Brésil: Un million de manifestants, des violences et un mort dans les rues
BRÉSIL - Au moins un million de manifestants sont descendus jeudi 20 juin dans les rues des grandes villes du Brésil au dixième jour de fronde sociale marqué par de violents affrontements avec la police, des dizaines de blessés et un premier mort.
Cette importante mobilisation a poussé la présidente Dilma Rousseff à annuler un voyage officiel prévu au Japon du 26 au 28 juin et à convoquer une réunion de crise avec ses ministres les plus proches, vendredi matin. La réunion, qui n'a pu immédiatement être confirmée par l'AFP auprès de la présidence, aura lieu à 9h30 (14h30 en France) à Brasilia, selon les sites de O'Globo, Folha de Sao Paulo et O Estado de Sao Paulo.
Le mouvement qui secoue le pays depuis une dizaine de jours avait promis via les réseaux sociaux de faire descendre un million de manifestants jeudi dans les rues d'une centaine de villes du pays pour exiger des services publics de qualité et dénoncer la facture du Mondial de football-2014. La baisse des tarifs des transports en commun obtenue au cours des derniers jours n'a pas calmé les revendications.
Attaque d'un ministère
A Ribeirao Preto, dans l'Etat de Sao Paulo (sud-est), un manifestant est mort renversé jeudi soir par une voiture qui tentait de doubler un groupe de protestataires qui bloquaient une rue.
A Brasilia (centre), où se sont rassemblées 30.000 personnes, des manifestants ont attaqué dans la soirée le ministère des Affaires étrangères d'où ils ont été refoulés de justesse par la police, après avoir brisé une porte vitrée et une cinquantaine de fenêtres. Les affrontements ont fait une trentaine de blessés.
Plus de 300.000 manifestants ont défilé à Rio de Janeiro (sud-est) où après un début de marche pacifique des heurts violents ont éclaté devant la mairie. La police a tiré des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc contre un groupe de manifestants radicaux. Au moins 40 personnes ont été blessées dont un journaliste de la TV Globo, touché au front par une balle en caoutchouc.
Selon un décompte effectué par l'AFP, à partir des estimations officielles fournies par la police ou des experts, ils étaient notamment 110.000 à Sao Paulo, 100.000 à Vitoria, 52.000 à Recife, 30.000 à Manaus, 30.000 à Cuiaba, 20.000 à Salvador de Bahia et 20.000 à Aracaje.
A Vitoria (sud-est), un groupe de manifestants a détruit les cabines de péage d'un pont qui relie la ville à sa voisine. Devant le tribunal de Justice, un bataillon d'élite de la police a dû intervenir avec des gaz lacrymogènes pour disperser un groupe radical.
A Salvador de Bahia (nord-est), théâtre de la première manifestation dans l'après-midi, des affrontements violents ont également éclaté. Les manifestants ont incendié un bus et lancé des pierres sur des minibus de la Fifa, organisatrice de la Coupe des Confédérations de football qui se dispute actuellement dans le pays et du Mondial dans un an.
Au moins un manifestant a été blessé par une balle en caoutchouc. Un policier a également été blessé lors de ces incidents survenus à deux kilomètres du stade où se jouait le match Nigeria-Uruguay.
"Ici à Salvador, on a le sang chaud, on a le sang indien et le sang noir. Ce n'est pas Sao Paulo. Il vont tuer quelqu'un", confiait à l'AFP un manifestant, Paulo Roberto, après la riposte policière.
"Nous sortons de Facebook"
A Rio de Janeiro, une foule immense a défilé joyeusement dans le centre administratif et commercial, aux cris de: "Le Brésil s'est arrêté! Le Brésil s'est arrêté!".
Les employés jetaient par les fenêtres de leurs buildings des pluies de confettis sur les manifestants et faisaient clignoter les lumières de leur bureau en signe de solidarité. "Nous sortons de Facebook!" proclamait une pancarte.
"J'ai voté Dilma et je revoterai Dilma. Mais c'est un moment unique, on en a besoin pour accélérer les réformes du pays", a confié Ney, un ingénieur de 64 ans, à une journaliste de l'AFP.
La police de Rio, extrêmement discrète au début de la manifestation, avait diffusé sur les réseaux sociaux des tracts à imprimer demandant aux manifestants de "l'aider à les protéger": "SANS VIOLENCE, PAIX, éloignez ceux qui insistent pour semer le trouble dans une manifestation pacifique".
Pour la première fois depuis le début du mouvement il y a une dizaine de jours, des organisations de la société civile et partis de gauche avaient annoncé leur intention de se joindre aux cortèges avec leurs banderoles.
"Partez à Cuba"
Mais à Sao Paulo, des militants du Parti des travailleurs (PT, gauche au pouvoir) ont été reçus par des bordées d'invectives: "opportunistes! Partez à Cuba, Partez au Venezuela!", a rapporté un journaliste de l'AFP. Des manifestants ont également brûlé un drapeau du PT, selon des images télévisées.
Les principales villes du pays, dont Rio et Sao Paulo mercredi, ont cédé cette semaine l'une après l'autre à la revendication initiale de la rue. Elles ont accepté de revenir sur leur décision d'augmenter le tarifs des transports publics, la revendication initiale de la fronde sociale.
Malgré cette victoire, rien ne laisse présager un essoufflement rapide de ce mouvement diffus, sans étiquette politique ou syndicale, ni leaders clairement identifiés.
Il cristallise désormais toutes les frustrations de la population de ce pays émergent de 194 millions d'habitants: services publics précaires comme la santé et l'éducation, corruption de la classe politique, sommes colossales - 11 milliards d'euros - investies pour l'organisation du Mondial-2014 de football.
Et depuis sa victoire sur le prix du ticket de bus, il n'a plus de revendication concrète bien définie. "Le tarif des autobus est le détonateur d'un grand mouvement qui n'a pas de leader mais cela ne veut pas dire que nous n'ayons pas une direction à suivre. A partir de maintenant, les politiciens vont devoir nous prêter plus d'attention", a déclaré à l'AFP Carolina Silva, 35 ans, employée de la compagne pétrolière nationale Petrobras.
Certains observateurs comparent le mouvement aux récentes manifestations en Turquie ou même aux révoltes du "Printemps arabe".
Pelé "à 100% en faveur de ce mouvement pour la justice"
Le "Roi" Pelé a affirmé, jeudi toujours, son appui "à 100%" au mouvement de fronde sociale qui secoue le Brésil depuis une dizaine de jours, en demandant qu'on "ne se méprenne pas" sur son appel à soutenir l'équipe nationale de football, qui dispute à domicile la coupe des confédérations.
"S'il vous plaît, ne vous méprenez pas! Je suis à 100% en faveur de ce mouvement pour la justice au Brésil!", a-t-il écrit sur son compte Twitter.
gloubi a écrit:Disons que la révolte peut être un facteur d'unification spontané comme c'est le cas au Brésil et le plus souvent mais si elle ne passe pas vite à une organisation et un objectif clair pour le mettre en place, ça partira forcément en cacahuète.
acratack a écrit:gloubi a écrit:Disons que la révolte peut être un facteur d'unification spontané comme c'est le cas au Brésil et le plus souvent mais si elle ne passe pas vite à une organisation et un objectif clair pour le mettre en place, ça partira forcément en cacahuète.
d'ou l'importance de la propagande anarchiste et plus particulièrement anarchosyndicaliste (pas les anars dans les syndicats jaunes , l'autre , on est bien d'accord)
Cheïtanov a écrit:Non... parce que si on croit que ça viendra tout seul ça m'étonnerait beaucoup.
A quoi ça sert d'être anarchiste si c'est pour le garder pour soi ?
gloubi a écrit:mais je crois ( de plus en plus ) que vouloir porter la bonne parole, finit par vouloir l'imposer et aboutit à l'effet inverse.
gloubi a écrit:Et puis ce n'est pas la poignée d'anarchistes ( qui en plus se fout la plupart du temps sur la gueule )qui sera le déclencheur d'une révolution ni pourront même communiquer avec des millions de personnes, mais c'est bien la grande masse des gens qui sera le principal acteur d'une révolution sociale.
gloubi a écrit:Donc il ne reste plus qu'à compter sur l'évolution "naturelle" de la conscience collective.
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