et demande la suppression de toutes les forces militaristes.

La question coloniale

Les anarchistes, réunis en Conférence nationale, le 2 décembre 1945, après avoir pris connaissance du rapport colonial présenté par la Commission Administrative :
élèvent une vigoureuse protestation contre les méthodes colonialistes des différents impérialismes ;

s'indignent que, six mois après la cessation complète des troupes appartenant à des gouvernements signataires de la Charte de l'Atlantique continuent à massacrer des populations soulevées pour défendre leur indépendance ;

dénoncent à la conscience humaine le jeu des impérialismes libéraux à la recherche de matières premières et de bases stratégiques qui n'hésitent pas à fomenter des troubles et à se servir des légitimes aspirations des peuples coloniaux pour essayer d'évincer la concurrence.

Les anarchistes réclament pour la population d'outre-mer le droit à la liberté, au travail dans l'indépendance, le droit de disposer de leur propre destinée en dehors des rivalités de clans qui déchirent le monde actuel. Ils les assurent de leur solidarité dans la lutte qu'ils doivent mener contre l'oppression de tous les impérialismes, quel que soit le visage qu'ils prennent pour camoufler leurs appétits.

La Liberté individuelle

Constatant que la liberté absolue est un mythe, mais que la vie en société n'exclut pas toute liberté individuelle.

Constatant que la liberté individuelle et d'expression -malgré certaines propagandes et apparences- n'est respectée dans aucun pays du monde.

La Fédération anarchiste engage ses militants à lutter de toute leur force contre la cause d'un tel état de fait, le capitalisme et son moyen d'action : l'État.

La Fédération anarchiste demande que rien ne soit épargné pour que triomphe le fédéralisme libertaire, base de toute liberté ;

Convie ses militants à réagir en tout lien et tout moment dès qu'une atteinte - si minime soit-elle - est portée à la liberté de la presse, de réunion, du travail ;

S'élève contre l'esprit des nationalisations qui ne font que renforcer les pouvoirs de l'État et demande que lui soit substitué celui des collectivisations sous l'égide des communes libertaires.

La Fédération anarchiste conjure tous ses adhérents à lutter contre le principe d'autorité qui régit l'Enseignement ;

S'élève contre l'école libre génératrice d'obscurantisme et de renoncement à la lutte émancipatrice et le monopole d'État. Elle s'engage à aider par sa propagande l'école rationaliste et les tentatives amorcées par nos camarades instituteurs pour la libération de l'enfant.

Tenant compte des circonstances actuelles et estimant que de deux maux il faut choisir le moindre, la Fédération anarchiste aidera l'école laïque par tous les moyens dont elle dispose momentanément et en faisant des réserves- dans sa lutte contre l'école confessionnelle.

La question Allemande

Les anarchistes, fidèles à leur idéal antimilitariste et internationaliste, déclarent :

que le prolétariat allemand actuellement aussi enchaîné qu'il y a douze ans, est mis dans l'impossibilité de se libérer et qu'il appartient au prolétariat international de contribuer à cette libération ;

que les travailleurs du monde entier ne peuvent oublier que le développement du nazisme n'a été rendu possible qu'en raison de la détresse économique dans laquelle le capitalisme mondial avait plongé le peuple allemand ;

que les premières victimes de la répression hitlérienne dans les camps de concentration allemands ont été d'abord les militants antifascistes et particulièrement les anarchistes allemands, ceci dès l'apparition du nazisme en 1933.

Qu'en conséquence il y a lieu de distinguer dans les responsabilités le peuple allemand et le régime hitlérien.

Ils dénoncent les manœuvres du capitalisme et de l'impérialisme international qui, sous couleur de réparations, se livrent à une exploitation éhontée ; ils démontreront -à l'intérieur des syndicats et dans leur propagande que si le nazisme plaçait le peuple allemand au-dessus des autres peuples, le placer, par contre, au-dessous serait faire revivre le nazisme sous une forme nouvelle.

Ils s'insurgent contre l'emploi de la main-d'œuvre prisonnière qui ne peut profiter qu'au patronat français et concurrencer le prolétariat.

ils demandent aux syndicats d'exiger le retour chez eux des prisonniers, sans s'opposer toutefois à ce que certaines formations de volontaires telles que "S.S.", y compris tous les officiers, soient employés à des travaux dangereux, tels que le déminage.

Les anarchistes affirment aux ouvriers français que les ouvriers allemands sont aussi des victimes de classe et qu'il y a lieu de rétablir en Allemagne la liberté syndicale et d'expression. C'est dans la mesure où le peuple allemand recouvrera sa liberté qu'il pourra être facteur de paix et que les peuples n'auront pas à subir -une troisième guerre mondiale.

Le problème de la Paix

La Fédération anarchiste déclare que le problème de la paix ne peut être utilement examiné que selon les données suivantes :

Les conflits entre individus comme entre nations sont le résultat du système capitaliste et étatique. L'éducation et en général toutes les méthodes d'enseignement employés par les différentes puissances ont pour objet de prédisposer l'ensemble de la population à l'acceptation et à la défense d'un tel régime.

La Fédération anarchiste, tout en n'admettant pas la violence comme principe, considérant qu'il ne doit être perdu de vue que tous les régimes d'exploitation en font leur moyen d'oppression et de conquête ; que la libération économique et sociale des peuples exige une action vigilante de la part des travailleurs et que cette action peut même se présenter sous la forme directe et révolutionnaire des masses, déclare :

que les guerres (sans prendre en considération les motifs invoqués pour entraîner les peuples à les faire) ne peuvent disparaître que dans la mesure où le capitalisme et l'État auront été détruits sous toutes leurs formes ;

que les méthodes et l'éducation tendant à faire disparaître l'emploi de la violence ne pourront porter tous leurs fruits que dans une société débarrassée des germes de toute guerre ;

qu'il appartient aux peuples de présider eux-mêmes à leurs destinées et qu'ils ne doivent plus s'en remettre à leurs gouvernants - quelles que soient leurs nuances politiques ou religieuses - pour la sauvegarde de leurs intérêts, de leur sécurité et la garantie de la liberté.

Il importe donc de développer l'action directe révolutionnaire indispensable pour arriver à ces fins. Dans ce domaine, les syndicats ouvriers. en raison de la pression qu'ils peuvent exercer sur l'économie, doivent jouer un rôle prépondérant, décisif dans le sens de l'internationalisation rapide des luttes ouvrières.

La Fédération anarchiste affirme que la guerre n'est pas une fatalité, que le désarmement des esprits est une des conditions indispensables à )a paix et à la solidarité humaine; qu'il est nécessaire de rejeter toute idéologie belliciste quelle qu'en soit l'étiquette - employée comme prétexte par les dirigeants, seuls bénéficiaires des conflits internationaux.

Elle demande à tous les militants ouvriers et pacifistes de s'engager délibérément dans la voie révolutionnaire, en opposant l'instauration du fédéralisme libertaire à la guerre; fait un appel pressant au jeunes -qui seraient, les premiers, victimes d'un conflit- en les conviant à prendre puce dans ses rangs pour le grand combat de la liberté.

L'Amnistie

La Fédération anarchiste :

elève une protestation indignée contre le maintien en prison, un an après la libération, sept mois après la fin des hostilités en Europe, des militants emprisonnés depuis 1939. Elle constate que la guerre qui vient de se terminer continue pour eux ;

dénonce aux travailleurs la carence ides partis qui se réclament du prolétariat dont les congrès viennent de se tenir récemment et qui n'ont pas eu le courage de réclamer au cours de ces congrès l'amnistie pour les victimes des tribunaux militaires, abandonnant là une vieille tradition qui a contribué à la fortune de ces partis.

Le congrès recommande à ses militants, à ses groupes, à ses régions, d'avoir toujours présente à la mémoire la pensée de ceux qui souffrent dans les bagnes militaires d'Eisse, de Montluc, de Nontrond. Il leur recommande de poser devant les auditoires qu'ils pourraient rassembler le problème de l'amnistie totale pour les prisonniers militaires détenus depuis 1939 et d'œuvrer pour que cette amnistie devienne une réalité.

Fédération anarchiste

Déclarations publiées dans le Libertaire du 20 décembre 1945
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Re: Histoire de la Fédération anarchiste 1945-1953

Messagede vroum le Jeu 26 Fév 2009 22:47

Résolution sur la tactique révolutionnaire

Adoptée au 1er congrès de la Fédération anarchiste réuni le 2 décembre 1945

La Fédération anarchiste, réunie le 2 décembre en conférence nationale, décide d'intensifier la propagande anarchiste par la vulgarisation de la commune libertaire, seule forme d'organisation économique et sociale, pouvant garantir la liberté individuelle sans négliger les intérêts généraux ; décide de participer aux luttes ouvrières en s'inspirant des principes fédéralistes propres au syndicalisme révolutionnaire et en se différenciant nettement de tous les partis politiques.

Les ouvriers et techniciens, par la grève générale insurrectionnelle, dépossèderont le patronat de la propriété des moyens de production, de distribution et d'échange, s'en saisiront afin d'organiser eux-mêmes l'économie (production, consommation et crédit), en dehors de l'État , sur la base de la commune libertaire. Ils se substitueront immédiatement au patronat pour mettre en marche toutes les branches d'activité économique à leur propre compte, en s'emparant pour les gérer directement eux-mêmes, des entreprises capitalistes, seule action probatoire de la maturité économique de la classe ouvrière en marche vers sa libération sociale intégrale.

Pour assurer le triomphe de leur cause, ils devront organiser immédiatement à l'échelle locale et régionale, leurs comités de gestion économique et de défense de la révolution.

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Re: Histoire de la Fédération anarchiste 1945-1953

Messagede vroum le Jeu 26 Fév 2009 22:49

Le congrès de la Fédération anarchiste a terminé ses travaux

In Le Libertaire # 47 du 20 septembre 1946

Les représentants des groupes anarchistes de toutes les régions de France se sont rassemblés les 13, 14 et 15 septembre à Dijon.

Le Mouvement libertaire espagnol, la Fédération anarchiste britannique, étaient représentés.

Le 12 au soir, une grande réunion publique groupa plus de 500 personnes : public enthousisaste dans lequel il ne fut pas possible de trouver un seul contradicteur.
Le congrès s'est d'abord réuni le 13 en une Commission des conflits qui n'eut à connaître que des différends peu fondés et sans conséquences.

Passant à la discussion des différents rapports, le congrès adopta après de vifs échanges de vues le rapport moral présenté par la Commission administrative sortante. Le rapport financier fut accepté également. La discussion du rapport sur la gestion et sur la rédaction du « Libertaire » fut longue et fructueuse. Presque unanimement, les groupes apportèrent des suggestions pleines d'intérêt et les camarades responsables reçurent au sujet du journal des félicitations pour les progrs accomplis tant du point de vue fond et présentation qu'au point de vue gestion.

Le congrès étudia également la question du vote comme procédé de détermination. Il conclut en rejetant le vote, qui au sens courant du terme sous-entend la soumission d'une minorité à une majorité et affirma que les questions de principe devaient toujours être l'objet d'une décision unanime ou d'une synthèse, les consultations par appel des groupes pouvant intervenir sur les questions de tactique.

Les points suivants de l'ordre du jour : tactique révolutionnaire, problèmes internationaux, relations internationales, ne furent pas débattus, le congrès estimant toujours valable l'orientation indiquée par les motions d'unanimité du congrès d'octobre 1945, orientation précisée d'ailleurs par la discussion sur l'orientation du Libertaire. Toutefois, la question syndicale fut maintenue et traitée longuement : le congrès conclut à la nécessité pour la F.A. de soutenir localement la C.N.T., expression du syndicalisme révolutionnaire antipolitique, sans que l'adhésion à la C.N.T. puisse être obligatoire pour les militants syndicables appartenant à la F.A.

Mais une des tâches les plus importantes du congrès 1946 a été incontestablement l'adoption d'une organisation administrative très précise, fruits des expériences d'une année de gestion difficile. Les déterminations statutaires adoptées à ce sujet, après de très longues discussions, le furent à l'unanimité. De même, c'est à l'unanimité que furent désignés les membres du nouveau comité national.

Il est incontestable que les assises tenues ces 13, 14 et 15 septembre 1946 par la Fédération anarchiste attestent sa vitalité, sa maturité et sa nécessité historique. Elles ont donné à son action un but précis et un appareil administratif souple et pratique.

La F.A. qui rallie aujourd'hui tous les libertaires de France et augmente chaque jour sa puissance et sa cohésion, est une organisation dont l'influence va croître dans les mois qui viennent à un rythme jusqu'alors inespéré.

Le congrès s'est séparé le 15 septembre à minuit, après avoir adopté, enthousiaste, un ordre du jour réclamant l'amnistie des condamnés militaires.
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Re: Histoire de la Fédération anarchiste 1945-1953

Messagede vroum le Jeu 26 Fév 2009 22:50

Congrès constitutif des Jeunesses Anarchistes de France

In Le Libertaire # 47 du 20 septembre 1946

Les jeunes libertaires de France, organisés provisoirement depuis quelques mois en Fédération des Jeunesses Libertaires, ont tenu un congrès convoqué par le Comité national provisoire après référendum.

Le congrès vient de se tenir à Dijon le 13 septembre 1946, à la veille du deuxième congrès de la Fédération anarchiste.

De nombreux groupes n'ont pu être représentés, mais le congrès a tenu compte des rapports écrits envoyés par ces groupes sur les différents points de l'ordre du jour.
Étaient représentés notamment les groupes Paris-Est, Paris-Nord, Paris-Centre, Colombes, Dijon, Lille, Aulnoye, Nîmes, Marseille, Bordeaux, Caen. Un représentant du Mouvement libertaire espagnol et le secrétaire de la Fédération anarchiste britannique, assistaient aux débats, ainsi que les représentants de la Fédération anarchiste française. Le Comité national de la F.I.J.L. (Fédération Ibérique des Jeunesses Libertaires) en France, la commission de relations de la F.I.J.L. en Afrique du Nord, la commission de l'Internationale des jeunesses anarchistes s'étaient excusés et adressèrent par lettre ou télégramme leur salut aux congressistes.

L'organisation a adopté le nom de Fédération des jeunesses anarchistes (F.J.A.).

L'ordre du jour fut épuisé en quatre séances, dont la dernière eut lieu le 14 septembre.

Furent examinés et adoptés le rapport d'activité du C.N. provisoire, le rapport financier, le rapport sur la propagande et l'éducation, et après avoir soigneusement étudié les problèmes du syndicalisme, de la solidarité, de l'antimilitarisme, le congrès prit position. Les rapports adoptés le furent à l'unanimité ou à la quasi-unanimité, après avoir donné lieu à de fructueux échanges de vues. Le congrès s'est prononcé pour l'accentuation de la campagne contre le militarisme et la préparation militaire et contre toutes les formes d'oppression ; il s'est prononcé également pour le soutien à la C.N.T. et a ratifié l'adhésion à l'Internationale de la jeunesse anarchiste. Le rapport sur la presse fut étudié soigneusement.

Les Statuts d'organisation adoptés comportent un premier article constituant une déclaration de principes nettement anarchiste et communiste libertaire, et ils donnent à l'organisation une forme à la fois précise et souple.

Le congrès a désigné pour un an un Comité national.

La tenue du congrès, le sérieux des débats, les résolutions prises, sont le signe de la maturité des jeunes anarchistes français dont l'organisation a nettement précisé son autonomie vis à vis de la F.A., estimant que des rapports fondés sur l'identité de vues, la fraternité dans la lutte, sont préférables aux rapports organiques.
Il est certain que la F.J.A. va prendre dès les mois à venir une influence grandissante dans la jeunesse de France.
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Re: Histoire de la Fédération anarchiste 1945-1953

Messagede vroum le Jeu 26 Fév 2009 22:51

Notre beau troisième congrès

In Le Libertaire # 104 du 20 novembre 1947

Ce n'est plus une minuscule Fédération qui a tenu ses assises à Angers les 9, 10 et 11 novembre, mais un mouvement en plein essor, ayant triplé ses effevtifs en un an, ayant accru son influence et poursuivi la formation de ses militants.

Le nombre des délégués, l'atmosphère de calme et de sérieux des travaux, la qualité des interventions, la préparation matérielle des débats, l'ampleur des résultats, attestent la vitalité et la maturité de notre F.A.

Nos camarades d'Angers et de Trélazé n'ont rien omis pour recevoir les délégués et faciliter les travaux.

Le samedi 9 novembre, en gare d'Angers, des équipes se relaient pour accueillir les camarades et leur désigner les chambres retenues. Des affiches fléchées conduisent à la salle du congrès.

Les repas sont prévus, y compris le déplacement en car de nos militants, de la salle du congrès au restaurant ; un buffet-buvette est installé pour accueillir les délégués à tout moment.

Une grande bandreolle rouge et noir : « IIIe Congrès de la Fédération Anarchiste » barre l'important édifice du grand Cercle et la salle des séances même est décorée de magistrale façon : des devises libertaires – les phrases bien connus d'Elisée Reclus et de Louise Michel rappellent aux congressistes l'importance de leur tâche.

Des tables sont disposées pour les délégués, dont chacun reçoit du groupe organisateur un sous-main marqué au signe du congrès d'Angers et contenant tous les renseignements matériels utiles aux congressistes.

Un contrôle sérieux est organisé et des places sont réservées aux auditeurs.

Les séances se déroulent avec une régularité remarquable. Peu de violence dans les propos, mais une ardeur au travail, une fièvre de sérieux et de réalisation qui fait augurer de l'avenir.

Lorsque les délégués se sépareront, fraternellement, au soir du mardi 11 novembre, ils auront épuisé, selon un horaire sévère, en sept séances, un immense ordre du jour.

La hauteur du ton des débats, la valeur des résolutions adoptées, ont fait l'estime des délégués étrangers et nous savons que nos assises ne passeront pas inaperçues dans l'Internationale.

Ce beau congrès 47 est le gage des victoires de demain.

Le meeting d'ouverture

le samedi 8 novembre, alors que maintes déléguations sont déjà arrivées, se tient notre grand meeting d'ouverture.

La réussite de la réunion publique tenue fin avril dernier nous laissait l'espoir d'un beau meeting. Mais c'est un succès sans précédent qui nous attend. La grande salle ne peut contenir tous les auditeurs. Une foule enthousiaste acclame longuement nos orateurs, après les avoir écouté avec une attention soutenue.

Tour à tour, Arru, Joyeux, Fontenis font le procés des régimes totalitaires et de leurs alliés du R.P.F. ou du P.C.F.

Joyeux dévoile le jeu pré-fasciste du gaullisme et la tactique anti-syndicaliste de P.C.F.

Fontenis a démontré que les dirigeants staliniens ont été les meilleurs artisans du succès gaulliste, par leur politique de capitulation ouvrière et d'étatisation forcenée et qu'en écoeurant le peuple, il l'ont rejeté vers la réaction. Il conclut en appelant à la formation d'un véritable troisième force, sur des positions révolutionnaires en opposition à la troisième faiblesse S.F.I.O.-M.R.P.

Notons que quelques incidents crées par des fanatiques staliniens n'ont pu empêcher la réunion de se dérouler avec succés ; et c'est devant une salle toujours comble, vibrante d'émotion, que la séance est levée, aux accents des chants révolutionnaires.
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Re: Histoire de la Fédération anarchiste 1945-1953

Messagede vroum le Jeu 26 Fév 2009 22:56

les passages marqués XXXXXXXXXXXXXX sont illisibles, mon exemplaire #104 du Libertaire ayant très mal vieilli

Une étape décisive dans l'organisation anarchistes

Les séances du congrès


In Le Libertaire # 104 du 20 novembre 1947

Le 3ième congrès de la F.A. s'ouvre le dimanche 9 novembre à 9h00.
Il est procédé d'abord à la vérification des mandats. Puis le président Cecifrey (Paris 18ième), en une brève allocution, salue les congressistes et déclare ouvert le 3ième congrès de la Fédération.
La parole est donné au secrétaire général sortant qui donne lecture des lettres d'adhésion adressées par le Mouvement Libertaire Espagnol, la Fédération Anarchiste Italienne, le Secrétariat International, la Fédération Anarchiste Britannique et nos camarades organisés de Hollande, de Belgique, du Portugal et de l'Autriche.

Le rapport d'activité

Il est présenté par le secrétaire général sortant qui, se refusant à de vains discours, se contente d'apporter quelques compléments au texte du rapport moral publié dans le Bulletin intérieur.
Le débat s'engage.
Les délégués d'Argenteuil et de Paris 13ième apportent de vives critiques. Le délégué d'Alençon exprimant la volonté générale exige que les critiques soient fondées sur des faits précis. Il pense que la question qui se pose est de savoir si l'activité du Comité a été profitable au mouvement.

Le secrétaire général répond avec précisions aux questions et critiques. Il fait observer qu'il oppose des faits précis à des alléguations vagues et qu'il ne veut nullement dissimuler des fautes ou des insuffisances, mais il demande aux délégués le redressement et les progrès accomplis. En fin de débats, le rapport est adopté à la quasi-unanimité (6 groupes seulement s'y opposent).

Le rapport financier

Après le rapport commenté du trésorier, quelques questions ont posées auxquelles il est répondu avec netteté.
Plusieurs délégués, interprétant l'opinion générale, font remarquer que c'est la première fois qu'on présente à un congrès un bilan positif d'un telle précision.
Le rapport est adopté à l'unanimité.
La séance est levée à 12h15.

La seconde séance s'ouvre à 14h30 sous la présidence de Tharaud (Angers).

Administration du Libertaire

Vu son importance, ce secteur XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX d'un rapport particulier.
Un bilan des tirages et ventes par numéro est remis à chaque délégué. On constate alors que si le tirage a baissé, faute de papier, la situation est très saine, puisque le pourcentage des invendus diminue, que le pourcentage des ventes est en progression régulière et le nombre des abonnements en montée constante.
Le rapporteur met les militants en face de leurs responsabilités. Il leur fait remarquer que lorsque chacun se montrera dévoué à la diffusion du journal nous réussirons, malgré les sabotages officiels et autres, à lui donner toute l'influence voulue.
Ce magistral rapport d'administration est adopté à l'unanimité.

Le Libertaire

Le rédacteur, assez gravement souffrant, est excusé. Le secrétaire général se déclare prêt à répondre aux interpellations et questions sur le rapport de rédaction publié dans le Bulletin intérieur.
Lepoil (Argenteuil), fait une longue intervention contre la présentation et le fond du journal. Quelques questions et critiques sont formulées. Le secrétaire répond au nom de la rédaction, dont il ne veut pas masquer les erreurs de détail, mais qu'il défend contre les attaques injustes ou excessives. Il fait remarquer que les insuffisances viennent souvent du manque d'à propos des groupes qui ne renseignent pas le journal ou envoient des articles médiocres.
En fin de discussion, le rapport sur « le Libertaire » est adopté à une très forte majorité.
La séance est levée à 19h00.

C'est lundi à 9h00 que s'ouvre la troisième séance, sous la présidence d'Arru (Marseille).

Rapport de propagande

Le délégué à la propagande, secrétaire sortant, souligne les termes du rapport dans le Bulletin intérieur.
Quelques oppositions se manifestent. Paris 13ième constate que le rapport dépasse en son quatrième point le cadre de la propagande proprement dite.
Le président de séance demande que ce point soit suprimé.
Le rapporteur répond aux questions posées et accepte de supprimer le paragraphe 4 et de disjoindre le paragraphe 5 qui viendra en discussion avec le plan de propagande générale.
Le rapport ainsi modifié est adopté à l'unanimité.
Puis, le congrès passe à l'examen des divers points de l'ordre du jour fixant les points de vue et les tâches du mouvement.

Déclaration de principes

Il ne s'agit pas de modifier les principes de la F.A., mais de les préciser ; plusieurs rédactions possibles s'affrontent. Alençon propose une déclaration bien détaillée.
Après l'intervention du délégué de Bordeaux, le congrès décide de maintenir le texte de déclaration adopté au congrès constitutif de 1945.
il est entendu que chaque région ou groupe pourra adopter une déclaration plus précise, à condition qu'elle ne s'oppose pas à celle de la Fédération, qu'elle n'en soit qu'un développement ou une suite.

Orientation et tactique

Le congrès aborde ici le débat le plus important :
Le président de séance signale que plusieurs motions sur les tâches en général sont en présence ; en particulier de Lille, de Paris 5ième-6ième et celle de Paris 19ième.
Lille se rallie à celle de Paris 19ième. Il ne semble pas que celle de Paris 5ième s'y oppose ; et c'est donc la position de Paris 19ième qui est mise en discussion.
Elle rallie la majorité du congrès ; et après une modification de rédaction demandée par Angers et confiée au C.N., elle est adoptée à l'unanimité.
La séance est levée à 12h30.

Nos assises reprennent à 14h30, Lavorel de Lyon préside.
Le débat sur la tactique se poursuit par l'étude des problèmes actuels.

La lutte syndicale

Plusieurs positions assez voisines s'expriment. D'une foule de motions, trois émergent : celle de Toulouse (Fernand Pelloutier), de Paris 13ième et du secrétariat à la propagande.
Cette dernière est très attaquée, et les délégués se prononcent pour l'adhésion à la C.N.T. que nous devrons soutenir par notre action et nos idées, mais en tant que syndicalistes, sans dominer ou coloniser cette organisation syndicale des travailleurs révolutionnaires.
De nombreux groupes font remarquer qu'il est à prévoir que des fragments se détacheront de la C.G.T. ou des syndicats autonomes, et que dans de tels cas, nous devrons être présents.
Une motion de synthèse, mais précise et concrète est présentée par Paris -Est. Paris 13ième maintient son texte qui est voisin. Une commission de résolution est proposée, mais le congrès la repousse et l'ion procède à une consultation ; la motion de Paris-est l'emporte largement.

Coopération et pacifisme

La question du coopératisme en régime capitaliste est posée. Après un bref débat, le congrès, considérant les difficulktés actuelles, et les dangers d'isolement hors de la lutte révolutionnaire que présente une action orientée vers les coopératives et communautés dans le cadre du régime actuel, décide de rester dans l'expectative, et de ne donner aucune publicité aux réalisations de ce genre. La question sera reposée au prochain congrès.
Puis vient le problème de la guerre, de l'antimilitarisme et de la défense de la révolution. Après un débat long et nourri, une résolution est prise, déclarant que la question est posée, et s'inscrit dans le cadre de la lutte révolutionnaire permanente dont elle constitue un aspect particulier;
les dispositions voulues seront prises à cet effet (1).

Le problème colonial

La discussion sur la tactique se termine par l'étude du problème colonial.
Les congressistes estiment quen, malgré des obstacles apparemment infranchissables, il y a des possibilités de pénétrer dans les milieux colonisés, aussi bien que dans les pays d'outre-mer, que dans la métropole elle-même, en entrant en rapport avec les travailleurs coloniaux immigrés.
La création d'une Commission de documentation sur le proiblème colonial ets décidée unanimement.
Puis les délégués, sous des formes diverses, opposent aux prétendues « libérations nationales » les luttes sociales à imulser dans tous les domaines.
Une commission de résolution est n,ommée qui dcra rapporter au début de la séance suivante.
La séance est levée à 13h00. Une séance de nuit est prévue.

A 21h00, les débats reprennent sous la présidence de Carré (Carcassonne).
Le texte sur le problème colonial proposé par la Commission est adopté à l'unanimité.

La propagande générale

Des dispositions générales sont prises comme la création d'un budget autonome pour le secrétariat à la propagande.
Sur les formes de la propagande orale, le débat s'anime, devient confus un instant.
Finalement, le congrès s'en remet à une Commission de résolution pour rédiger un texte qui définira le sens dans lequel devra se faire la propagande orale, compte-tenu des divers points de vue émis.
La séance est levée à minuit.

La presse

Les débats de poursuivent le mardi 11 novembre à 9h00 sous la présidence de Mauger (Alençon).
Le congrès poursuit l'étude de la propagande par le débat sur la presse. A côté d'éloges sur la tenue générale du « Libertaire », les délégués émettent des critiques sur la longueur de certains articles ou sur le vocabulaire, parfois prétentieux, qui est employé. On demande un epremière page plus combattive, plus nourrie d'actualité.
De nombreux groupes considèrent au contraire que la partie culturelle doit être maintenue et développer.
Dans l'ensemble, les délégués insistent pour qu'une place plus large soit accordée à la province. Quelques camarades pensent qu'un texte de résolution doit préciser et rassembler les suggestions émises. Le délégué de Bordeaux juge que cela est vain, puisuqe les critiques et suggestions sont contradictoires.
Il pense que le congrès doit se contenter de demander aux futures responsables de tenir compte de tout ce qui a été dit, en poursuivant une ligne moyenne. Le copngrès se rallie à cette opinion.
Le congrès demande par ailleurs aux futures gestionnaires de faire revivre la revue dès qu'il y aura possibilité financière d'en assurer la parution.
Puis le débat s'engage sur les Editions.
Le congrès demande que la fédération procède à l'édition de nombreuses petites brochures sur des sujets précis et d'oeuvres montrant les vues sociales positives des anarchistes. La réédition des oeuvres classiques : Bakounine, Kropotkine... est universellement désirée.
Des propositions pratiques se font jour : coopérative d'éditions ou guilde. Le système de la coopérative demandant un fort capital est repoussé au profit d'une guilde d'éditions fonctionnant par abonnements. Le délégué du Mouvement espagnol fait part au congrès de son expéreince à ce sujet.
Il est 11h00. Il reste à l'ordre du jour trois questions importantes : les relations internationales, la structure du mouvement et le choix des nouveaux responsables.
Le congrès, sur proposition du délégué à la propagande, secrétaire sortant et de la délégation de Paris-Ouest, décide de passer sans délai à l'examen de la structure et de réserver l'après-midi au débat sur les relations internationales.

La structure

Le secrétaire général sortant rapporte sur ce point en souligant les quelques modifications proposées.
Après discussion sur le nombre des secrétaires, et après quelques modifications de rédaction, les nouveaux accords d'organisation sont pris, et les propositions concernant le fonctionnement de la rédaction du « Libertaire » sont adoptées à la quasi-unanimité.
Les nouveaux accors rattachent la rédaction du « Libertaire » à la Commission de propagande et la rendent responsable du journal devant le congrès et le Comité national. Il appartient celui-ci de désigner et, si besoin est, de remplacer le secrétaire de rédaction.
Le congrès passe ensuite à la désignation des membres du Comité national qui est renbouvelé par moitié, plusieurs membres du C.N. sortant acceptant, sur la proposition du congrès, d'être délégués de nouveau dans leurs fonctions.
La séance est levée à 12h30.

Une dernière séance du congrès s'ouvre à 14h30 sous la présidence du représentant du mouvement espagnol, assisté de camarades représentant le mouvement italien en France. C'est que la principale question à l'ordre du jour est précisémment celles des relations internationales.
La présidence remercie le congrès de son attitude fraternelle à l'égard des mouvements de congrès étrangers.
Quelques questions sont à régler avant le débat principal : préciser le mode de représentations aux congrès anarchistes ; envisager une répartition des frais de déléguation.
Ces points feront l'objet de quelques précisions à apporter au texte sur la structure.
Puis, on fixe la date et le lieu des prochaines assises de la F.A. : le 11 novembre 1948 à Lyon.

Relations internationales

Sur ce point, le 3ième congrès estime d'abord, unanimement qu'un congrès mondial doit être préparé au plus vite.
Mais les divergences s'accusent sur la formation de l'Internationale. La plupart des groupes veulent une internationale organiquement constituée. Quelques autres jugent plus réaliste de s'en tenir à un secrétariat de relations.
L'examen de la situation anarchiste dans les divers pays (l'actuel secrétariat provisoire international apporte au congrès des précisions) conduit à une solution de synthèse : la F.A. Française proposera au cours du congrès mondial la constitution d'une véritable Fédération internationale mais elle se ralliera éventuellement à la simple création d'un bureau de relations XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX.
Le congrès touche à sa fin.
Il affirme la solidarité du mouvement anarchiste français avec les combattants de la liberté du monde entier, et en particulier en Espagne. Il adopte une motion sur l'amnistie présentée par le secrétaire à la propagande sortant.
La parole est donnée au secrétaire général qui, au nom du congrès, remercie les groupes organisateurs d'Angers et Trélazé. Le président de séance salue le congrès, se félicitant de la tenue des débats, puis prononce la clôture.
De très nombreux congressistes, prêchant l'exemple, souscrivent pour la constitution de la Guilde des « éditions libertaires ».
Enfin, après d'ultimes conversations fraternelles, les délégués se séparent.

(1)Nous publions ici même les motions les plus importantes des assises d'Angers.
Mais tous nos lecteurs comprendrons qu'une élémentaire prudence nous contraint à ne pas publier certains textes, en particulier la motion se rapportant à l'action révolutionnaire.
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Messagede vroum le Jeu 26 Fév 2009 22:58

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Résolution sur les perspectives et les tâches

In Le Libertaire # 104 du 20 novembre 1947

1. Formes nouvelles de la société autoritaire

Au cours de la période connue de l'histoire de l'humanité, la domination et l'exploitation se sont manifestées, à chaque époque, sous plusieurs formes : politique, économique, culturelle, etc... et d'une époque à l'autre ont varié dans leur aspect et leur importance : l'État moderne et le capitalisme ne sont donc que des aboutissants et ne sont pas définitifs.
Par ailleurs, les formes nouvelles peuvent se développer alors que les formes périmées se survivent un certain temps et d'autres formes d'exploitation et de domination se manifestent alors que l'État du type démocratique et le capitalisme libéral continuent à exister.
Les groupes et castes tenant le pouvoir et détenteurs des capitaux et monopoles se sont, suivant les moments, alliés ou combattus.
Il est certain que dans la première moitié du 19ième siècle, l'État s'est révélé comme « instrument » du capitalisme, en particulier de la Haute-banque.
En est-il encore ainsi ?
Nous constatons que le capitalisme privé proprement dit et l'État simple gendarme ne sont plus que des survivances.
Il semble que l'État ne soit plus le serviteur du capitalisme mais déjà l'appareil d'autres classes ou castes.
Nous assistons à la naissance d'une nouvelle forme de société autoritaire.
Capitalisme et État semblent devoir se résoudre en une seule forme, et la suprématie à la fois politique et économique est recherchée par des formations que nous appellons castes technobureaucratiques, tendant vers « l'ère des Directeurs ».
Le phénomène se traduit partout, mais avec des nuances :

a)les castes en question sont de composition variable (tantôt états-majors politique dominant les techniciens; tantôt alliance étroite, tantôt suprématie de l'élément technocratique). Bien des éléments de même origine que ces castes demeurent inconscient de leur montée au pouvoir. Ils restent simplement les salariés serviteurs du capitalisme ou de l'État classique : c'est le cas en france de nombreux fonctionnaires, même de haut-grade.

b)le phénomène est plus ou moins net : dans les pays dits démocratiques où le capitalisme privé reste puissant, il n'est qu'une tendance. Mais il s'exprime déjà aux U.S.A. En France, il se révèle au travers de la dictature des partis, des nationalisations, dela création du Statut des fonctionnaires, de la sécurité sociale. Dans les pays à forme totalitaire, l'ère des « managers » s'ouvre nettement : déjà, en Italie fasciste, et plus encore en Allemagne nazie, mais avec une quasi-perfection en U.R.S.S.
Ces régimes technobureaucratiques se manifestent – comme les États et capitalismes classiques – par le colonialisme et l'impérialisme.
Ils s'appuient sur la puissance militaire et policière, alourdissent les codes et passent des alliances avec les églises.
Pour l'expolité, les tendances vers le nouveau stade dela société autoritaire signifient la militarisation économique dépassant le salariat par toute une série de lois sociales et de « statuts », tous liant en fait le travailleur à l'État capitaliste et faisant des syndicats les appendices XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXplus ou moins consciente et il est ainsi la forme achevée du fascisme se manifestant dans le domaine culturel par l'esprit religieux, la soumission à des credos politiques et moraux et même scientifiques et littéraires.
Le schéma – en vogue chez les marxistes n'envisageant que les deux termes capitalisme et socialisme - est faux et dangereux : les formes d'oppression et d'exploitation sont diverses, et le socialisme ne peut venir que d'une prise de conscience par les masses ; il ne peutêtre que le fait que d'une volonté lucide.

2.Perspectives immédiates

Il faut considérer que le développement de antagonismes entre les États et les capitalismes, sous les formes anciennes ou nouvelles, crée une situation favorable à une troisième guerre mondiale préparée par les expéditions partielles actuelles et faisant se heurter en premier lieu U.S.A. Et U.R.S.S. Ces deux impérialismes cherchent aujourd'hui en Europe, en Asie, dans les pays coloniaux, des clients, des alliés, des bases militaires, de la main d'oeuvre à bon marché.
Les possibilités de crise et donc de situations révolutionnaires sont marquées par les difficultés de reconstruction des pays d'Europe et d'Asie et par la surproduction déjà manifeste des U.S.A. : contradictions XXXXX du régime.
La reconstruction (en Europe en particulier) ne peut se faire qu'avec l'aide du capitalisme yankee et sur les sacrifices (sur-travail et bas niveau de vie) des masses populaires. Si la reconstruction se faisait enfin, de nouvelles crises de surproduction se déclencheraient et la guerre menacerait toujours.
On peut donc entrevoir la troisième guerre mondiale et plusieurs périodes de crise, mêmes séparées par quelques années d'accalmie.
En france, il faut considérer la situation, non isolément, mais dans l'ensemble des intérêts mondiaux. Plusieurs hypothèses se présentent :

a)Accélération du mécontentement et ds grèves vers une situation révolutionnaire, dans le cas où les révolutionnaires véritables verraint croître rapidement leur influence.

b)Affaiblissement et démoralisation de la classe ouvrière ouvrant la voie à un État totalitaire stalinien ou réactionnaire.

La prise du pouvoir peut alors être brutale ou constitutionnelle.
Avec le P.C.F. Au pouvoir, c'est l'écrasement de toute libération humaine, de toute renaissance ouvrière, et le travail forcé pour l'U.R.S.S. Dans le second cas, c'est l'entrée de la france dans le bloc occidental pour la guerre contre l'U.R.S.S. Le régime au début peut s'exercer avec une apparente démocratie ; mais qu'il soit de type travailliste ou réactionnaire-traditionnel, il évoluerait vers l'étatisme totalitaire et même le fascisme technobureaucratique. Blum, Reynaud ou Henriot en pourraient être les agents aussi bien que De Gaulle.
Un regain d'activité économique pourrait en résulter, c'est à dire une consolidation momentanée du capitalisme, avec, ensuite, surproduction et mlalthusianisme économique, donc crise... et marche vers la guerre mondiale.

3. Tâches

1) La F.A. entend, comme par le passé, lutter contre les différentes formes d'exploitation et de domination qui se survivent ou qui se créent : capitalisme, États, Églises, juridictions, militarismes, impérialismes, colonialismes, etc... Elle lutte pour la société sans castes.
Devant la montée des divers néo-fascismes, elle fera porter sa propagande et son action en particulier contre l'État et contre les tendances technobureaucratiques. Elle soulignera donc le danger des nationalisations, fera la preuve de la duperie qu'elles représentent, dénoncera l'intégration des syndicats de la C.G.T. dans l'État et le danger des systèmes de protection illusoire, genre « Sécurité sociale », qui poussent le peuple à remettre son sort dans les mains de ses dirigeants étatisés.
Parallèlement, elle fera naître dans la conscience populaire la méfiance envers le paternalisme d'État et la confiance dans les possibilités d'organisation autonome des producteurs et consommateurs.
Face au capitalisme privé décadent et au capitalisme d'État où à la technobureuacratie montante, elle combattra la préparation de la troisième guerre mondiale ; elle représentera la troisième force : le socialisme libertaire ou communisme anarchiste.

2) La F.A. doit utiliser au maximum toutes les possibilités pour développer son influence : crises économiques et sociales, tant dans les moments de paix apparente que de guerre ouverte, et aussi bien par la lutte légale que par l'action clandestine.
Pour cela, pour orienter tout proicessus social vers une révolution supprimant l'État en lui substituant le communisme libertaire, il faut que soit mené un travail éducatif – mais aussi éducatif par l'action – des nouveaux militants et du public.
La F.A., ses régions, ses groupes, ses militants, se doivent donc de manifester leur présence et leur dynamisme – quelles que soient les circonstances – et en représentant toujours les aspiration des deshérités.
En particulier, la F.A. Doit participer à toutes les luttes populaires (grèves, squatters, grève fiscale, manifestations, etc.), même si des partis essaient d'en tirer profit, même si à l'origine elle sont confuses.
Cependant, dans les cas où une modification des mouvements politisés est absolument impossible, ils devront être combattus et leur caractère politicien dénoncé. La F.A. doit être dans les luttes sociales pour leur donner une inspiration révolutionnaire et proposer les solutions libertaires.
Bien entendu, cela ne signifiera jamais une alliance avec les partis et organisations visant à la prise du pouvoir.

3) Actuellement dans l'agitation et les grèves, la F.A. doit être à l'avant-garde. Lorsqu'elles sont spontanées et dans l'esprit des grévistes (même lorsqu'elles ont une origine politique), les grèves visent à une défense du niveau de vie des travailleurs. Et même si les augmentations de salaires ne sont atteintes que provisoirement, elles sont ressenties comme une nécessité immédiate. D'ailleurs les prix montent même en période de blocage des salaires. S'il est vrai qu'une augmentation accordée à une seule corporation sera supportée par l'ensemble de la société, il est vrai aussi qu'alors les grèves se multiplient vers une recherche d'équilibre, chaque travailleur s'efforçant de maintenir ou de retrouver un niveau de vie le moins bas possible.
Les grèves généralisées permettent de mettre le capitalisme et l'État nationalisateur dans l'embarras et l'obligent à réduire leur appareil parasitaire et défensif.
Par contre, les mouvements partiels et isolés sont vaincus souvent, et les échecs répétés émoussent la combativité des travailleurs ; ils créent l'indifférence et l'inquiétude et font ainsi le lit des pouvoirs totalitaires. Le succès ne peut être réalisé que sur le plan international.
Il faut donc faire renaître la solidarité, et surtout la solidarité internationale (en particulier envers les peuples coloniaux ou vaincus, soumis à une exploitation maximum).
La F.A. doit, en somme, viser à la généralisation, à la simultanéité et à l'internationalisation des grèves et autres mouvements sociaux.
Elle doit agir pour détruire le caractère politique ou réformiste des mouvements actuels : les conduire à la grève générale expropriatrice et gestionnaire de la production et des services publics ; inciter à la création de syndicats et de comités de consommateurs et d'usagers, pour combattre les intermédiaires, le commerce accaparateur et entraîner les consommateurs à la répartition des produits, à l'utilisation sociale des locaux et des services publics.
Le problème de l'internationalisation des luttes pose la nécessité des relations internationales.
Enfin, l'aspect culturel, moral, de la transformation à accomplir, sont à garantir par le fédéralisme de toutes les structures.
La F.A. doit constamment défendre la liberté et la dignité de l'homme pour lequel la société doit être transformée.

4) Les anarchistes considèrent que les organismes (syndicats révolutionnaires par exemple), menant la lutte contre la société actuelle, peuvent préfigurer les organes de la société de demain, ils doivent considérer aussi que la constitution dans le cadre de la société actuelle d'îlots de société libertaire, comme les coopératives et communautés de production et de consommation, ne peuvent avoir que la valeur d'exemples et d'écoles de gestion.
En effet, de même que les grèves gestionnaires partielles, la création de ces organismes n'a en elle-mêmes pas de lendemain. Les sociétés ainsi constituées ne se maintiennent qu'au prix de compromissions ou de soumissions devant le capitalisme et l'État, c'est à dire qu'elles dégénèrent. Ou bien encore, elles sont brisées par les coalitions économiques (trusts) ou politiques (pouvoir d'État).
Toutefois, la dégénerescence est moins certaine, moins rapide dans les coopératives de consommation que dans les communautés de production. Elle n'est guère à craindre dans les organismes libres d'éducation, où les conditions économiques se posent, mais ne sont pas la raison d'être.

5) Le travail spécifique de la F.A. est l'élaboration d'accords visant à la conscience des hommes et leur volonté de lutte contre toutes les oppressions.
L'autre tâche de la F.A. est l'élaboration d'accords visant à l'accroissement de l'influence anarchiste dans les diverses organisations de lutte révolutionnaire.
Il ne peut s'agir d'imposer dans ces organisations des directives ou mot d'ordre, mais d'y proposer des idées et d'y généraliser des comportements libertaires.
Les membres de la F.A. ne doivent militer que dans des organisations dont les buts et les principes ne s'opposent pas à ceux de la F.A.
Ils militeront donc dans les syndicats révolutionnaires de la C.N.T. affiliés à l'A.I.T., mais pourront également – dans certains syndicats affiliés par pure forme ou par tradition à la C.G.T. - accomplir un travail syndicaliste-révolutionnaire vers le ralliement à la C.N.T.
Ils militeront également dans les organisations révolutionnaires de consommateurs et usagers.
Ils militeront, enfin, dans les organisations dont le fédéralisme et l'esprit sont garants du travail de libération qu'on peut y mener. En particulier, dans le mouvement laïque des Auberges de jeunesse et dans ceraines Maisons de jeunes ou groupements d'éducation physique ou artistique et dans les universités populaires.

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Re: Histoire de la Fédération anarchiste 1945-1953

Messagede vroum le Jeu 26 Fév 2009 22:59

Motion sur le problème colonial

In Le Libertaire # 104 du 20 novembre 1947

Le troisième congrès de la Fédération anarchiste salue les luttes des travailleurs coloniaux et les assure de son entière solidarité dans leurs batailles contre le colonialisme et l'administration française.

Mais il souligne que la libération des peuples coloniaux, pour être totale, doit rejeter, non seulement l'impérialisme français mais aussi les autres impérialismes qui essaient de le supplanter et les diverses féodalités indigènes qui tentent d'imposer leur domination à la faveur des luttes nationalistes.
La seule solution du problème colonial réside dans l'instauration de la société libertaire par la révolution sociale.

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Re: Histoire de la Fédération anarchiste 1945-1953

Messagede vroum le Jeu 26 Fév 2009 23:01

Notre congrès

In Le Libertaire # 156 du 19 novembre 1948

Au moment où le monde semble en proie à la folie, au moment où les hommes désorientés, découragés, s'interrogent en vain ou désespèrent, la Fédération anarchiste, calmement, fermement, sans précipitation mais sans s'attarder à de vains problèmes, vient de définir sa position.
Beau congrès, congrès sérieux, congrès d'une organisation vivante et vivace, que ce quatrième congrès national de Lyon.
Jusque-là, nos assises avaient surtout contribué à faire vivre, à constituer organiquement la Fédération anarchiste.
Le congrès de Lyon en a fait une F.A. plus musclée et plus souple à la fois, forte de positions élaborées avec un sérieux inégalable.
Le meeting d'ouverture fut déjà un succès qui permit à nos orateurs d'indiquer aux hommes de bonne volonté une voie, de proposer à tous un combat sans équivoque.
Les délégués, en grande majorité ouvrière, étaient venus convaincus de l'importance des débats qui allaient se dérouler, car les groupes avaient apporté à la discussion de chaque question toute leur attention.
Le congrès ne les a pas déçus. Bien au contraire : nous avons vu les anciens parler du progrès énorme accompli en quelques années au point de vue du sérieux des débats, nous avons entendus les jeunes dirent leur enthousiasme devant l'ampleur, l'intérêt et l'acharnement des discussions, n'excluant à aucun moment l'esprit de fraternité.
Tout fut examiné de ce qui, aujourd'hui, intéresse le mouvement. Nos défauts, même, donnèrent lieu à une large discussion qui démontra la lucidité et le réalisme de tous. Tout à tour, l'attention se porta sur le problème des coopératives, celui de l'Internationale, le problème paysan, la question coloniale, la tactique dans les mouvements populaires, la propagande, l'action syndicale et le regroupement syndicaliste révolutionnaire, le développement des groupes d'entreprises, sans qu'il soit permis de dire que telle ou telle question l'ait emporté.
Ce qui est vrai, c'est que les résolutions prises, en tenant compte des moindres nuances de la pensée anarchiste, forment un ensemble cohérent de textes qui donnent à la Fédération anarchiste et à son nouveau Comité national les armes qui lui faisaient défaut, et leur permettent d'être prêts à toute éventualité.
On pourrait dire qu'après avoir construit la Fédération anarchiste, on vient de démontrer sa nécessité (et qui songerait aujourd'hui à une dispersion de nos forces ?) et sa maturité. La F.A. est désormais l'indispensable et précieux outil de liaison des militants anarchistes, elle est l'organisation qui, partie de rien en 1944, groupe aujourd'hui ce qui existe de révolutionnaires authentiques. Elle a étendu son influence dans la jeunesse et chez les ouvriers aussi bien que chez les intellectuels, et représente le seul espoir.
En un mot, la F.A. existe, vit intensément.
Elle a pris un des premiers rangs dans l'Internationale et un nombre important de mouvements frères avait tenu à être représentés (Italie, Espagne, suisse) ou à manifester leur sympathie (Grande-bretagne, Hollande, Portugal).
Un manifeste, résumant la position de la F.A., fut enfin élaboré, que nos lecteurs trouveront dans ce numéro du Libertaire.
Quand le congrès fut déclaré clos, le 14 novembre au soir, et que les délégués se séparèrent au chant d'une vibrante Internationale, ils emportaient avec eux la conviction profonde d'avoir mené à bien une tâche fructueuse et d'avoir préparé l'action révolutionnaire de demain.

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Re: Histoire de la Fédération anarchiste 1945-1953

Messagede vroum le Jeu 26 Fév 2009 23:02

Manifeste de Lyon (1948)

Résolution adoptée au 4ième congrès de la Fédération anarchiste réuni à Lyon les 11, 12, 13 et 14 novembre 1948

Perspectives et tâches

L’année qui vient de s’écouler n’a pas fait disparaître la menace d’une guerre imminente entre les impérialistes des deux blocs. La lutte sanglante est ouverte entre le colosse russe et le colosse américain en Grèce, en Chine, en Malaisie. En ce sens, on peut dire que la Troisième Guerre mondiale est commencée.
La construction de l’Europe sur les bases du système capitaliste d’exploitation a fait faillite. Le plan Marshall, qui tendait à soutenir cette économie en Europe occidentale pour des raisons stratégiques et de profit, se heurte à l’opposition violente du parti stalinien. Le Kominform trompe les revendications légitimes des ouvriers en trahissant leurs grèves et en les utilisant en vue des buts d’expansion de l’impérialisme russe. La Russie a poursuivie son avance en Europe avec le putsch tchécoslovaque, mais l’affaire yougoslave laisse supposer une faiblesse interne de la cohésion du système stalinien.
En France, l’insuffisance chronique du matériel industriel et de la production, la chute de la monnaie, la misère et les duperies idéologiques des politiciens et ministres ont créé un état d’instabilité gouvernementale permanente qui fraye le chemin au fascisme de De Gaulle. Le parti stalinien, plongé dans l’opposition sur les ordres de Moscou, cherche à profiter de cet état de choses pour appuyer sa démagogie.
Entre le fascisme de droite et le fascisme du Kremlin, les partis bourgeois intermédiaires perdent de l’influence et traversent des crises (S.F.I.O., M.R.P.). Ils cherchent à survivre en matraquant les travailleurs. La démocratie pourrie a fait faillite et les totalitarismes lèvent la tête.
Il s’affirme donc qu’il n’y a pas de paix impérialiste, pas de bien-être capitaliste, pas de solution étatique en dehors de l’esclavage, pas de démocratie bourgeoise capable de s’élargir ou de survivre, pas de parti politique qui ne soit tromperie et exploitation de la misère générale.
La seule solution efficace est donc le rejet de l’État, des partis, de la démocratie frelatée, du capitalisme, de l’exploitation. Elle est dans la lutte contre ces idoles que mènent les anarchistes en vue d’inciter les travailleurs à prendre en main les moyens de production, les peuples à s’organiser sur les bases libres et fédérés.
Dans l’immédiat, il est donc plus que jamais nécessaire que les anarchistes du monde entier apparaissent, s’organisent et se lient. C’est pourquoi, sur le plan international, le présent congrès a entendu réaffirmer la nécessité des liaisons avec les organisations et camarades anarchistes étrangers, en même temps que, sur le plan intérieur, il entend continuer les efforts de la Fédération pour apparaître, dans la lutte sociale contre la guerre, le militarisme, l’étatisme, le nationalisme, le colonialisme, la misère, la duperie politique et la prolifération des nouvelles hiérarchies du travail, des syndicats, des partis et de l’État.
Cette lutte incessante n’est pas seulement celle de la Fédération en tant qu’organisation nationale, mais aussi et surtout celle des groupes sur le plan local et celle des individus sur leur lieu de travail, dans leurs organisations culturelles et sociales (syndicats, coopératives, communautés, organisations de jeunesse, etc.). C’est pourquoi le critère de la présence et de l’activité des anarchistes dans ces organisations doit être que ces conditions concrètes leur permettant d’y oeuvrer utiliment, librement et de façon constructive en faveur de leurs idées.
Cette tâche les amène nécessairement à y entrer en conflit avec les tentatives politiques de noyautage, les tentatives étatiques de pénétration. Là comme ailleurs, les moyens et buts sont libertaires et tendent à l’affranchissement de l’homme.
Il faut donc être présent...
... pour pouvoir travailler utilement. Cette présence est, dans les villes, celle de grèves où les anarchistes doivent lutter avec les exploités en les aidant à dépasser des revendications qui ne compromettent pas réellement l’état des choses actuel et servent souvent les buts politiques des grandes centrales syndicales. Elle est aussi dans les campagnes, où les travailleurs ruraux doivent apprendre à s’unir pour conquérir de meilleures conditions de travail et d’existence.
En définitive, le congrès appelle les militants à lutter plus activement que jamais, et tous ceux que frappent la guerre, la misère et l’exploitation, à se joindre aux luttes de la F.A. Aujourd’hui, c’est l’homme lui-même qu’il s’agit de sauver.

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Re: Histoire de la Fédération anarchiste 1945-1953

Messagede vroum le Jeu 26 Fév 2009 23:02

Résolution sur le problème syndical

Résolution adoptée au 4ième congrès de la Fédération anarchiste réuni à Lyon les 11, 12, 13 et 14 novembre 1948

Le quatrième congrès de la Fédération anarchiste constate la transformation progressive des méthodes d'organisation et de lutte du mouvement syndical.
En abandonnant les principes du syndicalisme traditionnel, il est devenu un organisme d'aménagement du capitalisme et de collaboration au maintien de l'autorité de l'État. Son morcellement actuel est le résultat des contradictions qui opoosent entre eux les différents partis politiques qui se disputent le privilège de continuer l'exploitation des hommes au profit des castes qu'il représentent.
Devant cet état de faits, le congrès décide de continuer son appui à la C.N.T., celle-ci étant la seule centrale dont les principes sont en accord avec ceux de la Fédération anarchiste.
Il demande aux travailleurs d'être présents dans toutes les luttes ouvrières, en y défendant un programme susceptible d'entamer la structure d'un régime économique qui l'opprime. De se refuser à la solution de facilité qui consiste à accepter et à défendre les revendications des « partis syndicaux » (C.G.T., C.G.T.-F.O., C.F.T.C.).
leurs efforts doivent tendre au contraire à substituer aux augmentations de salaires inefficaces et chiffre au pourcentage, des primes uniformes entamant l'éventail des salaires.
Le congrès recommande l'unité à la base avec les travailleurs à l'exclusion des fonctionnaires syndicaux et dans la mesure où les cahiers de revendication élaborés en commun possèdent des points marquants nettement notre place dans la bataille : resserement de l'éventail des salaires, gestion directe, etc... revendications attaquant la structure de la société actuelle.
Toutefois, la présence dans les centrales syndicales politisées de minorités révolutionnaires rend souhaitable la coordination de tous les éléments restés en dehors de la servitude des partis. Le congrès s'affirme donc partisan de la réunion en une seule centrale de toutes les organisations vraiment syndicales : C.N.T., syndicat autonome, minorité F.O. ou C.G.T. et donne mandat à ses militants d'oeuvrer à la réalisation de ce projet sur la base des principes définis par l'A.I.T.

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Re: Histoire de la Fédération anarchiste 1945-1953

Messagede vroum le Jeu 26 Fév 2009 23:04

Résolution sur le problème paysan

Résolution adoptée au 4ième congrès de la Fédération anarchiste réuni à Lyon les 11, 12, 13 et 14 novembre 1948

En ce qui concerne la question paysanne, le quatrième congrès national de la Fédération anarchiste considère que notre attitude, quant aux modalités de la propagande et de l'action dans la période pré et post-révolutionnaire, doit s'adapter à la diversité des conditions créées par la structure de la propriété, la pasychologie et les coutumes des régions et la technique de production déterminée par les conditions du milieu naturel.
Toutefois, nous pouvons établir les frandes lignes suivantes :

1)Notre propagande immédiate doit défendre le communisme libertaire tant comme méthode d'organisation du travail afin de mieux utiliser l'effort des hommes et les moyens techniques de production, que pour l'application du principe de droit que nous avons toujours défini par la formule « à chacun selon ses besoins ».

2)Pour la réalisation de ce principe, il faut poser de la façon suivante le problème de la transformation de la propriété :
a)Dans les régions de grandes cultures, l'expropriation sera l'oeuvre des syndicats de travailleurs agricoles qui prendront sous leur responsabilité l'organisation et l'intensification de la production.
b)Il ne peut être question d'exproprier immédiatement, et par la force, les propriétaires moyens, ce qui provoquerait la réaction violente de la masse numériquement puissante de ces travailleurs de la terre. Mais nous devons affirmer, comme postulat absolu, que le premier geste de la révolution serait de supprimer l'exploitation des travailleurs salariés, quitte à retirer aux propriétaires, aux fermiers locataires et aux métayers la terre qu'ils ne pourraient pas travailler, et à créer, en réunissant les surfaces expropriées, des collectivités agricoles.
c)Il ne peut moins encore être question d'exproprier par la force les petits propriétaires se livrant à l'exploitation familiale, ce qui aurait le même inconvénient que celui signalé pour la moyenne propriété. Mais nous n'en devonsd pas moins tant envers les uns qu'envers les uatres, propager la nécessité du communisme libertaire, et l'urgence de sa réalisation pour le plus grand rendement du travail, l'allègement de l'effort et l'élévation du standart de vie des paysans eux-mêmes.

3)Pour orienter les paysans petits et moyens propriétaires, vers des buts, il faut en premier lieu leur parler des problèmes qui les touchent directement, en insistant particulièrement sur le rôle funeste de l'État dit communiste, particulièrement de l'État russe, dont les partisans les trompes en les flattant.

4)Il faut également tenir compte de la vie sociale des paysans, en particulier des organisations et des pratiques d'entraide : travail en commun, coopératives d'achat, d'exploitation en commun du matériel mécanique, coopératives avicoles, beurrières, vinicoles, de vente ou de conservation des produits, etc... tout en combattant l'esprit de spéculation corporative qui souvent y apparaît. Le rôle des camarades agissant sur le terrain local consiste à influer ces organisaions qui se chiffrent par milliers, en imprégant le plus possible leur activité d'esprit communiste libertaire et en propageant nos idées par tous les moyens.

Comme instruments immédiats de cette propagande, le congrès décide :
a)L'édition d'un numéro spécial du « Libertaire » contenat la brochre d'Elisé Reclus « Mon frère le paysan », des articles sur les réalisations de la Révolution espagnole et autres textes.
b)La création d'une rubrique paysanne permanente dans le «Libertaire ».
c)la création d'une Commission d'études paysannes, ou la réunion systématique de matériaux concernat cette question.
d)La rédaction par le camarade Gaston Leval d'une brochure inspirée par la première partie de son livre « L'indispensable Révolution ».

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Re: Histoire de la Fédération anarchiste 1945-1953

Messagede vroum le Jeu 26 Fév 2009 23:06

Notre congrès

In Le Libertaire # 231 du 2 juin 1950

Un congrès passionné, violent parfois, et où l'ardeur des jeunes militants rendit éclatante la montée des nouvelles générations libertaires, tel fut celui qui se tint les 27, 28 et 29 mai dans une salle parisienne. Après s'être livrés à une critique serrée du Comité national sortant, les congressistes abordèrent les problèmes concernant les divers aspects de l'action sociale.
Malgré quelques accrocs, quelques incidents rendus inévitables par l'inexpérience des jeunes, du commencement à la fin, les assises de la Fédération anarchiste furent marquées au coin de la volonté organisatrice de la discipline librement consentie, mais aussi de l'affirmation constante du respect de la pensée, de l'opinion de chacun.
Nous sommes loin, ici, de ces congrès préfabriqués où les motions adoptées à l'unanimité obligatoire témoignent d'un asservissement total de l'individu à une bureaucratie toute puissante. Chaque proposition importante, déjà étudiée et discutée avant le congrès au sein des groupes, donnant lieu à une confrontation d'opinions où s'opposèrent, parfois en duels oratoires remarquables, les camarades venus des quatre coins de la France.
Ainsi furent définis, clarifiés nos méthodes d'action, notre position vis à vis des faits sociaux tels que : la religion, l'école, le syndicalisme, etc.
Reflétant parfaitement l'atmosphère du meeting de Wagram, le congrès s'est penché sur les moyens de luttes sociales et affirma sa volonté de concrétiser dans l'action la pensée des théoriciens de l'anarchisme. Et ce fut la grève gestionnaire, l'action syndicale, la propagande au sein des usines, des entreprises qui accaparèrent l'attention soutenue des congressistes. Ce fut également là que l'on enregistra les plus vifs éclats, les discussions les plus ardentes et qui formèrent tout à la fois et le point culminant et la base solide du congrès.
La Fédération anarchiste vient encore une fois d'affirmer, non seulement sa vitalité, mais aussi son développement incessant, sa pénétration de plus en plus profonde parmi les diverses couches populaires.
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Re: Histoire de la Fédération anarchiste 1945-1953

Messagede vroum le Jeu 26 Fév 2009 23:07

Conclusion du 5ième congrès de la Fédération anarchiste sur l'état des masses

Le congrès estime :
qu'il est plus juste de parler de découragement momentané que d'apathie des masses, en France ;
que ces masses attendent un réveil et qu'elles n'ont pas encore rencontré ou reconnu clairement l'élément qui pourrait les rassembler pour l'action et que le mouvement anarchiste se doit de constituer ;
que l'expression « masses », bien qu'elle représente une réalité et une unité d'aspirations en certaines périodes, ne rend pas compte de la diversité des milieux et de toutes les couches sociales.

Le congrès décide :
que l'action de la F.A. devra comporter un programme d'action détaillé et précis orienté en direction des divers milieux, en tenant compte de leur mentalité propre, plan de travail permettant de coordonner les efforts de tous les militants ;
qu'en conséquence soit établi avec précision, sur chaque point étudié, la méthode d'agitation et le plan de travail.

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Re: Histoire de la Fédération anarchiste 1945-1953

Messagede vroum le Jeu 26 Fév 2009 23:08

6ième congrès de la Fédération anarchiste
Position « Troisième Front »


in le Libertaire # 270 du 25 mai 1951

Le 6ième congrès de la F.A. se prononce en faveur de la position Troisième Front, d'opposition irréductible aux impérialismes russe et américain par un regroupement de tous les hommes exploités contre leurs exploiteurs capitalistes et étatiques.
La position Troisième Front ne saurait représenter pour la Fédération anarchiste, ni un slogan, ni un cartel permanent d'organisation diverses, mais bien l'expression actuelle du combat anarchiste pour l'avènement d'une société où les principes de liberté et de justice pourraient jouer pleinement.
Le 6ième congrès de la F.A. estime en conséquence que la position Troisième Front doit être défendue sous l'égide exclusive de la F.A., contrôlée et orientée uniquement par elle. Il en découle que la lutte révolutionnaire dans une période donnée contre l'oppresseur principal ne peut être menée que dans l'indépendance absolue de toute organisation tenant de l'une ou de l'autre force d'oppression.
En résumé, le 6ième congrès de la F.A. considère que la position Troisième Front, susceptible à ses yeux de donner un relief nouveau à l'aspect pacifiste révolutionnaire de l'anarchisme, est une position qui, définie avec le plus de précision possible, et en associant toujours les aspects « contre Truman sans être pour Staline – contre staline sans être pour Truman » permettra à la F.A. de regrouper autour d'elle et en son sein tous les hommes non encore inféodés aux partis, ou conscients de leur trahison.
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Re: Histoire de la Fédération anarchiste 1945-1953

Messagede vroum le Jeu 26 Fév 2009 23:09

6ième congrès de la Fédération anarchiste

L'action ouvrière

Le congrès considérant que le syndicalisme n'est pas une fin en soi, mais un moyen d'action dans le but de réaliser la révolution sociale, estime que les militants de la F.A. peuvent militer dans la centrale de leur choix, s'efforçant d'y oeuvrer dans le sens du syndicalisme révolutionnaire.
Les militants qui répudient (pour des raisons d'efficacité) l'affiliation à toute centrale et préfèrent se consacrer à la propagande spécifiquement anarchiste sur le lieu du travail se doivent toutefois de ne pas se faire les adversaires de l'action syndicale.
Le congrès rejette l'idée du soutien des comités d'entreprise, organismes permanent de collaboration entre le patronat et les salariés, susceptible de faire perdre de vue aux travailleurs les objectifs véritables de toute action ouvrière, dignes d'être soutenus par la F.A.
Il refuse de voir la F.A. faire de la grève gestionnaire le leitmotiv de sa proagande ouvrière ou un thème de propagande spécifique, sans toutefois le répudier comme forme d'action dans des circonstances données.
L'action gestionnaire devra être la formule exprimant le plus parfaitement cette forme d'action.
Il considère, dans les revendications immédiates à formuler :
1)la réduction du nombre d'heures de travail ;
2)la suppression du travail au rendement sous toutes ses formes ;
3)la suppression de toute hiérarchie et zones de salaires qui doit être placée au premier plan.
Tout en ne rejettant pas les revendications portant sur les augmentations de salaires, la F.A. en dénonce la duperie qu'elle constitue pour l'amélioration de la condition des travailleurs.

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Re: Histoire de la Fédération anarchiste 1945-1953

Messagede vroum le Jeu 26 Fév 2009 23:10

Le 7ième congrès national de la F.A.
Bilan positif


in Le Libertaire # 317 du 30 mai 1952

Sept ans ont passé déjà. C'est en octobre 1945, en effet qu'au congrès de Paris, la Fédération anarchiste prenait corps, après les années de clandestinité et la semi-clandestinité de 1944-45.
il convient, au moment où va s'ouvrir notre 7ième congrès, de mesurer le chemin parcouru. Certes, nous ne publions pas un retentissant bulletin de victoire. Nous savions, au départ, que la lutte serait sévère. C'est aussi pourquoi nous ne nous décourageons pas. Et c'est le moment de répéter ici cette lapallissade : seuls ceux qui sont illusionnés se désillusionnent. Ceux-là seuls qui ont pu croire que nous triompherions parce que nous avions raison, qui ont pensé qu'il suffirait d'expliquer pour convaincre, ont pu, au cours de sept années de combat quotidien et de tâches sans grandeur mais nécessaires, relâcher leur effort ou abandonner la lutte. Encore leur nombre est-il infime, mois important même que celui de nos camarades emportés par la mort. Mais nous avons vu aussi venir à nous un nombre non négligeable de jeunes militants qui sont venus infuser un sang nouveau au mouvement en recréant des groupes, animant nos commissions de travail.
En définitive, la F.A. se retrouve en 1952, plus étoffée, plus musclée, plus nombreuse – surtout si l'on considère ses éléments actifs – plus efficace.
Elle n' a pas accompli de miracles. Mais elle a pris pied dans l'arène sociale, elle a conquis droit de cité aussi bien dans les usines que dans les milieux intellectuels. Au sens plein du terme, elle vit. La presse, l'État et ses juges ne peuvent plus feindre de l'ignorer et nous savons que dans les états-majors des partis et ds centrales syndicales, on tient compte du Libertaire, de ses campagnes, de la présence de nos militants dans l'action, à propos de l'O.N.U., par exemple, a retenu l'attention de la presse du monde entier.
Certains de nos amis, sans doute aurai voulu nous voir progresser plus rapidement. Dans l'état actuel de recul de la conscience révolutionnaire, après une série de défaites, les masses, au moins en Occident, se tiennent sur la défensive, dans la méfiance ou dans l'indifférence. Dans de telles conditions, avoir réussi à se maintenir, ne pas avoir reculé était déjà un miracle. La F.A. peut donc être fière d'être devenue ce qu'elle est : la seule organisation révolutionnaire du pays – petite encore sans doute, mais la seule qui puisse compter – qui se soit maintenue, qui ait conquis des positions, qui interprète les aspirations populaires et vers laquelle, par conséquent, tôt ou tard, si elle poursuit sa route, viendront converger toutes les volontés de transformation radicale des rapports sociaux.
Mais il faut poursuivre. En revenir aujourd'hui à une conception qui a souvent abâtardi nos groupes et permis à l'adversaire de passer, serait une faute irréparable. Le 7ième congrès national confirmera l'esprit réaliste et réalisateur de notre F.A., son retour donc aux pratiques des militants de la 1ère Internationale.
C'est aujourd'hui, en effet, que nous trouvons dans la vraie veine de l'anarchisme, débarrassé du verbalisme et du romantisme dégénéré qui eurent tendance, un certain temps, à muer notre mouvement en un purisme qui l'isolait des problèmes réels et qui le réduisait à être une annexe du pacifisme le plus plat.
Les vieilles querelles d'autrefois entre « individualisme » et « communisme » se sont – heureusement – avérées sans intérêt : le communisme libertaire, tel que l'entend la F.A. est une synthèse largement suffisante.
Et aujourd'hui, c'est, (mis à part quelques adeptes d'un « nullisme » qui n'a d'anarchiste que le nom) presque la totalité des militants anarchistes – nous disons bien « militants » et non « dilettantes » - qui unis dans la F.A., mais discutant en son sein avec une totale liberté, mènent un combat tel que l'anarchisme retrouve le chemin des masses populaires.
Non pas dans le futile espoir et le but funeste de voir la F.A. devenir un mouvement de masse, mais parce que l'existence de la F.A. se justifie non seulement par la nécessité de lier les militants qui se battent partout, mais aussi parce que son rôle est de recréer une conscience révolutionnaire et libertaire, parce qu'elle doit être l'avant-garde.
Le travail sera long et difficile. Non seulement nous n'avancerons pas toujours, mais il pourra nous arriver au hasard des batailles, de perdre du terrain.
Cela ne peut nous décourager : l'anarchisme vaincra.

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