En direct du Festival mondial des résistances à Mexico

En direct du Festival mondial des résistances à Mexico

Messagede vroum le Lun 5 Jan 2015 16:36

La Fédération anarchiste (FA), à travers un des membres du groupe Salvador-Seguí, est présente au Festival mondial des résistances et rébellions contre le capitalisme, qui a lieu au Mexique du 21 décembre 2014 au 3 janvier 2015, à l'appel de l'Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) et du Congrès national indigène (CNI). Des informations en direct de cette vaste rencontre anticapitaliste et antiautoritaire seront régulièrement données sur ce blog, sous diverses formes : écrits, vidéos, audio.

http://ceuxdenbas.blogspot.fr/

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vendredi 19 décembre 2014
À la veille du Festival

Armée zapatiste de libération nationale
Mexique

Au Congrès national indigène
À la Sexta nationale et internationale

Compas,

Recevez notre salut. Nous vous écrivons pour vous donner un aperçu de l’avancée des inscriptions de participants au Premier Festival mondial des résistance et des rébellions contre le capitalisme « Là où ceux d’en haut détruisent, nous, ceux d’en bas, reconstruisons ».

1. Peuples originaires du Mexique. Ont confirmé leur participation des représentants d’organisations, des autorités traditionnelles et des personnes des peuples originaires suivants :

Yaqui
Yoreme-Mayo
Guarijío
Tohono Odham (Pápago)
Wixárika (Huichol)
Náyeri (Cora)
Nahua
Coca
Zoque
Purhépecha
Ñahñú (Otomí)
Totonaco
Popoluca
Migrants en ville (Purhépecha, Mazahua, Mayo, Tojolabal, Nahua)
Ñahtó (Otomí)
Mazahua
Mephá (Tlapanèque)
Na Savi (Mixtèque)
Nancue Ñomndaa (Amuzgo)
Tojolabal
Tzeltal
Tzotzil
Chol
Maya péninsulaire
Zoque (Ampeng)
Binnizá (Zapotèque)
Chinantèque
Ñu Savi (Mixtèque)
Afrométis
Triqui
Cuicatèque
Mazatèque
Chatino
Mixe
Ikoot

2. De la Sexta au Mexique : individus, collectifs, groupes, organisations des trente-deux entités fédérales.

3. De la Sexta internationale : individus, collectifs, groupes, organisations des pays suivants :

Mexique
Allemagne
Argentine
Australie
Belgique
Brésil
Canada
Chili
Colombie
Corée du Sud
Danemark
Équateur
État espagnol
États-Unis
France
Grèce
Guatemala
Honduras
Angleterre
Iran
Italie
Norvège
Pays basque
Russie
Suisse
Tunisie

4. Nous vous rappelons que la grande inauguration a lieu le dimanche 21 décembre 2014 dans la communauté ñathó San Francisco Xochicuautla, municipalité de Lerma, État de Mexico, Mexique, à 14 heures.

Les comparticiones (partages, échanges) auront lieu à San Francisco Xochicuautla et à Amilcingo, municipalité de Temoac, Morelos, les 22 et 23 décembre 2014.

Les 24, 25 et 26 décembre au District fédéral, un grand festival culturel sera organisé au Lienzo Charro, Cabeza de Juárez, 50, avenue Guelatao, Colonia Álvaro Obregón, Délégation Iztapalapa, Mexico DF.

Les comparticiones continueront les 28 et 29 décembre 2014 à Monclova, municipalité de Candelaria, Campeche, Mexique.

Les 31 décembre 2014 et 1er janvier 2015 aura lieu la fête de la résistance et de la rébellion anticapitaliste dans le caracol d’Oventik, Chiapas, où nous aurons l’honneur de vous recevoir tou•te•s, toutes et tous.

Les 2 et 3 janvier 2015 se réalisera la plénière des conclusions, accords et déclarations au Cideci, San Cristóbal de Las Casas, Chiapas, Mexique.

Le 3 janvier 2015 se fera la clôture de ce festival au Cideci, San Cristóbal de Las Casas, Chiapas, Mexique.

Pour l’enregistrement des délégués par invitation, le courriel est catedratatajuan@gmail.com. Pour participer au festival cultural, l’enregistrement se fait par le courriel comparticioncultural@gmail.com.

5. Les invités d’honneur, les proches et les compañeros de ceux d’Ayotzinapa qui nous manquent à tous et à toutes, nous ont fait savoir qu’ils participeraient bien. Ainsi nous aurons tous et toutes l’opportunité de les écouter.

6. Finalement nous vous avisons que nos délégués sont déjà prêts pour participer en écoutant attentivement et respectueusement. Nous allons à visage découvert pour qu’ils ne nous identifient pas. Ou, mieux dit, pour qu’ils nous identifient comme un de plus entre nos compañeros, compañeras et compañeroas de la Sexta.

Voilà tout.

Depuis les montagnes du Sud-Est mexicain.

Sous-commandant insurgé Moisés
Mexique, décembre 2014
Année 20 de la guerre contre l’oubli

Traduction : "la voie du jaguar"
Source du texte d’origine : Enlace Zapatista


samedi 20 décembre 2014
Les fantômes d’Ayotzinapa
CORRESPONDANCE 1


Ville de Mexico, zócalo, le 20 décembre 2014.
Sur le zócalo, cœur du centre historique de la Ville de Mexico, la mairie a fait installer une vaste patinoire et un énorme cube arborant sur chacune de ses faces un immense sapin noir. C’est moche, assurément. Et la patinoire dénote sérieusement avec le climat du moment : 25 degrés et un soleil qui, parfois, tape dur. Tout cela, bien sûr, est là pour célébrer la Noël. Les fêtes, coûte que coûte. « La Terre peut s’arrêter de tourner, ils ne rateront pas leur réveillon », disait, jadis, Renaud, dans une de ses chansons particulièrement incisives. Pourtant, ici, cette démesure spectaculaire ne parvient pas tout à fait à faire oublier la conflictualité sociale qui embrase le Mexique depuis quelques mois. Un peu partout autour de la grande place, des tags rappellent aux badauds venus d’ailleurs la guerre sociale qui fait rage : « Presos, libertad ! » (« Prisonniers, liberté ! ») peut-on lire un peu partout, accompagnés de A cerclés bombés à la va-vite et d’inscriptions relatives à la mort des quarante-trois étudiants d’Ayotzinapa : « Nos faltan 43 » (« Il nous en manque 43 »), « Queremos los 43 » (« Nous voulons les 43 »), etc. Ces tags ne sont pas innocents, et ils ne sont pas non plus l’expression d’un art de rue que la Culture voudrait vider de toute subversion. Ils ne sont pas non plus bombés sur des murs à eux dédiés ou des panneaux d’affichage libre. Non, ils ont été réalisés tout autour du zócalo, cette place éminemment symbolique, siège du pouvoir politique et religieux du pays : à l’est, on y trouve le palais national, siège de la présidence de la Fédération du Mexique ; au nord trône la cathédrale métropolitaine, vaste édifice érigé à la gloire de l’Église catholique, et, au sud, le palais de l’hôtel de ville. Les tags, au-delà de leurs revendications, prennent alors des allures de menaces, de mises en garde faites par ceux qui refusent de vivre comme des esclaves à l’encontre de cette classe politique véreuse et parasite.

C’est laid à souhait, et c’est la Ville qui célèbre la Noël, comme si de rien n’était.

De fait, c’est dans un climat social bien particulier que les Mexicains célébreront la Noël cette année. La disparition des quarante-trois étudiants de l’école normale rurale d’Ayotzinapa a profondément marqué la société mexicaine. Venus manifester à Iguala, le 26 septembre 2014, contre la réforme de l’éducation imposée par le gouvernement, ces étudiants ont été attaqués par la police municipale (six morts au total dans la journée), puis kidnappés et livrés aux narcotrafiquants des Guerreros Unidos. Toujours sans nouvelles depuis, le gouvernement et les quelques narcos arrêtés prétendent que les étudiants ont été tués et brûlés sur un bûcher plusieurs heures durant. Toujours est-il que les nombreux corps découverts dans les différents charniers mis au jour récemment ne sont pas, d’après les analyses ADN, ceux des disparus (excepté pour l’un d’eux) ; alors, pour les parents, l’espoir est toujours de mise. Quoi qu’il en soit, avec cette répression violente de la manifestation des étudiants d’Ayotzinapa, les liens ténus et structurels entre l’État et le narcotrafic – déjà largement connus – ont à nouveau éclaté au grand jour, malgré toutes les tentatives des autorités pour, dans un premier temps, les étouffer (elles iront jusqu’à dire que les victimes étaient elles aussi des narcotrafiquants). Mais, cette fois-ci, l’État mexicain est acculé, particulièrement fragilisé et déstabilisé : des explosions de colère ont embrasé le pays tout entier, sous la forme de manifestations monstres et d’actions légitimement violentes contre les édifices du pouvoir. Le siège du gouvernement du Guerrero – État dans lequel se trouvent les municipalités d’Ayotzinapa et d’Iguala – a été en grande partie brûlé par les manifestants, nombre d’écoles de la région ont été occupées par les étudiants et les parents d’élèves, à Mexico le quartier des affaires a récemment été saccagé (notamment un local du PRI, le parti de l'actuel président, Enrique Peña Nieto). Les autorités ont beau s’amuser à sanctionner des flics et des élus (notamment le maire d’Iguala et son épouse, à l’origine du kidnapping des étudiants), la colère ne désemplit pas, et les rues non plus.

Ville de Mexico, zócalo, le 20 décembre 2014.
De la réponse populaire et sociale à ce crime d’État pourrait donc naître de l’espoir. Et, pour bien des Mexicains, militants du mouvement social ou non, il ne s’agit pas, cette fois, de faire comme si de rien n’était et de laisser ce crime politique se transformer en simple fait divers sanglant, de ceux dont raffolent tant les médias du pays. « Si on touche à l’un de nous, on touche à nous tous », disaient autrefois les syndicalistes révolutionnaires des Industrial Workers of the World (IWW) aux États-Unis. Aujourd’hui, le Mexique d’en bas montre à ses dirigeants, à ses dominants, qu’en s’en prenant aussi cruellement à ces quarante-trois jeunes ils ont endeuillé des millions de Mexicains, tous ceux qui, quotidiennement, sont exploités par un système économique toujours plus délirant et écrasés sous le poids de la violence d’État. Mais ce deuil ne se pare pas seulement de noir et n’habite pas uniquement les cimetières (d’autant que la mort de tous les étudiants n’est toujours pas prouvée) : il arbore drapeaux et banderoles, cagoules et foulards et envahit les rues du pays. C’est un deuil enragé, dignement enragé, un deuil rempli de vie, de volonté et, semble-t-il, d’espoir. Dans un sens, le Festival mondial des résistances et des rébellions contre le capitalisme, organisé par l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) et le Congrès national indigène (CNI), arrive à point nommé. Et, comme le Mexique dans son ensemble, il sera hanté par les fantômes des étudiants d’Ayotzinapa victimes de la barbarie étatique. Il accueillera la rage de tout un pays, voire de toute une planète, des milliers de militants venant d’un peu partout, épris de justice sociale et de liberté, étant attendus dans ce cadre, du 21 décembre 2014 au 3 janvier 2015. Il est encore trop tôt pour dire quoi que ce soit, mais cette vaste rencontre, qui voyagera à travers le Mexique insurgé pendant une dizaine de jours, pourrait peut-être donner corps, pendant un temps du moins, à une rage révolutionnaire. Et jeter les bases d’un réseau de luttes anticapitalistes et anti-autoritaires à dimension internationale. Demain, dimanche 21 décembre 2014, nous inaugurerons ce festival au sein de la communauté San Francisco Xochicuautla, laquelle s’affronte actuellement à l’État pour protester contre la construction d'une autoroute. Et qui, pour avoir ainsi refusé de vivre à genoux, a été violemment attaquée par les forces gouvernementales le 3 novembre dernier.

Guillaume
Ville de Mexico, le 20 décembre 2014


mercredi 24 décembre 2014
Inauguration dans les montagnes de Xochicuautla
CORRESPONDANCE 2


Le coup d’envoi du Festival mondial des résistances et des rébellions contre le capitalisme a eu lieu le 21 décembre 2014 au sein de la communauté San Francisco Xochicuautla, dans l’État de Mexico. Rattachée à la municipalité de Lerma, cette petite communauté indigène Ñahtó est située dans les montagnes, à environ 2 500 mètres d’altitude, à quelques dizaines de kilomètres du Nevado de Toluca (qu’ici on appelle aussi Xinantécatl), volcan massif qui culmine à 4 680 mètres. Le paysage y est donc magnifique, si l’on parvient toutefois à faire abstraction de la vaste étendue de béton qu’est la ville de Toluca, capitale de l’État de Mexico. En ce mois de décembre, les températures sont plutôt basses en journée – bien que parfois chaudes lorsque soleil domine –, mais glaciales la nuit venue ; et, durant les trois jours que nous passerons ici, plusieurs couches de vêtements ne seront pas de trop.

Il n’était pas évident, pour le Congrès national indigène (CNI) et l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN), d’organiser ici l’inauguration et la première compartición du Festival. Car cette partie de l’État de Mexico est l’un des gros bastions du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), actuellement au pouvoir au Mexique, et certaines zones y sont aussi connues pour être le terrain de jeu de groupes de narcotrafiquants. Pour le Festival, s’implanter ici relevait donc à la fois du défi et d’un important acte symbolique, et ce d’autant plus que l’actuel président du Mexique, Enrique Peña Nieto, y a son fief, à quelques dizaines de minutes à peine de Xochicuautla : la municipalité d’Atlacomulco, dont il fut le député PRI dès 2003.



Arrivée à la communauté...
Après avoir livré toute une bataille sur les routes de l’État de Mexico – véritable labyrinthe où les indications sont rares –, nous arrivons, vers 13 heures, à la communauté de Xochicuautla. Sur le trajet, quelques kilomètres avant de parvenir à bon port, nous avons pu voir de nos yeux l’avancée des travaux de l’autoroute Toluca-Naucalpan contre laquelle se battent les Ñahtó de Xochicuautla : de gros piliers de béton commencent déjà, ici et là, à jaillir de la montagne, éventrant la forêt, bientôt parés à soutenir l’énorme route.

Arrivés à la communauté, nous sommes accueillis par le service de sécurité, qui veille à ce que personne d’autres que les délégués du CNI et de la Sexta n’entre dans l’enceinte du Festival – précaution légitime, Xochicuautla faisant figure de petit village gaulois dans cette zone terriblement priiste. Passé les contrôles, nous descendons enfin de voiture et procédons à l’enregistrement de notre présence pour obtenir le gafete (badge qui nous identifiera comme délégué tout au long du Festival). Un vaste chapiteau a été installé, au bord de la route, pour accueillir les interventions et les échanges qui vont avoir lieu pendant ces trois jours. Une grande banderole souhaite la bienvenue à tous et à toutes et les murs de certaines maisons arborent déjà de belles fresques, lesquelles, pour la plupart peintes la veille, mettent en scène des symboles de la résistance indigène. Un coin cuisine a été installé et, déjà, les « marmites » mijotent à côté des casseroles pleines de café. A l’entrée du chapiteau, comme pour rappeler que nous ne sommes pas ici au Club Med, un panneau invite les délégués à ne surtout pas sortir de l’enceinte du festival et à contacter le service de sécurité si nous apercevons certains des hommes et des femmes dont les photos sont affichées – et qui ne sont autres que des flics ou des agents du PRI.



L’accueil du Conseil suprême indigène
Vers 14 heures, tous les délégués sont appelés à se réunir sous le chapiteau pour la cérémonie d’ouverture du festival. Nous accueillons d’abord une délégation de parents d’étudiants disparus d’Ayotzinapa, moment fort intense et particulièrement grave, la réalité de ce crime d’État cessant soudain d’être de simples articles de journaux pour prendre chair dans ces corps marqués par la douleur. S’ensuit une petite procession, baignée dans l’encens et rythmée par une musique semblant jaillir de temps anciens, qui marque l’arrivée, sous le chapiteau, du Conseil suprême indigène autonome de San Francisco Xochicuautla – nos hôtes, donc.

L’un des membres du conseil prend ensuite la parole pour nous souhaiter la bienvenue dans la communauté et saluer tous ces délégués venus d’horizons, d’États, de pays, de luttes, de cultures si variés. Bien sûr, la question du respect de la terre est au cœur de ce discours, et le Conseil suprême indigène insiste sur l’importance aujourd’hui de se battre pour préserver la nature face à l’avidité des entreprises capitalistes qui, pour accumuler toujours plus de capital, sont prêtes à détruire l’équilibre de la planète, avec la complicité des Etats. Il salue ainsi les peuples, les organisations, les collectifs, les individus qui, partout dans le monde, luttent, avec courage, pour « défendre la vie » contre les gouvernements assassins et corrompus. Pour le Conseil suprême de Xochicuautla, c’est rien moins que le futur de la planète et de nos générations qui se joue en partie au sein de ce premier Festival mondial des résistances, qui doit nous permettre de franchir une nouvelle étape dans le combat anticapitaliste : celle de la mise en lien des rébellions et des luttes, à l’échelle internationale, pour rompre l’isolement.

Après l’intervention du Conseil suprême et celle de la communauté San Lorenzo Huitzizilapan (municipalité de Lerma) – qui se bat, elle aussi, contre le projet d’autoroute Toluca-Naucalpan –, les compañeros de San Sebastián Bachajón (Chiapas) prennent la parole pour exiger la libération immédiate de trois de leurs frères de lutte, actuellement incarcérés et torturés, et pour nous annoncer une bonne nouvelle, à savoir la récupération de plusieurs terres, la veille. Une belle façon de clôturer cette inauguration et cette première journée du Festival mondial des résistances et des rébellions contre le capitalisme, avant d’entamer, le lendemain, l’essentiel : la compartición du CNI et de la Sexta.

Guillaume
San Francisco Xochicuautla, le 21 décembre 2014



vendredi 26 décembre 2014
Quand les rébellions dialoguent
CORRESPONDANCE 3


Emiliano Zapata à Xochicuautla.
Le lundi 22 décembre 2014, à 10 heures, la première compartición du Festival mondial des résistances et des rébellions contre le capitalisme s’est ouverte, et ce dans deux endroits distincts du Mexique : dans la communauté San Francisco Xochicuautla (État de Mexico) et dans celle d’Amilcingo (État de Morelos). Les délégués avaient le choix de se rendre dans l’une ou l’autre, et j’ai, pour ma part, choisi de rester dans les montagnes boisées de Xochicuautla. Avant l’ouverture des prises de parole, les organisateurs du Festival nous informent que les photos et les vidéos sont strictement interdites lors des interventions, seuls les enregistrements audio étant autorisés – une question de sécurité, sans doute, mais aussi une façon d’éviter les dérangements qu’occasionnent inévitablement les photographes et les vidéastes en pleine action. En outre, privés d’appareils photos, les délégués sont dès lors tout disposés à écouter et à participer...

La parole indigène
En toute logique, ce sont les délégués du Congrès national indigène (CNI) qui sont invités à prendre la parole en premier, pour expliquer leurs combats et partager leur digne rage. Et c’est à la société civile Las Abejas (les « abeilles »), en provenance d’Acteal (État du Chiapas), que revient la première intervention. Pour cette petite organisation tzotzile pacifique et catholique, proche des zapatistes sans pour autant les avoir rejoints, la date du 22 décembre est celle d’un triste anniversaire : il y a tout juste dix-sept ans, jour pour jour, des paramilitaires hostiles à l’autonomie indigène et proches du pouvoir faisaient irruption dans l’église d’Acteal et tuaient quarante-cinq indigènes de la société civile Las Abejas, sanctionnant ainsi les liens solidaires qu’elle entretenait avec l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN). L’armée fédérale, qui stationnait à quelque deux cents mètres de là, n’intervint pas, laissant les paramilitaires commettre en toute liberté leur sinistre forfait. Et pour cause : cette expédition punitive s’inscrivait alors dans la stratégie de contre-insurrection que l’État mexicain mettait en œuvre pour écraser la rébellion zapatiste et ses soutiens. En rappelant ce massacre – qui fait inévitablement écho au crime d’Ayotzinapa –, les deux délégués de Las Abejas présents au Festival ont aussi pointé, à nouveau, la responsabilité impunie des autorités, « cette mafia politique qui nous détruit » quotidiennement. Et ce douloureux rappel a d’emblée donné le ton du Festival, rappelant qu’ici comme ailleurs la lutte contre les dominants ne se fait jamais sans souffrance.

La compartición du CNI dure près de trois heures, de nombreux délégués prenant la parole, parfois pendant fort longtemps – tels les Yaquis du Sonora –, la durée des interventions n’étant ce jour-là pas limitée. Il serait un peu fastidieux ici de les évoquer une à une, et je me contenterai donc de faire une synthèse globale, mais forcément incomplète, de ce qui revint régulièrement et semblait être partagé par tous. Synthèse à laquelle j’ajouterai des remarques, qui n’engagent que moi, fruits des réflexions que ces interventions ont pu susciter.

La question de la terre est, bien sûr, au cœur de toutes les interventions, la cosmogonie indigène y puisant ses racines les plus anciennes. Autour d’elle s’articulent et se rejoignent deux combats primordiaux : celui pour la possession de la terre (principal moyen de subsistance de la plupart des communautés) et celui pour sa protection, pour sa défense, afin de « préserver l’équilibre de la planète ». Le constat a d’ailleurs été unanime : pour les communautés indigènes – et, au-delà, pour tout un chacun vivant sur cette planète –, la question de la terre est une question à la fois sociale, écologique et culturelle (même, ici, spirituelle). Et face à un capitalisme ravageur, qui détruit les forêts, éventre les montagnes, détourne et assèche les fleuves, ce combat pour la terre se doit d’être au cœur du mouvement anticapitaliste, qui ne peut s’en désintéresser sans condamner d’emblée le projet de société révolutionnaire qu’il porte en lui-même.

Toutefois, le combat pour la terre ne peut se suffire à lui seul, et il est enthousiasmant de voir que, dans la plupart des cas, il finit par ne devenir qu’un aspect, certes primordial, d’une lutte plus globale pour l’autonomie, entendue comme projet de société émancipateur, respectueux et garant de la liberté des peuples. L’émergence de cette exigence d’autonomie provient souvent des luttes elles-mêmes, de la façon dont elles s’auto-organisent, à la base, s’exprimant dès lors en dehors des voies institutionnelles, souvent souillées par le pouvoir et la corruption et entretenant la dépendance des communautés à l’égard des autorités municipales, étatiques et fédérales.
Liberté pour les défenseurs de l'eau et de la vie de Tlanixco.

Mais la question indigène, au Mexique, n’est pas seulement « rurale », elle est aussi urbaine. Les villes, y compris le District fédéral (DF), comptent en leur sein de nombreuses communautés indigènes, notamment du fait des migrations, qu’il serait criminel d’oublier sous prétexte qu’elles n’évoluent pas dans les campagnes. En cela, l’intervention d’une organisation en résistance des communautés indigènes du DF fut particulièrement intéressante. Elle a dénoncé le tourisme prédateur qui s’empare, depuis quelques années maintenant, de la capitale du Mexique, et en particulier de son centre historique. Pendant que les grandes enseignes internationales s’y installent (McDonald’s, Burger King, Starbucks, Zara, etc.), nombre d’indigènes pauvres sont sans cesse repoussés toujours plus loin à la périphérie de la ville et, oubliés de tous, s’enfoncent dans la misère la plus dure. La vente ambulante, principal et terrible moyen de subsistance, est de plus en plus réprimée par les polices qui, fortes d’un arsenal létal, envahissent littéralement les rues du centre historique. La ville favorisant l’anonymat et l’individualisme, on peut comprendre les difficultés qu'affrontent ceux qui, refusant de céder au désespoir et à la résignation, s’efforcent d’organiser la résistance autour de ces questions-là. Et, en cela, l’œuvre de cette organisation est admirable et exemplaire et devrait pouvoir nourrir les luttes que nous menons, en France, contre les dynamiques similaires qui sévissent dans nos villes.

La répression et la violence reviennent également régulièrement dans les interventions. On ne compte plus, aujourd’hui au Mexique, les morts, les disparus, les torturés dans les rangs des militants. Les autorités ont d’ailleurs moins recours aux voies légales qu’à la peur, qu’elles s’efforcent d’introduire au sein des communautés et des esprits rebelles. La disparition des étudiants de l’école normale rurale d’Ayotzinapa en est l’exemple criant le plus récent, mais il n’en est qu’un parmi tant d’autres et la colère qu’il suscite n’est jamais que l’expression de la goutte d’eau qui fait déborder le vase, comme on dit sous les latitudes hexagonales. De fait, face à cette peur qui s’insinue un peu partout dans le pays, la nécessité de ne pas rester seul, de briser l’isolement et la marginalisation, se fait urgente. Et c’est là la raison d’être du CNI et de la Sexta nationale et internationale, qui sont autant d’espaces d’autonomie au service du dialogue et de la convergence des luttes.

La parole des rébellions internationales
La compartición du CNI terminée, les délégués de la Sexta internationale sont invités à prendre la parole, en leur nom ou en celui de leur organisation, collectif, groupe. Malheureusement, cette participation, pourtant à mon avis très importante, est assez limitée, seulement six délégués prenant la parole : la ZAD de Notre-Dame-des-Landes (France), des collectifs canadiens de lutte contre les projets miniers et pour la régularisation des sans-papiers, la Fédération anarchiste de France, le réseau d’information et de correspondance francophone la Voie du jaguar, un collectif de Buenos Aires et un camarade italien.

La Sexta française est donc plutôt bien représentée (trois interventions sur six). La délégation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes fait une belle prise de parole, présentant la lutte contre l’aéroport, laquelle fait écho, ici au Mexique, à des combats similaires, notamment à celui, victorieux, d’Atenco. Pour la Fédération anarchiste, dont je suis le délégué, je me contente, pour ce premier contact direct, de présenter rapidement l’organisation et nos luttes du moment, tout en exprimant l’importance des rébellions autonomes indigènes du Mexique dans l’élaboration de notre pensée politique et de nos pratiques (je mettrai prochainement en ligne le texte, rédigé le matin même après avoir compris que les délégations étrangères allaient être invitées à participer, lu pour l’occasion). Le camarade de la Voie du jaguar, quant à lui, relate l’expérience de la Petite École buissonnière, une caravane partie cet été sur les routes du sud de la France pour parler des luttes indigènes du Mexique, notamment des zapatistes. Il évoque également la cantine populaire des Pyrénées, squat du XXe arrondissement parisien expulsé, en août de cette année, par la mairie, après un an et demi d’activité alternative par et pour les précaires de la capitale.

Une participation au Festival d’au moins vingt-cinq pays différents avait été annoncée par le sous-commandant insurgé Moisés dans le communiqué de l’EZLN en date du 19 décembre 2014. On est donc en droit, aujourd’hui, de regretter le faible taux de participation orale de la Sexta internationale lors de ce premier échange (à moins que la majorité ne se soit faite à Amilcingo), car ce Festival se voulait être, dès l’origine, un espace de partage des expériences de lutte entre les différentes rébellions qui secouent actuellement le capitalisme planétaire. Gageons que nous serons davantage, à Campeche, dans la communauté de Monclova, à prendre la parole. Autrement, la portée politique de ce premier Festival mondial des résistances et des rébellions contre le capitalisme pourrait être quelque peu réduite. Il est rare de pouvoir bénéficier de tels espaces de dialogue, alors investissons celui-ci ! En nous invitant, le CNI et l’EZLN n’attendaient rien d’autre de notre part qu’une participation aux échanges. Alors, au micro, camarades !

Vue depuis San Francisco Xochicuautla.

La parole d’un autre Mexique
Les comparticiónes du CNI et de la Sexta internationale s’étant étalées sur toute la journée, celle de la Sexta nationale est reportée au lendemain, mardi 23 décembre 2014. Contrairement à la Sexta internationale, les interventions sont cette fois-ci très nombreuses. Souvent pertinentes, elles nous donnent à voir les luttes d’un Mexique urbain et prolétaire. Complémentaires de celles du CNI, essentiellement porteur des combats indigènes d’un Mexique rural, ces prises de parole nous permettent, à nous délégués étrangers, de saisir une bonne partie de la réalité de ce pays si hétérogène.

L’ouverture de cette troisième compartición se fait sur un ton lourd et grave, les parents des étudiants disparus d’Ayotzinapa s’exprimant en premier. Pour eux, comme je le relatais dans la première correspondance, les disparus sont toujours bien vivants. Et si le gouvernement s’entête à les déclarer morts, sans pour autant en avoir la moindre preuve tangible (excepté pour l’un d’eux), c’est pour mieux passer à autre chose, faire oublier au pays ce drame qui le déstabilise comme rarement. N’entreprenant rien de sérieux pour les retrouver, il préfère dépenser son énergie à essayer de calmer les colères légitimes. Il serait même allé jusqu’à proposer de l’argent à certaines familles de disparus pour qu’elles ne soient plus debout dans la lutte... Le spectre des élections législatives de 2015 angoisse sans doute ce gouvernement, qui pourrait y perdre gros si la colère ne désemplit pas. Les parents, dont les interventions ont arraché des larmes à bien des délégués, ont tenu à rappeler que ces élèves, tous fils de paysans pauvres, avaient intégré cette école pour pouvoir ensuite se mettre au service de leur peuple, de leur communauté. Ainsi cet enfant d’une quinzaine d’années qui nous a expliqué que son frère aîné, aujourd’hui porté disparu, avait rejoint l’école normale rurale d’Ayotzinapa pour y apprendre à enseigner l’espagnol afin de pouvoir ensuite donner des cours aux membres de sa communauté que la non-maîtrise du castillan handicape parfois lourdement.

D’autres interventions sont particulièrement graves, comme celle du Front populaire Ricardo Flores Magón, du Chiapas, qui a dû aller jusqu’à l’immolation publique pour obtenir la libération, le 4 décembre dernier, d’un de ses membres, incarcéré après avoir été victime de fausses accusations fabriquées de toutes pièces par les autorités.

En dehors de la seule répression, effroyable dans ce pays, les délégués de la Sexta nationale ont aussi évoqué certains des problèmes les plus graves rencontrés en milieu urbain. Ainsi de la spéculation immobilière, qui sévit notamment au DF et qui engendre une flambée tous azimuts des prix des logements, repoussant les pauvres toujours plus loin dans des habitations indécentes, quand ce n’est pas sur les trottoirs, à la merci des matraques des flics. Ainsi, aussi, des transports en commun, dont le développement ne répond jamais qu’à l’intérêt capitaliste, en l’occurrence celui de conduire le plus vite possible les travailleurs à leur lieu de travail, délaissant les autres itinéraires (liés aux loisirs, à la culture, etc.). La plupart de ces interventions insistent également sur l’urgence de s’organiser, en tant que travailleurs pauvres, pour se battre contre la privatisation galopante de l’espace public. Se réapproprier les quartiers, impulser des assemblées populaires, voilà quelques pistes qui sont données pour construire par nous-mêmes une ville nouvelle, et sortir des logiques capitalistes et de contrôle social.

Les interventions de la Sexta nationale ont donc été particulièrement riches, et très parlantes, surtout pour ceux qui, comme moi, évoluent dans des milieux essentiellement urbains. Il est d'ailleurs assez frappant de voir comment, toute proportion gardée, les mêmes logiques d’exclusion sont à l’œuvre d’un pays à l’autre. Les similitudes qui existent entre ces oppressions devraient maintenant nous faire réfléchir sur les façons dont nous pourrions faire converger les résistances que nous leur opposons.

Rendez-vous à Campeche
Le mardi 23 décembre 2014, une fois le soleil tombé sur les montagnes de Xochicuautla, la première compartición du Festival mondial des résistances et des rébellions prend fin, après trois journées d'échanges. Rendez-vous est donné au DF, pour les 24, 25 et 26 décembre, dans les terres du Front populaire Francisco Villa indépendant (FPFVI) pour assister au « festival culturel ». Quant à la seconde compartición, elle aura lieu à quelque vingt heures de route d’ici, dans l’État de Campeche, au sein de la communauté de Monclova. Les billets sont pris auprès des transports du Festival. La caravane continue...

Guillaume
San Francisco Xochicuautla, le 23 décembre 2014
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Re: En direct du Festival mondial des résistances à Mexico

Messagede vroum le Lun 5 Jan 2015 16:37

dimanche 4 janvier 2015
Apprendre à écouter pour construire ensemble
CORRESPONDANCE 4


Le voyage jusqu’à la communauté de Monclova, dans l’État de Campeche, a été long et difficile. Mais, finalement, nous arrivons à bon port, le dimanche 28 décembre 2014, à 20 heures, après plus de trente-deux heures de bus (au lieu de seize), une série de pannes, de longues attentes et de changements de véhicules. À notre arrivée, comme pour nous réveiller de cet interminable voyage sur les routes du Mexique, une pluie violente s’abat sur la communauté, et nous devons nous réfugier, précipitamment, sous une vaste structure de tôle et de béton envahie par les dizaines de duvets et de sacs à dos de ceux qui, déjà arrivés, s’apprêtent à dormir. Du fait de ces retards conséquents, les passagers des bus 6 et 7 – dont je fais partie – ont raté la compartición du Congrès national indigène (CNI), elle-même perturbée par le climat capricieux qui règne ce jour-là dans cet endroit d’ordinaire baigné de soleil. Il m’est donc impossible d’en dire quoi que ce soit, même si j’imagine qu’elle fut, dans l’ensemble, similaire à celle de Xochicuautla, les délégués du CNI participant à toute la caravane du Festival.

La communauté de Monclova, rattachée à la municipalité de Candelaria, n’est pas une communauté autonome, mais elle n’en reste pas moins un îlot de résistance. Les Mayas qui y vivent luttent depuis plusieurs années contre les tarifs exorbitants de l’électricité et la petite communauté se trouve être aujourd’hui l’un des hauts lieux du piratage des lignes électriques du pays. Dans ce combat social qui leur a fait tisser des liens avec les autres luttes indigènes du Mexique, les rebelles de Monclova ont connu la répression, la violence et comptent plusieurs prisonniers politiques. Ce n’est donc pas n’importe où que nous posons, à notre tour, nos sacs et nos duvets pour participer à cette seconde session de comparticiónes de ce premier Festival mondial des résistances et des rébellions contre le capitalisme.


Le lendemain de notre arrivée, lundi 29 décembre 2014, nous assistons aux comparticiónes des invités du CNI, de la Sexta nationale et de la Sexta internationale. En raison de la pluie, qui refuse de s’arrêter, les échanges se déroulent sous le chapiteau d’un cirque, installé ici pour quelques jours et dont les organisateurs ont gentiement accepté d’héberger nos discussions. Les interventions des invités du CNI et de la Sexta nationale sont globalement semblables, parfois identiques, à celles tenues à Xochicuautla ; la terre, l’autonomie politique et sociale, la répression, l’affirmation de la nécessaire marginalisation des partis politiques ont été parmi les thèmes les plus évoqués – et que j’ai davantage relatés dans la correspondance précédente. En revanche, en ce qui concerne les prises de parole de la Sexta internationale, la différence par rapport à la première compartición est sensible : cette fois, les interventions sont nombreuses – plus d’une vingtaine – et la diversité géographique est réelle. La France et l’Italie sont les pays les plus représentés, suivis du Brésil et des États-Unis. La teneur des interventions reste néanmoins sensiblement la même : la lutte contre les grands projets inutiles, l’affolante montée de l’extrême droite, la destruction des droits des travailleurs, les occupations de terres et de logements, la corruption des appareils étatiques, la violence répressive (en cela l’intervention de camarades en provenance de Ferguson est édifiante), la nécessité du développement des réseaux de contre-information, etc. La colonisation israélienne et la résistance que lui opposent les Palestiniens ont également été évoquées, de même que la dure réalité du quotidien des Philippins, achevant de donner à la compartición de Monclova une dimension réellement internationale. De voir ainsi des connexions s’établir entre les luttes d’endroits si différents, si éloignés les uns des autres, ancrées dans des réalités si diverses, est particulièrement enthousiasmant. Et donne tout son sens à l’existence de la Sexta internationale.

Petit bout de ciel bleu après la pluie...

Loin d’être rébarbatives ou ennuyeuses, les ressemblances flagrantes qui existent entre les luttes et qui se manifestent dans les prises de parole ne font que renforcer l’expression d’un besoin urgent de convergence sociale et politique. Une convergence à construire à partir de ces similitudes, mais aussi, et surtout, à partir de nos différences : notre diversité culturelle, géographique et politique doit pouvoir être cette force capable de sortir nos résistances et nos rébellions du champ restreint dans lequel elles s’inscrivent aujourd’hui, et ce, pour leur permettre d’embrasser un mouvement mondial et cohérent d’insurrection contre le capitalisme et les États. Néanmoins, soyons honnêtes, si ces échanges sont réellement stimulants, il est tout de même difficile de ne pas sortir épuisé de ces comparticiónes, surtout pour ceux dont le castillan n’est pas la langue maternelle. Et quand les interventions se suivent et se ressemblent, on ne peut s’empêcher de sentir parfois pointer en soi un petit agacement. Mais, au final, c’est un effort et un exercice intéressants. Les zapatistes affirment depuis longtemps déjà qu’il est impératif d’apprendre à écouter, sans quoi la construction du « nous », indispensable à l’émergence d’une lutte globale et collective, est inenvisageable. Pour les peuples indigènes du Mexique, la parole est sacrée, car centrale dans l’organisation de la vie sociale. Ne pas faire l’effort de l’écouter, de l’accueillir, même lorsqu’elle est répétitive, c’est, quelque part, mettre à mal un fonctionnement collectif sain, basé sur la discussion, l’échange entre tous et toutes.

La nuit tombée, la compartición de Monclova se clôt sur une nouvelle prise de parole de la délégation des parents des disparus d’Ayotzinapa, qui se voient remettre un cadeau, un tableau représentant la Vierge sur lequel est écrit : « Même la Mère dit : Y en a assez ! » Après cette intervention, toujours aussi émouvante et terrible, place à la fête, sans laquelle, ici, au Mexique, malgré un quotidien souvent effroyable, on ne conçoit pas la lutte. Un aspect qui n’aurait pas manqué de plaire à l’anarchiste russe Emma Goldman, qui écrivait : « Si je ne peux pas danser, je ne veux pas être dans votre révolution. »

Guillaume
Monclova, 29 décembre 2014
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Re: En direct du Festival mondial des résistances à Mexico

Messagede vroum le Mar 6 Jan 2015 21:40

Intervention de la Fédération anarchiste au Festival
publié le : 6 Jan 2015 par La rencontre de ceux d'en bas

Compañeros et compañeras, bonjour.

Nous autres militants de la Fédération anarchiste de France voulons d’abord remercier le Congrès national indigène et l’Armée zapatiste de libération nationale pour ce premier Festival mondial anticapitaliste. Remerciements, aussi, aux communautés de San Francisco Xochicuautla et de Monclova pour l’hospitalité.

Nous autres anarchistes de la Fédération anarchiste luttons contre le capitalisme et contre tous les États de tout type pour construire une société de liberté et de bien vivre, fondée sur la solidarité, l’entraide et l’autonomie collective. Actuellement en France, nous luttons contre les violences policières après la mort de notre camarade Rémi Fraisse, assassiné par la gendarmerie le 26 octobre 2014 dans le sud de la France. Nous luttons aussi contre la destruction des droits des travailleurs organisée par un gouvernement prétendu socialiste et contre les grands projets inutiles qui, comme les aéroports ou les barrages, détruisent la nature. Dans ce combat social, nous devons également affronter le terrible développement de l’extrême droite et des fascismes, en France et en Europe, ses idées et ses pratiques violentes à l’encontre des migrants et des militants du mouvement social.

Si la Fédération anarchiste de France est présente ici, à ce premier Festival mondial des résistances et des rébellions contre le capitalisme, c'est parce que les luttes indigènes du Mexique sont, pour nous, très importantes. Elles montrent la viabilité de l’autonomie et de l’auto-organisation des luttes dans le combat global contre le monde de dépossession, d’exploitation et de violence du capital. Elles sont aussi importantes pour l’élaboration permanente de notre pensée anarchiste, qui se doit d’être une pensée en mouvement, ouverte aux autres formes de lutte, aux autres cultures et cosmovisions.

Aujourd’hui, un grand espoir vient des peuples du Mexique en résistance. Merci, donc, à tous et à toutes pour vos luttes, et vive la révolution sociale !

Fédération anarchiste
San Francisco Xochicuautla, le 22 décembre 2014
Monclova, le 29 décembre 2014
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