de Denis le Dim 2 Aoû 2009 19:52
Bonsoir Minga, dis-moi si ça te va :
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Je me suicide à cause de mon travail à France Télécom. C’est la seule cause.
Le 14 juillet 2009, un homme de 51 ans s’est suicidé. A cause de son travail. Pendant 2 semaines, l’information est restée confidentielle. Mais le 27 juillet, l’AFP a diffusé le communiqué suivant :
Un salarié de France Télécom s’est suicidé le 14 juillet à Marseille en mettant en cause dans une lettre son travail au sein du groupe et notamment la "surcharge de travail" et le "management par la terreur", a-t-on appris aujourd’hui de sources syndicales. "Je me suicide à cause de mon travail à France Télécom. C’est la seule cause", a écrit le salarié, fonctionnaire âgé de 51 ans, qui a mis fin à ses jours à son domicile.
Dans la lettre laissée à sa famille, dont l’Agence France-Presse a eu copie et dont le contenu a été communiqué, selon sa volonté, à ses collègues et aux délégués du personnel, il évoque notamment l’"urgence permanente", la "surcharge de travail", l’"absence de formation", la "désorganisation totale de l’entreprise" et le "management par la terreur". "Cela m’a totalement désorganisé et perturbé. Je suis devenu une épave, il vaut mieux en finir", ajoute-t-il.
Pour la direction, qui confirme le suicide mais ne souhaite pas commenter la lettre, "l’important c’est d’essayer de comprendre ce qui s’est passé", rappelant que "les causes d’un suicide sont toujours multiples". Elle précise que "quelques jours avant le drame, ses collègues et ses responsables avaient remarqué des signes de dépression. Il avait été pris en charge par les managers, ses collègues et les partenaire sociaux".
Du 27 au 29 juillet, tous les médias ont repris ce communiqué de l’AFP, avec des extraits choisis sans aucun respect pour la mémoire et la famille de la victime : ainsi, "20 minutes" extrait et surligne un passage sorti de son contexte : "je suis devenu une épave". "La Provence" a téléphoné à la directrice régionale de l’entreprise mise en cause, qui s’est dite "très touchée" et qui "s’associe à la peine de la famille".
Comment la lettre de la dernière victime de la "désorganistion totale de l’entreprise" et de son "management par la terreur" a t’elle pu percer le "mur du çon" médiatique ? L’AFP cite une "source syndicale", sans précisions. On comprend ainsi que l’information sur la mort d’un salarié n’est devenue publique qu’à l’initiative de syndicalistes inquiets de la dégradation des conditions de travail.
18 suicides à France Télécom depuis février 2008
Selon Patrick Ackermann (Sud-PTT), depuis février 2008, 18 suicides et 10 tentatives de suicides ont eu lieu à France Télécom, qui emploie 102.254 salariés, dont 70% de fonctionnaires. "Qui osera dire maintenant que cette trop longue liste noire n’est pas le résultat d’une situation dramatique dans l’entreprise ? Qui pourra justifier le silence assourdissant d’une direction dont le seul objectif est de minimiser, de banaliser, de cacher ce mal-être, cette souffrance au travail ?", interroge dans un communiqué l’Observatoire du stress et des mobilités forcées à France Télécom, organisme créé par Sud-PTT et la CGC.
Le suicide du journalisme
Ainsi s’explique la soudaine flambée d’intérêt des médias pour ce "suicide" entre le 27 et le 29 juillet. Ce n’est pas un soubresaut du journalisme d’investigation (décédé lui aussi), mais un simple contre-feu médiatique. C’est pourquoi la quasi-totalité des médias, y compris "de gauche", n’ont PAS reproduit la lettre de la victime. Celà relève pourtant à l’évidence de la déontologie la plus élémentaire : informer avant de commenter. C’est le B-A BA du journalisme, non ?
Et pourtant, la brève flambée d’intérêt médiatique du 27 au 29 reposait exclusivement sur des commentaires "autorisés" sur une information non diffusée, par des "journalistes" autorisés à s’autoriser des trucs, comme disait Coluche ...
Par respect pour sa mémoire, pour sa famille, et pour son ultime révolte contre le "management par la terreur", nous publions donc ici intégralement la dernière lettre de Michel, cadre à France-Télécom, tombé au champ d’horreur de "l’urgence permanente" :
A l’attention de ma famille
Et de mes collègues de travail
Le 13/07/2009
Merci de diffuser cette lettre à mes collègues de travail et aux délégués du personnel.
Je me suicide à cause de mon travail à France Télécom. C’est la seule cause. Urgence permanente, surcharge de travail, absence de formation, désorganisation totale de l’entreprise. Management par la terreur ! Cela m’a totalement désorganisé et perturbé.Je suis devenu une épave, il vaut mieux en finir.
De plus, ils m’ont attribué récemment une augmentation de salaire plus importante que la majorité des autres personnes et étant très maladroit je l’ai communiqué à mes collègues de travail « transparence ». C’était très maladroit car beaucoup de personnes m’ont reproché ça.( beaucoup de « zero augmentation », ce que je ne savais pas). Mais moi je ne l’avais pas demandée cette augmentation. Voila encore une conséquence de l’individualisation des salaires. Cela crée une mauvaise ambiance. C’est voulu par le management. Par ailleurs étant dans les derniers jours dans un état pitoyable, j’ai commis beaucoup d’autres maladresses qui ont pu être mal interprétées. Et je me suis mis moi-même dans une mauvaise situation, un piège. Mais à la base, j’insiste là-dessus, c’est bien le travail qui a provoqué ça et donc c’est France Télécom qui est responsable de mon suicide. Ils ont essayé d’impliquer ma soeur Véronique pour venir ce week end. C’est moi qui lui ai dit de ne pas venir. Elle n’est donc pas du tout responsable.
Michel D.
PS : Je sais que beaucoup de personnes vont dire qu’il y a d’autres causes que le travail (je suis seul, non marié, sans enfant, etc..). Certains sous-entendent aussi que je n’acceptais pas de vieillir. Mais non, avec tout ça je me suis toujours bien débrouillé. C’est bien le travail l’unique cause.