Chypre

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Messagede Protesta le Lun 18 Mar 2013 22:31

Protesta
 
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Re: Chypre

Messagede vroum le Dim 24 Mar 2013 11:02

Texte d’un groupe anarchiste chypriote
"Ni les coupes, ni le coiffeur" - Notes sur la conjoncture actuelle


jeudi 21 mars 2013, par XYZ http://oclibertaire.free.fr/spip.php?article1335

Un texte par des anarchistes chypriotes sur les récents événements intervenus sur l’île.

"Chypre : ni les coupes, ni le coiffeur - Notes sur la conjoncture actuelle" (*)

Les coupes dans l’épargne bancaire et les autres mesures du mémorandum à venir ne peuvent pas être expliquées à travers le prisme d’une bonne ou d’une mauvaise gestion de l’économie. Après tout, il y a une semaine, le gouvernement de ce pays était entre les mains du parti de gauche AKEL qui a accepté et fait passer des lois sans même avoir approuvé la version finale du mémorandum ; et bien sûr, sans jamais avoir reçu le moindre argent du prêt tant vanté. La très grande déception de la population devant le délabrement de la situation financière s’est exprimée lors des dernières élections avec l’arrivée au pouvoir du Rassemblement démocratique DISY.

La socialisation des pertes au détriment des petits épargnants ne doit pas nous surprendre. La logique néolibérale exige l’annulation des acquis sociaux [obtenus par des luttes sociales], la privatisation de la richesse publique et la possibilité qu’à tout moment les compensations pour les pertes du capital soient payées par les travailleurs.

Il a été très vite démontré qu’Anastasiades [le président chypriote] était incapable de tenir ses promesses pré-électorales et de convaincre ses « amis néo-libéraux » en Europe de soutenir les politiques qu’il avait lui-même annoncé. Le soutien [extérieur] qu’Anastasiades avait espéré en faveur des élites locales s’est fracassé contre des intérêts plus puissants, ceux des élites supranationales qui visent à s’approprier la richesse intérieure. Les coupes dans toutes les épargnes étaient une tentative désespérée du gouvernement pour limiter les pertes de capital local dont il représente les intérêts.

Dans la période à venir, l’État aura recours à un certain nombre de stratégies pour tenter d’amortir le choc social : il va mettre en gage les intérêts nationaux et la prospection du gaz naturel ; et pour ceux qui n’achèteront ni l’un ni l’autre, il déploiera une répression brutale au nom de la défense de la loi et de l’ordre.

Comme le montrent les premiers rassemblements contre la projet de loi de couper dans les épargnes bancaires, les réactions proviennent de l’ensemble du spectre politique. En tant de composante d’un espace anti-autoritaire plus large, nous ne pensons pas qu’une autorité politique quelconque soit capable d’administrer nos vies. Nous ne nous identifions pas avec n’importe quel discours anti-mémorandum et nous ne pensons pas qu’il puisse y avoir de solution socialement juste sous le système capitaliste existant.

La crise systémique actuelle est pour nous un champ d’action supplémentaire pour le développement d’un mouvement social visant à son renversement. C’est ainsi que nous allons travailler avec tous ceux qui partagent cette perspective.

Coalition d’irréguliers

Des camarades de l’espace anarchiste/anti-autoritaire

Nicosie, 19 mars 2013

Le texte ci-dessus a été distribué à Nicosie pendant le rassemblement de protestation devant le parlement chypriote.

Original : ici http://syspirosiatakton.org/2013/03/19/
Version anglaise ici http://blog.occupiedlondon.org/2013/03/ ... he-island/

[Traduction OCLibertaire]

(*) NdT : Le titre du texte fait référence à l’expression de l’anglo-américain financier courant "haircut", littéralement "coupe de cheveux" utilisé pour désigner ce que nous nommons "coupes" sans plus de détail, ou "restrictions" ou encore "saisies" . Le terme "haircut" a été repris en grec littéralement (κούρεμα).
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Re: Chypre

Messagede vroum le Mer 3 Avr 2013 11:29

Bas de laine chypriotes

In Le Monde libertaire n°1701 (28 mars-avril 2013)

http://www.monde-libertaire.fr/international/16306-bas-de-laine-chypriotes

Le gouvernement chypriote a envisagé de ponctionner les comptes en banque pour renflouer… les banques. Devant le soulèvement d’indignation provoqué par cette mesure, il y a renoncé – au moins provisoirement. Mais, à cette occasion, c’est tout un petit mécanisme de la mondialisation financière et impérialiste qui a été mis au jour.

Image

Chypre est une jolie petite île. La France est un vilain grand pays. Le PIB de Chypre tourne autour des 17 milliards d’euros ; celui de la France autour de 1 800 milliards d’euros. C’est 100 fois plus. Chypre abrite un tout petit million d’habitants, la France, 65 millions. C’est 60 fois plus. Les banques chypriotes hébergent en dépôt 67 milliards d’euros ; celles de l’hexagone, 1 000 milliards. C’est 15 fois plus. Ce qui fait que, sur le papier et grossièrement arrondi, chaque habitant de Chypre, qui produit 14 000 euros par an, se retrouve avec 60 000 euros en banque ; chaque habitant de France, qui produit 28 000 euros par an, en cumule royalement 15 000. C’est quatre fois moins en valeur absolue, et huit fois moins relativement au PIB.

Est-ce à dire que le prolétaire chypriote, appuyé sur de puissants syndicats, bénéficie d’une situation hors norme, exploite même son patron, là où l’exploité français sue la plus-value pour des bourgeois avides et expatriateurs de capitaux ? Pas du tout, la situation est à peu près comparable et même plutôt défavorable à l’insulaire. Le salaire moyen est d’environ 1 000 euros par mois, le salaire minimum dans les 700 euros, le taux de chômage de 12,5 %. Point noir : les cotisations sociales sont ridiculement basses, le salaire différé problématique. Exit donc la thèse du gras Chypriote : il est maigre comme nous, et plus.

C’est plus simple : l’argent rangé à Chypre n’appartient pas aux Chypriotes, et encore moins aux prolétaires. Cet État, membre de l’Union européenne, se trouve être en plus un paradis fiscal. Là où les choses se compliquent, c’est que la masse financière qui transite par l’île est principalement russe (et, dit-on, d’origine souvent plus que douteuse). Si une partie de l’argent « stagne » à Chypre pour bénéficier de conditions bancaires avantageuses, la plupart des fonds ne font que passer, et retourne s’investir en Russie, via des sociétés de droit chypriote à actionnariat russe. On estime que Chypre est devenu le premier investisseur étranger en Russie. Pour les trois premiers mois de 2012, ce sont près de 70 milliards de dollars qui sont retournés dans la mère patrie, après avoir transité dans des comptes sur l’île. Au point qu’on parle souvent de blanchiment… Bien sûr, l’ogre russe n’est pas seul en cause, et l’Europe patronale et hypocrite a bien profité de la mâne. Les financiers britanniques, notamment, y placent aussi leurs billes.

Pour compliquer le tout, Chypre est aussi un enjeu stratégique majeur, située entre le Bosphore (débouché de la mer Noire et accès russe à la Méditerranée) et le canal de Suez (l’une des principales routes commerciales vers l’Asie). Et juste en face de la Syrie, ce qui prends ces temps-ci un relief particulier. On y trouve deux grosses bases militaires britanniques. La Russie rêve d’y installer aussi des soldats.

On comprend donc que, devant la faillite annoncées (mais, précisons-le, comme toujours invérifiable) du système bancaire de l’île, devant la réticence manifeste de l’Union européenne à financer la mafia russe en payant la somme relativement modeste exigée, devant l’amicale pression des commanditaires extraordinairement puissants que sont la Russie et la Grande-Bretagne, devant tout cela, on comprend donc que le gouvernement de Chypre (avec la sympathie de toutes les parties en présence) ait imaginé une solution qui consiste à faire payer les pauvres : austérité, privatisations et ce fameux prélèvement sur les comptes en banque, qui a mis le feu aux poudres.

On est en droit de supposer, aussi, que l’opération n’est pas seulement financière. On peut imaginer que – en échange de l’aide de 10 milliards d’euros promise – ce gouvernement acculé a accepté de lancer un ballon d’essai au profit de l’UE, pour tester la réaction des peuples face à une mesure envisagée comme un recours d’urgence partout où la crise sévit. Quitte à essuyer les plâtres dans son propre pays.

Moïse Cailloux
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