Réfractions N°31 Les conflits, c'est la vie

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Réfractions N°31 Les conflits, c'est la vie

Messagede vroum le Lun 18 Nov 2013 15:38

Réfractions N°31

Les conflits, c'est la vie


http://refractions.plusloin.org/

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AU SEIN DU COLLECTIF DE RÉDACTION DE RÉFRACTIONS, QUI EST, comme on le sait, composé d’individualités aux orientations libertaires les plus diverses, nous avons rencontré des conflits qui ont fait surgir l’idée de consacrer à ce phénomène, et au traitement original dont il pourrait bénéficier chez les libertaires, un numéro de notre revue. L’histoire même de Réfractions est traversée de heurts, dont certains ont conduit au départ de membres du collectif et qui chaque fois posent la question de savoir ce qui l’emporte, du stimulant et du mortifère, du constructif et du destructeur. Par ailleurs, nous savons, par les liens qui nous unissent avec le milieu libertaire, que celui-ci est régulièrement traversé par des différends plus ou moins profonds, notamment dans les organisations qui le structurent, de sorte que nous en sommes arrivés à nous dire que les questions que nous nous posions à ce propos pouvaient être partagées plus largement.

Il est vrai que les conflits, ce n’est pas seulement ce qui traverse un collectif, et il y aurait peut-être lieu de distinguer le conflit externe (ce contre quoi les libertaires sont en conflit : le capitalisme, l’État, le patriarcat, et plus généralement toutes les formes de domination) du conflit interne (celui qui peut les diviser), et en tout cas de se demander si, dans leurs théories et dans leurs pratiques, les singulière. Mais un conflit, c’est d’abord un phénomène, quelque chose qui est de l’ordre de la rencontre et du heurt, sous-tendu par un antagonisme, bien souvent fondé sur la domination et l’inégalité, instituée ou non.

Ce qui a surgi d’emblée, c’est la difficulté qu’il y a à s’exprimer sur un conflit, tout particulièrement lorsqu’on en a été (et plus encore lorsqu’on en est) partie prenante. Ces difficultés, ces réticences, ces retenues tiennent au moins à trois séries de raisons. En premier lieu, tout conflit comporte une dimension affective et personnelle. Habituellement, cette dimension sert à disqualifier un certain type d’affrontements, ou au contraire à le valoriser (« Il n’y a là rien de personnel ! »), mais peut-être un point de vue libertaire sur les conflits consiste-t-il d’abord à souligner que chacun d’eux met aux prises des personnes, avec leurs histoires et leurs affects et que, loin d’en évacuer la dimension personnelle, une tentative de se confronter positivement au conflit devrait intégrer cette perspective.

En second lieu, c’est peut-être l’une des caractéristiques de tout conflit, et notamment de ceux qui sont internes, que les parties en présence refusent de reconnaître qu’elles sont en conflit : ce qui s’exprime d’abord, ce n’est pas cette reconnaissance, mais un ensemble de griefs, d’accusations, éventuellement d’agressions contre l’autre partie. Identifier le différend comme tel, pouvoir en parler, c’est peut-être déjà se trouver sur la voie de sa résolution.

Mais précisément, en troisième lieu, c’est l’impossibilité d’un point de vue impartial (impossibilité positive qui est peut-être constitutive d’un point de vue anarchiste sur toute lutte) qui peut expliquer les réticences à s’exprimer sur tel ou tel affrontement. Le risque est que tout discours sur un conflit existant soit perçu comme une manière de le poursuivre, voire de prendre le dessus sur l’adversaire par des moyens sournois, en se parant du manteau de l’objectivité, en adoptant la posture du chevalier blanc qui, se trouvant au-dessus de la mêlée, peut juger de l’extérieur.

Ce n’est pas seulement en raison de ces difficultés que ce numéro ne consiste pas en un catalogue des divisions, présentes ou passées, en milieu libertaire. Bien plutôt, les différentes contributions qui le composent tentent d’explorer, à partir de heurts réels qui nous ont paru significatifs, plusieurs choses. Il s’agissait d’abord de savoir s’il était possible de définir une position singulière des anarchistes sur la question du conflit en général, et de leurs conflits en particulier. Il existe, chez plusieurs auteurs de la tradition anarchiste, une véritable pensée de l’antagonisme, pensée qui, sans toutefois être jamais exempte de tensions internes (encore heureux !), a pour point commun le refus d’une instance transcendante qui réglerait les litiges. Ce mode d’appréhension nous a semblé mériter d’être confronté avec d’autres, qu’il s’agisse de courants idéologiques ou d’autres cultures. Il s’agissait en outre de savoir dans quelle mesure les anarchistes ont pu penser et pratiquer des manières originales de résoudre ou de désamorcer des conflits, depuis les jurys d’honneur jusqu’aux groupes affinitaires, en passant par la pratique du consensus formel. Aucune de ces manières ne constitue une recette pour en finir avec la conflictualité. Elles sont bien plutôt l’indice que l’anarchisme se confronte véritablement aux antagonismes, y compris dans ce qu’ils peuvent avoir d’interminable ou d’insoluble.

Ce qui nous a semblé ressortir de cette confrontation, c’est que toute vie collective est traversée de conflits, pour lesquels se pose la question de leur caractère moteur ou paralysant. Qu’on le dise pour les célébrer ou parce qu’il faut bien vivre avec, les conflits, c’est la vie…

La commission de rédaction

Le sommaire :
*ÉDITORIAL <http://refractions.plusloin.org/spip.php?article779>*

*DOSSIER*
- Anarchie, conflit L'anarchisme et ses conflits, /Jean-Christophe Angaut /- Anarchie, révolte et conflits : la solution proudhonienne, /Daniel Colson./
- Histoires de loups, de cochons et d'autres vivants, parmi lesquels des humains, /Alain Thévenet /

*Rencontrer des conflits*
- Attention, un conflit peut en cacher un autre, /Bernard Hennequin ./
- À propos d'un conflit récent,/Alain Thévenet /
- Aux sources sourdes de la puissance, /Quelques débrayeuses / .
- Tentative de compréhension du cas des éditions Agone, /Annick Stevens./
- Sur les photos d'affiches publiées dans ce numéro, /Céline Bondaz/

ANARCHIVE
- Ce qui ne va pas au sein de la FA (1971),/Pierre Jouventin /

TRANSVERSALE
- Archipel libertaire, /André Bernard et Pierre Sommermeyer /

COURRIER

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Re: Réfractions N°31 Les conflits, c'est la vie

Messagede vroum le Jeu 19 Déc 2013 09:56

Vivent les conflits !

http://www.monde-libertaire.fr/expressions/16812-vivent-les-conflits

« Les conflits, c’est la vie ! » Tel est le titre du dernier numéro de Réfactions. Le numéro 31 de la revue se concentre sur les conflits au niveau microstructurel, en particulier dans les milieux libertaires. L’éditorial justifie ce choix en affirmant que « toute la vie collective est traversée de conflits, pour lesquels se pose la question de leur caractère moteur ou paralysant. Qu’on le dise pour les célébrer ou parce qu’il faut bien vivre avec, les conflits, c’est la vie ». Il rappelle également que le collectif est composé d’individus d’orientations libertaires variées, appartenant ou non à des organisations anarchistes.

« Les conflits, c’est la vie » est à mettre en tension avec le numéro 17 « Pouvoirs et conflictualités » (automne 2006) qui s’interrogeait sur la façon dont la pensée politique contemporaine renvoyait la conflictualité hors du champ politique, réduisant celui-ci à la dimension juridique de la garantie des droits, avec pour conséquence « le congé définitif donné à toute idée et tout imaginaire de la révolution ». En conflit permanent avec la société telle qu’elle existe, l’anarchisme est lui-même traversé de conflits. Parce qu’il refuse l’intercession d’une instance transcendante chargée de les régler (ou de les étouffer), il a développé à cet égard des théories et des pratiques originales, « depuis les jurys d’honneurs jusqu’aux groupes affinitaires, en passant par la pratique du consensus formel ».

Plus qu’une question d’échelle, les conflits sont distingués dès les premières pages des luttes externes contre les systèmes de domination (capitalisme, patriarcat, État…) par l’idée que la notion de conflit impliquerait une égalité des forces. Est soulevée la difficulté, dans les milieux libertaires, de nommer le conflit interne qui passe par le fait de s’extraire de ce même conflit. Pourtant, le nommer permet de mettre les deux forces qui se heurtent sur un pied d’égalité et, donc, de le désamorcer en partie. Jean-Christophe Angaut note, dans « L’anarchisme et ses conflits », qui ouvre le dossier, que « dans tout collectif […] peuvent se reproduire les relations de domination qui sont précisément celles qu’il prétend combattre en dehors », questionnant l’opposition intérieur-extérieur.

La commission de rédaction veille à ne pas tomber dans trop d’abstraction en laissant une belle place à l’analyse de plusieurs conflits ayant marqué des milieux libertaires ces dernières années. Ainsi, Annick Stevens propose une analyse et une « tentative de compréhension du cas des éditions Agone ». Du fait de l’actualité du sujet, cet article est d’ailleurs publié également en ligne sur le site de Réfractions. Alain Thévenet, quant à lui, revient sur son expérience de la CNT dans l’article « À propos d’un conflit récent ». La section Anarchive exhume un texte de Pierre Jouventin de 1971 intitulé « Ce qui ne va pas au sein de la FA » qui pose la question du caractère répétitif de certains conflits qui présentent souvent des traits similaires, bien que les époques changent.

Avec l’article « Attention, un conflit peut en cacher un autre », Bernard Hennequin pose la question de la règle commune (« pacte associatif ») instaurée selon le principe de libre association, et du non-respect de cette règle commune (selon une terminologie, à notre sens malheureuse, de « déviance » qui est utilisée en ce moment dans les milieux libertaires pour questionner le droit, la justice et la police en société anarchiste). Car, c’est bien un autre des objets sous-jacents que l’on peut voir à la lecture de nombres d’articles de ce n° 31 de Réfractions, celui de l’angle du droit pour résoudre les conflits. Peut-être un appel pour une prochaine parution de Réfractions qui reprendrait, sous un autre angle, la question du droit (le numéro 6, « De quel droit ? », datant déjà de l’automne 2000, et ayant porté sur une critique plutôt macrostructurelle du droit en société bourgeoise).

Marie Joffrin

Réfractions, n° 31, « Les conflits, c’est la vie ! », 2013, 192 pages, 15 euros. Disponible à la librairie du Monde libertaire, 145, rue Amelot, 75011 Paris.
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